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This article documents the development and validation of a multidimensional superstition scale (MSS). Superstition is conceptualized as a three dimension personality trait: belief in culturally shared superstitions, superstitious pessimism and magical thinking rituals. We carried out three exploratory studies and three quantitative data collections (n=889) in order to propose a reliable and valid scale whose effects on several consumption contexts have been demonstrated. [PUB ABSTRACT]
Résumé
Cet article présente le développement et la validation d'une échelle multidimensionnelle de la superstition (EMS). La superstition y est appréhendée comme une variable stable de la personnalité qui comprend trois dimensions distinctes : l'adhésion à des croyances superstitieuses populaires, le pessimisme superstitieux et les rituels de pensée magique propres à chaque individu. Au terme de trois études qualitatives exploratoires et de trois collectes de données (n= 889), nous en proposons une mesure fiable et valide dont les effets sur certaines situations de consommation ont été démontrés.
Mots clés : Superstition - Pensée magique - Pessimisme superstitieux - Échelle de mesure - Comportement du consommateur.
SUPERSTITION : DEFINITION AND MEASURE
Abstract
This article documents the development and validation of a multidimensional superstition scale (MSS). Superstition is conceptualized as a three dimension personality trait: belief in culturally shared superstitions, superstitious pessimism and magical thinking rituals. We carried out three exploratory studies and three quantitative data collections (n=889) in order to propose a reliable and valid scale whose effects on several consumption contexts have been demonstrated.
Key words : Superstition - Magical thinking - Measurement scale - Consumer behavior.
INTRODUCTION
Vous jouez toujours les mêmes chiffres au loto ? Vous êtes réticent à l'idée de prendre un vol ParisNew York un 11 septembre ? Vous faites partie des centaines de milliers de français qui jouent à des jeux de hasard un vendredi 13 ? Ou encore, vous regardez toujours les matchs de foot selon un même rituel pour que ça porte chance à votre équipe ? Si vous avez répondu positivement à l'une de ces questions, vous êtes sans doute quelqu'un de superstitieux. Les comportements superstitieux influencent les comportements des consommateurs. On sait, par exemple, que les consommateurs taïwanais n'hésitent pas à acheter plus cher des produits dont le prix comporte un 8, chiffre porte bonheur dans la culture asiatique (Simmons, Schindler, 2003 ; Ang, 1997). On sait également que les consommateurs superstitieux sont réticents à l'idée d'acheter des produits génétiquement modifiés et sont en général suspicieux à l'égard des nouvelles technologies (Dickerson, Gentry, 1983 ; Mowen, Carlson, 2003). Des recherches montrent qu'en cas de problème avec un achat, les superstitieux sont d'autant plus insatisfaits que le produit possédait des caractéristiques de bon augure (Kramer, Block, 2008). Le rouge étant la couleur de la chance à Taiwan, les consommateurs sont plus insatisfaits d'un riz de mauvaise qualité vendu dans un packaging rouge que d'un riz de mauvaise qualité vendu dans un packaging vert. Tout se passe comme si le caractère porte-bonheur du packaging rouge avait contribué à élever le niveau des attentes.
Malgré ces quelques recherches, on peut déplorer la rareté des travaux sur la superstition dans le champ du marketing, alors que cette variable influence un grand nombre de secteurs d'activités. D'après Kramer et Block (2008), on estime qu'aux États-Unis, entre 800 et 900 millions de dollars sont perdus chaque vendredi 13 en raison d'un nombre élevé de personnes qui refusent de sortir de chez elles ce jour là. Le 7 juillet 2007 (7/7/2007), le nombre de mariages célébrés aux États-Unis a été multiplié par plus de 3 par rapport à un samedi habituel de juillet. Les Jeux Olympiques de Pékin ont été lancés un 8 août 2008 à 8h00 du matin. Il est donc fondamental de connaître les ressorts psychologiques et les manifestations de la superstition pour construire des offres conformes aux superstitions locales. Une étude réalisée en 2009 par TNS auprès d'un échantillon représentatif de 4234 individus en France montre que 58% des gens déclarent ne pas être superstitieux. À côté de cette majorité de sceptiques, on trouve 41% de superstitieux. Ce résultat amène deux commentaires. Le premier est que les superstitieux déclarés représentent tout de même une part non négligeable de la population et que ce résultat justifie à lui seul qu'on s'intéresse à ces individus. Le deuxième commentaire est lié aux limites de la mesure. Dans nos propres investigations auprès d'individus, nous avons constaté que de nombreuses personnes se disent non superstitieuses alors qu'elles ont en réalité au moins une pratique superstitieuse (un objet porte-bonheur, un rituel comme de ne pas marcher sur les lignes du trottoir...). Un examen plus attentif de l'étude TNS Sofres suggère aussi que les mesures habituelles de la superstition (Jahoda, 1969 ; Mowen, Carlson, 2003) ne sont pas adaptées à la société française. Les échelles existantes mesurent la superstition comme l'adhésion à des croyances collectives telles que « le vendredi 13 porte malheur », « croiser un chat noir porte malheur », « passer sous une échelle porte malheur » ou encore « briser un miroir porte malheur ». Si le nombre de paraskevidekatriaphobiques'*) est très important aux États-Unis, c'est un jour comme les autres pour 77% de la population française. De même, croiser un chat noir laisse 90% des répondants indifférents et être treize à table en laisse 82% indifférents. Les pratiques superstitieuses des 41% de français qui se déclaraient superstitieux en 2009 ne semblent pas relever des croyances populaires traditionnelles. Dès lors, une réflexion quant à la nature du construit et à sa mesure s'est imposée à nous. Par ailleurs, il est évident que selon leur culture, les consommateurs ont des expériences superstitieuses bien différentes (Scheibe, Sarbin, 1965 ; Carlson, Mowen et Fang, 2009). Ceci limite d'autant la portée des résultats des recherches sur ce construit au périmètre culturel dans lequel elles ont été conduites (Carlson, Mowen et Fang, 2009). Aucune recherche en marketing en France n'ayant été menée sur le sujet, il nous a paru pertinent de nous y intéresser.
En bref, les mesures de la superstition existantes ne sont pas satisfaisantes car elles sont culturellement ancrées (le plus souvent aux États-Unis) et car elles se proposent d'identifier les consommateurs superstitieux via l'adhésion à des croyances populaires (Jahoda, 1969 ; Wiseman, Watt, 2004). Plus récemment, Carlson et al. (2009) ont tenté de mesurer le trait de superstition au travers d'un réseau nomologique incluant antécédents et conséquences. Ces mêmes auteurs soulignent que le trait de superstition a différentes composantes qu'il serait utile de connaître afin de voir les conséquences de chacune d'elles sur le comportement du consommateur. Ces auteurs appellent donc à poursuivre les investigations sur ce déterminant personnel tant au niveau de sa conceptualisation et de sa mesure que de son impact. Comprendre les éléments constitutifs du trait de superstition dans un contexte français, le définir, le mesurer et voir son impact sur le comportement du consommateur sont les objectifs de cet article.
Dans un premier temps, nous contribuerons à améliorer la définition de la superstition en distinguant ses différentes manifestations. Dans un second temps, nous proposerons et validerons une mesure de la superstition. Les procédures de validation seront l'occasion de montrer l'influence du trait de superstition dans des situations de consommation et de montrer les liens entre la superstition et d'autres variables de la personnalité.
LA SUPERSTITION ET LA PENSÉE MAOIQUE
La superstition consiste à attribuer des effets porte-bonheur ou porte-malheur à des actes, événements, paroles, pensées ou objets, en ignorant les réels mécanismes de cause à effet. Il s'agit donc de la perception erronée qu'il existe un lien de causalité entre deux événements pourtant indépendants (par exemple, porter son médaillon porte-bonheur et réussir son examen de permis de conduire). Cette perception erronée porte un nom : la pensée magique*-**). Pour Skinner (1948) et Wagner et Morris (1987), cette causalité erronée est acquise par conditionnement. La superstition naît d'un lien accidentel entre un comportement et une réponse qui joue le rôle de renforcement (l'obtention d'une récompense ou l'évitement d'une punition). Par exemple, un étudiant constatera que le jour où il a oublié son stylo porte-bonheur, il a raté son examen. Ce lien accidentel le conduira à croire que son stylo l'aide à réussir ses examens et à chaque examen réussi « grâce à son stylo », sa superstition sera renforcée. Pour Keinan (2002), la superstition joue un rôle cognitif en apportant des explications à des événements pour l'heure inexplicables. Certaines superstitions encore actives aujourd'hui sont nées de ce type de processus. Par exemple, les gens du Moyen-Âge croyaient que les corbeaux présageaient une mort prochaine alors que c'est l'odeur de la mort qui attire ces oiseaux et explique leur présence dans les circonstances funestes. De nombreuses superstitions populaires sont ainsi nées de l'ignorance d'explications plus rationnelles. Enfin, pour d'autres auteurs (e.g. Malinowski, 1948 ; Vyse, 1997), les croyances superstitieuses donnent aux individus l'illusion d'exercer un contrôle sur leur environnement. La superstition se manifeste donc davantage dans les situations à fort enjeu et caractérisées par un degré élevé d'incertitude et un faible niveau de contrôle (les compétitions sportives, les jeux d'argent, la santé, etc.). La superstition permet alors de réduire l'anxiété caractéristique de ces situations en donnant l'illusion d'agir sur leur issue.
Les pensées magiques peuvent être très personnelles ou avoir un support social plus large et reposer sur un ensemble de représentations collectives (Malinowski, 1948). Certaines pratiques superstitieuses ont alors une signification socialement partagée et perdurent même si l'origine, ancestrale, est totalement méconnue. Ce sont les croyances populaires avec leur cortège de trèfles à quatre feuilles, pattes de lapin, coccinelles, hululements de chouette, fers à cheval ou ciseaux en croix par exemple. Dès lors, on peut distinguer au moins deux formes de superstitions qui sont, d'une part, les rituels idiosyncrasiques propres à chaque individu et à son histoire (avant de monter dans un avion, untel devra toucher trois fois la calandre de l'appareil de la main droite puis se passer la main gauche dans les cheveux) et, d'autre part, les croyances populaires ancrées culturellement et trouvant leur origine dans l'inconscient collectif. Aucune des mesures existantes de la superstition ne permet de capter ces deux manifestations. L'échelle de Jahoda (1969) ne s'intéresse qu'aux croyances collectives et la récente échelle de Carlson, Möwen et Fang (2009) ne permet pas de distinguer ces deux facettes de la superstition.
LA SUPERSTITION MODERNE, UNE SEMI-CROYANCE
Pensées superstitieuses et rationnelles agissent en tandem et conduisent à la notion de semi-croyance caractéristique de la superstition occidentale du 20*" et 21**" siècle. D'après Campbell (1996), la superstition moderne diffère de la superstition primitive^ par le fait que les superstitieux affirment ne pas croire vraiment aux conséquences positives de leurs rituels mais sont réticents à l'idée d'affirmer ne pas y croire. À des objections de nature rationnelle, le superstitieux ne cherche pas à répondre par la raison. Il répond le plus souvent que « ça ne coûte rien d'essayer », qu'« on ne sait jamais », que « c'est une recette très ancienne, on dit bien qu'elle est absurde, mais. . . ». Bref, tout se passe comme si les capacités d'objection du superstitieux étaient en berne. Ainsi, on ne peut pas dire que le superstitieux moderne croit réellement en l'existence des liens de causalité évoqués ci-dessus. On ne peut pas dire non plus qu'il n'y croie pas du tout. Cette ambivalence entre retrait et adhésion constitue ce que Campbell (1996) appelle la semi-croyance et permet de comprendre en quoi la superstition se distingue de la religion qui trouve ses fondements dans la foi ou de l'astrologie à qui les adeptes prêtent le statut de science. La notion de semi-croyance implique qu'il est préférable de mesurer la superstition au travers d'items relatifs aux comportements (pratiques de rituels superstitieux) plutôt qu'au travers a' items de croyances auxquels les superstitieux ont du mal à répondre puisqu'ils ne peuvent admettre ni y croire, ni ne pas y croire.
TOUS SUPERSTITIEUX ?
Contrairement à l'apparence rationnelle d'une société moderne dominée par la science et la technologie, la superstition prospère comme un remède à l'incertitude. Pour autant, sommes-nous tous superstitieux ? L'expérience superstitieuse a pour origine la pensée magique, une forme de pensée caractéristique de l'enfance (Piaget, 1947) et qui se traduit par la toute puissance de la pensée. Le jeune enfant n'a pas encore pris conscience de la différence entre lui et le reste du monde. Ceci le conduit à une confusion entre sa conscience interne et la réalité externe et l'amène à attribuer aux associations mentales le pouvoir de causer des effets matériels. La pensée magique perdure dans certaines circonstances chez la plupart des adultes, même chez ceux dotés d'une grande intelligence scientifique (Boy et Michelat, 1986). Pensée magique et pensée rationnelle coexistent chez l'homme de telle sorte que la superstition serait dans la nature de l'homme. Si presque tout le monde a recours à la pensée magique, tout le monde ne le fait pas à la même fréquence. Développée à l'extrême, la pensée magique peut conduire aux désordres mentaux (Fishbein, 1930 ; Eckblad et Chapman, 1983 ; Epstein, 1991 ; Epstein et Meier, 1989), à l'instar des personnes souffrant de TOC (troubles obsessionnels compulsifs). Dans cette forme pathologique de pensée magique (de par sa fréquence et la perte de liberté qu'elle entraîne), les individus sont prisonniers de leurs croyances selon lesquelles certains rituels (se laver les mains par exemple) leur permettent d'éviter un événement nocif (la contamination ou la maladie). À l'autre extrême, ne jamais utiliser la pensée magique peut aussi révéler un désordre mental. D'après Peter Brugger, chef du département de neuropsychologie à l'Université de Zurich^, l'absence de pensée magique révèle l'inaptitude à expérimenter du plaisir et peut mener à la dépression. Brugger affirme aussi que la pensée magique accroît la créativité et diminue l'anxiété inhérente aux situations incontrôlables.
Entre ces deux extrêmes, on trouve des gens plus ou moins superstitieux. Quelques recherches se sont intéressées aux différences individuelles face à la superstition. Carlson et al. (2009) ont ainsi montré que les superstitieux ont un faible besoin d'apprentissage. Keinan (1994) montre qu'en situation de stress, les personnes intolérantes à l'ambiguïté, utilisent davantage de pensée magique que les personnes tolérantes à l'ambiguïté. Jahoda (1969) montre que la superstition est positivement corrélée au neuroticisme et que les personnes au locus de contrôle interne sont moins superstitieuses que les externes qui ont tendance à croire que les événements sont dus au hasard ou à des causes incontrôlables autrement que par la pensée. Ces recherches, bien qu'encore peu nombreuses, nous amènent à considérer la superstition comme un trait de personnalité à l'instar de Mowen et Carlson (2003).
En résumé, la littérature nous a montré que la superstition peut se manifester de façon personnelle ou relever de croyances populaires. La superstition se caractérise par un raisonnement que l'on appelle pensée magique et qui touche tout le monde à des degrés divers. Ceci nous amènera à concevoir la superstition comme une variable individuelle stable de la personnalité. À la différence de la religion ou de l'astrologie, la superstition n'est pas une vraie croyance : elle est une ambivalence entre croyance et non-croyance. Ceci implique qu'une bonne mesure de la superstition doit porter sur des pratiques et non pas sur des croyances. Concrètement, cela signifie par exemple que la formulation -j'évite d'être 13 à table - doit être préférée à la formulation « être 13 à table porte malheur».
ÉTUDE 1 : DEVELOPPEMENT D'UN INSTRUMENT DE MESURE
Pour développer l'échelle de superstition, nous nous sommes appuyés sur la théorie classique des scores (Spearman, 1907 ; Gulliksen, 1950 ; Magnussen, 1967 ; Churchill, 1979).
Définition du domaine du construit et choix dos ffems de l'échelle
Dans le but d'améliorer notre compréhension des mécanismes de la superstition et d'obtenir un panorama des pratiques superstitieuses en France nous avons conduit trois types d'études exploratoires complémentaires. Dans un premier temps, nous avons demandé à 52 étudiants de premier cycle de décrire par écrit leurs pratiques destinées à attirer la chance ou éloigner la malchance, et d'expliquer en quelles circonstances ces pratiques étaient utilisées. L'objectif de cette première méthode était de recueillir un grand nombre de pratiques superstitieuses pour délimiter le contour de la superstition et en connaître les modalités. Pour pallier la non représentativité du premier échantillon et tenter de comprendre les mécanismes psychologiques en jeu, nous avons mené dix entretiens semi-directifs individuels d'une durée approximative d'une heure avec cinq hommes et cinq femmes d'origine française et identifiés comme étant superstitieux par leur entourage. Enfin, parallèlement à ces entretiens individuels, une analyse de 111 posts repérés sur auféminin.com, doctissimo.com et skyrock.fr a été réalisée. Une analyse thématique a été menée sur ce corpus (Paillé et Mucchielli, 2005). Celle-ci a permis de repérer les expériences superstitieuses des individus en les répartissant dans des catégories conceptuelles issues de la littérature, à l'exception d'une catégorie nouvelle qui a émergé au cours de ces entretiens (les thèmes illustrés de verbatims et de posts figurent en annexe 1). Comme attendu par la littérature, les expériences superstitieuses peuvent se manifester soit par l'adhésion à des croyances superstitieuses populaires (« fai pour principe d'éviter les problèmes et de ne pas mettre un chapeau sur le lit, ouvrir un parapluie dans la maison, passer sous une échelle... et plein d'autres choses comme ça. Ça ne coûte rien de le faire et moi ça me rassure »), soit par des rituels idiosyncrasiques de pensée magique (« Lorsque je regarde un match de foot de VOL, je mets un Teeshirt spécial qui porte chance, et tant qu 'on gagne, je ne le lave pas pour que ça continue de nous faire gagner »)· La troisième catégorie qui a émergé de nos études exploratoires est celle du pessimisme superstitieux à savoir le fait de croire qu'être trop optimiste quant à l'issue des événements peut attirer le malheur (« J'ai bien réussi mon examen, mais je dis à tout le monde que j'ai raté parce que j'ai l'impression que si je dis que j'ai réussi, j'aurai finalement une mauvaise note -)· Le pessimisme superstitieux n'a jamais fait l'objet d'une intégration dans le concept de superstition, alors même qu'il en relève de façon évidente. Cette forme de pensée magique qui consiste à penser qu'imaginer une issue négative aux événements permet de s'en prémunir est particulièrement pertinente pour améliorer la compréhension du construit de superstition.
En définitive, à l'issue de la lecture de la littérature et de nos études exploratoires, nous proposons de définir le trait de superstition comme une variable stable de la personnalité qui consiste à penser, sans nécessairement y croire réellement, que certains événements, paroles, pensées, objets ou actes sont susceptibles de porter chance ou d'attirer la malchance. Les superstitions peuvent se manifester sous trois formes qui sont 1) l'adhésion à des croyances superstitieuses culturellement partagées ; 2) la pratique de rituels idiosyncrasiques de pensée magique et 3) le recours au pessimisme superstitieux qui consiste à imaginer le pire pour éviter qu'il n'advienne.
Le matériau qualitatif fut un formidable réservoir d'items dans lequel nous avons puisé pour rédiger une liste de 45 items. Ces items ont été formulés pour mesurer la pratique superstitieuse et non pas la croyance : il est difficile pour le superstitieux de déclarer croire en sa superstition, de même qu'il lui est difficile de dire ne pas y croire. Une première série d'enquêtes auprès de deux échantillons d'étudiants (n=119) et d'adultes (n=215) (Guillard, Delacroix, 2009) nous l'a confirmé. Ces premières études nous ont conduits à réduire la liste initiale d'items en les formulant à un niveau d'abstraction supérieur. En effet, pour pallier l'hétérogénéité des croyances et des pratiques superstitieuses constatée lors de ces premières collectes de données et aboutir à des items discriminants, des reformulations nous ont paru indispensables. Concrètement, cela signifie que plutôt que d'avoir plusieurs items spécifiques (« j'évite d'ouvrir un parapluie dans une pièce fermée », « j'évite de passer sous une échelle -, -j'évite d'être treize à table ») ne recueillant chacun que peu de variance dans les réponses (due à une écrasante majorité de réponses « pas du tout d'accord »), nous avons privilégié des formules plus générales telles que * si je peux, j'évite défaire certaines choses de peur que ça me porte la poisse (passer sous une échelle, ouvrir un parapluie dans une pièce fermée, être treize à table par exemple) ». Enfin, avant d'administrer les items à grande échelle, nous les avons prétestés auprès de quinze chercheurs en marketing, ce qui nous a conduit là encore à en reformuler certains.
Épuration de l'échelle multidimensionnelle de superstition IEMS)
Une première collecte de données a été effectuée auprès d'un échantillon de 197 étudiants en sciences de gestion. Nous avons opté pour un format de réponse de type Likert en sept échelons suivant ainsi les recommandations de Cox (1980). Une analyse factorielle exploratoire de type ACP a été réalisée et trois facteurs dont la valeur propre est supérieure à l'unité ont été extraits. La structure factorielle explique 61% de la variance. Les facteurs obtenus correspondent aux dimensions attendues, à savoir 1) l'adhésion à des superstitions partagées culturellement ; 2) la pratique de rituels superstitieux idiosyncrasiques et 3) le pessimisme superstitieux. À l'exception d'un item mal représenté sur la structure factorielle (T item « Lorsque l'occasion se présente, il m'arrive de faire des choses connues pour porter chance (lancer du riz sur les mariés, croiser les doigts par exemple) »), les contributions des items aux facteurs sont satisfaisantes (tableau 1). Certains items ont des communautés médiocres. Néanmoins, à ce stade de la recherche et compte tenu de la nonreprésentativité de l'échantillon, nous avons préféré ne pas prendre de solution drastique et conserver tous les items.
Une seconde collecte de données a été réalisée dans le but de s'assurer de la structure factorielle en trois dimensions auprès d'un échantillon davantage représentatif. Les items de superstition ont été administrés en ligne à un panel de 300 internautes respectant les quotas de la population française sur des critères d'âge, de sexe et de CSP. Le questionnaire comprenait également des items visant à mettre en évidence la validité de l'échelle. Une analyse factorielle sur les données obtenues a permis d'extraire à nouveau trois dimensions dont la valeur propre était supérieure à l'unité et expliquant 66% de la variance. L'item « s/ c'est possible, j'évite certains chiffres, dates, lieux etc. qui me portent malheur » a été écarté du fait d'une mauvaise qualité de représentation (inférieure à 0,5) qui s'explique principalement par le mélange des genres entre les chiffres, les dates et les lieux porte-malheur. Il faut noter que cet item avait déjà une faible communalité lors de la première collecte de données sur des étudiants. Tous les autres items ont été conservés, malgré une saturation sur 2 dimensions pour V item - Si je peux, j'évite de faire certaines choses de peur que ça me porte la poisse (passer sous une échelle, ouvrir un parapluie dans une pièce fermée, être treize à table par exemple) » qui nous parait pourtant important pour une mesure complète du construit. Une analyse factorielle de type ACP a été à nouveau réalisée sur les 14 items restants. La matrice des types indique que toutes les contributions sont désormais satisfaisantes (>0,5) et que les dimensions - croyances superstitieuses populaires » (CSP), « pessimisme superstitieux » (PS) et « rituels superstitieux idiosyncrasiques (RSI) » expliquent respectivement 45%, 12% et 9% de la variance. La structure factorielle est présentée dans le tableau 2. La cohérence interne de chacune des dimensions est satisfaisante avec des alphas de Cronbach supérieurs à 0,8.
Confirmation de l'échelle rnultidimensionnelle de superstition (EMS)
Afin de confirmer la structure factorielle obtenue sur les deux premiers échantillons, une troisième collecte a été effectuée auprès d'un nouvel échantillon de 392 individus représentatifs de la population française sur des critères d'âge, de sexe et de CSP. Le questionnaire était administré en ligne. Il comprenait, en plus de l'échelle rnultidimensionnelle de superstition (EMS), des items destinés à mesurer la validité de celle-ci. Une analyse en composantes principales a été effectuée sur les 14 items de l'échelle de superstition et la structure factorielle a pu être répliquée. Les trois facteurs obtenus expliquent 68% de la variance et tous les items sont correctement représentés sur la structure factorielle. Les alphas de Cronbach calculés pour chaque dimension indiquent que celles-ci forment des dimensions homogènes. La structure factorielle obtenue est présentée dans le tableau 3·
Les corrélations obtenues entre les 3 dimensions de la superstition sont élevées (elles varient entre 0,3 et 0,6). Ces corrélations élevées laissent penser à la présence d'un construit d'ordre supérieur : le trait général de superstition. Elles s'expliquent par le fait que les trois manifestations de la superstition relèvent toutes du même type de raisonnement, la pensée magique. Toutefois, afin de vérifier la supériorité d'une approche rnultidimensionnelle versus une approche unidimensionnelle, nous avons comparé sous AMOS un modèle unidimensionnel de la superstition avec notre modèle en trois dimensions. Les modèles testés sont représentés dans les figures IA et IB. Les paramètres du modèle ont été estimés par la méthode du maximum de vraisemblance. L'analyse indique que les données sont mieux représentées par un modèle en trois dimensions que par un modèle unidimensionnel. Les paramètres estimés des modèles retenu et concurrent sont présentés dans le tableau 4. Ces résultats confirment à la fois la présence d'une variable latente commune aux trois dimensions (le construit général de superstition) et la pertinence d'une approche rnultidimensionnelle de ce construit.
L'échelle définitive comprend 14 items et est présentée, avec ses caractéristiques, dans les tableaux 5 et 6. On constate une bonne stabilité de la structure factorielle et des scores obtenus entre les trois échantillons de la recherche.
ÉTUDE 2 : VALIDATION DE L'ÉCHELLE MULTIDIMENSIONNELLE DE SUPERSTITION (EMSI
L'examen de la validité de l'échelle permet de montrer que celle-ci mesure bien le construit étudié et que l'échelle se comporte comme elle le devrait au regard d'hypothèses issues de la littérature. Nous examinerons dans un premier temps la validité de construit de l'échelle de superstition. Dans un second temps, nous étudierons sa validité nomologique.
Examen de la validité de construit de l'EMS
Pour tester la validité de construit de l'EMS, nous avons réalisé trois types de tests : le test de la stabilité du construit au sein d'une population (fiabilité test-retest), le test de sa validité convergente par rapport à des échelles alternatives et le test de sa validité convergente et discriminante avec la méthode préconisée par Fornell et Larcker (1981) reposant sur les équations structurelles.
Étude de la stabilite du construit de superstition : fiabilité test-retest
Pour montrer que l'échelle de superstition mesure un trait stable de la personnalité, nous l'avons testée sur un échantillon d'étudiants à deux semaines d'intervalle (N=83 sur un échantillon initial de 132 lors du test ; 57% de femmes ; âge moyen : 24 ans). Nous nous sommes assurés que les répondants étaient les mêmes entre les deux collectes en leur demandant leurs dates de naissance, chiffres et couleurs préférés. Le coefficient de corrélation entre le test et le retest est très satisfaisant (r = 0,93). Ceci montre bien que nous capturons ici un déterminant stable de la personnalité.
Étude de la validité convergente de l'EMS
Pour tester la validité convergente de l'échelle, nous avons traduit deux échelles existantes de superstition. L'échelle de Jahoda (1969) mesure l'adhésion à des croyances superstitieuses populaires. Elle comprend trois items qui forment une unique dimension expliquant 70% de la variance (alpha = 0,78). L'échelle de Carlson et al. (2009) est une mesure générale de la superstition en sept items. Une ACP confirme que ces items forment une unique dimension expliquant 68% de la variance (alpha = 0,9D- Les items des deux échelles utilisées pour tester la validité convergente de l'échelle de superstition sont disponibles en annexe 2. L'analyse des corrélations partielles entre les scores obtenus sur chacune des dimensions de l'échelle de superstition et les scores obtenus aux échelles de Jahoda (1969), et Carlson et al. (2009) donne des résultats satisfaisants. Comme attendu, l'échelle de Jahoda (1969) est fortement corrélée à la dimension « croyances superstitieuses populaires » de notre échelle de superstition (r=0,527 ; p<0,001). En revanche, l'échelle de Jahoda n'est que modérément voire pas du tout corrélée aux autres dimensions de notre échelle (r=0,151 ; p<0,05 pour la dimension - pessimisme superstitieux · et r=-0,023 ; ns pour la dimension « rituels superstitieux idiosyncrasiques »)* L'échelle de Carlson et al. (2009) est quant à elle corrélée signifïcativement aux trois dimensions de l'échelle (les coefficients de corrélation partielle sont respectivement de 0,549, 0,144 et 0,380 ; p<0,05). On constate que l'échelle de Carlson et al. (2009) est davantage corrélée aux dimensions - croyances superstitieuses populaires » et « rituels idiosyncrasiques ». Ceci parait cohérent au regard des items qui forment cette échelle. Ces résultats d'analyse de validité convergente sont satisfaisants car ils permettent de montrer que l'échelle multidimensionnelle de superstition (EMS) est corrélée positivement et signifïcativement à des mesures alternatives.
Étude de la validité convergente et discriminante de l'échelle multidimensionnelle de superstition (EMS) par la méthode de Fornell et Larcker (1981)
L'approche de Fornell et Larcker (1981) compare le pourcentage de variance qu'une variable latente (la dimension « croyances superstitieuses populaires ») partage avec ses items au pourcentage de variance qu'elle partage avec d'autres variables latentes (la dimension « pessimisme superstitieux » par exemple). Lorsque la variable latente (pvc) partage plus de 50% de sa variance avec ses items de mesure, on conclut à la validité convergente de la mesure. Lorsque le pourcentage de variance commune entre les trois variables latentes est inférieur au pourcentage de variance commune entre la variable latente et ses mesures (pvc), on conclut à la validité discriminante de la mesure. Le tableau 7 donne les coefficients de validité convergente et discriminante pour les deux principaux échantillons de notre recherche (n= 300 et n=392).
Sur les deux collectes, les coefficients de fiabilité de Fornell et Larcker (1981) sont supérieurs à 0,5 pour les trois dimensions de l'échelle. Ceci témoigne d'une bonne validité convergente. Par ailleurs, la variance partagée entre chacune des dimensions et leurs mesures est toujours supérieure à la variance partagée avec les autres facteurs. Ceci reflète une bonne validité discriminante et confirme à nouveau la pertinence d'une mesure en trois dimensions de la superstition.
Examen de la validité nomologique de l'échelle multidimensionnelle de la superstition
L'objectif des tests de validité nomologique est de vérifier que l'échelle se comporte bien « comme elle le devrait · au regard de la théorie. Pour ce faire, nous avons testé deux groupes d'hypothèses : des hypothèses relatives aux manifestations de la superstition dans des contextes variés et spécifiques à chacune des dimensions de l'échelle et des hypothèses relatives aux liens entre superstition et trois variables de la personnalité.
Test de la validité nomologique : les conséquences de la superstition
Le questionnaire administré aux 300 panélistes comprenait 12 situations'1^ issues de nos entretiens qualitatifs et décrivant des contextes dans lesquels la superstition avait eu un impact. Ces situations sont présentées dans l'annexe 3. Un premier test de validité nomologique de l'échelle de superstition a été de vérifier que les individus identifiés comme superstitieux grâce à notre échelle donnaient davantage de réponses superstitieuses aux différentes situations que les individus non superstitieux. Quatre groupes ont été crés sur la base des quartiles de la distribution du score global de superstition obtenu sur l'ensemble des items de l'échelle. Par ailleurs, pour chacune des 12 situations proposées, un recodage a été effectué de telle sorte que lorsque la réponse donnée était la réponse superstitieuse, la variable était codée 1. La variable était codée zéro dans le cas contraire. Le nombre de réponses superstitieuses (sur 12) était obtenu en sommant les réponses ainsi recodées. Le nombre moyen de réponses superstitieuses était de 5,26 sur 12. Une analyse de variance (ANOVA) a ensuite montré que le nombre de réponses superstitieuses était bien plus élevé chez les individus identifiés comme étant superstitieux (6,5 réponses superstitieuses) que chez les non superstitieux (3,5 réponses superstitieuses ; F(3, 317) = 26,738 ; p<0,0001).
Une analyse plus détaillée, scénario par scénario, permet en outre de montrer la pertinence d'une approche multidimensionnelle par rapport à une approche unidimensionnelle de la superstition.
Nous nous attendions à ce que la dimension « croyances superstitieuses populaires » soit davantage corrélée avec le fait de bien aimer fêter Halloween, de bien aimer lire son horoscope, de jouer aux jeux de hasard et d'éviter de se marier un vendredi 13. L'analyse des corrélations partielles confirme que seule cette dimension est corrélée significativement à la fête d'Halloween (0,14 ; p<0,05), à la lecture de l'horoscope (r=0,3 ; p<0,001) et à la pratique des jeux de hasard (r=0,17 ; p<0,005). Par ailleurs, 13% des personnes ayant un score élevé sur la dimension « croyances superstitieuses populaires » éviteraient de se marier un vendredi 13 contre seulement 2,7% des personnes ayant un faible score sur cette dimension (Khi2(3) = 7,976 ; p<0,05). Les autres dimensions de la superstition n'influencent pas la décision de se marier un vendredi 13.
Pour la dimension « pessimisme superstitieux ·, nous nous attendions à un lien avec la réticence à acheter des vêtements pour bébé avant la naissance de celui-ci et le fait de refuser de se faire prendre en photo en tenue de mariage avant la date de celui-ci. 45,3% des personnes ayant un score élevé sur cette dimension (dernier quartile de l'échelle) n'achèteraient pas un vêtement pour leur futur bébé au début de la grossesse, contre 27,5% de ceux ayant un faible score de pessimisme superstitieux (premier quartile de l'échelle) (khi2(18) = 28,848 ; p<0,05). Les différences observées ne sont pas significatives pour les autres dimensions de l'échelle. Le fait d'éviter de se faire photographier en tenue de mariage avant la date de celui-ci implique quant à lui les dimensions - pessimisme superstitieux » et - croyances superstitieuses populaires ». Ceci n'est pas surprenant puisque, d'une part, la tradition populaire veut que le marié ne voit pas sa femme en robe de mariée avant le mariage et que, d'autre part, faire ses photos de mariage avant celui-ci revient d'une certaine façon à se réjouir « trop vite » et dans la logique du pessimiste superstitieux, pourrait porter malheur. On constate donc que 66% des personnes ayant un score élevé sur la dimension des « croyances superstitieuses populaires · contre 25% des personnes ayant un faible score sur ce même facteur refuseraient de se faire photographier avant leur mariage (khi2(3) = 25,849 ; p<0,001). On constate aussi que 73% des personnes ayant un score élevé de pessimisme superstitieux (contre 31% de ceux qui ont un faible score de pessimisme superstitieux) refuseraient également cette possibilité de faire les photos du mariage avant celui-ci (khi2(3) = 31,054 ; p<0,001). Comme attendu, les résultats sont plus mitigés pour la troisième dimension relative aux rituels idiosyncrasiques de superstition et n'atteignent pas le seuil de significativité de 5% (khi2(3) = 7,105 ; p>0,05).
Enfin, en ce qui concerne la dimension « rituels superstitieux idiosyncrasiques - de l'échelle de superstition, nous nous attendions à ce qu'elle soit liée au fait d'adopter un rituel lors d'un match de football (le port d'une couleur porte-bonheur par exemple). Comme attendu, les personnes ayant un score élevé sur cette dimension des rituels superstitieux sont plus nombreuses à porter la couleur porte-bonheur de l'équipe que les personnes ayant un faible score (32% contre 20% ; khi2(3) = 7,9 ; p<0,05). Il faut toutefois noter que la dimension - croyances superstitieuses populaires » influence également les comportements dans cette situation : 21% des personnes ayant un score élevé sur cette dimension choisiraient la couleur verte (couleur porte chance dans notre scénario) contre 15% des personnes ayant un score faible (khi2(3) = 9,93 ; p<0,05). Par contre, la dimension « pessimisme superstitieux » n'influence nullement l'adoption d'un tel comportement (khi2(3) = 5,190 ; ns). Nous nous attendions aussi à ce que la dimension rituels idiosyncrasiques soit la plus fortement liée à des items relatifs à la santé. En effet, la littérature sur la pensée magique montre que celle-ci influence des domaines touchant à la santé (Gosselin et al., 2003) ou les nouvelles technologies (Mowen, Carlson, 2003). Les corrélations partielles montrent en effet que la dimension « rituels idiosyncrasiques » est modérément mais significativement corrélée à certains items liés à la santé et, notamment, à la crainte des ondes (r=0,138 ; p<0,05), à la nécessité de porter une oreillette en téléphonant (r=0,l43 ; p<0,05) et au refus du médicament générique (r=0,221 ; p<0,001). Les autres dimensions ne sont pas significativement corrélées à ces items. Enfin, nos résultats montrent que les personnes ayant un score élevé sur la dimension - rituels superstitieux idiosyncrasiques » seraient 18% (contre 8% chez les personnes ayant un score faible sur ce facteur) à hésiter à faire un test de dépistage de peur que le simple fait de faire le test n'attire la maladie (khi2(2) = 8,281 ; p<0,05). Un tel schéma de pensée se retrouve pour les autres dimensions de l'échelle de superstition, mais les différences observées n'atteignent pas le seuil de significativité (respectivement, khi2(6) = 12,297 ; p>0,05 pour les croyances superstitieuses et khi2(6) = 11,331 ; p>0,05 pour le pessimisme superstitieux). Pour conclure, on peut dire que le fait que les personnes identifiées comme superstitieuses grâce à notre échelle aient donné un plus grand nombre de réponses superstitieuses que les personnes identifiées comme non superstitieuses est un bon indice de la validité nomologique de la mesure. Par ailleurs, cette analyse montre aussi la pertinence d'une échelle multidimensionnelle puisque, selon les contextes, c'est l'une ou l'autre des dimensions de la superstition qui est en jeu. Ces résultats d'analyse de validité nomologique donnent une bonne indication des secteurs d'activité concernés par la superstition : les activités économiques autour d'événements majeurs de la vie (naissance, mariage), la santé, le sport, les pratiques parallèles (astrologie, Halloween) et le secteur des jeux de hasard. Nous constatons que les points communs entre ces secteurs (auxquels il faut ajouter le transport aérien) sont le risque, l'incertitude et l'importance des enjeux, ce qui est cohérent avec la littérature (Malinowski, 1948 ; Vyse, 1997).
Test de la validité nomologique :. liens entre la superstition et des variables de la personnalité
La littérature sur la superstition nous a permis de tester les hypothèses suivantes. La superstition serait positivement corrélée au fait de croire que les événements de la vie ne sont pas contrôlables (locus de contrôle externe). La superstition serait une réponse à l'incertitude et concernerait donc particulièrement les gens ayant une forte intolérance à l'incertitude. Enfin, la superstition est une manifestation d'anxiété et devrait donc être positivement liée au neuroticisme. Des mesures de locus de contrôle (Rotter, 1966), d'intolérance à l'incertitude (Dugas, Freeston et Ladouceur, 1997) et de neuroticisme (Plaisant et al., 2009) ont été collectées lors de notre troisième collecte de données (n=392). Des versions françaises de ces échelles étaient disponibles et les résultats montrent que les structures factorielles de ces différentes échelles sont respectées. Les items de ces échelles sont disponibles dans l'annexe 2. Nous avons donc calculé pour chacune d'entre elles un score global que nous avons corrélé avec le score global de notre échelle de superstition et avec les scores obtenus sur chacune des dimensions de l'EMS. Toutes les corrélations obtenues sont significatives. L'intolérance à l'incertitude et la superstition sont positivement liées (r=0,557 ; p<0,001). Ce résultat confirme les théories selon lesquelles la superstition est une réponse à l'incertitude (Vyse, 1997). Par ailleurs, le locus de contrôle externe est, lui aussi, fortement corrélé à la superstition (r=0,571 ; p<0,001). À nouveau, ce résultat confirme la théorie selon laquelle la superstition apparaît dans les situations à fort enjeu que l'on pense ne pas pouvoir influencer par des actions qui permettraient d'augmenter les chances d'une issue positive Qahoda, 1969). Enfin, la superstition est une manifestation d'anxiété Qahoda, 1969) qui se traduit naturellement par des scores élevés de neuroticisme (r=0,355 ; p<0,001).
DISCUSSION, LIMITES ET VOIES DE RECHERCHE
Notre mesure de la superstition présente des qualités psychométriques satisfaisantes. Nos analyses montrent que l'échelle présente 1) une structure en trois dimensions quel que soit l'échantillon ; 2) des scores stables dans le temps au sein d'une même population (test-retest) ; 3) une bonne cohérence interne (alpha de Cronbach et Rhô de Joreskog satisfaisants). L'échelle a également montré une bonne validité convergente et discriminante. Enfin, notre échelle présente une validité nomologique satisfaisante puisqu'une grande majorité des hypothèses testées issues de la littérature a été validée. La dimension - croyances superstitieuses populaires » est liée à des pratiques culturellement partagées telles que certains rites autour du mariage, ou encore la pratique de l'astrologie et de la fête d'Halloween. La dimension « pessimisme superstitieux » est liée au fait de ne pas acheter de vêtements de bébé avant la naissance de celui-ci. Enfin, la dimension « rituels idiosyncrasiques » influence différents domaines tels que le sport ou la santé. Par ailleurs, nous avons montré que la superstition était corrélée au locus de contrôle externe, à l'intolérance à l'incertitude et au neuroticisme.
D'un point de vue théorique, cet article contribue à enrichir les travaux qui se sont intéressés à la superstition du consommateur (Kramer, Block, 2008 ; Mowen, Carlson, 2003 ; Carlson et al., 2009)· Ces travaux souffraient en effet d'un manque de définition du construit et, par voie de conséquence, d'un manque d'une mesure fiable qui embrassait l'ensemble des manifestations de la superstition (Carlson et al. 2009). Une des dimensions identifiées, le pessimisme superstitieux, constitue une réelle contribution dans la mesure où il n'avait jamais été intégré au construit de superstition. Nous avons relevé dans la littérature en psychologie un concept proche : le pessimisme défensif (Gosselin et al., 2003 ; Sanna, 1996). D'après ce construit, le pessimisme sert différentes fonctions : une fonction motivationnelle (J'imagine le pire pour trouver la force d'agir et de me prémunir grâce à mes actes d'une situation défavorable), une fonction émotionnelle (J'imagine le pire pour mieux m'y préparer en cas d'échec) et une fonction magique (J'imagine le pire car mes inquiétudes permettent de repousser le malheur). Une étude plus approfondie des liens entre pessimisme défensif et pessimisme superstitieux parait prometteuse pour améliorer la compréhension des deux construits.
D'un point de vue méthodologique, cette recherche et les différentes collectes de données effectuées ont permis de bien comprendre que le développement d'un instrument de mesure valide ne pouvait se faire qu'à la condition d'avoir un degré d'abstraction suffisamment large pour englober toutes les superstitions locales et souvent loufoques. Nous avons trouvé une solution qui palliait ce problème en ayant recours à des énoncés plus généraux (par exemple, « j'ai des objets porte-bonheur (chiffres, dates, objets matériels. . . ) » ce qui remet en cause le contenu des échelles existantes (Jahoda, 1969) circonscrites, certes à une culture (États-Unis), mais surtout à un échantillon particulier.
D'un point de vue managerial, cet article fournit au marketeur et aux entreprises un outil fiable et valide du trait de superstition. Ces dernières pourront l'administrer à leurs clients afin de ne pas organiser des événements contraires à leurs superstitions. On peut donner ici l'exemple de l'entreprise DPAM (Du Pareil Au Même) qui cherchait un outil, assis sur une base conceptuelle solide, pour sélectionner des clientes qui seraient susceptibles de pratiquer le Baby Showen1*) et celles qui rechigneraient à le faire. Nous avons vu que le trait de superstition (du moins la dimension pessimisme superstitieux) pouvait expliquer ce refus puisque les client(e)s qui le manifestent n'achèteraient probablement pas de vêtements de bébé avant la naissance. L'instrument développé et les résultats de cette recherche devraient intéresser des entreprises appartenant à différents secteurs d'activité tels que le transport, les jeux, la santé, ceux qui gravitent autour d'événements majeurs de la vie (mariage, naissance) et, d'une façon générale, les secteurs d'activité pour lesquels le risque est élevé, l'incertitude est forte et le contrôle sur l'issue est faible. À ce titre, on peut noter qu'une voie de recherche prometteuse concerne les secteurs de l'assurance, des placements financiers et des pompes funèbres.
En dépit du soin apporté à chacune des phases de la recherche, il n'en demeure pas moins que certaines limites méritent d'être soulignées.
Une première limite vient de nos échantillons. Le premier échantillon est constitué d'étudiants, ce qui est une limite évidente, surtout pour un construit tel que la superstition. Il faut toutefois préciser que sur les deux échantillons d'adultes, l'âge n'avait aucune influence sur la superstition, ce qui atténue quelque peu cette limite. Par ailleurs, les deux échantillons d'adultes étaient représentatifs sur la base de l'âge, du sexe et de la CSP. Les répondants provenaient également de différentes régions françaises. Nous n'avons néanmoins pas d'indication sur leurs origines culturelles et religieuses. Il est bien entendu évident que ces aspects influencent les réponses. Dans une prochaine étape, nous souhaiterions valider la mesure sur des échantillons plus larges, plus représentatifs tant au niveau national qu'international.
Une seconde limite provient de la démarche de validation de l'échelle. Même si nous pensons que suffisamment d'éléments permettent de conclure à la validité de l'échelle multidimensionnelle de superstition, des analyses complémentaires auraient pu être menées. D'une part, il aurait été intéressant de tester la validité convergente de la dimension « pessimisme superstitieux » avec une mesure alternative. D'autre part, des tests corrélationnels de validité discriminante auraient permis de compléter l'analyse. Avec ces éléments, nous aurions pu proposer une matrice MTMM (Campbell, Fiske, 1959), qui reste une référence des analyses de validité de construit.
Une troisième limite est liée au caractère incomplet du profil psychologique des superstitieux. Nous avons testé les liens entre superstition et trois variables de la personnalité qui sont le locus de contrôle externe, l'intolérance à l'égard de l'incertitude et le neuroticisme. Une voie de recherche prometteuse serait de compléter ces analyses avec d'autres variables de la personnalité telles que l'intolérance à l'ambiguïté, le besoin de contrôle, le mysticisme et le besoin de croire.
Dès lors que nous disposons d'une mesure fiable et valide de la superstition, nous pouvons envisager de développer et tester un modèle général de superstition du consommateur. Ce projet constitue une voie de recherche majeure puisque, au-delà du trait de superstition, il convient d'étudier les effets des caractéristiques superstitieuses des situations (par exemple la présence d'un trèfle à 4 feuilles sur un packaging) et de leurs interactions avec le trait de superstition sur plusieurs variables dépendantes : 1) la préférence pour l'option qui respecte la superstition ; 2) le degré de satisfaction du produit ou du service ; 3) l'intensité éventuelle du regret. En effet, d'après la recherche de Kramer et Block (2008), le choix pour une option porte-bonheur contribuerait à élever le niveau des attentes et à accroître en conséquence l'insatisfaction en cas d'échec. La recherche de Kramer et Block ayant porté sur un échantillon de taiwanais nous semble devoir faire l'objet d'une replication dans un contexte culturel occidental. Par ailleurs, s'interroger sur les caractéristiques individuelles (trait de superstition) et situationnelles (degré d'incertitude, de risque et de contrôle) qui favorisent l'apparition d'un tel phénomène nous semble constituer un prolongement majeur de notre recherche. Au-delà du niveau de satisfaction, les liens entre superstition et anticipation du niveau de regret méritent d'être explorés. Comme le soulignent Kahneman et Miller (1986), le respect des superstitions sert un objectif émotionnel. Certaines personnes respectent les superstitions, non pas par croyance, mais parce qu'elles anticipent que le regret éprouvé en cas d'échec sera moins élevé que si elles n'avaient pas respecté la superstition en jeu. Ainsi, le choix d'une option porte-bonheur (par exemple jouer ses chiffres porte-bonheur au loto) entraîne, en cas d'échec, une insatisfaction plus élevée mais un regret moins intense. Le test d'un modèle général de superstition en marketing nous semble prometteur.
CONCLUSION
Cette recherche a permis de clarifier le construit de superstition, de le définir et de le préciser en montrant qu'il comprend trois facettes corrélées mais distinctes qui sont l'adhésion à des croyances superstitieuses populaires, le pessimisme superstitieux et la pratique de rituels superstitieux idiosyncrasiques. Grâce à notre outil de mesure, il est désormais possible de distinguer les individus sur la base de ces trois facettes de la superstition. L'intérêt d'un construit et de sa mesure réside dans l'usage qui peut en être fait par les praticiens du marketing. Si notre échelle comprenant 14 items peut paraître relativement longue pour remplir un tel objectif, il convient d'en préciser les deux principaux atouts : 1) utilisée dans son ensemble, elle permet une compréhension plus fine des différentes manifestations de superstition et 2) chacune des dimensions peut être utilisée de façon isolée selon les objectifs recherchés par le praticien. Ainsi, le caractère opérationnel de l'échelle est avéré puisque aucune des dimensions ne comporte plus de 6 items.
Notre recherche a également permis de montrer l'intérêt de l'échelle de la superstition en marketing puisque chacune des facettes de la superstition influence des décisions de consommation dans différents secteurs d'activité. Les résultats de cette recherche, et ses prolongements, devraient pouvoir permettre aux praticiens du marketing de construire des offres qui respectent les formes modernes de superstition. Cela concerne bien sûr le choix des caractéristiques des produits (par exemple la présence d'un écusson ou d'un nom porte-bonheur), mais aussi et surtout les opérations commerciales et publicitaires. Au-delà des fêtes d'Halloween ou de l'opportunité de lancer la mode des - baby showers », n'y a-t-il pas de la place pour des opérations commerciales à des dates porte-bonheur (à l'instar du 07/07/2007 ou du 08/08/2008) ? Certains secteurs non marchands sont aussi concernés par la superstition. C'est le cas du secteur de la santé. Nous avons montré que 18% des superstitieux n'iraient pas faire de test de dépistage de crainte d'attirer ainsi la maladie. Ce résultat mérite d'être pris en compte dans les campagnes de prévention. Les messages de prévention s'appuyant sur des arguments rationnels risquent fort de ne pas convaincre cette partie non négligeable de la population, voire même encourager à ne pas faire les tests de dépistage si le message est trop anxiogène.
(3)
Les phobiques du vendredi 13.
(4)
La pensée magique s'oppose à la pensée mystique dont la matière première est la croyance en un destin ou en une force supérieure qui guiderait nos vies d'Humains. Dans cet article, nous limitons la superstition aux croyances magiques, ce qui nous permet de la distinguer de la religion, de l'astrologie ou autres formes de mysticisme.
(5)
La superstition primitive qualifie les individus qui, par ignorance, croyaient en l'existence d'un lien entre deux phénomènes qui n'avaient rien à voir.
(6)
Cité dans Psychology Today, March/April 2008.
7)
CSP=Croyances Superstitieuses Populaires ; RSI=RitueIs Superstitieux Idiosyncrasiques ; PS=Pessimisme Superstitieux.
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CSP=Croyances Superstitieuses Populaires ; RSI=Rituels Superstitieux Idiosyncrasiques ; PS=Pessimisme Superstitieux
(9)
CSP=Croyances Superstitieuses Populaires ; RSI=Rituels Superstitieux Idiosyncrasiques ; PS=Pessimisme Superstitieux
(10)
L'un des scénarios décrivait le choix de la date du 11 septembre pour effectuer un trajet Paris New York en avion. Seules 9 personnes sur les 300 personnes interrogées ont déclaré vouloir éviter à tout prix cette date. Les effectifs obtenus étant trop faibles, nous ne traiterons pas ce scénario. Il semblerait que le 11 septembre ne soit pas considéré comme une date porte-malheur dans l'inconscient populaire.
(11)
L'un des scénarios décrivait le choix de Ia date du 11 septembre pour effectuer un trajet Paris New York en avion. Seules 9 personnes sur les 300 personnes interrogées ont déclaré vouloir éviter à tout prix cette date. Les effectifs obtenus étant trop faibles, nous ne traiterons pas ce scénario. Il semblerait que le 11 septembre ne soit pas considéré comme une date porte-malheur dans l'inconscient populaire.
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Eva DELACROIX(1)
Maître de Conférences,
Dauphine Recherche en Management (DRM - UMR 7088 CNRS)
Valérie GUILLARD(2)
Maître de Conférences,
Dauphine Recherche en Management (DRM - UMR 7088 CNRS)
ANNEXE
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