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Christelle Reggiani. Poétiques oulipiennes. La Contrainte, le style, l'histoire. Genève, Droz, 2014. Pp. 172.
L'Ouvroir de littérature potentielle naît, grâce à Raymond Queneau et François Le Lionnais, en 1960 de l'idée que la littérature pourrait emprunter aux structures mathématiques. Après plus d'un demi-siècle d'existence, cet ouvrage de Christelle Reggiani a pour ambition de se pencher sur le fonctionnement et l'histoire de l'Oulipo. À travers neuf chapitres répartis en deux parties, l'auteure fait une étude historique et littéraire de la contrainte et du style oulipiens.
La première partie, qui comprend cinq chapitres, est intitulée « Modèles et imaginaires textuels ». Cela s'explique par le fait que le texte oulipien implique en tant que tel l'intervention de contrainte(s) en déterminant au préalable l'écriture, la perspective d'une « histoire formelle » imposait d'abord une interrogation sur la singularité des modèles (ou imaginaires) textuels alors engagés. Dans cette optique, le premier chapitre est consacré à la relation dialectique entre contrainte et hasard qu'instaurent d'emblée le discours et la pratique oulipiens. De fait, Reggiani explique que la « nécessité d'une liberté » prend la forme du choix, généralement désigné par le terme lucrétien clinanten. Ce terme fut en effet cher au Collège de Pataphysique et notamment à Jarry. Queneau introduit un clinamen, sans lui donner son nom, dans la genèse des Derniers jours (1976). C'est cependant Georges Perec qui semble lui avoir donné sa place centrale dans le discours oulipien ; ainsi, le terme est employé pour la première fois dans un entretien avec Ewa Pawlikowska. En outre, Reggiani précise que la création de l'Oulipo « eut d'emblée le sens d'une refondation mathématique de l'écriture littéraire, et cette idée même d'une littérature more geométrico doit sans doute être comprise dans ce contexte-là » (24). L'entreprise oulipienne se pose comme une refondation axiomatique de la littérature, sur le modèle de celle opérée pour les mathématiques par Bourbaki. À cet effet, le deuxième chapitre tente de montrer que l'écriture littéraire relève de l'imaginaire bien davantage que du modèle. Reggiani insiste ainsi sur la parenté qui existe entre la rhétorique et la mathématique. Elles ont toutes les deux en commun le même processus démonstratif. La mathématisation oulipienne de la littérature doit conduire à la « découverte des formes », qu'elles soient absolument nouvelles...