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C'est en voyant OSS 117 : Le Caire, nid d'espions de Michel Hazanavicius que l'idée m'est venue de traiter de la franchouillardise dans le cinéma français. Sorti en 2006, il évoque 1954, quand le mot « franchouillard » n'existait pas encore. Apparu en 1967 sous la plume d'Alphonse Boudard, ce néologisme définissait « celui qui présente les défauts attribués au Français moyen (chauvinisme, étroitesse d'esprit, en particulier) ». On pourrait y ajouter la suffisance, voire l'arrogance que révèle le mot « franchouillardise » à partir de 1983, quand il prend un sens péjoratif.
Nul ne l'incarnait mieux que l'espion OSS 117, créé par le fertile Jean Bruce et contemporain de James Bond, dans une série de nanars portés à l'écran de 1957 à 1970. En ressuscitant Hubert Bonnisseur de La Bath sous les traits de Jean Dujardin (« Brice de Nice »), Hazanavicius en fait un prototype ou stéréotype du Franchouillard des années 50 dans toute sa gloriole surannée. Pastiche et parodie des films de référence, avec cinquante ans de recul, cette comédie nous fait revisiter avec ironie une époque où la France, en pleine déconfiture internationale, se prenait encore pour le nombril du monde.
Un phénomène de compensation
1954. Sous la présidence débonnaire de René Coty, la France laisse quatre mois s'écouler entre la fin de la guerre d'Indochine et le début de la celle d'Algérie. C'est le moment choisi par OSS 117 pour rétablir la paix dans le monde grâce à une mission au Caire. Dujardin lui donne rétrospectivement une si admirable prestance qu'il se situe au-delà du ridicule, au point qu'un Égyptien s'interroge : « Est-il complètement con ou supérieurement intelligent ? » C'est là toute l'ambiguïté de cette franchouillardise dont nous mesurons l'insondable bêtise (celle de cette époque), mais aussi une sorte de génie bien de chez nous, à la fois terrien et intemporel, dont le cinéma français est un fidèle miroir depuis la Seconde Guerre mondiale.
Avant la guerre, il existait un esprit franchouillard qui s'exprimait par la gouaille parisienne ou avec l'accent marseillais. C'est la partie de cartes du Marins de Pagnol et Korda qui lui donne ses premières lettres de noblesse, grâce à Raimu qui nous « fend le cur » en nous faisant pleurer de rire....