Reçu le 25-11-2018 / Évalué le 12-04-2019 / Accepté le 29-06-2019
Résumé
La grammaire, compétence linguistique qui a connu des moments de gloire et des heures de disgrâce dans l'histoire des méthodologies, a trouvé une place dans l'approche actionnelle. Pour dresser un état des lieux et comprendre les orientations qu'elle a prises, j'ai mené une étude exploratoire sur les representations, les stratégies et les pratiques mises en œuvre actuellement par les enseignants de FLE en contexte allophone. Afin d'étudier comment ils procedent avec des groupes d'apprenants dont ils ne connaissent pas forcément la langue materielle ni la culture grammaticale, j'ai réalisé une enquete qualitative pour appréhender les stratégies utilisées pour que le discours grammatical soit au service de l'apprentissage. Les résultats montrent une évolution qui vise avant tout la prise en compte globale des besoins et des attentes des apprenants. La grammaire apparaît désormais comme une compétence parmi les autres pour la communication.
Mots-clés : FLE, grammaire, pratiques enseignantes, stratégies, representations
Abstract
Grammar, a language skill which has experienced moments of glory and disgrace in the history of teaching methodologies, has found its place in the task-based approach. To analyse the status and orientations that grammar has taken, I conducted an exploratory study on the representations, strategies, and practices currently used by French teachers working in an Allophone context. In order to study how they go about working with learners who are not necessarily familiar with the native language or grammatical culture of their environment, I did a qualitative study to understand the strategies used so that grammatical discourse would contribute to learning. The results show an evolution whose primary aim is to take into account learners' needs and expectations. Grammar has a place as a skill among other skills for the purposes of communication.
Keywords: French as a Foreign Language, grammar, teaching practices, strategies, representations
« La grammaire étant l'art de lever les difficultés d'une langue, il ne faut pas que le levier soit plus lourd que le fardeau » (Rivarol, Fragments et pensées).
Pour les étudiants étrangers qui apprennent notre langue, la grammaire du français est réputée difficile d'acces et elle est souvent comparée a celle de la langue anglaise. Ce débat qui n'est pas nouveau se cristallise autour de la competence grammaticale. Néanmoins, les apprenants ne sont pas tous a égalité. Ceux dont la langue maternelle est une langue romane entretiennent d'emblée une familiarité avec le français et pour les autres, le degré de proximité est variable. Le concept de difficulté a donc une valeur toute relative.
Dans un apprentissage institutionnel, l'acteur qui a pour fonction d'assister l'apprenant dans son parcours est le professeur. C'est lui qui élabore la programmation, choisit les supports et explique la langue de maniere a créer un contexte facilitant pour l'apprenant. Afin d'analyser les pratiques et les stratégies mises en place en grammaire dans la classe de Français langue étrangere (FLE) en milieu allophone, j'ai interrogé par le biais de questionnaires des enseignants et des apprenants. Une ébauche de cette étude a été présentée au congres de la FIPF a Liege en juillet 20161. Devant l'intéret suscité par ce travail préliminaire, pour approfondir l'étude, je m'intéresse ici uniquement a une analyse de l'enseignement grammatical du côté des professeurs. Une étude sur la grammaire vue par les apprenants selon les niveaux du Cadre européen commun de référence pour les langues (CECRL) est par ailleurs en cours.
Le présent travail se décompose en plusieurs phases : apres une presentation du questionnaire et des enseignants enquetés, je propose une réflexion sur les apports du CECRL et son impact sur l'enseignement de la grammaire, puis une analyse de la place de cette derniere dans les outils ressources de la classe, apres quoi j'étudie la démarche grammaticale en classe pour terminer sur les principaux éléments de questionnement de la part des apprenants.
1.Presentation de ('experimentation
Tout enseignant en FLE au contact quotidien de sa classe prend rapidement conscience de l'importance de la grammaire pour l'apprentissage de la langue et ce a partir du niveau A1. Que la grammaire fasse partie de ses centres d'intéret ou non, elle s'impose dans sa pratique sous les demandes pressantes des apprenants qui posent de nombreuses questions sur la structure meme de la langue afin d'entrer progressivement dans un nouveau systéme linguistique au service d'objectifs qui leur sont propres (études, travail, loisirs...). En un mot, suivre un cours de langue sans faire de grammaire, sous quelque forme que ce soit, lui paraît peu concevable. Dés lors, l'enseignant s'interroge sur les stratégies a mettre en place pour sa classe. Afin d'analyser ce processus subjectif, j'ai élaboré un questionnaire composé de dix-neuf questions, soumis a vingt-cinq enseignants.
1.1.Le questionnaire (cf. annexe)
Créer son objet d'étude et élaborer un protocole pour recueillir des données constituent un exercice complexe. Il revient au rédacteur de définir la forme et détailler le contenu en gardant en mémoire les destinataires, des enseignants pressés qui auront un temps limité a consacrer aux réponses. Il est primordial d'etre clair et transparent dans la formulation des questions pour stimuler l'effort cognitif sur la réponse et non sur la question. Plus la demande est transparente pour l'enqueté, plus la réponse sera riche.
Passées les deux premieres questions informatives sur les répondants, j'ai opté pour un mélange de questions a réponses ouvertes et d'autres avec une série d'items a cocher ou j'ai pris le soin de laisser la voie ouverte, si nécessaire (autre...). Ces questions avec un choix ouvrent la réflexion et permettent des réponses rapides facilement quantifiables. Toutefois, le risque est d'offrir des choix réducteurs par rapport a la question posée, choix qui sont les representations du concepteur ce qui limite la neutralité des réponses potentielles meme si un espace est proposé pour compléter la réflexion. Les questions ouvertes offrent un espace de libre expression aux enseignants ou chacun complete a sa guise dans un champ limité ; a charge du concepteur de se frayer un chemin dans la variabilité des opinions exprimées.
Apres avoir retenu des choix méthodologiques, il convient d'élaborer un questionnaire visant a recueillir les informations souhaitées sur la grammaire dans l'enseignement du FLE. Comme il est quasiment impossible d'obtenir toutes les informations sur un champ aussi vaste que celui-ci en un laps de temps limité, il m'a fallu organiser les questions autour d'un certain nombre de themes représentatifs du champ étudié. Pour ne pas entrer de maniere trop abrupte dans le vif du sujet, j'ai voulu connaître tout d'abord l'avis des professeurs sur la méthodologie et les changements intervenus suite a la parution du CECRL et l'impact de cet ouvrage sur l'enseignement de la grammaire. J'ai souhaité ensuite savoir quelles ressources étaient utilisées par les enseignants pour un travail optimal sur la grammaire avant la classe et en classe. Ces auxiliaires du quotidien sont chargés de representations qui influencent l'enseignant et aussi l'apprenant. Les interrogations suivantes sont centrées sur les pratiques de la grammaire en classe depuis son introduction, son mode d'exploitation, sa progression, son réemploi jusqu'a son évaluation. Les dernieres questions sont relatives aux centres d'intéret des apprenants et a une estimation du temps passé a faire de la grammaire en classe de FLE.
L'ordre des questions ne suit pas rigoureusement les thématiques citées afin de ne pas construire un déroulement prédictif peu propice a une réflexion approfondie.
1.2.Les enquetes
Une fois élaboré, le questionnaire a été distribué aux enseignants soit directement en format papier, soit envoyé par courriel apres présentation explicite du projet entre juin 2016 et mars 2018. A la réflexion, il aurait été plus judicieux de transférer ce travail sous un format électronique du type Google Form, ce qui aurait grandement allégé la phase de dépouillement, et peut-etre aussi facilité les réponses, et permis d'étendre le panel de l'enquete.
Il ressort de ce questionnaire que l'enseignement du FLE est une profession tres féminisée : sur les vingt-cinq enseignants interrogés, seuls quatre sont des hommes sans qu'il y ait eu au préalable une quelconque idée de discrimination genrée. La moyenne d'âge se situe autour de quarante ans dans un effectif de vingt-trois a soixante-trois ans. Dans ce milieu professionnel, des cursus universitaires de haut niveau apparaissent ; tous ont a minima une maîtrise (Master 1) et plus de la moitié sont titulaires d'un Master 2 (ancien ou nouveau régime). Notons que trente pour cent déclarent avoir en plus du FLE un diplôme dans une autre discipline (LEA, psychologie, gestion, commerce, anglais). Les professeurs de FLE interrogés sont tres diplômés et leur profil montre une formation plurielle ce qui traduit leur curiosité intellectuelle et diversifie leur portefeuille de compétences.
Tous justifient d'une expérience professionnelle en FLE d'une durée variable eu égard a l'amplitude dans les âges de l'échantillon. Une partie de cette expérience a été acquise a l'étranger pour les trois quarts d'entre eux et complétée pour tous en France. La diversité des contextes d'activité invite a la réflexion, a l'ouverture sur l'interculturel et a l'adaptabilité de ses pratiques en relation avec son public. Au moment ou le questionnaire a été complété, les enseignants étaient en activité en France dans des centres de langue(s) répartis dans des zones géographiques variées (Paris, Lyon, Royan, Nantes). Chaque enseignant a en charge au minimum deux groupes d'apprenants avec une forte concentration sur les niveaux A2, B1 et B2. Les groupes A1 et C1 sont peu représentés. On peut émettre l'hypothese qu'un apprenant débutant acquiert des bases autrement que par un enseignement/ apprentissage en milieu institutionnel lorsqu'il est dans un milieu homoglotte. Pour le niveau C1, passé un certain stade, l'apprenant a acquis suffisamment de connaissances pour prendre en charge son apprentissage en auto-formation et poursuivre seul s'il le désire. Pour les memes raisons, peu d'écoles de langue proposent un enseignement pour le niveau C2. Des cours d'alphabétisation sont mentionnés, mais ils relevent de l'exception.
2.Reflexion sur la méthodologie
Depuis le début des années 2000, sous l'impulsion des travaux du Conseil de l'Europe et avec la parution en 2001 du CECRL, il semble qu'une nouvelle ere méthodologique soit ouverte pour placer l'apprentissage des langues dans une synergie a dimension européenne. Å l'échelle de la France, il s'agissait de développer les compétences langagieres pour favoriser la mobilité chez les individus. Notre langue et notre culture attirent des locuteurs désireux de la connaître et de se l'approprier. Dans cette finalité, ils sont prets a investir du temps et a s'investir dans un parcours d'apprenants raisonné a l'âge adulte. Les centres de langue accueillant ce public se doivent de proposer des cours d'une haute qualité en phase avec les dernieres innovations méthodologiques2. Pour un enseignant, connaître le CECRL est une évidence, mais qu'est-ce qui est retenu ?
2.1.Le CECRL
Pour cette question relative au CECRL, des items étaient proposés. Plus de la moitié des répondants ont retenu une définition précise des niveaux. Cette préoccupation qui occupe une place importante dans le CECRL a rencontré un écho chez les enseignants dont la carriere a débuté avant les années 2000 ou auparavant chaque institution élaborait son propre découpage par niveau au sein de l'effectif d'apprenants en vue de constituer des groupes de niveau non-représentatifs hors de l'espace ou ils avaient été conçus. Des tentatives d'homogénéisation avaient vu le jour mais sans parvenir a un consensus faute de référent unique quant a la délimitation des contenus linguistiques. Le découpage des niveaux A1 a C2 ainsi que les compétences afférentes a chacun a tres largement contribué a la lisibilité des parcours. Il n'est donc pas surprenant que les enseignants reconnaissent massivement ces apports au CECRL qui suit une approche par compétences. Dans la meme veine, certains enseignants ont pris soin de préciser librement qu'il avait apporté de la standardisation, de l'uniformisation et une définition des objectifs. L'apprenant acteur social, et l'approche par les tâches, les deux emblemes de l'approche actionnelle, ne viennent qu'apres. Les professeurs de FLE ont retenu en premier lieu ce qui est le plus utile dans leur quotidien.
Un a precise avoir pratiqué les principes du CECRL avant sa parution et continuer a en suivre l'évolution. Cette remarque interroge sur la parenté méthodologique que l'approche actionnelle entretient de maniere évidente avec l'approche communicative que l'a précédée.
2.2.L'approche actionnelle
Les principes de l'approche actionnelle sont entrés progressivement, a des degrés divers, dans les pratiques de la classe de FLE. Ce qui nous intéresse, c'est le changement que cette perspective méthodologique a apporté pour la compétence grammaticale et plus spécifiquement pour son enseignement. Il apparaît nettement que l'enseignement grammatical a été repensé, que les professeurs integrent la grammaire selon les besoins et ne se limitent pas a des leçons déconnectées au fil d'un programme preconçu. La grammaire n'est plus enseignée pour elle-meme, c'est un outil nécessaire et non une fin. Cette évolution traduit une prise de conscience : apprendre une langue n'est pas seulement en connaître sa construction abstraite d'un point de vue formel et de facto les enseignants s'efforcent de contextualiser davantage les pratiques grammaticales afin de mieux faire apparaître son utilité. Dans le passé, certains enseignants considéraient que doter l'apprenant d'une vaste culture grammaticale allait de pair avec une bonne pratique de la langue. Des études et des séminaires ont tres largement contribué a relativiser ce point de vue et a ouvrir la voie a une diversification pour des pratiques tendant vers une meilleure contextualisation. Un enseignant a précisé qu'en choisissant des situations proches du réel, les apprenants n'ont pas l'impression d'étudier, mais qu'il fallait leur démontrer le bien-fondé de cette démarche. Ce souci de transparence didactique envers son public donne du crédit a une démarche qui sera mieux suivie parce qu'explicitée.
Par ailleurs, les apprenants souhaitent progresser rapidement sans toutefois savoir comment et le fait de suivre un cours de FLE dans un centre de langue est pour eux un appui pour parvenir a leur finalité ; il appartient donc a l'enseignant de penser (ou repenser) sa pratique pour répondre et s'adapter au mieux a son public. Ce changement radical de perspective a été parfaitement intégré par les professeurs. Ces derniers ont insisté sur la nécessité d'enseigner la grammaire en situations de communication proches de la vie réelle, en prise sur le monde afin de faciliter le transfert. Il est a souligner que quelques enseignants ont précisé appliquer les principes suggérés par l'approche actionnelle pour la grammaire bien avant qu'ils ne soient formalisés. Ils ne trouvent donc rien de tres nouveau en grammaire dans l'actionnel. Ils ont une longue expérience et ils ont su faire évoluer leurs pratiques au contact de la classe de FLE, ce qui montre qu'il serait profitable pour les chercheurs d'etre davantage connectés avec le terrain. Certains enseignants ont corrélé l'enseignement de la grammaire a l'approche actionnelle avec une approche par les tâches, objet d'une autre question.
2.3.La tâche
Dans les réponses a la question ouverte relative a la place que la grammaire occupe dans les tâches, un premier constat s'impose : elle n'a pas disparu, elle est bel et bien présente. Différentes opinions qui font ressortir des choix méthodologiques apparaissent. Pour la majorité des répondants, la grammaire n'est pas centrale, la tâche est un prétexte pour l'aborder. Elle est un auxiliaire dans la realisation ou elle occupe la meme place que les autres compétences. Ce point de vue entre en résonance avec ce qui a été évoqué précédemment sur l'approche actionnelle : la grammaire occupe une place mais pas toute la place. Elle est un élément qui va entrer dans la realisation de la tâche. En un mot, l'apprenant la sollicite parce qu'il en a besoin. De facto, le cours ne suit pas un déroulement toujours identique, il est modulé en fonction de la nécessité dictée par le déroulement de la tâche visée. Certaines requierent davantage de structures linguistiques que d'autres ce qui conduira l'enseignant et les pairs a y consacrer un temps variable, pas toujours previsible a l'avance.
L'objectif est de parvenir a la realisation de la tâche et il incombe a l'enseignant de fournir les outils optimaux pour arriver a cette finalité. La place de la grammaire est soulignée aussi bien pour la phase de réception que pour celle de production, a l'oral comme a l'écrit. Cependant, toutes les réponses ne sont pas homogenes. Pour certains professeurs, peu nombreux, dans la tâche, la grammaire est importante, omnipresente, voire centrale. Il semblerait que pour eux la grammaire prenne toute la place et éclipse de facto la tâche. Une place toute relative est laissée a un entraînement qui privilégie la spontanéité dans l'expression et qui se prete a un transfert en contexte authentique.
Les principes véhiculés par le CECRL semblent désormais etre en partie implantés dans la classe de FLE, domaine avant-gardiste dans l'histoire des méthodologies. Il est significatif de remarquer que meme la grammaire n'a pas échappé a cette évolution. Qu'en est-il des ressources ?
3.Regard sur les outils
Les ouvrages, qu'il s'agisse de manuels de langue, de cahiers d'exercices, de grammaire ou encore d'ouvrages didactiques, font partie du quotidien des enseignants de FLE. Toutefois, cette inflation éditoriale tend progressivement a s'atténuer avec des ressources numériques de plus en plus abondantes et démocratisées. Une partie du questionnaire est centrée sur les ressources afin de comprendre quelles sont les priorités des professeurs pour optimiser l'enseignement de la langue et celui de la grammaire en particulier.
3.1.Les ouvrages de reference
En amont de la classe de FLE, les enseignants consacrent un temps plus ou moins long a élaborer la préparation des séquences et des séances didactiques en fonction d'un programme défini (ou pas) par l'institution en relation avec un référentiel et des partis pris ou des conceptions méthodologiques. A la question sur les grammaires utilisées dans la préparation des cours, des éléments de guidage étaient proposés. Il ressort que chaque enseignant utilise au moins deux ouvrages de référence lors de cette phase préparatoire avec un fort attrait pour des grammaires destinées a un public FLE. Dans ces ressources, les contenus ont été pensés pour un public non natif ; les auteurs ont transposé un savoir grammatical savant en un discours didactique mieux adapté dans un contexte pédagogique. Ainsi, les professeurs peuvent trouver des aides efficaces qui leur permettront de proposer en classe des explications plus adaptées. La vulgarisation d'un savoir encyclopédique savant ne releve pas de l'évidence.
Les cahiers qui présentent des explications grammaticales sur un point précis suivies d'exercices sont aussi tres prisés3. Initialement, les explications sont destinées aux apprenants selon les niveaux du CECRL pour une utilisation en auto-apprentissage. L'usage de ces ressources dans la phase préparatoire permet aussi a un enseignant débutant de mieux connaître les points abordés aux différents niveaux de A1 a C2 ce qui peut etre formateur pour éviter des impairs. Les sites Internet sont également tres prisés. Ils offrent une tres grande diversité de ressources informatives parmi lesquelles l'utilisateur doit se frayer un chemin car tous ne sont pas équivalents. Ce matériel est disponible a partir de toute connexion Internet, sans limite, ce qui évite l'achat d'ouvrages coúteux qu'il faut stocker.
Seuls deux enseignants ont recours a des ouvrages de référence de français langue maternelle comme Le bon usage. Ces mines d'informations grammaticales ne sont pas transférables en l'état dans la classe de FLE (sauf a de rares exceptions) mais peuvent rendre de grands services aux enseignants qui ont des groupes Expérimentés (C1, C2), peu nombreux il est vrai dans notre corpus. Deux autres utilisent leurs propres supports pour la préparation, ils se sont créé leur propre base de données grammaticales.
3.2.Les manuels
La méthode de langue constitue un auxiliaire de l'enseignement/apprentissage en classe et hors de la classe. C'est un outil précieux qui peut offrir des idées pour la progression et des themes attractifs a aborder en cours. L'apprenant peut revoir les points étudiés, faire des révisions ou bien anticiper sur la suite du programme. L'enseignant peut les comparer, choisir et aménager en fonction des objectifs visés pour son groupe. Le questionnaire proposait cinq méthodes (Version originale, Rond-point, Alter ego, Saison, Écho) sans distinction de niveaux, plus la place pour s'exprimer librement. Il ressort que chaque enseignant utilise plus d'une méthode avec un fort attrait pour Alter ego. Cependant, il est a noter que le choix du manuel est parfois imposé par l'institution. En plus des cinq méthodes proposées, sept autres sont citées4 ce qui traduit une bonne connaissance des ressources disponibles de la part des professeurs qui ont la curiosité de se tenir informés pour mieux varier les supports d'apprentissage. Toutes ces méthodes sont parues apres le CECRL et certaines ont meme fait l'objet de rééditions. Cinq professeurs travaillent hors méthodes et fabriquent leur propre matériel. Il est vraisemblable qu'il s'agit de ceux qui sont tres expérimentés ou bien de ceux qui ont en charge des niveaux dits « avancés » comme B2, C1 ou C2. En effet, les apprenants qui ont un bon niveau et qui jusque-la ont utilise une méthode comme support d'apprentissage apprécient la diversité et la richesse de documents authentiques pédagogisés par l'enseignant. Dans le contexte de la mondialisation, ces documents ont une durée de vie assez limitée, surtout lorsqu'ils sont en prise directe sur l'actualité.
L'échantillon interrogé est invité ensuite a porter un regard analytique critique sur la grammaire dans les méthodes de FLE. Plus de la moitié déclarent avoir remarqué des changements pour la grammaire dans ces outils post CECRL. Cette interrogation est a relativiser en fonction de l'expérience des répondants ; certains ont déclaré ne pas avoir suffisamment de recul pour pouvoir se prononcer. Il est a relever que cinq enseignants n'ont noté aucun changement en grammaire dans les méthodes. Pour ceux qui en ont observé, la démarche grammaticale serait plus inductive et il y aurait moins de regles exhaustives. La grammaire serait orientée vers la communication, plus lisible, moins artificielle et au service de la tâche finale. D'autres ont relevé un appauvrissement des corpus, des textes et de la grammaire, ainsi qu'une fragmentation de cette derniere. Tous estiment que les explications du professeur sont indispensables pour clarifier le discours livresque. De toute évidence, l'enquete n'apporte pas de réponse claire sur les changements grammaticaux dans les méthodes. Ce point pourrait faire l'objet d'un questionnement plus pointu avec un échantillon plus vaste, complété par des entretiens semi-directifs.
L'analyse du taux de satisfaction relatif a l'approche de la grammaire dans la méthode de FLE utilisée en classe est des plus nuancée, preuve que les enseignants utilisent bel et bien les méthodes. Le point de vue ici n'est pas lié a l'expérience. Cinq ne la jugent pas satisfaisante car trop succincte, incomplete, trop simplifiée et déconnectée de la tâche. Il est nécessaire de la retravailler avec le professeur. A contrario un tiers des enquetés sont satisfaits de la grammaire dans leur(s) méthode(s). Ils soulignent la proximité avec les situations réelles ce qui induit une mise en pratique directe. Un autre tiers a pris soin de nuancer son taux de satisfaction en donnant des éléments positifs et d'autres qui le sont moins, tout en les relativisant. La grammaire serait a dominante inductive mais les activités demeurent traditionnelles et les exercices sont hors contexte. Trop de simplification dans les explications peut conduire a une interprétation erronée ce qui sera préjudiciable pour un apprenant qui travaille en auto-apprentissage. La méthode nécessite un complément par des apports extérieurs qu'il incombe a l'enseignant de fournir. La progression est trop rapide ce qui est a nuancer en fonction de la langue maternelle et des langues connues par l'apprenant. Pour pallier les manques, une solution suggérée serait de combiner plusieurs méthodes.
Ces avis contrastés montrent qu'aucune méthode n'est parfaite, il convient donc d'en connaître plusieurs afin de les comparer et pouvoir faire un choix lorsque la possibilité est laissée par l'école de langue.
3.3.Les cahiers d'exercices et les types d'exercices
En général, les cahiers d'exercices en FLE sont peu usités dans le cadre de la classe, ils le sont davantage apres les cours ou ils représentent un renforcement a ce qui a été vu pour permettre de s'entraîner seul. Les enseignants sont régulierement sollicités pour donner un avis et ils recommandent a leur groupe et/ou individuellement ce qui leur paraît le plus adéquat. Cinq professeurs ont déclaré n'en recommander aucun, laissant ainsi a leurs apprenants la liberté d'effectuer eux-memes un choix parmi les produits éditoriaux disponibles. Un tiers des répondants recommandent des ouvrages comprenant des explications suivies d'exercices d'application pour s'assurer que le point est intégré. Ces outils du type La grammaire progressive sont déclinés pour les niveaux A1 a B2 et a titre exceptionnel en C1/C2. Chacun peut les utiliser a son rythme selon un mode qui lui est propre, certains se concentreront davantage sur les explications, d'autres préféreront s'entraîner avec les exercices avant de revenir sur les explications si nécessaires. Toutefois, ces centrations sur l'objet langue, meme couronnées de succes, sont décontextualisées et garantissent nullement un emploi correct des formes dans la communication. Les apprenants qui se sont heurtés a ces limites prennent conscience de ['importance des échanges dans la vie réelle ou, a défaut, dans des simulations de groupe en classe ou ailleurs. Quelques enseignants limitent leurs recommandations aux cahiers d'exercices liés a la méthode ce qui s'inscrit dans la continuité du travail effectué en cours. D'autres orientent leurs étudiants vers des sites Internet comme francaisfacile.com ou TV5 Monde. Cette solution représente l'avenir dans un monde connecté et évite la surcharge de matériel.
J'ai voulu savoir quels étaient les exercices les plus présents en classe comme supports privilégiés dans l'apprentissage. Cette interrogation est en partie liée a la précédente, l'exercice étant l'élément central du cahier d'exercices. Il n'était pas demandé aux enseignants la provenance des exercices choisis. Il peut s'agir de ceux de la méthode ou de son cahier, de cahiers indépendants, d'Internet ou bien encore de créations du professeur. Parmi la liste proposée, certains (peu nombreux) stimulent les capacités métalinguistiques, d'autres mettent l'accent sur la compréhension linguistique et d'autres sur la production. Ces deux derniers types se trouvent combinés lorsque la réponse a l'exercice n'est pas entierement prévisible et fait appel a la créativité.
Dans la liste proposée, les enseignants ont retenu en moyenne de cinq a six exercices pertinents pour eux sans ordre préférentiel. Grammaire semble aller de pair avec exercices. L'exercice le plus prisé est la production a partir d'un support ce qui n'est pas exclusivement lié a la compétence grammaticale. Ce qui prime, c'est le sens et les réponses ne sont pas entierement prévisibles. Ce choix va de pair avec une approche de la grammaire connectée a des contextes réels. Arrivent ensuite les phrases a compléter et la reformulation ou se melent réflexion grammaticale et sémantique ; l'apprenant montre qu'il saisit le point de grammaire et qu'il peut aller un peu plus loin dans une démarche de composition, certes limitée. La transformation selon un modele est aussi tres prisée ; cet exercice basique a réponse prévisible montre que l'apprenant a compris le mécanisme sans garantir un emploi dans une production en situation authentique. La conceptualisation et les jeux arrivent ensuite, preuve que ces pratiques ont du mal a s'imposer dans la classe de FLE. La pratique du jeu en lien avec la grammaire peut etre discutable mais la réflexion ludique sur un point de langue avec une mutualisation des savoirs devrait trouver sa place dans une approche actionnelle. Les exercices lacunaires et les formes entre parentheses a changer sont toujours présents dans la classe de langue, vraisemblablement pour s'entraîner sur le point de grammaire du cours sans connexion avec le sens. Le résumé et la traduction sont peu présents dans la classe comme exercices visant la grammaire. Le premier fait appel a des compétences plurielles complexes et le second semble peu approprié dans un contexte plurilingüe. Rien n'était demandé explicitement sur la place de l'exercice dans le cours de langue.
Les questions suivantes sont relatives a la méthodologie mise en place pour l'enseignement de la grammaire en classe de FLE.
4.Regard sur la grammaire en cours
Apres avoir interrogé les enseignants sur les ressources et sur les documents périphériques utilisés en appui au cours de langue qui ne sont pas tous exclusivement centrés sur la grammaire, plusieurs questions concernent la mise en œuvre de l'enseignement grammatical dans le quotidien de la classe de FLE. Ces interrogations se concentrent sur son introduction dans le cours, les techniques explicatives utilisées, la progression retenue, les situations de réemploi et enfin le mode d'évaluation envisagé. Cet ensemble complexe permet de rendre compte des pratiques et des stratégies de l'échantillon interrogé pour mettre en évidence les éléments de convergence et aussi la diversité.
4.1.Aborder la grammaire
Afin de cerner au plus juste le savoir-faire enseignant, la question sur l'introduction de la grammaire est volontairement laissée ouverte ; proposer des indicateurs aurait pu influencer les réponses, freiner la spontanéité et restreindre l'espace d'expression. Tous les enseignants ont composé une réponse, plus ou moins longue, preuve qu'ils se sont sentis concernés et désireux de faire partager leur savoir-faire. Il ressort les pratiques les plus diverses mais toutefois un attrait pour des pratiques contextualisées. Peu d'enseignants font une leçon de grammaire de type traditionnel ; ils s'attachent davantage a marquer un moment d'arret pour réfléchir collectivement sur un point de langue qui pose probleme. Il est a noter que ce n'est pas l'enseignant qui donne systématiquement l'explication au groupe, les apprenants sont invités a réfléchir et a négocier entre eux pour élaborer une explication. Cette derniere sera mieux comprise et mieux intégrée dans la mémoire des participants vu qu'elle sera adaptée a leur niveau puisque pensée et construite par leurs soins. Cette approche coopérative favorise la dynamique de groupe et la stimulation intellectuelle entre pairs ; le professeur n'est pas le seul a détenir la solution. Il est davantage un animateur-locuteur compétent susceptible d'apporter des réponses en cas de nécessité. Il n'est plus le chef d'orchestre mais le médiateur qui planifie les activités pour créer un contexte d'apprentissage facilitant.
Une des preoccupations dominantes est l'adaptation aux objectifs et aux competences grammaticales de son groupe. Ainsi, certains enseignants varient la nature de leurs explications et declarent avoir parfois recours a des recettes traditionnelles qui font sens pour leur public. Dans un contexte professionnel ou predomine le plurilinguisme dans les groupes, une variation dans les approches grammaticales prend tout son sens pour que chacun soit réceptif et sensible au sens du message. Les supports et les activités de production servent de pretexte a l'introduction d'un fait de langue ou ils apportent des bases pour elaborer des corpus autour desquels se concentre la reflexion. Ce releve d'occurrences contextualisees aide l'apprenant a tenir compte du sens et lui montre que la competence grammaticale ne fonctionne pas de maniere autonome, mais qu'elle est un element dans un ensemble complexe pour accomplir la tâche qui se structure progressivement. Cette contextualisation semble faire a peu pres l'unanimite chez les enseignants de l'enquete.
Pour depasser cette approche generale, je me suis ensuite interessee a la demarche explicative suivie pour expliciter la grammaire sous la forme d'une question ouverte pour que chacun puisse presenter librement les etapes suivies sans etre influence par des elements de guidage a choisir. Comme pour la question precedente avec laquelle elle presente une certaine similitude, tous les enseignants ont repondu. Dans les reponses, il se degage une grande homogeneite. Ainsi, la strategie dominante pour l'explication grammaticale peut se resumer comme suit :
La reflexion sur un point de langue qui fait blocage pour les apprenants soit parce qu'il n'a jamais ete etudie, soit parce qu'il est utile de le reviser, soit parce qu'il doit etre complete, se fait a partir d'un corpus. Cet objet construit collectivement sert d'appui a la reflexion entre pairs orchestree par l'enseignant. Le brainstorming permet la confrontation de points de vue et l'echange entre les participants, tous n'ayant pas la meme comprehension, ni la meme intuition grammaticale, ni la meme façon de verbaliser leurs analyses. Cette complémentarité, complétée si nécessaire par le professeur, est adaptée au niveau du groupe ce qui est utile pour la construction de la boite a outils langagiere de chaque apprenant. Apres le cours, il n'est pas rare que les étudiants consultent des grammaires ou des cahiers de grammaire-exercices pour vérifier et/ou compléter les acquis sur les points de langue. Dans cette perspective, le manuel utilisé en classe est parfois un outil précieux qui permet d'inscrire le point dans le continuum de la langue cible.
La phase d'exercisation qui arrive apres l'explicitation a dominante collective a pour fonction de vérifier le degré de compréhension et systématiser la forme. Lors de cette phase, un complément d'informations peut etre apporté en vue d'optimiser les progres de l'apprenant. Cet apprentissage formel sur un point de la langue ne signifie pas pour autant que l'apprenant est a meme de le faire fonctionner dans une pratique authentique. La derniere étape de production orale ou écrite va servir de vérification. Cette démarche inductive avec une conceptualisation collective est le dénominateur commun de mon panel d'étude. Un seul enseignant part de la regle pour arriver aux exercices sans réflexion préalable. Deux autres ont déclaré s'adapter aux profils de leurs apprenants sans préciser les étapes suivies.
4.2.Le métalangage
Le vocabulaire utilisé pour expliquer la grammaire fait l'objet d'une question a réponse ouverte. La aussi, il s'agissait de ne pas influencer les répondants en formulant des propositions. Un tiers déclare avoir recours a un métalangage traditionnel. L'âge moyen du panel interrogé se situe vers quarante ans, la majorité des professeurs possedent un bagage traditionnel en culture grammaticale et ils sont donc enclins a le transposer dans leurs pratiques grammaticales en classe. Un déclare qu'il est possible de se passer de cet appareil descriptif traditionnel. Cet avis demeure a relativiser car certains apprenants dans leur culture grammaticale sont habitués a ce type de techniques explicatives et ne conçoivent pas qu'il en soit autrement lorsqu'ils abordent la grammaire d'une langue étrangere. Les professeurs ayant déclaré etre attentifs aux besoins de leur(s) groupe(s), il semble évident que ce choix est approprié aux attentes et aux besoins de leurs apprenants ce qui signifie alors que ces derniers ont déja acquis des habitudes d'apprentissage propices a la réception de ce vocabulaire descriptif technique.
Beaucoup d'apprenants en FLE ont déja un niveau d'études supérieures chez eux ce qui signifie qu'ils auraient déja étudié des langues et possedent donc une certaine aptitude a l'abstraction. Dans ce cas, l'usage d'un métalangage traditionnel serait une aide a l'apprentissage et en faire l'économie constituerait alors un frein a la progression. Certains répondants ont d'ailleurs précisé se limiter a ce qui était utile et adapté au(x) niveau(x) de leurs apprenants et a ce qui était courant (meme si cette notion serait a définir). Un tiers des enquetés est d'ailleurs particulierement sensible a l'adaptation aux compétences de son public ce qui traduit une pratique différenciée selon les groupes. Deux enseignants ont déclaré recourir a des supports visuels du type schémas, dessins, tableaux... vraisemblablement dans un souci de simplification et de transparence dans l'explication grammaticale. Les apprenants qui ont une mémoire visuelle développée sont réceptifs a ce type de techniques correspondant a leur mode de fonctionnement. Un professeur a précisé que son public était demandeur de métalangage sans indiquer le type, traditionnel ou pas, preuve pour lui que l'explication sur les points de langue est incontournable et favorise l'appropriation de l'objet.
Å propos du métalangage, il se dégage des tendances qui s'orientent vers l'adaptation aux besoins du public et a ses compétences.
4.3.La progression
Cette planification se rapporte a l'organisation des données de la langue cible. Elle releve de la fonction du professeur qui l'adapte au quotidien dans sa classe. Penser une progression, c'est avoir une representation prévisionnelle de l'objectif et élaborer une stratégie quant aux moyens nécessaires pour y parvenir. La grammaire se pense en synergies avec les autres compétences dans le but de parvenir a un ensemble harmonieux. Chaque enseignant situe la grammaire en fonction de ses convictions et de ses representations. Ceux qui ont une forte culture grammaticale ont parfois du mal a concevoir un enseignement de la langue avec peu de place laissée a la grammaire. Cette derniere constitue de facto un objet d'enseignement important dans les pratiques de classe. Dans certains centres de langues, les objectifs sont définis a l'avance par niveau et donnés aux professeurs qui doivent les suivre. Dans ce cas, la variation individuelle se situe davantage sur les modes de présentation et les pratiques métalinguistiques retenues. Les méthodes de langue peuvent aussi etre des appuis, notamment pour des enseignants débutants, afin d'élaborer sa propre progression de façon autonome. Les contraintes sont fortes et souvent l'expérience professionnelle permet d'acquérir un savoir-faire de terrain efficient pour mieux moduler des programmes fournis par les institutions ou les méthodes de langue. La pertinence d'un savoir d'expérience n'est plus a démontrer.
Pour cette question, trois choix étaient proposés et la liberté de penser d'autres modeles était laissée mais aucun des enquetés n'a éprouvé le besoin de proposer autre chose. Chaque enseignant pratique plus d'un type de progression. Celle qui est majoritairement plébiscitée est celle qui est liée aux difficultés des apprenants ce qui entre en résonance avec la préoccupation constante déja exprimée d'etre proche des attentes de son groupe. Certains groupes, meme de niveau avancé (B2, C1, C2), ont besoin de revenir sur des points imparfaitement acquis pour consolider les compétences et pouvoir progresser. Quarante pour cent des enquetés élaborent leur propre progression grammaticale ce qui montre qu'ils savent s'affranchir des programmes qu'on leur propose dans la finalité de mieux répondre aux besoins de leurs apprenants. Ce positionnement courageux s'avere judicieux pour s'adapter a des groupes d'apprenants provenant de zones géographiques aux langues plus ou moins proches de la langue cible, le français. Les méthodes sont certes utiles mais elles ne correspondent pas a l'ensemble des publics. Elles peuvent proposer en grammaire une progression trop lente, trop rapide ou trop complexe ce qui se traduit dans l'attrait relativement limité qu'elles suscitent (autour de vingt pour cent des répondants).
Élaborer une progression grammaticale est un exercice complexe qui implique de bien connaître les compétences afférentes a chaque niveau de CECRL développées dans les référentiels.
4.4.L'évaluation de la grammaire
Comme pour la progression, l'évaluation de la grammaire ne peut se concevoir qu'en relation avec les autres compétences. La grammaire, élément de mise en relation, n'a pas lieu d'exister sans les éléments parmi lesquels elle contribue a mettre de l'ordre pour fabriquer du sens. Dans le cadre de la classe de FLE, d'apres les réponses libres apportées a cette question ouverte, l'évaluation sous la forme d'un exercice lacunaire (apparenté au type des exercices Bled) ou l'objet serait de donner la bonne réponse a disparu. Il semble la encore que les recommandations du CECRL5 aient contribué a sortir d'une orniere minimaliste ou bien encore sommative pour aller vers une perspective plus globalisante a visée formative. Pour le DELF, le DALF ou le TCF, une compétence grammaticale selon les niveaux est requise et la encore, la grammaire n'est jamais évaluée seule. Il ressort que pres de sept enseignants sur dix déclarent évaluer la grammaire au travers des productions orales et des productions écrites. Ces dernieres sont d'ailleurs estimées plus significatives pour mesurer les progres grammaticaux, a croire que la production orale informe moins dans l'esprit des enquetés. Un enseignant évalue au travers de devoirs quotidiens et de tests mensuels. Pour un autre, le test est imposé par l'institution, assorti d'une grille d'évaluation et il déclare faire une évaluation sommative pour la grammaire sans toutefois préciser comment en détail.
L'évaluation de la grammaire se conçoit dans une approche globale, elle est associée a la notion de progres entendue comme progression de l'apprenant.
Et pour conclure...
L'approche actionnelle qui place l'apprenant en acteur social qui accomplit des tâches a entraíné une modification dans le déroulement des pratiques de classe. La tâche comme finalité dicte les éléments de la langue nécessaires a son accomplissement. Le rôle de l'enseignant est de stimuler la coopération et de favoriser la collaboration entre pairs. Pour la grammaire, il ressort de notre étude une centration sur les besoins de chacun et sur les objectifs de la part des professeurs. Ces derniers sont des facilitateurs qui assurent la transmission des connaissances. Ils ont un statut d'experts, de passeurs de savoir, d'organisateurs et de juges.
J'ai interrogé les enseignants sur les centres d'intéret linguistiques des apprenants et sur ce qui suscite le plus de questions en classe en proposant a chaque fois des items. Il se dégage un vif intéret pour les activités orales, puis pour le vocabulaire et ensuite pour la grammaire. La phonétique et l'écrit viennent apres. Cet intéret, marqué pour la compétence orale avant tout, témoigne de celui accordé a l'objet langue dans son ensemble. La langue sert a communiquer et les apprenants visent cette finalité. Ils sont conscients qu'une bonne maîtrise du vocabulaire ou de la grammaire ne garantit pas nécessairement une communication réussie. De plus, la vérification s'effectue directement hors de la classe dans un contexte allophone.
En classe, les questions des apprenants se concentrent sur le vocabulaire et la grammaire, preuve que les dictionnaires et les ressources grammaticales sont insuffisants pour permettre un apprentissage en totale autonomie. Dans le cadre de cours de langue en contexte allophone, l'étude de la culture n'est pas primordiale. En effet, les apprenants en sont imprégnés dans leur quotidien, ils n'éprouvent donc pas le besoin de l'analyser en classe puisqu'elle est partout. Dans les cours de français a l'étranger, la culture est un objet de questionnement en classe.
La grammaire n'a pas disparu des cours de FLE ou elle occupe une place variable que les enseignants ont estimée entre dix et soixante-dix pour cent selon les niveaux et meme a moins de cinquante pour cent pour la moitié d'entre eux. Cinq ont répondu ne pas etre en mesure de donner une estimation chiffrée car la grammaire est intégrée dans leurs pratiques et il est donc hasardeux d'avancer un pourcentage. Il serait intéressant de connaître le ressenti du côté des apprenants ; une étude est en cours.
Marie-Christine Fougerouse est titulaire d'un Doctorat en Didactologie des langues et des cultures (Sorbonne Nouvelle, Paris 3). Elle a enseigné pendant une dizaine d'années le Français Langue Étrangere des niveaux A1 a C2 dans des centres de langues en France et a l'étranger. Elle est actuellement maitre de conférences a l'Université Jean Monnet a Saint-Étienne oü elle enseigne en Master apres avoir occupé la fonction d'Attachée de coopération a l'étranger. Elle est auditrice dans le Label Qualité FLE au CIEP. Ses domaines de recherche sont la didactique de la grammaire, la méthodologie et l'évaluation. Elle est rattachée a l'équipe DILTEC (EA 2288). Depuis 2018, apres avoir coordonné deux numéros, elle est rédactrice en chef de la revue Synergies France.
Notes
1. Article paru en juin 2018 : « La grammaire en français langue étrangere a l'approche actionnelle : une avancée significative ? », in Français, langue ardente, Actes du XlVeme Congres mondial de la FIPF, Volume II. L'enseignement du français entre tradition et innovation, p. 89-97.
2. La plupart des enseignants concernés par cette étude travaillent dans des centres qui possedent le Label Qualité français langue étrangere délivré par le CIEP.
3. Nous les nommerons désormais « grammaire-exercices ».
4. Nouvel édito, Objectifs express, Entre nous, Adosphere, Les loustics, Agenda, Festival.
5. Cf. CECRL, chapitre 9. Evaluation, pages 135 a 147.
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Abstract
La grammaire, compétence linguistique qui a connu des moments de gloire et des heures de disgrâce dans l'histoire des méthodologies, a trouvé une place dans l'approche actionnelle. Pour dresser un état des lieux et comprendre les orientations qu'elle a prises, j'ai mené une étude exploratoire sur les representations, les stratégies et les pratiques mises en œuvre actuellement par les enseignants de FLE en contexte allophone. Afin d'étudier comment ils procedent avec des groupes d'apprenants dont ils ne connaissent pas forcément la langue materielle ni la culture grammaticale, j'ai réalisé une enquete qualitative pour appréhender les stratégies utilisées pour que le discours grammatical soit au service de l'apprentissage. Les résultats montrent une évolution qui vise avant tout la prise en compte globale des besoins et des attentes des apprenants. La grammaire apparaît désormais comme une compétence parmi les autres pour la communication.