ABSTRACT
The concepts of entrepreneurship and citizenship intersect more and more in the educational projects of social entrepreneurship. In this article, we have analyzed an experiment conducted by a nonprofit organization whose mission is to increase citizen participation. We are interested in the discourses and tools that it has mobilized for training in social entrepreneurship. Our objective is to uncover the norms and values underlying the conception of citizenship transmitted through the training. We show that there are tensions between the aims of democratic citizenship promoted by the organization and the concept of the citizen that underlies training in social entrepreneurship. Our contribution is twofold: 1) We enrich the literature on education for democratic citizenship by analyzing a new approach, that of education in social entrepreneurship; 2) We take a critical look at the concept of social entrepreneurship when it is used in training for democratic citizenship by analyzing this practice and framing it within the field of social innovation.
RÉSUMÉ
Dans les projets éducationnels de l'entrepreneuriat social, il y de plus en plus de chevauchements entre les concepts d'entrepreneuriat et de citoyenneté. Dans cet article, nous avons analysé une expérience menée par un organisme sans but lucratif dont la mission est d'augmenter la participation citoyenne. Nous nous intéressons aux discours et aux outils dont il se sert dans sa formation en entrepreneuriat social. Notre objectif est de repérer les normes et valeurs soustendant la conception de citoyenneté transmise au cours de la formation. Nous montrons qu'il y a des tensions entre les objectifs de citoyenneté démocratique promus par l'organisme et le concept de citoyen sous-tendant la formation en entrepreneuriat social. Notre contribution a deux facettes : 1) Nous enrichissons la littérature sur l'éducation pour une citoyenneté démocratique en analysant une nouvelle approche, celle de l'éducation en entrepreneuriat social; 2) Nous jetons un regard critique sur le concept d'entrepreneuriat social quand il est utilisé dans les formations å la citoyenneté démocratique en analysant cette pratique et en la situant dans le domaine de l'innovation sociale.
Keywords / Mots clés : Democratic citizenship; Education in social entrepreneurship; Social innovation / Citoyenneté démocratique; Education en entrepreneuriat social; Innovation sociale
INTRODUCTION
Au Québec, l'entrepreneuriat social est souvent valorise par les acteurs des milieux de l'éducation formelle et informelle pour mobiliser les jeunes vers l'engagement social. Les universités et le programme de formation de l'école québécoise de niveau secondaire ont notamment intégré l'offre de formations en entrepreneuriat social (Pépin, 2011). Ce choix professionnel représente un moyen pour les jeunes d'exprimer leur philosophie de vie et de trouver un sens au travail rémunéré par l'utilité sociale de leur projet entrepreneurial (Punadi, 2017; Tkacz 2016). Dans le secteur de l'éducation informelle, les organisations sans but lucratif proposent également ce type de formation en s'inscrivant dans une visée d'autonomisation et d'éducation populaire, c'est-å-dire d'éducation å la citoyenneté (Lescure et Porte, 2017). Nous allons nous pencher sur ce choix de formation å l'entrepreneuriat social pour éduquer å la citoyenneté.
 travers les dispositifs éducatifs å l'entrepreneuriat social, les valeurs entrepreneuriales sont présentées comme des vecteurs de l'action citoyenne et de la transformation sociale. Pourtant, le discours social et scientifique sur l'entrepreneuriat social met davantage l'accent sur l'individu entrepreneur que sur l'entreprise sociale en tant que collectif. Aucune législation spécifique ne concerne l'entrepreneuriat social au Québec, les individus s'y identifient méme s'ils ont fondé une entreprise å but lucratif (Claude et Gaudet, 2018). Devant ce constat, il devient pertinent de se questionner sur le type de citoyenneté démocratique mobilisé par ces dispositifs éducatifs formels ou informels.
Les savoirs transmis å travers ces dispositifs sont en effet porteurs de conventions, en l'occurrence, de conceptions implicites de ce que devrait étre un « bon » citoyen ou une « bonne » citoyenne. L'objectif du présent article est de réfléchir de façon heuristique aux conventions portées par l'idéal de l'entrepreneuriat social dans un contexte d'éducation informelle å la citoyenneté démocratique. Â l'aide d'un cas représentatif des discours, pratiques et outils généralement produits au Québec dans les dispositifs de formation å l'entrepreneuriat social, nous mettons en lumiére les normes et les valeurs sous-jacentes å la conception de la citoyenneté transmise par ce type d'initiative.
Cette analyse s'inscrit dans le cadre d'une recherche collaborative sur les expériences d'éducation citoyenne portées par les organisations de la société civile1. Nous avons analysé l'expérience vécue par des jeunes dans sept dispositifs participatifs. Cet article présente une analyse partielle des observations participantes faites dans le cadre de l'École d'été å la citoyenneté présentée par l'Institut du Nouveau Monde (INM). Cette organisation non partisane et sans but lucratif est un acteur important de la scéne démocratique québécoise et pionniére dans la formation des jeunes å l'entrepreneuriat social. Depuis 2004, l'École d'été réunit annuellement des centaines de jeunes ainsi que des partenaires de la société civile. Les jeunes s'inscrivent dans différents profils d'activité pour assister å des conférences, participer å des débats, bénéficier de nombreux outils de formation et coconstruire des projets. Cette école de citoyenneté est reconnue internationalement pour son rôle dans l'éducation å la citoyenneté2.
 partir d'une approche ethnographique, nous avons observé l'expérimentation vécue par les jeunes ayant choisi le profil Entrepreneuriat. Dans ce profil, une quarantaine de jeunes avaient pour objectif de coconstruire des projets d'entrepreneuriat social avec le soutien d'une organisation partenaire de l'INM. Les jeunes ont été exposés aux concepts d'entrepreneuriat social et d'entrepreneur ou d'entrepreneuse ainsi qu'aux différents outils de gestion utilisés par l'entremise de présentations, d'ateliers et de conférences de mentors.
Cet article contribue d'abord å documenter un dispositif d'éducation å la citoyenneté démocratique adoptant l'approche de l'entrepreneuriat social plutôt que celle de l'entrepreneuriat collectif ou de l'économie sociale. Nous proposons ensuite une réflexion critique sur l'entrepreneuriat social comme formation å la citoyenneté démocratique en mobilisant la théorie critique de la démocratie néolibérale de Wendy Brown (2018).
L'INNOVATION SOCIALE ET L'ENTREPRENEURIAT SOCIAL COMME FORMES D'ACTION POUR MENER LE CHANGEMENT SOCIAL ET FORMER DES CITOYENS ET CITOYENNES
Les discours sur le changement social sont interreliés avec ceux sur l'éducation citoyenne démocratique, puisque la visée démocratique aspire å la transformation vers une plus grande justice. L'entrepreneuriat social est un des discours mobilisés au cours des derniéres années afin de résoudre les problémes sociaux et créer du changement social. Il existe pourtant d'autres trajectoires historiques du changement social, comme la trajectoire sociale-démocrate qui fait de l'État un acteur collectif central ou la trajectoire émancipatrice qui fait des collectifs les acteurs du changement (Durand Folco, 2019). Le Québec se distingue notamment par son Chantier de l'économie sociale, å travers lequel se déploient des projets d'innovation collectifs et coopératifs se distanciant des actions individuelles de la perspective de l'entrepreneuriat social (Lévesque, 2016). Le champ de l'innovation sociale s'y déploie pourtant en deux grandes approches (Moulaert & MacCallum, 2019), soit l'une dont l'intérét porte sur les solutions entrepreneuriales aux problémes sociaux, et l'autre qui se penche sur les processus collectifs qui peuvent mener au changement (Bouchard, 2013).
 ces différentes visions du changement social correspondent différentes approches de l'éducation. Nous présenterons briěvement différentes visions de l'innovation sociale et les approches qui les accompagnent en matiěre d'éducation.
Trois visions du changement social et les approches pédagogiques qui y sont liées
L'approche pragmatiste
Une premiére approche pédagogique est inspirée de John Dewey (1927). Dans cette approche, la démocratie repose sur le projet éducatif d'expérimentation de la vie sociale afin que chaque citoyen et chaque citoyenne deviennent des sujets éthiques capables de résoudre des problémes dans des contextes sociaux singuliers. Le projet démocratique est indissociable de la formation de citoyens, de l'éducation personnelle et de la discussion collective. Le style de pédagogie préconisé, celui de faire place å l'expérience et de voir le monde selon le point de vue des jeunes qui expérimentent, délaisse la transmission des connaissances et des traditions pour encourager la créativité et l'action. Plusieurs études sur l'éducation å la citoyenneté démocratique démontrent d'ailleurs que les jeunes apprennent davantage quand ils vivent des expériences d'apprentissage authentiques, c'est-å-dire quand ils se retrouvent dans des situations ou ils doivent régler de vrais problémes sociaux et collectifs qui les concernent et sur lesquels ils peuvent agir.
Les organisations qui proposent de telles expériences d'apprentissage aux jeunes représentent des acteurs importants de socialisation politique, puisqu'elles leur proposent des conceptions de la démocratie et de la citoyenneté, de méme que des types de participation, acceptés socialement (Becquet, 2013). Mais quelle conception de la citoyenneté ce type d'expérience d'éducation promeut-il? Pour Dewey (2011), l'éducation doit promouvoir un citoyen ou une citoyenne capable d'esprit critique, de raisonnement et de capacité d'action. Il s'inscrit dans une perspective transformative å l'échelle de l'individu qui aurait pour effet de se propager vers une collectivité. La transformation de l'institution n'est pas un élément clé de la perspective pragmatiste. Dewey rejette, d'une certaine façon, l'institution et met l'accent sur l'expérience de la transformation sans nécessairement réfléchir aux normes la guidant et aux institutions l'encadrant. L'historicité sociale est ainsi délaissée dans la conception deweyienne de la citoyenneté. L'approche pédagogique pragmatiste s'inscrit avant tout dans la résolution de problémes concrets de façon collective. Elle s'ancre dans l'expérience politique du démos, c'est-å-dire de la décision collective prise pour atteindre certains biens communs.
Les approches transformatrices et les pédagogies critiques
Deux autres approches peuvent étre qualifiées de transformatrices, et elles s'accompagnent de pédagogies plus critiques. La premiére approche repose sur l'économie sociale et solidaire et sa reconnaissance institutionnelle (Durand Folco, 2019). Si elle vise la transformation de l'institution, elle ne cherche pas å transformer profondément la société, mais plutôt å offrir des biens et services permettant de répondre aux enjeux liés aux problěmes sociaux contemporains. Elle repose sur la concertation entre différents secteurs pour mettre en œuvre de nouveaux arrangements sociaux et institutionnels permettant de mobiliser des ressources pour proposer des solutions nouvelles (Klein et al., 2012, p. 11; Moulaert et al., 2005, p. 1976). Le changement passe par des stratégies de renforcement de la solidarité sociale, de gouvernance publique et de coconstruction de services et de politiques publiques (Andion et al., 2017). Contrairement å une approche entrepreneuriale qui serait plus individualiste, cette vision sociale-démocrate promeut un esprit de coopération, de concertation, de partenariat et de participation citoyenne (Chateauvert et al., 2020). En éducation, cela implique des pédagogies ancrées dans la réalité sociale et les problěmes sociaux et favorisant le croisement des savoirs (Stoessel-Ritz et Blanc, 2020).
La seconde approche porte une vision de la transformation de la société beaucoup plus profonde, voire radicale. Il s'agit de transformer les conditions de vie de communautés par le biais d'une action collective contrecarrant les structures de domination (Durand Folco, 2019). L'accent est mis sur la découverte des mécanismes d'oppression qui géněrent les structures de domination. La finalité poursuivie n'est pas celle de résoudre un problěme, mais de participer å l'émancipation des groupes opprimés. Cette visée d'émancipation individuelle et collective est portée par des valeurs de justice, de redistribution et de changement social. Dans sa forme la plus critique, c'est l'expression de mouvements sociaux et l'autonomisation collective qui préfigurent un nouvel ordre social (Durand Folco, 2019). L'action collective est donc priorisée afin de proposer un nouvel ordre politique pour accroître la justice sociale (Chateauvert et al., 2020).
C'est dans ces approches que s'inscrit le courant des pédagogies critiques (Freire, 1974; Giroux, 1983; hooks, 1994). L'éducation critique replace la citoyenneté et son enseignement dans leur contexte social, économique et politique. Les pédagogues issus de ce courant plaident pour une pédagogie qui rejette l'idée de neutralité de la connaissance, qui reconnaît la connaissance expérientielle et qui cherche å émanciper les jeunes en développant leur conscience critique. Il s'agit de remettre en question la supériorité des savoirs scientifiques et techniques pour prendre en compte les savoirs expérientiels et de remettre ces théories dans leurs contextes sociohistorique et culturel de production pour voir comment elles sont traversées par la politique. Un regard critique sur l'éducation implique aussi de considérer les espaces de formation dans leurs enchâssements dans des contextes institutionnels plus larges. La conception de la citoyenneté promue par les pédagogues critiques est celle de citoyens et de citoyennes qui sont capables d'autoréflexion et de réflexion critique et qui sont habilités å contester les structures sociopolitiques de domination et å transformer leur société.
Les approches entrepreneuriales
Au cours des trente derniěres années, l'entrepreneuriat s'est déployé comme un objet d'étude et comme un outil d'enseignement. Selon Pepin (2011), les finalités de l'éducation entrepreneuriale se déclinent en trois familles : 1) celle de l'éducation å l'entrepreneuriat, qui consiste å transférer des connaissances å propos du fonctionnement d'une petite ou moyenne entreprise; 2) celle de la small business education, qui a pour objectif de développer des compétences entrepreneuriales å travers la simulation, la réalisation de plans d'affaires et la gestion; 3) celle de la perspective de l'éducation « par » l'entrepreneuriat, qui consiste å cultiver des compétences transversales utiles dans tous les secteurs tels que la vie privée, la vie associative ou la vie professionnelle (Jones et Iredale, 2010). Dans cette derniěre famille, l'accent est mis sur le processus éducationnel et expérientiel et rejoint sur ce point l'approche pragmatiste avec une pédagogie du projet. Dans la pratique, les spécialistes de ce champ d'études s'accordent pour dire que la distinction entre ces trois familles est confuse sur le terrain (Leffler, 2009). La terminologie liée å l'entrepreneur ou l'entrepreneuse, å l'entreprise et å l'entrepreneuriat est en soi polysémique. Le terme entrepreneuriat social l'est d'autant plus, car il s'agit d'une notion récente et aucune définition ne fait consensus3 (Ndour, 2019).
De maniěre générale, la pédagogie en gestion et en entrepreneuriat est envisagée comme une activité visant å transmettre des connaissances normatives sur la croissance et la productivité et å instrumentaliser les futurs gestionnaires et entre preneurs et entrepreneuses avec des outils les aidant å se comporter de maniere rationnelle. Ces modeles normatifs et ces outils de gestion sont vus comme étant axiologiquement neutres. Les étudiants et étudiantes acquierent, en classe, un portrait des réalités de gestion-soit par le biais d'un enseignement magistral ou d'une pédagogie de role modeling- et se font donner des outils qui leur permettront de mieux maîtriser les situations de gestion. Forts de l'acquisition de connaissances techniques et d'outils de gestion, ils sont préparés et équipés pour s'insérer dans le systéme managérial qu'ils connaissent désormais, å détecter les problemes et å élaborer des solutions.
La conception de la citoyenneté portée par les approches entrepreneuriales comme celles qui soutiennent l'entrepreneuriat social promeut l'acquisition de qualités en vue d'atteindre le modele de l'entrepreneur ou entrepreneuse, conçu comme un individu motivé, dynamique, flexible et responsable de soi (Tanguy, 2016, p. 17). Ces valeurs transmises participent d'un modele culturel propre å ce que Max Weber nommait « l'esprit du capitalisme », soit une rationalisation instrumentale des activités de toutes les spheres de la vie. Dans ce modele, les citoyens entrepreneurs et citoyennes entrepreneuses, animés par un engagement social et un intérét économique, pourront élaborer des solutions aux problemes sociaux sous forme de projet d'entreprise sociale. La conception du changement qui sous-tend cette approche repose sur une vision « moderne » ou le diagnostic de problemes-par exemple, sociaux ou environnementaux-est entre les mains d'experts et d'expertes et ou les solutions, autrefois politiques, passent par des forces techno-économiques. Cela n'exclut pas le recours au politique, la différence étant que le politique sera utilisé comme un moyen pour atteindre des objectifs fixés par des personnes expertes ou innovatrices.
La performativité des theories de gestión a travers l'éducation
Si les cours sur l'entrepreneuriat social se multiplient dans une visée d'éducation å la citoyenneté, nous savons peu de choses sur ce que les théories de gestion performent en termes de citoyenneté. Cabantous et Gond (2011) ont montré comment les théories de gestion, notamment la théorie du choix rationnel, arrivent å étre aussi largement performées dans la réalité sociale. Ils relevent que trois mécanismes sont å la base de la performativité des théories en gestion : 1) le mécanisme de conventionnalisation, qui consiste dans le processus d'encastrement cognitif des acteurs et actrices dans des représentations sociales qui seront mises en jeu dans le cadre de leurs activités; 2) le mécanisme d'ingénierie, qui renvoie aux outils et artefacts développés å partir de ces théories et mobilisés par les acteurs et actrices; 3) le mécanisme de marchandisation, qui désigne toute activité de diffusion d'outils et d'approches qui incorporent les conventions théoriques (Cabantous et Gond, 2011). Les pratiques de formation lient des représentations théoriques qui portent des conventions particulieres et des outils qui matérialisent ces conventions.
METHODOLOGIE
Les données présentées dans notre article sont issues d'une recherche collaborative sur les expériences d'éducation citoyenne4. Nous avons opté pour une ethnographie multisite aupres d'organisations de la société civile qui proposaient des expérimentations d'éducation å la citoyenneté démocratique. Une observation participante a été engagée dans chacun des terrains selon une grille pré-établie qui facilite la comparaison (Gaudet et al., 2020). Cette grille englobe les dimensions suivantes : 1) les observations sociodémographiques; 2) la nature de l'activité; 3) l'approche éducation; 4) les savoirs théoriques transmis sur la citoyenneté; 5) les savoir-faire (ou savoirs pratiques); 6) la transmission de ces derniers autour de l'éducation citoyenne; 7) les savoir-étre démocratiques pratiqués; 8) les interactions entres les jeunes; 9) les interactions entre les jeunes et les adultes. L'école de la citoyenneté de l'Institut du Nouveau Monde (INM) est l'une des sept initiatives participant å ce projet; elle offre des conférences et des activités de réseautage, mais surtout elle engage les jeunes dans sept profils d'activité5 : Artistique, Communication, Entrepreneuriat, Exploration, Innovation - démocratie numérique, Leadership participate et Mobilisation - vivre ensemble. Cette École d'été, mais plus précisément le profil Entrepreneuriat, représente un cas exemplaire (Flyvbjerg, 2006) pour notre recherche. Les données ont été construites å partir d'observations qui ont eu lieu entre les 10 et 12 aoÛt 2017. Les personnes sujettes å l'observation étaient deux responsables de l'animation, neuf collaborateurs et collaboratrices qui faisaient œuvre de mentors et, selon revolution des activités du profil, entre 35 et 55 participants ágés en moyenne de 21-22 ans. Les personnes de genre féminin (60 %), les personnes racisées (50 %) et les personnes issues de l'immigration (50 %) étaient bien représentées au sein du profil. Nous avons privilégié l'observation participante (Peneff, 2009; Coenen-Huther, 1995), car elle permet d'accéder aux pratiques, aux ressources mobilisées dans le cadre de ces pratiques, aux enchaînements d'actions, aux interactions sociales et aux représentations sociales des acteurs et actrices (Arborio et Fournier, 2008; Hilgers, 2013). Le projet de recherche a reçu l'approbation du Comité d'éthique de la recherche de l'Université d'Ottawa. Les données ont été analysées de façon itérative, en reconstituant la trame événementielle et en dégageant les thěmes émergents (Gaudet et Robert, 1998).
EDUCATION A LA CITOYENNETÉ ET DISPOSITIFS PÉDAGOGIQUES DES ÉCOLES DE GESTION
L'effet paradoxal d'un dispositif de formation valorisant le débat
L'objectif du profil Entrepreneuriat est de proposer des projets d'entreprises sociales lors de la Tribune jeunesse, l'événement festif qui clôt l'École en réunissant tous les participants et participantes. Ceux-ci et celles-ci disposent de trois jours pour constituer des équipes et bâtir leur projet. L'espace qui leur est réservé est donc conçu pour favoriser le travail d'équipe. La salle est disposée de maniěre å accueillir les participants et participantes sur une série de chaises placées en demi-cercle devant un tableau. Cette configuration favorise l'échange en groupe et avec les animateurs et animatrices, qui sont installés au centre du demi-cercle. La salle, suffisamment spacieuse, permet par ailleurs aux participants et participantes de se regrouper å l'écart en sous-groupes lors de différents ateliers. Le profil se déroule comme suit : la journée débute par une activité de partage et de retour sur les apprentissages antérieurs en grand groupe, puis intervient un ou une mentor qui propose une démarche ou un outil qui fait ensuite l'objet d'une application par les participants et participantes lors d'une séance de travail en sous-groupes. La journée se termine par un échange faisant la synthěse des activités lors d'une séance pléniěre en grand groupe.
Ces dispositifs permettent aux participants et participantes de se sentir accueillis et écoutés. L'organisation de la salle, les rěgles de conduite et le dynamisme des animateurs et des animatrices témoignent d'un désir d'échanger des idées et de cocréer. Děs le début du profil, les responsables de l'animation reçoivent les jeunes en leur rappelant les rěgles du débat présentées dans le livre du participant et soulignent l'importance de l'écoute et de la bienveillance. Les pratiques que nous avons observées lors des trois jours entrent parfois en tension avec ce désir exprimé du débat. Le tableau 1 indique la répartition des activités du profil Entrepreneuriat.
Soulignons d'abord que la grille horaire laisse tres peu de temps aux discussions libres. Ľactivité « partage des apprentissages », se déroulant å deux reprises pour une durée de quinze minutes, représente le seul moment ou les participants et participantes peuvent intervenir sur des idées ou des sujets de leur choix. Les autres activités en sous-groupes sont cadrées par des outils et reposent sur une mise en pratique. Les participants et les participantes peuvent certes intervenir sur des sujets de leur choix, mais toujours dans le cadre de ces outils. Le reste du temps est consacré å la présentation des mentors. Ce sont des personnes qui s'identifient comme entrepreneurs sociaux et entrepreneuses sociales.6
Lors de la premiere journée, l'un des responsables de l'animation demande par exemple aux personnes participantes ce qu'elles saisissent du terme « entrepreneur social ».
Celles-ci proposent des réponses et offrent des exemples. Apres cinq minutes d'échanges, l'animateur conclut la discussion en expliquant que « l'entrepreneuriat social est une réponse å un besoin ». Aucune définition plus riche de l'entrepreneuriat social ne sera donnée et aucune explication sur d'autres termes connexes, tels que l'innovation sociale ou l'économie sociale, ne sera offerte. Ce manque de définition et le malaise å en discuter retiennent l'attention des jeunes participants et participantes. Certains voudront revenir sur cette définition le lendemain, lors de la séance du partage de connaissances, mais l'animateur tentera d'éviter le débat. La vignette 1 témoigne de ces échanges.
Comme nous l'observons dans la vignette 1, la participante remet en question l'approche sur « les résultats » et les « processus » présentée en atelier. Elle se rapporte notamment å l'expression « impact », qui est souvent utilisée lors de la formation et de l'École d'été plus généralement, puisque le theme annuel est « Génération d'impact ». Elle s'inquiete des dommages que pourrait causer une action sociale, méme bienveillante, qui ne tient pas compte du contexte socio historique et des acteurs et actrices concernes. Elle critique également l'approche individualiste prônée par l'atelier depuis le début : elle note l'importance de travailler avec d'autres acteurs et d'autres perspectives.
Toujours lors de cette periode de « partage des apprentissages », un participant dans la jeune vingtaine fait part de ses impressions sur une table ronde de l'École d'été, intitulée Experimentations économiques ou le futur de l'économie, å laquelle il a assisté dans la matinée. Il se rend compte « qu'on a tendance å copier le milieu des affaires comme le modéle économique å suivre, mais qu'il en existe d'autres comme la décroissance ou l'économie sociale », présentés lors de cette table ronde en marge des profils d'activité. Il souligne qu'il ne faut pas uniquement penser å la consommation (par exemple, la consommation responsable), mais plutôt au systéme de production-consommation.
Alors que ces deux participants remettent en question les actions individuelles et soulignent l'importance d'une action collective pour agir å l'échelle structurelle, l'animateur clôt la période de restitution en soulignant que «l'important, c'est le processus », ce qui rappelle l'approche pédagogique « par » l'entrepreneuriat, mais aussi l'approche pédagogique pragmatiste. Nous y reviendrons, mais notons que l'animateur met l'accent sur une autre valeur trés managériale, voire néolibérale, celle du processus, en évitant d'une certaine façon les discussions sur les finalités ou le contenu normatif des dispositifs. Pour des questions de temps, les controverses et les remises en question sont peu valorisées. Il aurait pourtant été intéressant pour les jeunes de mieux comprendre ce qu'est un entrepreneur social ou une entrepreneuse sociale, puisque le « changement » ou l'« innovation » ne sont pas des finalités du projet démocratique, elles sont des représentations de l'action afin d'atteindre les finalités d'une communauté politique telles que la justice.
Une valorisation de l'individu et du capital humain
Dés le début du profil, les animateurs et animatrices encouragent les jeunes å chercher leur voie de façon active plutôt que d'attendre « une révélation » ou d'emprunter un chemin typique. Un animateur affirme que « notre génération ne cherche pas nécessairement å faire de l'argent et å s'enrichir démesurément. Nous sommes tous responsables de chercher des solutions pour les défis actuels. » Cette idée de responsabilité individuelle face aux problémes de société et l'injonction å « s'inventer », comme entrepreneur social ou entrepreneuse sociale, sont omniprésentes. Les mentors qui défilent raconteront comment ils et elles ont réussi å innover tout en répondant å des problémes sociaux.
Inscrite dans les approches entrepreneuriales, la pédagogie par mentorat, largement mobilisée dans les écoles de gestion pour former les futurs entrepreneurs et entrepreneuses ou leaders, est utilisée dans le cadre du profil Entrepreneuriat. Les entrepreneurs et entrepreneuses invités, considérés comme des modéles de réussite, racontent leur expérience et transmettent les leçons qu'ils et elles en ont tirées. Les mentors exposent leurs cheminements et les questionnements qui les ont animés avant de parvenir å trouver « leur voie ». Malgré l'apparente diversité et la valorisation de la singularité des parcours, leur récit s'articule autour d'une insatisfaction professionnelle, d'une quéte de sens et d'un aboutissement correspondant å une « découverte » de l'entrepreneuriat social å travers laquelle ils ou elles « se sont trouvés ».
Å travers le discours des mentors se trouvent des actions prescrites, mais également des qualités et des valeurs associées å l'entrepreneur idéal ou l'entrepreneuse idéale. Voici en résumé les qualités évoquées dans les différentes présentations des personnes responsables du mentorat : confiant, empathique, pragmatiste, patient et persistant, efficace, curieux, motivé, stratégique, et capable de se questionner. Le message lancé par les mentors porte sur les capitaux humains que devraient développer les entrepreneurs et entrepreneuses sociaux. La solution repose sur l'individu qui innove et produit le changement et sur ses capacités å développer ses compétences personnelles. Pour reprendre la critique foucaldienne de la gouvernementalité, il s'agit lå de la transformation néolibérale de l'homo economicus, c'est-å-dire que l'humain n'est plus celui qui prend les choix rationnels et qui est la source de production, mais il devient le produit dont on évalue la valeur et qui doit s'entreprendre pour étre efficient. En observant les qualités valorisées ou les actions pres crites, nous constatons qu'elles different peu de celles de l'entrepreneur ou l'entrepreneuse classique. Méme pour les mentors, la distinction entre l'entrepreneuriat social et l'entrepreneuriat classique semble plutôt floue. Il y a tres peu de contenu au sujet de l'entrepreneuriat social et de ses visées.
La conception de l'ftomo economicus sous-jacente aux outils de gestion
Durant les trois journées de formation, les discussions en sous-groupes sont souvent orientées par des outils que les mentors, entrepreneurs et entrepreneuses sociaux, viennent présenter. On cherche å outiller les participants et participantes afin qu'ils et elles puissent étre en mesure de déceler un besoin social, de développer un plan d'affaires et, finalement, une entreprise sociale. Le constat le plus important å souligner est que l'éducation å la citoyenneté proposée dans le cadre de l'expérimentation au sein du profil se fait sur la base des mémes théories, outils et approches pédagogiques que ceux de la formation des entrepreneurs et entrepreneuses dans les écoles de gestion et que les outils enseignés sont ceux, pour la plupart, mobilises par les entrepreneurs et entrepreneuses classiques dans leur pratique. La démarche entrepreneuriale d'un projet å finalité sociale nécessite donc les « mémes etapes » que celle d'un projet å finalité lucrative et peut donc reposer sur les mémes outils.
La finalité de ces outils est la performance du projet d'entrepreneuriat, et ils assistent leur utilisateur dans 1) la planification, l'Impact Gap Canvas; 2) l'organisation, le Social Business Plan (Fayolle, 2012, p. 134); et 3) la direction, le Pitch. Le premier outil, l'Impact Gap Canvas, est introduit lors de la premiere activité du profil, qui consiste å regrouper les participants et participantes en sous-groupes de 12 å 15 personnes pour discuter des défis qui les motivent å vouloir changer le monde et pour déterminer des champs d'action. Les themes mis en avant par les participants et participantes sont, par exemple, l'environnement, l'éducation, la jeunesse, etc. La deuxieme journée débute par l'intervention de deux mentors au sujet de l'outil. L'un des mentors dessine au tableau deux falaises et un pont qui les unit, et il explique : « Une falaise représente les enjeux, et l'autre, les solutions. Et le pont représente nous qui faisons le lien. »
Cet outil est un dispositif servant å lancer un incubateur d'idées en groupe. Il peut étre utilisé par quiconque souhaite comprendre le « paysage » ou la « carte » d'un probleme et trouver des chemins vers une solution. Pour l'entrepreneur social ou l'entrepreneuse sociale, le chemin est son projet d'entreprise. Les responsables de l'animation invitent donc les personnes participantes å créer des sous-groupes en fonction des themes choisis et å appliquer l'outil. Celles-ci doivent répondre å certaines questions clés : « Qui? Quoi? Qu'est-ce qui a déjå été fait? Quels sont les obstacles? » Cet exercice leur permettra de bien cibler l'enjeu et d'en arriver å une proposition de projet. Pour déterminer les solutions possibles au probleme, l'entrepreneur ou l'entrepreneuse peut adopter la méme démarche que celle utilisée pour cerner le probleme. Cette démarche lui permet de localiser son projet dans un « gap », un espace non exploré ou non testé, le lieu ou l'entrepreneur ou l'entrepreneuse peut trouver « "son" probleme ».
Un deuxiěme outil présente par les animateurs et animatrices est le Business Model Canvas (BMC). Celui-ci permet de développer la solution au problěme relevé par l'entrepreneur ou l'entrepreneuse et de déterminer rapidement la structure, la culture et la mission de l'entreprise. Il s'agit d'un standard global utilisé par des millions d'entreprises pour décrire et modéliser leur plan d'affaires. C'est l'occasion, selon les animateurs et animatrices, de tomber amoureux de « son problěme » et d'aller chercher l'information nécessaire pour bien comprendre le contexte de celui-ci. L'idée, inspirée du BMC, est d'arriver å présenter sur une page les éléments de l'entreprise : ses partenaires, ses ressources et activités clés, sa proposition de valeur, sa structure de coÛts et de revenus, etc.
Un troisiěme outil, le Pitch, est en fait une technique destinée å créer la présentation du projet des participants et participantes et å la dynamiser. La troisiěme journée est largement consacrée å l'exploration de cet outil. Un ou une mentor montre aux participants et participantes comment préparer un pitch en prenant l'exemple d'une entreprise. Il explique : « Pour vendre notre idée, il faut "pitcher", créer un pitch. » Le pitch permet de construire un discours entrepreneurial qui accrochera les partenaires, les institutions financiěres et les bailleurs et bailleuses de fonds. Il contient l'idée essentielle du projet et s'adapte facilement aux interlocuteurs et interlocutrices. Il s'agit de scénariser les dix premiěres lignes qui résument le Business Model Canvas. Pour la création du pitch, il faut tenir compte de trois axes qui influencent les phrases et les verbes å employer : « 1) Les partenaires clés; 2) å qui l'on s'adresse; et 3) les activités clés å travers lesquelles l'entreprise va s'actualiser ». Le mentor donne l'exemple du pitch d'une des organisations : « Nourrir les communautés ». Il poursuit : « Cette phrase est un outil pour créer un lien rapide avec les gens, leur faire comprendre notre mission, au niveau macro. Ce sont des mots-valises. Nourrir (ce qu'on fait) les communautés (pour qui on le fait). » Å partir de ses expériences dans le milieu de l'entrepreneuriat social, le mentor prétend que « la vie est un pitch ». Pour lui, « le sens de la vie est qu'il faut performer, la vie c'est d'etre en representation ». Le pitch permet ainsi de créer une stratégie de « vente », pour « convaincre » des bailleurs ou bailleuses de fonds, par opposition å dialoguer ou å échanger avec eux. Il faut en effet convaincre les bailleurs et bailleuses de fonds que notre projet est un bon investissement et qu'il va fructifier.
L'entrepreneur ou l'entrepreneuse doit « contaminer »-selon l'expression utilisée par les intervenants et intervenantes å la formation-les possibles partenaires avec son enthousiasme, ses valeurs et son projet. Il ou elle doit persuader les partenaires de la pertinence de son idée. Dans l'exercice du pitch, l'enjeu est celui de l'entrepreneur ou de l'entrepreneuse et non celui d'une collectivité. C'est le processus de détermination de l'enjeu et des besoins de meme que la création de l'entreprise sociale qui importent, plus que la finalité. En effet, les discussions portent sur le changement et l'objectif entrepreneurial, mais peu sur le type de changement désiré : vers quel type de justice? Vers quel type d'équité veut-on se diriger? L'entrepreneuriat est la voie de la transformation, tel qu'il est présenté dans le BMC : « Le pont, c'est nous ».
Le modele technique de prise de decision porté par les outils de gestion
Les outils de gestion présentés reposent largement sur le moděle technique de l'action rationnelle. Si l'idée de technique évoque la neutralité et l'indiscutabilité (Pezet et Pezet, 2010), les outils utilisés en gestion ne sont pas neutres : ils orientent la prise de décision de maniěre particuliěre. Ils peuvent étre définis comme « les moyens matériels et intellectuels proposés aux agents ou qui leur sont imposés pour mesurer, classer, évaluer, choisir » (Berry, 1983, p. 10). Cette définition invite å étre attentif ou attentive aux métriques que les outils portent, aux critěres de valuation, aux éléments qu'ils permettent de capter et å ceux qu'ils laissent de côté, å la maniěre dont ils permettent de cadrer les situations et dont ils orientent le jugement.
Tel que montré dans l'illustration sur l'utilisation de ces outils, le passage du problěme å la solution se fait de maniěre assez séquentielle. Les outils sont conçus pour équiper les entrepreneurs et les entrepreneuses, considérés comme les acteurs et actrices qui définissent le problěme social et qui měnent le changement social, afin de leur permettre de cir conscrire le probléme pour lequel ils et elles pourront offrir une solution. Ils et elles persuadent ensuite leurs interlocuteurs et interlocutrices, notamment des bailleurs et bailleuses de fonds, de la valeur de leur solution, par le pitch, afin d'obtenir les ressources nécessaires å la mise en œuvre de leur projet. Le processus de prise de décision rationnelle est apolitique.
La prise de décision, dans cette perspective, est un processus cognitif individuel et essentiellement technique qui n'implique pas de négociations, de confrontations de points de vue, de prises en compte de rapports de pouvoir entre des institutions et des acteurs ou actrices, etc. La définition du probléme n'émerge pas d'un processus critique de discussion collective, mais plutôt d'un processus itératif de consultation avec des parties prenantes sollicitées par l'entrepreneur ou l'entrepreneuse.
L'usage de l'outil lors de ce processus de consultation renvoie å une conception du contexte d'action et de décision en tant qu'entité objective pouvant étre cartographiée å partir de catégories contenues au préalable dans l'outil. Cela différe d'une conception ou l'action est pensée en situation d'interactions entre une pluralité de logiques, de savoirs, d'expériences ou d'affects.
Cette conception du contexte d'action permet å celui ou celle qui est équipé de l'outil de calcul de définir le contexte dans lequel il ou elle compte inscrire son action, sans entrer dans des échanges avec les personnes qui vivent/subissent les situations problématiques. La discussion, l'échange, voire la confrontation, ne sont pas nécessaires, puisque le décideur ou la décideuse navigue dans un monde qui peut étre appréhendé objectivement et sur lequel il ou elle doit simplement recueillir de l'information « objective » sur laquelle tout le monde s'accorderait. Encore une fois, la délimitation de l'écosystéme émerge d'un processus top down plutôt que d'un processus bottom up ou les problémes publics finiraient par émerger de mobilisations locales de personnes touchées par des enjeux situés.
Les outils utilisés en gestion portent ainsi des présupposés sur le décideur ou la décideuse, l'acteur ou l'actrice de changement, et son contexte. Les premiers ou premiéres peuvent appréhender ce contexte å partir d'un point de vue d'ensemble. Ces outils ne sont pas construits pour des acteurs ou actrices collectifs destinés å réfléchir sur des enjeux collectifs de façon délibérative. Ils ne proposent pas de réflexion sur la finalité de l'action, sur sa finalité humaine et sociale, et ils s'inscrivent d'emblée dans une vision d'efficacité technique.
Travailler avec « le social », avec la complexité des rapports de pouvoir inhérents au lien social, engage pourtant å embrasser la complexité humaine et å la prendre en compte dans l'action. Les conventions issues de ces outils, å savoir celles de la rationalité de ľ homo economicus, de l'efficience et de la performance, entrent en tension avec la nature politique de la société humaine. Il ne s'agit pas ici de remettre en cause la valeur « d'innovation » portée par les outils, mais plutôt de souligner le fait que ces conventions évacuent la complexité du social et la dimension politique du changement social. Or, la citoyenneté démocratique repose certes sur une idée de transformation, voire d'innovation, mais elle s'inscrit d'abord dans un processus collectif dont la finalité n'est ni la croissance ni l'efficience.
DISCUSSION
Les initiatives d'éducation å la citoyenneté des jeunes représentent des laboratoires démocratiques d'importance et véhiculent certaines conventions sur la citoyenneté, la participation et l'expérience démocratique. Dans cet article, nous avons analysé l'expérience proposée et vécue au sein du profil Entrepreneuriat de l'école de citoyenneté de l'INM. Notre objectif n'est pas d'évaluer cette formation ni les organisations qui la portent : le profil ne dure que trois jours et ne prétend pas former des entrepreneurs sociaux et entrepreneuses sociales. Il s'agit plutôt d'analyser de façon heuristique une expérience éducative. Comment ce dispositif d'expérimentation contribue-t-il å l'éducation å la citoyenneté des jeunes? Quel modéle de citoyenneté propose-t-il? Cette question est d'autant plus pertinente que les formations å l'entrepreneuriat social émergent dans les universités, que la notion d'entrepreneur social et d'entrepreneuse sociale devient une marque de commerce et que les entrepreneurs et entrepreneuses deviennent non seulement les acteurs et actrices sociaux de changement, mais ceux et celles qui portent la reproduction sociale et économique du systéme (Rosa et al., 2017, p. 59).
La reconciliation entre l'idéal de la justice et de l'efficience économique?
Au sein du profil Entrepreneuriat, un des modeles proposés est celui d'un citoyen innovant dont l'action repose sur des principes de bénéfice économique, de concurrence, d'organisation et d'efficacité mis au service du « social ». Avec l'entrepreneur social et l'entrepreneuse sociale, l'idéal de la justice se réconcilie avec celui de l'efficience économique (Alix et al., 2018). Or, une telle conciliation est-elle si simple? Les spheres du marché et de la démocratie partagent certes la valeur de l'innovation. Le propre de la citoyenneté démocratique est de participer å une révision constante de la société et des institutions qui la constituent de maniere å la transformer dans l'objectif d'offrir davantage de justice et de reconnaissance å l'égard de ses membres. Cette citoyenneté repose notamment sur l'idée du changement social, mais l'innovation ne représente pas sa finalité. De la meme façon, la sphere du marché partage cette valeur, mais sa finalité demeure celle de la croissance et de l'efficience, et surtout, avec la figure de l'entrepreneur ou l'entrepreneuse, celle d'un positionnement compétitif continu et de l'investissement dans une « valeur future ». Cela étant dit, l'innovation dans le secteur du marché peut avoir des répercussions sociales, mais lå n'est pas sa finalité. Le croisement des spheres du marché et de l'action citoyenne a peut-etre pour effet de dépolitiser cette derniere au profit de l'action technique.
Comme nous l'avons mentionné, les approches pédagogiques utilisées pour former å l'innovation s'inspirent généralement de trois corpus : l'approche pragmatiste, les approches transformatrices et les approches entrepreneuriales. Il est souvent difficile de les distinguer les unes des autres, car elles proposent généralement une approche par projet inspirée de la pédagogie de Dewey. Rappelons que l'approche pragmatiste de Dewey repose sur la dimension collective de ce qu'il appelle l'enquete et la résolution du probleme social. Elle implique une délibération sur les finalités du projet. Comme nous l'avons indiqué, l'École d'été de l'INM propose globalement cette expérience aux participants et participantes å travers les différents profils, mais l'expérimentation dans le profil Entrepreneuriat y laisse peu de place. En effet, les dispositifs et les outils de formation utilisés s'ancrent dans l'approche entrepreneuriale, plus spécifiquement dans celle de la small business education, qui consiste å acquérir des compétences entrepreneuriales en développant un plan d'affaires, tel que réalisé dans le profil. Les outils classiques des écoles de commerce sont utilisés et portent avec eux des conventions sur le rôle des individus, leurs capacités d'action, leurs contextes d'action, de meme que sur les enjeux normatifs å partir desquels nous pouvons juger du succes de ceux-ci. Il n'est donc pas étonnant de constater que malgré le désir de délibération des responsables de l'animation et le contexte de l'École d'été, il est difficile pour les personnes participantes de remettre en question les présupposés de l'individualisme et de la croissance.
La performance individuelle
L'expérience proposée aux jeunes valorise les techniques et les qualités å acquérir pour tendre vers un modele d'entrepreneur ou d'entrepreneuse classique, mais qui a des retombées sociales. Elle valorise plus largement l'idéal de performance individuelle : la capacité å vendre son projet ou å se vendre soi-meme, puisque les deux objets sont inhérents l'un å l'autre; la responsabilité individuelle å l'égard d'enjeux collectifs; et l'investissement en ses capitaux humains afin d'augmenter sa valeur sur le marché des entrepreneurs et entrepreneuses sociaux. Elle leur permettent d'expérimenter une autre façon d'innover.
L'approche pédagogique entrepreneuriale, telle que véhiculée dans ce cas, est-elle porteuse dans le cadre de l'éducation å la citoyenneté démocratique? Pour répondre å cette question, nous nous rapportons å la réflexion de Westheimer (2015) sur l'éducation å la citoyenneté démocratique. Celui-ci explique que trois modeles de citoyenneté sont couramment enseignés dans les cursus scolaires nord-américains : le citoyen personnellement responsable, le citoyen participatif et le citoyen orienté vers la justice. Seul le citoyen orienté vers la justice serait spécifique aux sociétés démocratiques, puisque les deux autres seraient également promus dans les sociétés non démocratiques. Dans une approche pédagogique entrepreneuriale, les figures des citoyens et citoyennes responsables et « actifs » (Rosa et al., 2017, p. 59) sont particuliérement mobilisées. La finalité de la participation n'est toutefois pas politique. Il n'y a pas de réflexion sur la finalité de l'action, puisque la finalité est un probléme choisi et non imaginé et analysé. Les questions « Pourquoi innover? Et pour qui? » ne sont pas posées.
Les besoins sociaux ne sont pas des finalités politiques
Comme nous l'avons expliqué, les outils de management utilises, derriére leur fausse neutralité axiologique, ont pour finalité l'efficacité de l'action et non la justice, la reconnaissance ou l'équité. Pourtant, ces valeurs devraient étre le moteur de la transformation sociale, puisqu'elles sont intrinséques au projet démocratique. Comme l'indique Westheimer, la citoyenneté axée sur la justice est la seule figure propre au modéle démocratique, mais elle demeure peu enseignée aux jeunes. Nous pouvons constater que l'expérimentation offerte par le cas étudié reproduit ce constat. Devrait-il en étre ainsi?
Dans le contexte québécois, cette question se pose avec encore plus d'acuité, puisque le Chantier de l'économie sociale pose l'enjeu de l'innovation économique dans une perspective de l'action collective et dans la poursuite de la justice sociale. Pourquoi l'ignorer? Cela dit, l'entrepreneuriat social tel qu'il est présenté dans le profil ou promu par des acteurs comme l'organisme de services sociaux Ashoka répond å certains besoins sociaux. Il ne faudrait toutefois pas confondre des besoins sociaux avec des finalités sociales et politiques, et c'est ce que les outils et la perspective de l'entrepreneuriat social tendent å faire å notre avis.
Faut-il éduquer des entrepreneurs ou des citoyens?
Lorsqu'elle est mobilisée dans des pratiques d'éducation å la citoyenneté, la notion d'entrepreneur social et d'entrepreneuse sociale accentue ainsi l'entrepreneurialisation de la société en pénétrant trés directement la sphére de l'action sociale. Wendy Brown (2018) explique comment le néolibéralisme évacue le contenu de la démocratie, du politique, c'est-å-dire l'aspiration du peuple å la souveraineté, å l'égalité, å la liberté et å la justice, puisqu'il devient un mode de raisonnement et d'évaluation. L'État, ainsi que plusieurs sphéres de nos vies trés intimes, sont désormais conçus comme une entreprise qui cherche la croissance économique. Le néolibéralisme tend å maximiser et å accroître la valeur économique des choses et des individus. Cet objectif est également un outil d'évaluation de nos actions humaines; ceux et celles qui s'en écartent risquent la disqualification sociale et la perte d'estime.
L'éducation n'échappe pas å cette évaluation, puisque l'on veut accroître la valeur des gens sur un marché : investir dans les capitaux humains. Il n'est donc pas étonnant que les jeunes soient si attirés par le modéle de l'entrepreneuriat social. Ce modéle réussit å concilier, å l'échelle individuelle, des idéaux personnels de justice et de reproduction de la quéte d'efficience avec l'innovation et la croissance promues par la société et, en partie, par le systéme d'éducation. Il s'agit de la transformation néolibérale de ľ homo economicus, tel que l'expliquait Michel Foucault, puisque l'humain est moins une valeur d'échange pour la production qu'une valeur en soi qu'il faut investir.
Le projet de l'entrepreneur social ou l'entrepreneuse sociale est un projet individuel, qui répond å un besoin social, et il n'a aucune visée démocratique. L'hypothése non discutée est que les entrepreneurs et entrepreneuses sociaux sont largement altruistes dans leurs activités (Roberts et Woods, 2005; Dacin et al., 2011, p. 1205). Il s'agit ainsi de valoriser l'individu et sa capacité de changer la société. Le discours propose aux citoyens et aux citoyennes de devenir entrepreneurs ou entrepreneuses et d'agir ainsi å travers un projet et selon les motivations et l'envie de l'individu. L'entrepreneuriat est présenté comme « une des voies pour changer les choses, et c'est la voie qui s'adapte å toutes les situations possibles ». Les besoins sociaux deviennent des opportunités de marché dont la pertinence est évaluée å l'aune des critéres de marché et non des principes d'égalité, d'inclusion ou de justice sociale, par exemple. Les projets du citoyen entrepreneur ou de la citoyenne entrepreneuse ne měnent pas nécessairement å une transformation sociale inclusive ou émancipatrice, quoiqu'ils puissent le faire, mais ils permettent de régler les problěmes sociaux occasionnés par le fonctionnement existant de la société et, ce faisant, de reconduire et de perpétuer ce moděle social et économique de croissance. Ils sont la source d'initiatives créatives et répondent réellement å certains besoins sociaux. Il est toutefois nécessaire, comme société, de réfléchir aux limites de cette figure dans le cadre de l'action sociale, éducationnelle et démocratique et d'imaginer d'autres avenues possibles pour éduquer å l'innovation sociale dans un contexte démocratique.
CONCLUSION
Dans cet article, nous avons documenté un dispositif d'éducation citoyenne qui mobilise les approches pragmatistes et entrepreneuriales pour former les jeunes å l'entrepreneuriat social. Le dispositif étudié reprend les discours, outils et pratiques généralement utilisés en éducation formelle et informelle å l'entrepreneuriat social au Québec. Notre étude comporte des limites, puisque nous n'avons observé qu'une formation s'échelonnant sur une courte période. Elle nous permet toutefois de souligner les conceptions de la citoyenneté implicites dans les outils utilisés pour la formation. En effet, ceuxci portent une conception anthropologique de l'homo economicus en tension avec une conception anthropologique politique. La valorisation du développement des qualités individuelles, caractérisant le personnage de l'entrepreneur ou de l'entrepreneuse, invite å penser le projet de transformation sociale å travers les initiatives d'un acteur économique et moral plutôt qu'en fonction d'organisation politique et de collectivité. Ce constat invite ainsi å une réflexion théorique et empirique sur la figure de l'entrepreneur social véhiculée å travers les discours éducatifs au Québec.
ABOUT THE AUTHORS / LES AUTEURS
Chantale Mailhot est professeure titulaire au Département de management å HEC Montréal. Courriel : [email protected] .
Stephanie Gaudet est professeure titulaire å l'École d'études sociologiques et anthropologiques å l'Université d'Ottawa et directrice du Centre interdisciplinaire de recherche sur la citoyenneté et les minorites (CIRCEM). Courriel : [email protected] .
Émilie Drapeau est étudiante au doctorat å l'École d'études sociologiques et anthropologiques å l'Université d'Ottawa. Courriel : [email protected] .
Jose Fuca est diplomé de la maîtrise en Gestion de l'innovation sociale å HEC Montréal. Courriel : [email protected]
NOTES
1. Voir le site du projet https://educationetdemocratie.ca/
2. Cette école de citoyenneté a été reconnue par la Commission canadienne pour l'UNESCO et a été désignée comme l'une des trois meilleures pratiques d'éducation civique au Canada par l'Institut pour la citoyenneté canadienne (INM, 2018).
3. Retenons que « l'entrepreneuriat social est la reconnaissance d'opportunité guidée par une mission sociale, par la combinaison de ressources destinées principalement å explorer et å exploiter les opportunités pour opérer une transformation sociale ou répondre å des besoins sociaux non résolus » (Mair et Martí, 2006, p. 37).
4. Nous remercions le soutien du CRSH (435-2017-1062).
5. Les valeurs et les normes promues å travers chacun des profils d'activité sont plutôt tributaires des animateurs du profil, qui ne sont pas des employés de l'INM.
6. En France, l'entrepreneuriat fait partie de l'économie solidaire (Defourny et Nyssens, 2010). Au Québec, cette nouvelle figure sociale n'est pas nécessairement incluse dans le Chantier de l'économie sociale et solidaire (Claude et Gaudet, 2018).
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Abstract
Dans les projets éducationnels de l'entrepreneuriat social, il y de plus en plus de chevauchements entre les concepts d'entrepreneuriat et de citoyenneté. Dans cet article, nous avons analysé une expérience menée par un organisme sans but lucratif dont la mission est d'augmenter la participation citoyenne. Nous nous intéressons aux discours et aux outils dont il se sert dans sa formation en entrepreneuriat social. Notre objectif est de repérer les normes et valeurs soustendant la conception de citoyenneté transmise au cours de la formation. Nous montrons qu'il y a des tensions entre les objectifs de citoyenneté démocratique promus par l'organisme et le concept de citoyen sous-tendant la formation en entrepreneuriat social. Notre contribution a deux facettes : 1) Nous enrichissons la littérature sur l'éducation pour une citoyenneté démocratique en analysant une nouvelle approche, celle de l'éducation en entrepreneuriat social; 2) Nous jetons un regard critique sur le concept d'entrepreneuriat social quand il est utilisé dans les formations å la citoyenneté démocratique en analysant cette pratique et en la situant dans le domaine de l'innovation sociale.