Les violences a l'égard des femmes commises par un partenaire intime actuel ou ancien constituent encore un grave probleme humain en dépit des mesures de prévention et de traitement adoptées. Notre objectif est d'approfondir, a partir de vignettes cliniques, la compréhension des enjeux subjectifs dans le lien a l'autre. Nous avons mené une analyse de discours de 36 entretiens cliniques avec des femmes durablement victimes de diverses formes de violences physiques de la part de leurs ex-conjoints. Hormis le constat fréquent de phénomenes d'emprise dans ces liens conjugaux, nous observons, dans un cas sur deux, une diffi-culté majeure a subjectiver ce qui leur est arrivé. Au-dela des effets des traumatismes vécus, certaines de ces femmes semblent aliénées a des scénarios infantiles douloureux qu'elles répetent dans le lien de couple afin de les rejouer différemment ou de les résoudre.
Mots elés: Violence conjugale, lien, enjeux infantiles, subjectivation
A violencia contra as mulheres cometida por um parceiro íntimo, atual ou antigo, ainda é um problema grave, apesar das medidas de prevençao e tratamento adotadas. O nosso objetivo é aprofundar a compreensao dos interesses subjetivos na ligaçao ao outro, com base em vinhetas clínicas. Realizamos uma análise discursiva de 36 entrevistas clínicas com mulheres que foram vítimas a longo prazo de várias formas de violencia física por parte dos seus ex-cônjuges. Para além da observaçao frequente dos fenómenos de controle nestas relaçoes conjugais, observamos, num caso em cada dois, uma grande dificuldade em subjetivar o que lhes aconteceu. Para além dos efeitos resultantes dos traumas que viveram, algumas destas mulheres parecem estar presas aos dolorosos cenários da infancia que se repetem na relaçao de casal, a fim de os reproduzir de forma diferente ou de os resolver.
Palavras-chave: Violencia doméstica, ligaçao, questoes do infantil, subjetivaçâo
Despite preventive and curative measures, violence against women by a current or former intimate partner remains a serious social issue. Based on clinical vignettes, this paper seeks to deepen the understanding of the subjective issues in the relationship with the other. A total of 36 clinical interviews with women victims of various forms of physical violence by their ex-partners were investigated by speech analysis. Besides the frequent phenomena of control in these marital bonds, we observed, in one case out of two, a great difficult in subjectivize what happen to them. Beyond the effects of the traumas they have experienced, some of these women seem to be caught in the repetition of deeply painful childhood scenarios that they repeat in their marital relationships to either reproduce them differently or solve them.
Key words: Domestic violence, link, childhood issues, subjectivation
La violencia contra la mujer por parte de su pareja actual o anterior sigue siendo un grave problema humano, a pesar de las medidas de prevención y tratamiento adoptadas. Nuestro objetivo es profundizar, a partir de viñetas clínicas, la comprensión de las cuestiones subjetivas en el vínculo con el otro. Realizamos un análisis de discursos de 36 entrevistas clínicas con mujeres que han sido víctimas de diversas formas de violencia física por parte de sus ex-cónyuges. Aparte de los frecuentes fenómenos de dominación en estos vínculos conyugales, en uno de cada dos casos se observa una dificultad importante para subjetivar lo que les ha sucedido. Más allá de los efectos de los traumas sufridos, algunas de esas mujeres parecen alienadas a escenarios infantiles dolorosos que repiten en el vínculo de pareja para jugarlos de otra manera o resolverlos.
Palabras clave: Violencia conyugal, vínculo, cuestiones infantiles, subjetivación
Introduction
Depuis plus d'une dizaine d'années, les violences conjugales, par leur ampleur et leur gravité, préoccupent les pouvoirs publics et l'opinion, sans toutefois que l'on puisse réellement repérer une regression du phénomene (Granet-Lambrechts et al., 2016, Hamel et al. 2016; MIPROF, 2019). Selon un rapport de World Health Organization (2017) sur les violences a l'égard des femmes, "La plupart de ces violences sont le fait de partenaires intimes. Dans le monde, pres d'un tiers (30 %) des femmes ayant vécu une relation déclarent avoir subi une forme de violence physique et/ou sexuelle de la part de leur partenaire intime au cours de leur vie".1 Dans de nombreux pays, dont la France, des mesures de protection des victimes, qui restent majoritairement des femmes, ont été prises toutefois leur mise en œuvre nécessite que ces victimes puissent s'en saisir. En effet différentes études2 relevent qu'une grande proportion3 de femmes ne porte pas plainte pour diverses raisons. Pour Stein (2014) "La passivité des femmes était largement ARTIGOS
soutenue par la famille, la communauté, l'église, la loi et la médecine, des institutions culturelles qui promeuvent et maintiennent les rôles binaires des sexes"4 (chap. 1, o.c.). De plus, meme lorsque les conditions matérielles, juridiques, économiques leur sont favorables "de tres nombreuses femmes qui subissent des violences physiques et sexuelles dans leur couple ne s'en liberent pas et le lien avec le partenaire violent subsiste en dépit des sévices souvent majeurs" (Grihom, 2015, p. 72) ainsi que le révelent les données quantitatives et qualitatives (MIPROF, 2019). De meme Stein (2014, chap. 1, o.c.) souligne: "le paradoxe des femmes adultes qui, malgré la brutalité de leurs partenaires, étaient souvent incapables de s 'arracher a des relations corrosives".5
Dans ces couples, le lien semble résister a tout et comme ľaffirment Goldner et al. (1990) "La force de ce lien a le potentiel de vaincre le plus persuasif des programmes d'hébergement ou de lutte contre les violences; plus les forces extérieures tentent de séparer le couple, plus le lien les unit"6 (p. 359). En effet lors d'une étude pluridisciplinaire sur les dispositifs de prise en charge des femmes victimes de violences conjugales (Granet-Lambrechts et al., 2016) il ressort que nombre de professionnels se disent impuissants a protéger ces femmes qui seraient sous l'emprise de leur partenaire et dans l'incapacité de lui échapper. Ce rapport d'emprise entre l'auteur des violences et sa conjointe est en effet souvent présent et confirmé par d'autres travaux (Metz & Razon, 2015; Metz et al., 2018) et dans de nombreuses publications dont celle de Korff-Sausse (2003) et de Eigüer (1989/2012, 2017) décrivant le profil psychologique du "pervers narcissique". Cependant ce rapport d'emprise et la dynamique du lien a l'œuvre dans le couple restent a élucider. Comprendre cette dynamique nécessite d'explorer les enjeux psychiques conscients et inconscients qui ont présidé au choix amoureux demeurant presque toujours ancrés dans l'histoire infantile comme la littérature sur la question le montre. Ainsi Bécar (2009) postule que "les traumatismes conservés en négatif par chacun des partenaires entrent en résonance et se répondent (p. 47). Du fait de ces resonances, le but du lien est le lien lui-meme. Il doit étre conservé, car il donne a chacun les moyens de realiser les buts inconscients que seul il ne pourrait atteindre" (Bécar, 2009, pp. 79-80). Alors, lorsque la violence s'exprime dans le lien, elle "ne vient pas en sus dans le lien intersubjectif mais elle y est contenue" (Ibid.). D'un certain point de vue, cette conception est confirmée par plusieurs travaux anglo-saxons (Clulow, 2012; Welldon, 2011; Ferraty-Giacardi, 2017) qui établissent une relation entre la qualité insécure du lien d'attachement et les abus et dysfonctionnements vécus dans la relation d'intimité a l'âge adulte.
En appui sur le corpus psychanalytique et le travail analytique, l'écoute clinique de femmes qui ont été aux prises avec un partenaire violent, permet donc de discerner différents enjeux inconscients. Nous nous intéressons en particulier a une double aliénation pour celles-ci: l'aliénation a l'autre violent se revele etre le fruit de l'aliénation a leur propre inconscient et toutes deux fonctionnent de pair (Grihom, 2015, p. 72). L'objectif est ici de prendre appui sur les paroles de quelques femmes, afin d'éclairer ce qui se passe pour elles de ce point de vue. Il sera possible a partir de la de proposer une hypothese psychanalytique qui puisse rendre compte de la durée et de la répétition qui caractérisent certaines des violences conjugales. Dans cette intention seront étudiés: le processus de subjectivation, les éléments inconscients, fantasmatiques et traumatiques pris dans la répétition, enfin les enjeux pulsionnels a l'œuvre dans le lien.
Méthode de recherche
Dans le cadre de la recherche que nous avons menée en 2014-2016 (Metz & Thevernot, 2015; Metz et al., 2017), apres avoir sollicité leur consentement éclairé de participer a la recherche, nous avons recueilli 36 témoignages de femmes ayant été victimes de violences conjugales de la part de leurs conjoints: 18 femmes ont été rencontrées dans des foyers d'hébergement d'urgence, 13 autres ont été contactées par voies d'affichage ou par les réseaux sociaux, et correspondent a une population tout-venant, 5 ont été rencontrées par le biais d'une association qui vient en aide aux femmes originaires de Turquie. Voici quelques éléments descriptifs de notre échantillon: 1/3 sont d'origine française, 2 autres tiers sont venues en France pour se marier, 20% de ces femmes n'ont jamais travaillé en France; 1 tiers sont en activité professionnelle. Toutes sont séparées de leur conjoint. Elles sont ágées de 21 a 60 ans, les durées de vie commune s'échelonnent de 4 a 27 ans marquées par des violences conjugales, toutes ont subi des agressions corporelles. Conformément a la loi française en vigueur au moment de l'étude une information daire et precise leur a été donnée afin d'obtenir leur consentement. Aucune compensation financiere n'a été proposée.
Du point de vue méthodologique la recherche s'est fondée sur une approche qualitative a partir d'entretiens semi-directifs. Comme le souligne Blanchet (2007), l'orientation non directive des entretiens permet d'accéder a la maniere dont se construit pour chacune son histoire infantile et conjugale afin de formuler de nouvelles hypotheses. Ainsi, nos questions ont porté a la fois sur leurs vécus de femmes maltraitées et violentées par leurs partenaires, mais aussi sur leur enfance. Les entretiens ont été enregistrés puis décryptés en préservant l'anonymat de nos interlocutrices. Les matériaux textuels ainsi obtenus ont permis de réaliser une analyse qualitative des contenus des verbatims selon les méthodes d'analyse de contenu (Jeammet, 1995) et du discours (Azoulay & Emmanuelli, 2000; Maingueneau & Angermüller, 2007) puis d'entreprendre une analyse des processus psychiques empechant ou rendant la séparation et/ou le réaménagement du lien de couple difficile voire impossible.
Resultats généraux
Certes les affects et conduites sont puissamment ancrés dans l'histoire infantile, cependant cet ancrage ne se réduit pas au cas de répétition de violences physiques vues ou subies dans l'enfance, ce facteur étant depuis longtemps identifié (Henrion, 2001). Ce qui opere dans le choix du conjoint et le maintien du lien dans le couple révele bien d'autres aspects, déterminés par les modalités relationnelles potentiellement traumatiques rencontrées dans l'enfance et toujours singulieres.7 Nous souhaitons en premier lieu mettre en exergue deux de ces aspects:
* Nous avons noté une absence d affects lors de la narration des violences subies, d'importantes difficultés a énoncer une parole en leur nom propre et une centration sur le partenaire dans leur narration. Les aspects factuels mis en récit l'emportent sur les aspects narratifs d'une part, compréhensifs et réflexifs d'autre part. Ainsi la moitié des femmes rencontrées narrent les scenes de violence de maniere descriptive, sans affect et sans les questionner. Cette forme de narrativité caractéristique du traumatisme psychique est-elle principalement défensive ou aussi liée a une difficulté, voire a une impossibilité de mettre en sens ce qui leur arrive et de l'élaborer?
* Dans un quart des cas, nous avons relevé de maniere précise des scénarios issus de la vie infantile (Ortigues, E., & Ortigues, M. C., 2002) se répétant dans la vie de la femme avec son conjoint, scénarios inconscients et agissant puissamment tout en restant a l'insu des femmes elles-memes. Par exemple il peut s'agir de sauver l'autre, de le changer ou de le réparer tout comme elles l'ont désiré autrefois pour leur mere et/ou leur pere. Nos résultats montrent que ces traumatismes liés a l'enfance suscitent alors chez ces femmes des fantasmes intenses et résistants de réparation de leur propre histoire, ce qui pese lourdement sur leur possibilité a fuir le conjoint violent. Propres a chaque femme, liés a la singularité de son histoire de vie, ces scénarios restent en souffrance tant qu'ils ne sont pas élucidés et dénoués. La longévité de ces couples indique que c'est souvent toute une dynamique familiale (intrafamiliale et intergénérationnelle) qui est en cause (Houel, 2017).
Nous avons choisi de montrer comment ces éléments prennent sens au travers d'histoires singulieres, ici celles de Catherine et de Claire.
Repetition et subjectivation, le rôle des scénarios infantiles
Catherine
Catherine a trois enfants dont Jason un garçon de sept ans, placé en foyer car il fuguait. Mise a la porte a 16 ans par sa mere, Catherine a rencontré successivement deux conjoints violents dont le pere de ses deux premiers enfants, qui a exercé sur elle des sévices graves. Elle et son dernier conjoint se sont rencontrés en foyer. Le rapport a l'autre est jalonné de violences, de la part des trois conjoints mais aussi du fils placé Jason "il [le pere] me ARTIGOS
tapait dessus tout le temps c'est peut-etre pour ça aussi que Jason est comme ça maintenant il tape... Au bout de trois semaines quand meme il m'a tapée déja". Elle énumere apres ce constat une série d'actes violents "pour rien" ou elle risque plusieurs fois sa vie, comme si frôler la mort pouvait permettre de trouver un désir de vivre, fragile depuis longtemps: elle a fait plusieurs tentatives de suicide au début de l'adolescence. Peut-etre s'agit-il d'une sorte de conduite ordalique au sens de Le Breton (2002): "Ces conduites sont une maniere de jouer son existence contre la mort pour donner sens et valeur a sa vie" (p. 43).
Dans son histoire familiale, Catherine est l'objet d'un rejet par sa mere "ma mere m'a foutue dehors quand j'avais seize ans... Done je suis allé e habiter chez sa sœur [du pere des enfants], et je pense que c'est ça en fait qui m'a fait euh... rester parce que je n'avais pas peut-etre pas d'endroit ou. aller", elle se retrouve alors dans un monde dépourvu de place pour elle. Tout se passe comme si elle se vivait, dans cette actualisation du passé, comme un objet voire un déchet "elle m'a jetée dehors" répete-t-elle sous l'effet d'une sorte de bannissement "plus personne ne veut rien savoir de toi". Outre le rejet maternel, elle a vécu l'abandon par son propre pere qu'elle n'a pas connu. Elle y voit la racine de son désir de rester avec le pere des enfants, pour éviter un nouvel abandon par 'un' pere. Ainsi les peres se confondent-ils. "Je n'ai pas connu vraiment mon vrai pere donc je n'ai pas envie que mes enfants ... Voyez ce que je veux dire - ne connaissent pas leur pere non plus" elle reste donc pour la petite: "pour qu'elle ait son pere". Catherine est hantée par l'idée de ne pas priver ses enfants de pere, ce dont elle-meme a souffert, et la s'enracine semble-t-il une part du scénario infantile qui rendrait compte de la difficulté a quitter le conjoint violent.
D'autre part, assignée des son plus jeune âge a la place d'objet-déchet par son pere puis sa mere, n'ayant pas une vraie place dans le monde, elle ne cesse d'etre en danger de mort aupres de ses partenaires. Comme si elle demeurait en peine de trouver sa propre valeur, elle court ainsi
le risque de [tuer?] son corps pour retrouver sa place dans le tissu du monde, dans un échange symbolique avec la mort: (elle) offre sa vie au risque de la mort, mais (elle) attend aussi, si (elle) s'en sort, qu'elle lui donne en échange ce sentiment d'assurance qui manque a son existence. (Le Breton, 2002, p. 43)
L'autre n'est pas différencié au sens ou il n'est que support d'une possible valorisation, elle-meme, se vivant comme dépourvue de valeur propre, peine a effectuer une construction subjective ou soi et l'autre seraient différenciés. Elle tente pourtant d'élaborer ses liens mais achoppe dans ses essais tant les scenarios infantiles d abandon et de rejet sont charges de destruction et de destitution subjective. Quelle fonction remplissent ses repetitions? Permettent-elles une elaboration ou sont-elles une tentative pour faire se realiser ce fantasme d'etre ríen selon le vœu de mort de sa mere?
Claire ou les fantasmes du meme
Claire a grandi avec ses parents, alors que son pere avait une liaison avec une autre femme dont il a eu plusieurs enfants, au grand desespoir de son épouse. Claire a partagé la vie d'un conjoint violent durant six ans, subissant des violences physiques dont elle s'est échappée en derniere instance sous la menace de mort. Jusque-la elle ne pouvait rompre ni cette vie commune ni ce lien. L'histoire de Claire devoile a travers son propre questionnement, un mecanisme enracine dans l'enfance qui a cimente son lien a l'autre.
Lors de l'entretien elle identifie chez elle lors de ces années de vie commune une certaine passivité qu'elle ne s'explique pas: "je n'ai pas osé meme, je n'ai meme pas dit: allez va-t'en, dehors, va chercher ailleurs! J'étais gentille, je ne pouvais pas crier. Je n 'arrive pas a crier apres un homme". Cette impossibilite a se defendre par la parole ou par les gestes reste enigmatique pour elle: "je ne sais pas pourquoi je n 'arrive pas, pourquoi je n 'ai pas mis les mots comme il faut a ce moment-la. Je me pose des questions maintenant: mais pourquoi je ne l'ai pas frappé moi aussi alors que je suis quand meme quelqu'un qui est costaud et qui pouvait quand meme répondre?". Seule, la proximité de la mort la fait réagir. "Il m'a frappée a mort et je suis partie. Ah oui ce jour-la des qu'il était parti dans le salon, j'ai ouvert la fenetre et j'ai sauté par la fenetre". Voir la mort en face lui donne le sursaut nécessaire pour se sentir suffisamment vivante pour échapper a cet homme et au danger qu'il represente.
Explorant le passé, elle reconnaît chez elle un meme sentiment de pitié pour son conjoint que pour sa mere trahie par son pere "ma mere elle a beaucoup souffert et en méme temps j'ai souffert aussi, en méme temps que ma mere. Quand ma mere elle pleure, Moi je me cache pour pleurer aussi, je me cache dans le drap et je pleure aussi et... C'était toujours comme ça quand j'étais petite, c'est pour ça peut-etre que j'ai cette pitié qui est tout le temps en moi aussi". L'identification a la mere, dont elle parle encore au present, precipite cette disposition a la pitie qui domine ensuite sa vie en particulier avec son conjoint: "je n'arrive pas a trier les gens bien et les gens qui ne sont pas bien parce que c'est a cause de cette histoire de pitié et de cette envie d'aider les gens. Je me suis dit que je pourrais aider cet komme a changer, et bon je suis croyante". Enracinée dans la pitié, la croyance dans le changement de cet homme scelle des lors le lien, a la vie a la mort "malgré tout ça, meme si je l'ai quitté, tout ce que j'avais envie de faire c'est de retourner la-bas!"
Claire est ainsi prise dans un fantasme de non-différenciation ou mere et conjoint ne se distinguent pas, ce qu'elle nomme pitié s'adresse aux deux confondus. Elle ne peut concevoir des lors que son conjoint est cet homme ultra-violent qui a failli la tuer, dominée qu'elle est par l'idée d'un changement possible. Le rapport a l'autre est de l'ordre de la croyance, soit l'"assentiment que donne l'esprit, sans réflexion personnelle et sans examen approfondi" (CNRTL8), révélant l'inhibition d'une pensée a soi, et par la le défaut de subjectivation souligné par Metz et al. (2017). C'est bien tout a la fois l'altérité au sens de la reconnaissance de l'autre dans sa difference selon l'expression de (Chevalier & Grihom, 2013, p. 99) et la subjectivation qui peinent ici a se construire car "ces pratiques de la memeté ne forment pas de sujets" (Christ, 2011, p. 105). Le lien au conjoint violent devient alors difficile voire impossible a rompre, et la séparation ne suscite que nostalgie. En effet ce lien "ne possede pas les caractéristiques d'un lien social au sens freudien: intériorisation de la limite dans le rapport avec l'autre, du fait de l'existence de l'altérité, et association avec l'autre dans le lien, du fait du manque dont chacun est porteur (Christ, 2011). Ainsi ce lien semble reposer sur le fantasme d'une réparation de l'autre, qui suscite avant tout la pitié, quels que soient ses actes, l'autre n'étant alors qu'un avatar de la mere en pleurs.
Si Claire, prise dans cette répétition inconsciente, ne comprend pas son absence de réaction ou sa 'passivité' - comme d'ailleurs la plupart des acteurs concernés par la prise en charge de ces femmes - comment la concevoir et quelle spécificité aurait-elle? Nous repérons dans ces deux vignettes une absence de subjectivation, la prevalence d'un scénario infantile, et des identifications aliénantes: chez Claire semble dominer l'identification a une mere victime alors que chez Catherine elle concerne la mere rejetante. Dans les deux cas, les logiques inconscientes privilégient la memeté (Ricœur, 1990) tant dans la répétition du scénario infantile - d'abandon pour l'une et de réparation pour l'autre - que dans le choix identificatoire. La representation de la violence du lien qu'elles vivent dans leur couple en est par conséquent empechée de meme que celle de leur souffrance propre. Comment comprendre cette apparente passivité y compris au niveau de leur propre representation d'elles-memes? Nous avancerons sur ce point sans doute en déployant deux autres cas de femmes.
La passivation par l'autre
Christelle
Christelle, âgée de 37 ans, est rencontrée dans un foyer d'accueil en présence de son jeune fils. Elle a eu trois enfants de trois partenaires différentes, les deux ainés ont été placés suite a des violences de leurs peres selon elle. Elle-meme évoque a demi-mot les 'choses ' qu'elle a alors vécues. Elle a fini par quitter le pere du 3eme enfant du fait des coups et blessures reçus. Des le début de l'entretien, elle évoque les violences de son fils a son égard et les relie aux encouragements antérieurs du pere "parce que le papa quand il me battait il disait des fois Walter mais frappe ta mere".
Une subjectivation délicate
Elle se plaint d'avoir été traitée comme une 'moins que rien' subissant injures, tromperies ouvertes et dénigrement aussi. Il semble que sa jalousie a l'égard d'une relation antérieure que fréquentait assidÛment son ex-compagnon ait concouru a des scenes de ménage : "j'ai le droit d'avoir des doutes et lui ne comprend pas que j'aie des doutes..." et a des violences au moins verbales de sa part la qualifiant de folle "schizophrene". A ces violences régulieres (gifles et autres coups) s'ajoutaient celles de son frere et beau-frere. Elles semblent avoir commencé au moment de la grossesse et avoir été favorisées par l'alcoolisation et la pratique toxicomaniaque du compagnon seul ou avec ses amis au domicile: "je n'avaispas de vie intime". Elle porte plainte a la suite d'un nouveau déchaínement de violence: "il m 'a donné des coups de poing j'étais par terre.il y a du sang qui a meme giclé sur la porte".
Christelle décrit longuement et de maniere détaillée les violences physiques, gifles, coup de poing, coup de boule, tentative d'étranglement, fracture: "j'ai le nez cassé, l'os ici a été enfoncé dedans" mais les affects et expressions de douleur sont absents - comme si dire la factualité des actes rendait compte de l'ensemble de ses éprouvés. Au cœur du traumatisme psychique, le sujet est comme separé de ce corps, il est a la fois réduit a son corps organique et contraint a céder quelque chose de son corps. Le corps de Christelle est livré aux coups mais aussi aux baisers: "il me fait du chantage, il veut que je revienne, il dit qu'il m'aime alors des fois quand il m'embrasse je me laisse faire mais je le fais á contrecœur, j'ai peur de lui dire norí". Ainsi Christelle consent a se faire objet de la jouissance de son mari, "quelque chose du vivant du corps est comme capté, extorqué, arraché au sujet. Il ne parvient plus a se dégager" (Leguil, 2021, p. 113). Sans qu'elle ne soit en mesure ni de se défendre ni de dire non, prise par la peur et l'impuissance a s'opposer. "Quand il me battait done, du coup, je me mettais dans la coquille quoi, je me laissais faire. Quand il me mettait des gifles, j'étais lá comme une statue, je pleurais, je pleurais et plus je pleurais plus il me donnait des gifles". Elle était comme dessaisie de son corps propre ce qu'elle perçoit en partie quand elle se décrit comme une statue. Elle parle donc des violences et humiliations a son égard et de certaines interactions comme si elle était engluée tant dans le poids du réel qu'elle a vécu que dans sa difficulté propre a élaborer son expérience. Parler de ce qui a fait trauma s'apparente a une forme d'aveu car il s'agit de "tenter de dire quelque chose de ce qui a été éprouvé sans le consentement du sujet" (Leguil, 2021, p. 135).
Un fantasme de passivation et de mort
Par exemple, elle évoque une dépression et un internement forcé par son premier mari. L'idée de forçage revient a plusieurs reprises: de la part du partenaire "il m'avait étranglée sur le lit il m'a dit 'tu m'appartiens'", sur le plan sexuel dans le couple ou de la part d'autres hommes (frere du compagnon, copain) lorsqu'elle évoque des tentatives de viol. Elle dit ainsi: "j'étais qu'un objet. Tout le monde pouvait presque me faire ce qu'il voulait"... Elle évoque pourtant des moments de refus de cette réalité contraignante ou elle crie son opposition "je lui fais ouais mais hein tu me traites de folle et tout ça mais t'en as pas marre de me rabaisser j'en ai marre". Ils paraissent vite abandonnés car chaque fois son compagnon redoublait de violence a son égard - y compris en presence de son propre frere. Elle peine a élaborer davantage l'expérience de la dépression, ainsi que les moments de défense et de refus de la situation qui lui est faite: "je veux plus j'ai trop vécu, j'ai trop accepté". Un motif peut expliquer l'abandon de son affirmation subjective: sa tendance a mettre l'autre et son désir a l'avant plutôt qu'elle-meme. Cela concerne autant son compagnon auquel elle obéit machinalement que son fils.
Les violences sur ce dernier - morsure a la joue, absence de som, gifles - et le refus de cet enfant par l'ex-compagnon (il voulalt qu'elle avorte) semblent avoir ainsi joué un role important dans sa decision de quitter cet homme. Toutefois elle ne parvient pas a rompre totalement la relation dont elle pâtit physiquement et psychiquement et accepte de croire sur parole l'autre: "quand il me dit qu'il m'aime encore... Je suis dans la faiblesse" ou "il m'a dit qu'il recommenceraitplus" ou encore "il réussit encore tellement á me chambouler que je sais plus". Sa volonté propre semble la aussl mise en difficulté par une place d'objet dans la relation a l'autre, qui lui est assignée et qu'elle accepte d'occuper pendant un temps. Cette apparente passivité pourrait-elle traduire la position subjective qui est la sienne dans le fantasme freudien "On bat un enfant"? "Si l'autre (le pere, l'amant) bat c'est par équation inconsciente qu'il aime."
Aimer le méme, toujours
Comme les femmes évoquées ici, elle n'a pas pu partir pendant longtemps et elle pardonnait: "je disais bon je te pardonne, je te pardonne", s'attachant la encore a épargner l'autre, a lui éviter la détresse, l'abandon. Pourtant elle subjective par moments quand elle repere une absence de reaction, une passivité chez elle comme nous l'avons vu: " je me refermais sur moi-meme donc je me laissais injurier hein accabler".
Un autre passage de l'entretien est de ce point de vue intéressant lorsqu'elle mesure que la relation égalitaire au plan narcissique a disparu dans ce couple. "Au début on était sur le meme piédestal, on était au meme niveau et sans me rendre compte je me suis retrouvée tout á fait derriere lui, c 'est-á-dire comme s 'il me tirait avec une chaîne". Ce moment de subjectivation s'accompagne de la reprise d'un projet identificatoire (autonomie, travail, vie seule) mais aussi de la prise en compte de sa propre difficulté a se protéger : "je ne suis jamais vraiment allée jusqu'au bout". Comment rendre compte de cette réalité a laquelle la clinique nous confronte souvent d'une incapacité a se protéger soi-meme au détriment des investissements narcissiques et corporels? Tournons-nous vers les processus d'identification et de differentiation tels qu'ils peuvent s'analyser dans son récit.
Non seulement Christelle ne se présente pas mais elle peine a identifier l'autre. Ainsi son récit est souvent confus car elle passe du présent au passé sans crier gare et l'homme violent avec qui elle se décrit en relation de soumission n'est pas aisément identifiable: "je me disais mais tu es quoi? Tu n'es qu'un objet!" Comme s'il y avait un processus de condensation entre ces différents hommes. Son ex-compagnon désigné longtemps comme le "papa" de l'enfant ne sera d'ailleurs nommé qu'a la fin de l'entretien. L'autre violent peut etre le conjoint, le firere, "mon frere aussi parfois il boit, il est méchant, il m 'interdit de prendre une douche ", ou son fils Walter pourtant encore en bas âge "mon fils il me tient tete beaucoup, vu tout ce qu'il a vu. Il m'a déja giflée 3 fois depuis que je suis ici". Ainsi Walter est-il confondu avec l'image des hommes qui 'tapent'. La tendance projective de Christelle a l'égard de son fils, perceptible des le début de l'entretien, semble lui faire prendre des attaques banales de l'enfant, qui s'assure de la resistance de l'autre, pour une volonté destructrice. Lorsque soudain, dans un insight elle perçoit l'effet de son identification projective sur son fils: "c'est son pere que j'ai vu en face, j'ai eu un flash, j'ai vu le pere!", elle se détermine a s'éloigner de cet homme. Ce moment de subjectivation ne l'empeche pas d'etre en grand désarroi face aux agissements quotidiens de son fils ce qui la conduit a ne pouvoir y mettre fin autrement que par des coups: "tu tapes, je tape" dit-elle a Walter. Ainsi le rapport a l'autre semble marqué par une violence physique toujours présente qui peut venir d'elle aussi, a l'égard de Walter mais aussi de son ancien compagnon: "c'est lui qui avait cherché je n'ai pas voulu de ça j'ai fermé mon poing je lui ai mis un coup de poing mais c'est lui, il me dit mais hop vas-y, vas-y!".
La memeté domine ainsi, tant dans le recouvrement par la violence des figures de l'autre indifférencié, que dans le scénario amoureux dont la répétition est manifeste. Le compagnon est a la fois maladivement jaloux, il manque de l'étrangler pour ce motif: "tu m'appartiens! Je ne veux pas que tu parles avec mon frere", et autorise tout irrespect a son égard. Il ne supporte pas la séparation et tente encore de la faire revenir au domicile. Elle exprime alors sa réticence et sa peur et revient sur des moments paroxystiques de leur relation ou sa vie est en jeu: "quand il me battait, il m'étranglait" sans en dégager vraiment les conséquences pour elle mais bien plutôt pour l'autre: pour l'embryon perdu sous les coups dans une premiere relation, pour son fils. Le lien intersubjectif ne peut donc etre rompu ni par l'un ni par l'autre des membres du couple. Malgré les violences, meme une fois la séparation accomplie, le lien reste présent apparemment indestructible et suscite une forme de regret. Comme si Christelle ne pouvant clairement se différencier et s'individuer, dėplaęait sur l'autre la sollicitude qu'elle devrait avoir pour elle-meme.
Tout se passe comme si aimer c'était pour elle "toutfaire pour l'homme" par amour, et pardonner dans la meme logique. A l'origine, elle-meme a été exposée aux violences conjugales de ses parents: j'ai aussi vu la violence de mon pere vis-a-vis de ma mere". Ayant été privée de son pere de ses sept a quatorze ans, selon elle du fait des obstacles mis par sa mere, elle ne veut surtout pas que ses enfants vivent la meme histoire: "moi je ne veux pas ce que ma mere nous a fait, je ne veux pas reproduire... meme si je laisse Walter le week-end pour l'instant, parce que moi, je sais ce que c'est, je ne veux pas le reproduire sur mon fils".
Aux racines de cette extreme sollicitude pour l'autre pourrait se trouver un amour d'allure passionnelle qui amene a "tout faire" et "pardonner" pour etre aimée. Cette devotion a l'autre trouve sa source dans l'histoire familiale: "si je suis tres aimante comme ça aussi c'est parce que j'ai toujours cherché de l'amour envers quelqu'un, parce que je n'ai pas eu assez d'amour de ma maman et ni de mon papa". Le beau-pere, "espece de pervers" détesté, n'a pas non plus été une figure aimante. Se dessine cette place d'objet comme déja préfigurée en famille, ou Christelle est une enfant non voulue qui a survécu a une tentative d'avortement et a ensuite été rejetée: "ma maman elle ne m'a jamais vraiment protégée moi, ma sœur oui, mes freres oui, mais moi, j'étais toujours rejetée parce que moi... ma mere et mon pere. j'étais pas voulue, l'avortement n'a pas marché avec moi, c'était trop tard". La soumission a l'autre rejetant et violent semble trouver la son origine. "Ma mere m'a dit a six ans: 'si seulement l'avortement avait marché avec toi!. Ça m'a toujours marquée. J'ai toujours - bien que ma maman elle fÛt tres, tres, tres sévere avec moi - je l 'ai quand meme aimée malgré tout, j 'ai quand meme pris soin d'elle, j'ai fait mon röle de fille aínée malgré tout et elle était tres, tres méchante ma mere, elle me battait aussi".
Le lien inaliénable au conjoint violent prend naissance pour Christelle dans une quete d'amour éperdue en premier lieu aupres d'une mere violente et rejetante, quete toujours inassouvie et donc toujours renouvelée. Cette "passion du lien originaire" (Grihom & Keller, 2010) convoque tant les ancrages corporels de l'originaire au sens d'Aulagnier (1975/1991, 1982) que la pulsion de mort qui les a fondés. Ainsi: "la vie du corps est essentielle a la vie du psychisme: 'Que peut-on entendre par vie psychique? Si on appelle ainsi toute forme d 'activité psychique, elle n 'exige que deux seules conditions: la survie du corps et, pour ce faire, la persistance d'un investissement libidinal résistant á une victoire définitive de la pulsion de mort' " (Aulagnier citée par Miller, 2001, p. 32).
La mort sous-tendue par la tentative d'avortement ratée est contenue dans ce lien maternel qui se rejoue avec le conjoint. Le corps est alors support de tous les sévices et de tentatives de meurtre. Il s'agira done de "tout faire" et de "pardonner" dans l'espoir de conquérir cet amour. Dans cette hypothese, la moindre parole d'amour agit comme la realisation du fantasme, veritable philtre d'amour. L'autre n'est pas différencié en ce sens, il n'est que le support possible de cette realisation. Ainsi, la position subjective d'etre battue par le pere que met en scene le fantasme "un enfant est battu" (Freud, 1919/1995) ne serait qu'un voile mis sur une relation mortifere originaire ou c'est la reconnaissance meme de la subjectivité de l'enfant qui est en jeu.
Discussion
En effet la subjectivation est susceptible de permettre de saisir, dans un rapport intra-subjectal, les enjeux subjectifs et les buts inconscients qui sont vises par le lien (Kaěs, 2006). A cet égard, cette appropriation subjective doit pouvoir travailler le matériau psychique qui forme tant le rapport a soi-meme qu'a l'autre et ce qui les unit dans le lien. Les fantasmes individuels et ceux qui organisent le lien intersubjectif y auraient une place majeure (Grihom, 2015, pp. 79-80).
Nous avons eu pour guide d'analyse des entretiens une premiere hypothese concernant les fantasmes en jeu dans le processus de subjectivation du lien. D'une maniere générale, la femme victime de violences (notamment corporelles dans notre échantillon) chercherait obstinément (inconsciemment) a rejouer un scénario infantile douloureux de maniere a en modifier l'issue ou a élucider le sens de ce scénario (Ortigues et Ortigues, 2002). Cette répétition reste méconnue par le sujet dans le lien impensable qu'il entretient avec son partenaire. Ainsi un des enjeux subjectifs de la répétition de ces situations de maltraitance conjugale serait une tentative de symbolisation de ces expériences infantiles non subjectivées.
Intérět de la recherche
Cette étude de la subjectivation du lien a soi et a l'autre chez des femmes durablement victimes de violences notamment physiques dans leur couple a permis de dégager certaines caractéristiques que nous résumerons ainsi:
* leur lien intersubjectif au conjoint s'organise a partir d'un scénario fantasmatique infantile dont la répétition est patente et qui contient une figuration de la violence - par abandon, rejet, maltraitance, indifference. Non seulement il est organisateur de la representation de la réalité par ces femmes et leur fait tenir pour normales ou banales des violences illegitimes, mais de plus il participe de leur obstination a répéter ce scenario et va de pair avec une repetition de la memete au travers ^'identifications alienantes a la mere le plus souvent, présentée tantôt comme bourreau, tantôt comme victime.
* Si tout lien a pour visée de maintenir la méconnaissance de ce qu'il permet au sujet de réaliser pour son propre compte selon Kaěs (2006), il faudrait alors envisager a titre d'hypothese qu'il permettrait de rejouer la désubjectivation initiale autrement dit la part traumatique contenue dans les liens premiers.
Dans cette perspective, ce qui apparaît comme de la passivité serait plutôt de la passivation au sens de Green (1999): "La passivation, á la différence de la passivité, est ce qui contraint á subir et non simplement un mode de jouissance recherchée" (p. 1587). Green distingue alors la passivité-détresse (ou passivation) de la passivité-jouissance. Cette passivation est apparue partagée par ces femmes et retrouvée au travers de l'état de déréliction auquel les confrontent les violences. Sans secours possible, obligees de se "mettre dans leur bulle" vivent-elles l'horreur pour parvenir a se dégager a terme de cette paralysie forcée?
La passivation n'empeche pas une forme d'activité. L'état passif qu'elles relevent chacune, constitue une enigme pour elle. Celui-ci est cependant doublé d'une activité acharnée, souvent dans une quete d'amour incessante comme pour Christelle, ou la quete d'une reparation de l'autre, ou encore la quete d'une valorisation inaccessible comme pour Catherine. Chacune de ces situations renvoie a une douloureuse histoire infantile traversée par les abandons, les vœux de mort, les rejets. Des lors, les etats de detresse precoce reperes dans l'histoire infantile de ces femmes, peuvent les exposer a cette passivation sans représentation, conduisant a leur enfermement perpétuant la "contrainte a subir" forgee dans la prime enfance. L'activite ne cesse pas pour autant, toute leur énergie étant consacrée a obtenir la satisfaction de leur quete, quete d'amour, de valorisation ou de reparation.
Limites
Nous avons propose l'hypothese qu'un des enjeux de la repetition de ces situations de maltraitance conjugale serait une tentative de symbolisation de ces experiences infantiles non subjectivees. Celle-ci ne peut se verifier qu'au travers d'un travail therapeutique meme si la valeur de cette hypothese théorique d'une recherche de symbolisation comme auto-traitement du traumatique est depuis une dizaine d'années avancée par plusieurs spécialistes a propos des auteurs de violences afin de donner sens a leurs actes (Houel, Mercader & Sobota, 2008; Houel, 2017b par exemple). Peut-etre la aussi parce que l'apparente position active des auteurs laisse dans l'ombre leur éventuelle détresse précoce propre. La quete de symbolisation s'avere pertinente pour rendre compte de la durée et de la répétition de relations conjugales violentes.
Une seconde limite de cette recherche tient a la possible généralisation des résultats obtenus concernant l'actualisation dans le lien conjugal d'éléments infantiles fantasmatiques ou le sujet de l'action violente est l'autre. Dans nos entretiens, peu de femmes se sont construites dans des univers familiaux sans violence: qu'elles aient été elles-memes objets de maltraitances physiques ou psychologiques ou qu'elles aient eu a composer avec la violence d'un des parents a l'égard de l'autre. Nous ne pouvons généraliser qu'avec prudence les résultats des travaux évoqués plus haut sur le poids des violences familiales sur le psychisme de l'enfant (Metz & Razon, 2015; Metz & Thevenot, 2015). Il est possible en revanche d'envisager que l'actualisation dans le couple de ces scénarios traumatiques dépende d'un faisceau de facteurs: la complémentarité des fantasmes de chaque partenaire (De Neuter & Bastien, 2007), la qualité des organisateurs œdipiens de chacun (Kaěs, 1993, 2006); la force du scénario violent en jeu réactivé par le lien amoureux et donc la force de la passivation traumatique dans le lien avec un parent ou face a la violence dans le couple parental.
Conclusion
Les femmes a qui nous avons donné la parole ici ont toutes eu des impossibilités a penser leur place dans le lien violent qu'elles ont durablement connu comme a se penser elles-memes. Une pauvreté de leurs représentations de soi et de leur identité narrative est régulierement retrouvée. Nous avons tenté de concevoir a quoi tenait une telle entrave a la subjectivation de soi, de l'autre, du lien intersubjectif. Il est apparu que leur difficulté a subjectiver trouve une de ses raisons dans une relative indifférenciation entre soi et l'autre; une autre dans le fantasme de memeté qui, en annulant toute différence, empeche précisément une advenue représentative et idéique d'un savoir sur soi: son corps, ses affects, ses sensations douloureuses et d'un savoir sur l'autre: ses intentions en particulier. La representation de la violence subie reste en enet factuelle - rare est la conscience du danger létal encouru comme nous l'avons vu.
Une demlere raison qui nous a semblé centrale tlent a la passivation (Green, 1999) connue dans l'enfance dont les ancrages originaires, non représentatifs, forment le fond traumatique qui s'actualise dans le lien et gouverne celui-ci. La violence subie est donc consubstantielle au lien et entrave les processus de symbolisation. Le lien de couple pathologique que chacune de ces femmes constitue avec son partenaire semble réitérer leur détresse initiale (Hilflosigkeit) sous la forme de la passivité-détresse ou passivation, ou encore contrainte a subir, modalité de leur subjectivation premiere (d'objet du mépris, de la honte ou du rejet de l'autre familial vraisemblablement). Leur survie tient a l'illusoire quete de reconnaissance et d'amour qu'elles placent dans le lien traumatogene et qui constitue une activité tant décevante qu'incessante. Ces nouvelles données a propos des enjeux pulsionnels dans le lien doivent etre prises en compte: on ne peut leur demander de cesser d'etre passivées sans leur demander par la-meme de cesser d'etre actives dans leur recherche de reparation d'une désubjectivation originaire. Cela devrait permettre d'une part d'avancer dans la prise en charge thérapeutique de ces femmes et de leur couple et d'autre part de les dégager de la pulsion de mort déliée de la pulsion de vie qui organise leur rapport intra-subjectif et intersubjectif.
Aulagnier, P. (1979). Les destins du plaisir: Alienation - amour - passion. PUF.
Aulagnier, P. (1982). Condamné a investir. Nouvelle Revue de Psychanalyse, 25, 309-330.
Aulagnier, P. (1991). La violence de l'interprétation. PUF. (Travail originale publiée dans 1975).
Arreguy, M. E. (2008). Les crimes dans le triangle amoureux. Université de Lille: Atelier National de Reproduction de Theses.
Azoulay, C., & Emmanuelli, M. (2000). La feuille de dépouillement du TAT: nouvelle formule, nouveaux procédés [The collection and analysis sheet for TAT results: a new formula, new procedures]. Psychologie clinique etprojective, 6(1), 305-327.
Bécar, F. (2009). Remaniement psychique du couple et répétition traumatique [Psychic revision within the couple and traumatic repetition]. Le Divan familial, 2, 45-58.
Blanchet, A. (2007). L'enquete et ses méthodes: l'entretien. Armand Colin.
Chevalier, C., & Grihom, M.-J. (2013). Injonction de soins et populisme pénal. La tension entre memeté et altérité pour l'agresseur sexuel et sa victime. Topique, 122, 93-106. DOI 10.3917/top.122.0093.
Christ, J. (2011). Une critique de la memeté: Sur le rapport pratique entre la culture et l'individu dans la Théorie d'Adorno. Réseaux, 166, 99-124.
Ciccone, A., & Ferrant, A. (2009). Honte, Culpabilité et Traumatisme. Dunod.
Clulow, C. (2012). Adult attachment and couple psychotherapy: The "secure base" in practice and research. Brunner-Routledge.
De Neuter, P., & Bastien, D. (2007). Clinique du couple. Érés.
De Neuter, P. (2012). Pourquoi un homme est-il si souvent un ravage pour sa femme? In M. J. Grihom, & M. Grollier (Eds.), Femmes victimes de violences conjugales: une approche clinique (pp. 31-42). Presses Universitaires de Rennes.
Eiguer, A. (2012). Le pervers-narcissique et son complice (4e ed.). Dunod. (Travail originale publiée dans 1989).
Eiguer, A. (2017). Les pervers narcissiques. Que sais-je? PUF.
Ferraty-Giacardi, C., & Delbreil, A. (2017). "Caractéristiques du fonctionnement psychique des auteurs de violences conjugales. L'abandon en question", Perspectives Psy, 56, 372-378.
Freud, S. (1995).Un enfant est battu. Contribution a la connaissance de la genese des perversions sexuelles. In OCFP (vol. XV). PUF. (Travail originale publiée dans 1919).
Goldner, V, Penn, P., Sheinberg, M., & Walker, G. (1990). Love and violence: Gender paradoxes in volatile attachments. Family process, 29(4), 343-364.
Granet-Lambrechts F., Airiau, M., Czerny, E., Jouanneau, S., Mattéoli, A., & Metz C. & al. (2016). Les violences conjugales. Bilan des dispositifs et propositions d'amélioration [Rapport de recherche] 13.31. Université de Strasbourg Mission de recherche Droit et Justice. Available from: <halshs-01311843>).
Green, A. (1999). Passivité-passivation: jouissance et détresse. Revue française de psychanalyse, 3, 1587-1600. Available from: <https://www.cairn.info/revue-francaise-de-psychanalyse-1999-3-page-1587.htm>.
Grihom, M. J. (2015). Pourquoi le silence des femmes? Violence sexuelle et lien de couple. Dialogue, 208, 71-84.
Grihom, M. J., & Keller, P. H. (2010). La passion: entre aliénation et création. Revue Française de Psychanalyse, T LXXIV, 1161-1175.
Hamel, C. (2014). Violences et rapports de genre: Contextes et conséquences des violences subies par les femmes et les hommes: Enquete VIRAGE. Coll. Document de travail, 212, Paris: Ined editions. Available from: <https://www.ined.fr/fr/ publications/editions/document-travail/violences-rapports-genre/>.
Hamel, C., Debauche, A., Brown, E., Lebugle, A., Lejbowicz, T., Mazuy, M., ... & Dupuis, J. (2016). Viols et agressions sexuelles en France: premiers résultats de l'enquete Virage. Population Sociétés, 10, 1-4.
Henrion, R. (dir.) (2001). Les Femmes victimes de violences conjugales, le rôle des professionnels de santé: rapport au ministre chargé de la santé. Available from: <http://www.ladocumentationfrancaise.fr/rapports-publics/014000292/index.shtmL>.
Houel, A. (2017a). "Heurs et malheurs du féminisme", Le Journal despsychologues, 347, 43-47, 2017/5.
Houel, A. (2017b). L'homicide conjugal a l'aune de la difference des sexes [Conjugal murder and gender models]. Violences conjugales et justice penale. Champ pénal [Penal Field], XIV, 1-18. Available from: <http://champpenal.revues.org>.
Houel, A., Mercarder, P., & Sobota, H. (2008). Psychosociologie du crime passionnel. PUF.
Jaspard, M. (2000). L'enquete nationale sur les violences envers les femmes en France. Ined éditions.
Jaspard, M. (2003). Les violences envers les femmes en France: une enquete nationale. La documentation française.
Jaspard, M. (2007). Au nom de l'amour: les violences dans le couple. Informations sociales, 8, 34-44.
Jaspard, M. (2011). Les violences contre les femmes. La découverte.
Jaspard, M., & Enveff Team (2001). Violence against women: The first French national survey. Population & Sociétés. Bulletin Mensuel d'information de L 'Institut National D'Etudes Démographiques, 364, 1-4.
Jeammet, N. (1995), L'entretien clinique et son analyse singuliere et/ou comparee. In O. Bourguignon,& M. Bydlowski, La recherche clinique en psychopathologie. Perspectives cliniques. PUF.
Kaěs, R. (1993). Le groupe et le sujet du groupe: Eléments pour une théorie psychanalytique du groupe. Dunod.
Kaěs, R. (2006). La matrice groupale de la subjectivation: les alliances inconscientes. In F. Richard, & S. Wainrib. (Eds.), La subjectivation (pp. 139-162). Dunod.
Korff-Sausse, S. (2003). La femme du pervers narcissique. Revue Française de psychanalyse, 67, 925-942.
Le Breton, D. (2002). Les conduites a risque des jeunes. Agora débats/jeunesses, 27, 34-45. Available from: <https://www.persee.fr/doc/agora_1268-5666_2002_ num_27_1_1995>.
Leguil, C. (2021). Céder n 'estpas consentir. PUF.
Maingueneau, D., & Angermüller, J. (2007). Discourse analysis in France: A conversation, Forum: Qualitative Social Research, 8(2).
Metz, C., Chevalerias, M. C., Marianne, C., Thevenot, A. (2018), Accompagnement des enfants exposés aux violences conjugales et soutien a la relation mere-enfant
Metz, C., Chevalerias, M. P., & Thevenot, A. (2017). Les violences dans le couple au risque d'en mourir: paroles de femmes. Annales Medico- Psychologiques, 8(175), 692-697.
Metz, C., & Razon (2015). Violences conjugales et transmission trangénérationnelle. Que devient l'enfant témoin? LÉvolutionpsychiatrique, 80, 515-523.
Metz, C., & Thevenot, A. (2015). Le lien mere-enfant a l'épreuve des violences conjugales. Cliniques Méditerranéennes, 92, 173-187.
Miller, P. (2001). Métabolisations psychiques du corps dans la théorie de Piera Aulagnier. Topique, 1(1), 29-42. Available from: <https://doi.org/10.3917/ top.074.0029>.
MIPROF, 2019. Mission interministérielle pour la protection des femmes contre les violences et la lutte contre la traite des etres humains. Available from:<https:// www.egalite-femmes-hommes.gouv.fr/wp-content/uploads/2013/04/Rapport-dactrvites-MIPROF_2017-.pdf>.
Ortigues, M.e-C., & Ortigues, E. (2002). "Les répétitions". In Que cherche l'enfant dans lespsychothérapies? (pp. 127-146). Éres.
Razon, L., & Metz, C. (2011). La violence et son devenir chez l'enfant témoin de violences conjugales. Neuropsychiatrie de l'enfance et de l'adolescence, 59, 411-414.
Ricoeur, P. (1990). Approches de la personne. Esprit (1940-), 115-130.
Scotto Di Vettimo, D (2007). Vivre et Survivre dans la Honte: Aspects cliniques, psychopathologiques et théoriques. Editions Presses Universitaires de Grenoble.
Stein, A (2014). Cupid's Knife: Women's Anger and Agency in Violent Relationships. [Bookshelf Online]. Available from:<https://online.vitalsource.com/#/ books/9781317963769>.
The Council of Europe Convention on preventing and combating violence against women and domestic violence (2011). Available from: <https://www.coe.int/en/ web/genderequality/violence-against-women>.
Welldon, E. V. (2011). Perverse transference and the malignant bonding. In Playing with dynamite: A personal approach to the psychoanalytic und erstanding of perversions, violence and criminality (pp. 50-59). Karnac Books.
Welldon, E. V., & Hacker, A. L. (2012). Transfert et contre-transfert ou collusion perverse? Revue Française de Psychanalyse, 4(76), 1051-1082. http://dx.doi. org/10.3917/rfp.764.1051.
World Health Organization (2017). Violence against women. Intimate partner and sexual violence against women. Retrieved from: <https://www.who.int/en/news-room/fact-sheets/detail/violence-against-women>
Citaçâo/Citation: Grihom, M.-J., Metz, C., & Thevenot, A. (2022, set.). Femmes dans un lien conjugal violent. Passivité-détresse dans les premieres et entraves de la subjectivation. Revista Latinoamericana de Psicopatologia Fundamental, 25(3), 619-642. http://dx.doi. org/10.1590/1415-4714.2022v25n3p619.7
Editor/Editor: Prof. Dr. Nelson da Silva Junior
Submetido/Submitted: 7.6.2022 / 6.7.2021 Aceito/Acepted: 13.7.2022 / 7.13.2022
Copyright: © 2009 Associaçâo Universitaria de Pesquisa em Psicopatologia Fundamental/ University Association for Research in Fundamental Psychopathology. Este é um artigo de livre acesso, que permite uso irrestrito, distribuiçâo e reproduçâo em qualquer meio, desde que o autor e a fonte sejam citados / This is an open-access article, which permits unres-tricted use, distribution, and reproduction in any medium, provided the original authors and sources are credited.
Financiamento/Funding: Este trabalho näo recebeu apoio. / This work received no funding.
Conflito de interesses/Conflict of interest: As autoras declaram que näo há conflito de interesses. / The authors declare that there is no conflict of interest.
Marie-Jose Grihom
Professora de Psicología Clínica e Patológica, Universidade de Poitiers (Poitiers, França); Esquipe de Investigaçâo Muilti-site ERM RPpsy-CAPS: Unidade de Investigaçâo em Psicopatologia e Psicanálise - Clínica Acto e Psicossexualidade (Potiers, França): Psicóloga Clínica; Psicanalista.
4 Rue Saint Porchaire 86000 Poitiers, França [email protected] https://orcid.org/0000-0002-1000-879X
Claire Metz
Professora Principal de Psicología Clínica, Universidade de Estrasburgo (Estrasburgo, França), Laboratório UE3071 SuLiSoM, Subjectividade, ligaçâo social e modernidade; Psicóloga; Psicanalista.
12 rue Goethe
67000 Strasbourg, França
https://orcid.org/0000-0003-4155-7326
Anne Thevenot
Professora de Psicologia Clínica e Patológica, Universidade de Estrasburgo (Estrasburgo, França), Laboratório UR3071 SuLiSoM, Subjectividade, ligaçâo social e modernidade; Psicóloga Clínica.
12 rue Goethe
67000 Strasbourg, França
https://orcid.org/0000-0001-5793-2798
1 Texte original : "Most of this violence is intimate partner violence. Worldwide, almost one third (30%) of women who have been in a relationship report that they have experienced some form of physical and/or sexual violence by their intimate partner in their lifetime."
2 Enquete Nationale sur les Violences Envers les Femmes en France (Jaspard, 2001, 2003, 2007, 2011) dirigée par Jaspard aupres d'un échantillon représentatif de 6970 ágées de 20 a 59 ans., Violence et Rapport de Genre (menée par Hamel et al., 2014) aupres d'un échantillon d'environ 16000 femmes et 12000 hommes.
3 Les sources sont les résultats statistiques de l'enquete Enveff comme les constats en prove-nance des diverses institutions d'accueil des femmes victimes de violences conjugales.
4 Texte original: "Women's passivity was largely supported by family, community, church, law, and medicine, cultural institutions that promote and police binary gender roles."
5 Texte original: "the paradox of adult women who, despite the brutality of their partners, were often unable to tear themselves away from corrosive relationships".
6 Texte original: "The strength of this bond has the potential to defeat the most persuasive shelter or antibattering program; the more outside forces try to separate the couple the more the bond binds them together."
7Voir a ce propos les travaux de Piera Aulagnier (1975/1991) sur la subjectivation traumatique de l'enfant confronté aux violences conjugales et aux effets sur la subjectivation de toute forme d'exces de la violence de ¡'interpretation qui constituent autant d'attaques de l'activité de penser de l'enfant et viennent hypothéquer le plaisir dans ses destins respectifs que sont l'aliénation, l'amour et la passion (1979). Nous renvoyons également a nos propres réflexions sur la passion originaire (2010 ainsi qu'a M.-E. Arreguy (2008) quant a la défusion pulsionnelle (Aulagnier, 1979), pour comprendre l'acceptation et la répétition de la violence chez certaines femmes.
8Centre National de Ressources Textuelles et Lexicales.
References
You have requested "on-the-fly" machine translation of selected content from our databases. This functionality is provided solely for your convenience and is in no way intended to replace human translation. Show full disclaimer
Neither ProQuest nor its licensors make any representations or warranties with respect to the translations. The translations are automatically generated "AS IS" and "AS AVAILABLE" and are not retained in our systems. PROQUEST AND ITS LICENSORS SPECIFICALLY DISCLAIM ANY AND ALL EXPRESS OR IMPLIED WARRANTIES, INCLUDING WITHOUT LIMITATION, ANY WARRANTIES FOR AVAILABILITY, ACCURACY, TIMELINESS, COMPLETENESS, NON-INFRINGMENT, MERCHANTABILITY OR FITNESS FOR A PARTICULAR PURPOSE. Your use of the translations is subject to all use restrictions contained in your Electronic Products License Agreement and by using the translation functionality you agree to forgo any and all claims against ProQuest or its licensors for your use of the translation functionality and any output derived there from. Hide full disclaimer
© 2022. This work is published under https://creativecommons.org/licenses/by-nc/4.0/ (the “License”). Notwithstanding the ProQuest Terms and Conditions, you may use this content in accordance with the terms of the License.
Abstract
Les violences a l'égard des femmes commises par un partenaire intime actuel ou ancien constituent encore un grave probleme humain en dépit des mesures de prévention et de traitement adoptées. Notre objectif est d'approfondir, a partir de vignettes cliniques, la compréhension des enjeux subjectifs dans le lien a l'autre. Nous avons mené une analyse de discours de 36 entretiens cliniques avec des femmes durablement victimes de diverses formes de violences physiques de la part de leurs ex-conjoints. Hormis le constat fréquent de phénomenes d'emprise dans ces liens conjugaux, nous observons, dans un cas sur deux, une diffi-culté majeure a subjectiver ce qui leur est arrivé. Au-dela des effets des traumatismes vécus, certaines de ces femmes semblent aliénées a des scénarios infantiles douloureux qu'elles répetent dans le lien de couple afin de les rejouer différemment ou de les résoudre.