Abstract: From a socio-cognitive transdisciplinary perspective combining psycholinguistics and sociolinguistics, this research paper studies the relations between manifestations of interlinguistic transfers and metasyntactic skills in 9/10-year-old French-Norwegian children. Its purpose is to assess whether these transfers influence access and use of the children's metasyntactic skills in reading comprehension tasks. Following a mixed-method research design, data was collected with 33 bilingual French-Norwegian children registered in the 5th grade at the French school in Oslo. The children took part in a grammatically judgment test written in French and containing errors due to Norwegian syntactic calque. Subsequently, 13 of the children involved in the experiment participated in a semi-structured interview in which they explained their answers. A group of French monolingual children also took the test in France. Statistical analyses of the test results show the existence of interlinguistic syntactic transfers which weaken metasyntactic skills when errors are related to the use of a preposition.
Key words: grammaticalityjudgment task, bilingualism, interlinguistic transfer, statistics, metasyntactic awareness.
1.Introduction
L'approche expérimentale en linguistique peut se traduire par l'utilisation de données quantitatives collectées â partir d'un échantillon de participants pour répondre â des hypotheses dont la validité est testée â l'aide de statistiques inférentielles. Parmi les outils de collectes de données, le choix de la présente étude est celui du test de jugement de grammaticalité (TJG, dorénavant), qui propose un certain nombre de phrases individuelles décontextualisées â écouter ou â lire. Il est demandé aux personnes testées de déterminer si la phrase est bien formée, si sa construction syntaxique et sa forme sont exactes (Rimmer 2006). Méme si le lecteur fait correspondre sens et forme de la phrase, l'objectif du TJG est de susciter le jugement de la grammaire et moins le sens de la phrase en soi (Lust & Blume 2016) en faisant ľhypothése que les informateurs utilisent leurs connaissances métalinguistiques. Or, dans une récente méta-analyse, Van Dijk et al. (2021) constatent que le TJG est aussi majoritairement utilisé pour étudier l'influence des contacts de langues chez des enfants bilingues précoces ou simultanés, mais assez peu en situation de compréhension.
Cette contribution propose l'élaboration d'un TJG adapté pour étudier les relations entre les transferts interlinguistiques (TI, dorénavant) et la manifestation de compétences métasyntaxiques (CM, dorénavant) dans une situation spécifique : celle de l'acquisition bilingue du langage (De Houwer 2009) chez des enfants franco-norvégiens. La problématique pose plus particuliérement la question de savoir si des TI potentiels entre les langues influencent la manifestation de CM en situation de compréhension écrite du français. Ľhypothése émise est que cette influence existe par la présence de TI syntaxiques s'opérant du norvégien vers le français.
Sur le plan méthodologique, il reste donc essentiel de donner les raisons pour lesquelles l'utilisation d'un TJG est valide et fiable en tant que méthode expérimentale pour renseigner sur les relations entre TI et CM chez des enfants bilingues pour lesquels les langues sont en interaction. Pour défendre la pertinence de cet outil, je choisis un cadre théorique interdisciplinaire et sociocognitif. Je définis le terme sociocognitif comme l'articulation des théories cognitives fonctionnalistes et de celles d'ordre socio-interactionnistes pour défendre que « ni l'usage du langage, ni son apprentissage ne peuvent étre correctement définis ou compris sans reconnaitre qu'ils ont â la fois une dimension sociale et une dimension cognitive qui interagissent »2 (Batstone 2010: 5; ma traduction).
2.Remarques sur la validité d'un TJG
Le TJG est un outil qui a beaucoup été questionné, tant sur sa validité que sur la fiabilité, et a donné lieu â plusieurs syntheses méthodologiques chez les générativistes (Schütze 2016, Sprouse 2018) et dans le domaine de l'acquisition d'une langue seconde (Plonsky et al. 2020). Faire l'état des lieux complet sur ces questionnements encore trés controversés dépasse le cadre de cette contribution. Je retiendrai cependant tout au long de cette étude un certain nombre de recommandations faisant consensus afin d'optimiser l'élaboration de l'outil.
Questionner la validité d'une collecte de données, c'est vérifier si elle mesure ce qu'elle prétend mesurer. Le sujet devient d'autant plus complexe que les phénoměnes ne sont pas directement observables, comme l'existence de TI ou les CM. Dans ce cas, les données nous permettent d'inférer leur existence, ce qui ne contredit pas le statut expérimental d'un TJG, étant donné que tout revendicateur de méthodes expérimentales lie hypothétiquement les données observables et les processus cognitifs sous-jacents aux phénoměnes étudiés (Sprouse & Almeida 2017). Par ailleurs, Schütze & Sprouse (2013) soulignent aussi l'intérét des TJG qui fournissent des informations difficilement collectables â partir d'autres outils, a fortiori dans des situations de compréhension écrite ; mais alertent sur la généralisation possible des résultats. La littérature récente suggěre aussi que les TJG fournissent des données valides et fiables pour mettre en évidence les habiletés métalinguistiques (ibid. 2020), et plus particuliěrement les CM des sujets testés, lorsqu'ils sont suivis d'entretiens semi-directifs cherchant â indiquer l'utilisation d'un discours métasyntaxique qui identifie, explique et corrige les erreurs (Simard et al. 2016).
3.Le TJG comme outil de mesure des CM chez les bilingues
3.1. Compétences métasyntaxiques (CM)
Leshabiletésmétasyntaxiquessontdifficilesådéfiniretåmesurer car elles recouvrent différents degrés de conscientisation, d'explicitation et un nombre de comportements linguistiques hétérogěnes. Simard et al. (2016) constatent que les CM forment un concept multiface incluant des comportements allant de la manipulation intentionnelle et la réflexion sur des structures syntaxiques jusqu'â la capacité â utiliser des discours métalinguistiques ou énoncer des rěgles grammaticales. Dans cet article, la notion de competence métasyntaxique sera définie par « les capacités nécessaires pour réfléchir consciemment, analyser ou exercer un contróle sur les structures syntaxiques » (ibid. 2016 : 8).
3.2. Une définition sociocognitive de la grammaticalité pour étudier les CM
Le questionnement sur la relation entre validité et phénoměne observable est au cœur de la définition méme du terme grammaticalité. Dans la théorie chomskienne (Chomsky 1965), la distinction entre compétence et performance introduit celle entre grammaticalité et acceptabilité. La premiěre est alors définie dans sa relation aux compétences tacites assimilées â des intuitions linguistiques (ibid. 1965) non conscientisées. Quant â l'acceptabilité, elle réfěre â la performance métalinguistique des personnes pour juger qu'une phrase semble naturelle ou facilement comprise. La grammaticalité est alors une notion abstraite, un construit cognitif inobservable directement dans les données et qui est inférée par l'acceptabilité (Sprouse 2018). Ce point de vue disqualifie donc une réflexion consciente de ľhomme sur le langage, a priori indépendante de son usage.
Les théories fonctionnalistes reprennent ces propos et les nuancent en étant souvent sceptiques â l'idée de distinguer grammaticalité et acceptabilité (Poulsen 2012). Pour elles, la grammaire et le sens des unités linguistiques sont indissociables, non modulaires, a fortiori chez les bilingues (MacWhinney 2005). Les connaissances sur le langage sont inséparables de son « mécanisme d'usage » (ibid. 2012 : 10; ma traduction) et les CM émergent de l'interaction entre les capacités cognitives de l'enfant et son expérience langagiere, dans un environnement social oú il interagit avec les autres. Cela rejoint les théories socio-interactionnistes pour lesquelles la conscience sur le langage est une construction socioculturelle et intersubjective indissociable d'une pensée verbalisée (Vygotski 1997). Le lecteur comprend alors un énoncé écrit s'il peut le catégoriser comme une construction analogue â une ou plusieurs unités linguistiques rencontrées dans son input langagier et répertoriées selon leur frequence d'usage dans « l'inventaire linguistique »(ibid. 2012 : 12; ma traduction) de sa grammaire mentale.
Poulsen (2012) propose de définir une phrase comme grammaticale dans la mesure oú cette derniere puisse étre catégorisée et traitée cognitivement par une personne comme analogue et conforme aux unités linguistiques constituant sa grammaire mentale. Chez les personnes plurilingues, cette derniere s'élabore â partir des usages de l'ensemble des langues présentes dans leur répertoire linguistique (Ortega et al. 2016).
Or, les aspects sociolinguistique et normatif culturellement situés que revét la langue interviennent aussi dans la construction de la grammaire mentale et permettent aux praxématiciens (Barbéris et al. 1984) de distinguer entre acceptabilité et grammaticalité. La premiere dépend de sa conformité â l'usage ou encore elle est « conforme aux exigences que suppose la situation de communication » (ibid. 1984 : 7). Or, dans cette recherche, le TJG est élaboré pour mesurer la violation de normes grammaticales françaises, c'est-â-dire d'une normativité enseignée aux enfants dans le systeme scolaire incitant â « rejeter un énoncé d'usage courant mais agrammatical au regard de la grammaire normative » (Détrie et al. 2017 : 165). Dans cette étude, la grammaticalité est donc définie comme « conforme aux regles de production édictées par la norme » (ibid. 1984 : 45) et s'integre â la définition proposée par Poulsen (2012) énoncée ci-dessus.
3.3.CM et exposition a deux langues
L'exposition simultanée â plusieurs codes linguistiques attire l'attention de l'enfant bilingue sur leurs caractéristiques formelles et fonctionnelles et développe chez lui la capacité d'attention exécutive (Białystok et al. 2018). Il semble alors plus performant dans les TJG (Flege et al. 1999) méme si ces résultats ne font pas l'unanimité dans la recherche sur l'apprentissage de la lecture (Besse et al. 2010). Un certain nombre d'études utilisant des TJG oraux attestent cependant d'une meilleure conscience métasyntaxique chez les enfants bilingues que chez les monolingues (Cromdal 1999, Davidson et al. 2010, Foursha-Stevenson & Nicoladis 2011).
4.Le TJG pour mesurer la presence des TI
4.1. Transferts interlinguistiques (TI)
On rencontre dans la littérature plusieurs termes décrivant le méme phénomene : transfert (Odlin 1989) ou influence (Müller & Hulk 2001), inter ou translinguistiques, entre autres, qui ont pour but de décrire, modéliser et expliquer certains contacts entre les langues. Ä la suite de Jarvis & Pavlenko (2008), je définis la notion de transfert interlinguistique syntaxique comme l'influence des connaissances syntaxiques d'une personne dans une langue sur les connaissances ou l'usage de la syntaxe dans une autre langue chez cette méme personne. D'apres les criteres que ces chercheurs ont développés, les TI syntaxiques étudiés dans cette recherche portent sur l'ordre des mots. Ils sont non verbaux et réceptifs, l'information étant reçue en situation de lecture silencieuse, donc visuellement, â partir d'un input écrit.
4.2. Activation des langues et modélisation des TI
4.2.1.Modéliser la compétition des langues chez les bilingues
Desmet & Duyck (2007) avancent qu'en lecture silencieuse un bilingue reconnait les caractéristiques de l'input écrit dans une langue donnée et n'initie donc pas de mécanisme de contróle pour sélectionner une langue. Or cet avis ne fait pas consensus. Une majorité d'études indiquent que les bilingues effectuent une recherche parallele dans la totalité de leurs connaissances syntaxiques. Cela implique une coactivation/interaction des langues lors du traitement de l'ordre des mots â l'écrit (Thierry & Sanoudaki 2012), un processus de contróle/inhibition, ce dernier désactivant l'une des deux langues, et une perméabilité des systemes syntaxiques (Kroll & Dussias 2006).
4.2.2. Prédire et modéliser la presence de TI syntaxiques
En psycholinguistique, dans le cadre de l'acquisition bilingue du langage, les partisans de ľhypothése des systěmes linguistiques en interaction proposent trois grandes voies pour prédire la présence de TI. La premiěre utilise un cadre générativiste et la proximité linguistique pour expliquer leur apparition selon deux conditions : le phénoměne grammatical ambigu est dÛ â la superposition de structures grammaticales identiques en surface entre les deux langues et il apparait â l'interface syntaxe-pragmatique (ibid. 2001). La deuxiěme avance qu'une langue devenue dominante par asynchronie développementale influence la langue dite faible (Yip & Matthews 2000).
La troisiěme, retenue pour cette étude, est celle proposée par Döpke (2000). Elle adopte le cadre du moděle de compétition unifié (MacWhinney 2005) pour expliquer que des TI bidirectionnels ont lieu â travers la compétition d'indices entre les deux langues pour résoudre ces ambigüités syntaxiques et selon la maniěre dont les structures linguistiques sont stockées et récupérées pendant cette compétition. Elle intěgre l'impact des capacités cognitives de l'enfant bilingue et l'activation/inhibition des langues dans l'étude des TI.
4.2.3. Criteres de validité et de fiabilité du TJG spécifique au mode langagier du bilingue
Selon Grosjean (1998), le mode langagier d'un individu bilingue correspond â l'état d'activation des deux langues dans une situation donnée telle que la compréhension écrite (Grosjean 2008). Ce mode langagier se situe sur un continuum oú se place le bilingue et dont les extrémités théoriques seraient le mode monolingue (une seule langue activée), d'une part, et le mode bilingue (les deux langues sont activées), d'autre part. Ce mode langagier influence les mécanismes en jeu lors de la perception des langues. Pour obtenir des données valides lors de l'étude des TI chez des bilingues simultanés, Grosjean préconise de « s'assurer que les données collectées proviennent d'un mode véritablement monolingue »3 (1998 : 43; ma traduction) afin de ne pas confondre les TI avec d'autres phénoměnes dus aux contacts de langues lorsque les deux langues sont activées. Il convient donc d'etre attentif â la langue utilisée dans le TJG pour mettre en évidence l'existence de TI.
4.3. Lien avec les TJG et TI syntaxiques
Des recherches ont utilisé des TJG â l'écrit pour montrer l'existence de TI chez des bilingues. Argyri & Sorace (2007) ont travaillé avec 32 bilingues anglais-grecs de huit ans en situation d'acquisition bilingue du langage. Les résultats suggerent l'existence de TI syntaxiques dans l'ordre des mots (placement du pronom sujet) lorsque des structures communes existent dans les deux langues. L'occurrence de ces derniers semble étre influencée par la quantité d'input langagier. De méme, Thierry & Sanoudaki (2012) ont travaillé avec 16 bilingues adultes anglais-gallois ayant acquis précocement les deux langues et 18 monolingues anglais. Les participants bilingues étaient placés dans des circonstances expérimentales appelant un mode monolingue anglais puisque les TJG étaient uniquement en anglais. Les phrases étaient agrammaticales â cause de l'utilisation de la syntaxe galloise. Les résultats montrent que les bilingues acceptent plus facilement un adjectif en position post-nominale que les monolingues. Les chercheurs en concluent la présence de TI syntaxiques du gallois vers l'anglais.
5. Relation entre la conscience métasyntaxique et les TI syntaxiques
Odlin (1990) avance que l'ordre des mots est sujet â des TI dont l'apparition est influencée par la conscience métasyntaxique des individus. Dans des recherches menées principalement dans le cadre du modele de compétition unifié, les TI syntaxiques influencent les réponses des plurilingues â des TJG (Jarvis & Pavlenko 2008), ces derniers étant plus enclins â juger correctes des phrases agrammaticales. En lecture silencieuse, les enfants bilingues auraient des CM plus développées et plus précoces que les monolingues parce qu'ils doivent gérer des TI â propos des similarités et des différences structurales entre les langues (Reder et al. 2013).
Par ailleurs, Foursha-Stevenson & Nicoladis (2011) ont étudié l'impact des TI sur la conscience métasyntaxique. Avec 39 enfants bilingues franco-anglais ågés de 2;11 â 6;3, elles utilisent un TJG présentant des phrases dont les structures syntaxiques divergent (agrammaticales dans les deux langues), convergent (grammaticalement correctes dans les deux langues) ou sont conflictuelles (grammaticales dans une seule des deux langues). Les résultats indiquent que les enfants détectent moins les phrases agrammaticales conflictuelles en français et montrent l'influence de TI de l'anglais vers le français, ces TI affaiblissant les CM des enfants.
6. Éléments de syntaxe française et norvégienne susceptibles de TI
Le TJG utilisé étant censé informer sur l'existence de TI syntaxiques du norvégien vers le français, j'ai sélectionné deux points syntaxiques standards présentant des différences entre les deux langues : la présence et l'ordre des constituants des phrases déclaratives simples ou complexes. Il s'agit plus particuliérement de la structure V24 de la langue norvégienne, dans sa forme écrite hokmál, et des constructions verbales, transitives comme prépositionnelles. J'aborderai aussi le cas du rejet de la préposition.
6.1. Placement du verbe conjugué
6.1.1. Syntaxe V2
Le norvégien est une langue scandinave occidentale de l'ensemble des langues germaniques dont elle a hérité du phénoměne V2. Ce dernier impose une certaine rigidité â l'ordre des mots qui peut étre une propriété transferable d'une langue â l'autre (Odlin 1989). En effet, dans les propositions déclaratives, principales ou indépendantes, le verbe conjugué est quasiment toujours placé en seconde position et est toujours précédé d'un premier constituant arbitraire, ce qui n'est pas le cas en français qui respecte l'ordre Sujet-Verbe :
(la) Først vasker jeg gulvet.
(lb) ·D'abord lave je le sol.
6.1.2. Place de l'adverbe dans une subordonnée
Dans les propositions subordonnées, lorsqu'un adverbe est utilisé, il est placé devant le verbe conjugué, ce dernier prenant donc la troisiéme position :
(2a) Han gråter fordi han ikke leker med naboen.
(2b) ·Il pleure parce qu'il ne pas joue avec le voisin.
6.2. Construction transitive du verbe
En français, les compléments d'un verbe peuvent étre introduits sans ou avec l'usage d'une préposition. Ce type de construction existe aussi en norvégien. Or les équivalences sémantiques n'ont pas nécessairement la méme construction, ce sont les cas incongruents oú les constructions prépositionnelles ne sont pas superposables :
(3a) regarder quelqu'un : å se på noen (préposition en norvégien uniquement)
(3b) raconter å quelqu'un : å fortelle noen (préposition en français uniquement)
Dans les cas congruents, la construction prépositionnelle existe dans les deux langues. Or, la dificulté réside ici dans la traduction possible de la préposition dans une langue ou l'autre :
(4) penser å quelque chose : å tenke på noe.
Ainsi, la préposition på peut étre traduite par pas moins de trois prépositions différentes en français : sur, а, dans... et de méme pour la préposition â en norvégien.
6.3.Cas du rejet de la préposition en fin de proposition
Dans une proposition subordonnée relative dont le verbe principal est transitif indirect, la préposition peut avoir deux positions possibles selon la langue considérée. Soit elle est frontale, i.e. devant le pronom relatif ; soit elle est en position d'extrémité, ou encore rejetée en fin de proposition. Le français utilise la premiere solution. Mais le norvégien, quant â lui, rejette la préposition â la fin de la proposition subordonnée :
(5a) Han vet ikke hvem han leker med.
(5b) ·Il sait ne pas qui il joue avec.
7.Methodologie
7.1.Conception et presentation du TJG
Respecter certains criteres essentiels au caractere expérimental d'un TJG, c'est optimiser sa fiabilité et sa reproductibilité (Sprouse & Almeida 2017). Pour élaborer celui de cette étude, j'ai tenu compte de différentes recommandations concernant la constitution méme du TJG, les criteres liés â l'activité des enfants et le protocole de passation tout en suivant certaines recommandations liées â la recherche spécifique aux individus bilingues.
J'ai proposé un test écrit en français afin de placer les enfants le plus possible vers le mode monolingue décrit par Grosjean (1998). Pour tenter de mettre en évidence des TI, j'utilise dans le TJG un type spécifique d'ambigüité que je définis comme l'utilisation â tort des contraintes syntaxiques norvégiennes décrites ci-dessus dans les phrases écrites en français. Cette ambigüité serait donc l'unique parametre qui pourrait déstabiliser le mode monolingue des enfants et ainsi permettre d'étudier l'existence des TI syntaxiques. Dans ce cas, s'ils jugent correctes les phrases agrammaticales alors il existe des TI syntaxiques s'opérant de la syntaxe norvégienne vers la syntaxe française.
Le TJG est composé de 14 phrases dont sept phrases correctes et sept incorrectes (Annexe 1). Pour éviter les effets comportementaux, afin de neutraliser les biais sur les réponses venant de l'ordre des propositions des phrases et du nombre de phrases grammaticales ou non (Schütze 2016), j'ai proposé deux versions du TJG variant l'ordre des phrases. Chaqué version a été distribuée â la moitié des enfants de l'échantillon. Les phrases proposées utilisent un vocabulaire simple et réferent â des situations les moins équivoques possible afin de ne pas introduire de biais sémantiques ou interprétatifs (Plonsky et al. 2020).
La nature binaire des réponses (correct/incorrect) permet des analyses statistiques systématiques auxquelles les données d'un TJG se prétent facilement (McKercher & Jaswal 2012). De plus, ce type de réponse est déjá connu de l'éleve et préte le moins possible â l'invention d'un contexte exceptionnel dans lequel la phrase pourrait étre lue ou acceptée (ibid. 2016). Apres le TJG, 13 enfants franco-norvégiens ont passé chez eux un entretien semi-directif dans lequel ils ont expliqué leurs réponses au test.
7.2.Participants
Pour la fiabilité de l'étude, il est recommandé d'avoir un nombre de participants supérieur â 10 (Schütze & Sprouse 2013), que le profil type des groupes d'enfants soit détaillé (Marian 2018) et d'expliciter comment l'existence de TI est mesuré chez eux (Van Dijk et al. 2021).
Deux groupes d'enfants issus du méme milieu socioprofessionnel ont passé le TJG. En Norvege, il s'agit de 33 enfants bilingues franco-norvégiens ágés de 10;1 â 11;0 et scolarisés au CM2 â l'école française René Cassin d'Oslo. Ils sont exposés aux deux langues depuis leur naissance. Les parents déclarent utiliser la stratégie « une personne-une langue » avec leur enfant. Une grande majorité des enfants a été inscrite des l'école maternelle et tous ont suivi le CP. Représentant l'institution, les professeurs des écoles, souvent détachés de France, enseignent conformément aux programmes de l'Éducation nationale française et s'adressent aux enfants en français. Un enseignement hebdomadaire supplémentaire de norvégien, langue d'étude et d'enseignement, de 2h30 leur est donné par des enseignants norvégiens. En France, l'étude concerne 30 éleves de CM2 ågés de 9;6 â 10;10 de l'école élémentaire Antoine de Saint-Exupéry dans la banlieue rouennaise, en Normandie. Ils sont uniquement exposés â la langue française depuis leur naissance. Les enfants des deux groupes sont issus de milieux socioprofessionnels similaires.
L'objectif ici n'est pas d'opposer les bilingues et les monolingues. L'intérét de ces derniers réside surtout dans le fait qu'il leur est impossible d'effectuer des TI du norvégien vers le français. Si les enfants français obtiennent des scores significativement plus élevés pour les phrases agrammaticales, ces résultats contribuent â mettre en évidence la présence de TI chez les enfants franco-norvégiens. S'il n'y a pas de difference significative entre les deux groupes, ľhypothése de l'existence de TI sera infirmée et discutée.
7.3.Procedure de passation
Les éléves ont répondu au TJG en classe. Avant de les distribuer, pour neutraliser les biais relatifs â la tâche requise et â la consigne (Plonsky et al. 2020), j'ai familiarisé les enfants aux questions en leur donnant deux exemples et en leur montrant comment répondre. La consigne a été élaborée pour étre facilement compréhensible par des enfants de 10 ans. Ils n'ont pas été limités dans le temps pour répondre afin d'éviter un stress inutile. Ces procédures ont scrupuleusement été suivies â l'identique â chaque session en Norvége et en France pour ne pas biaiser les données recueillies (Ellis 1991).
8.Resultats
Gibson & Fedorenko (2013) plaident pour une utilisation fine des outils statistiques inférentiels dans l'analyse des résultats de TJG. Ainsi, j'ai utilisé Excel et R5 pour conduire les statistiques descriptives et inférentielles relatives â cette étude. Je pars du principe général que plus une méme hypothése peut étre vérifiée selon des méthodes statistiques différentes, plus les résultats seront valides et fiables. Ainsi, je propose une analyse intra et intergroupe de la moyenne des scores puis des scores pour chaque phrase.
Chaque test statistique est associé â une valeur p et un coefficient de taille d'effet. Alors que la valeur p est censée assurer que la liaison statistique entre deux variables n'est pas due au hasard â une erreur prés de 5 % la taille d'effet mesure la force du lien entre deux variables et/ou la force de l'effet observé d'une variable sur une autre. Cette grandeur statistique descriptive s'exprime sous la forme de divers coefficients selon la nature des variables et du test statistique utilisé. J'ai aussi calculé les intervalles de confiance (IC, désormais) représentés pour chaque résultat (figures 1, 2 et 3). Un IC avec un niveau de confiance â 95 % encadre dans un intervalle la valeur du score mesuré dans l'échantillon en précisant qu'il y a 95 % de chances que la valeur réelle dans la population totale s'y situe. Donc, si les IC de deux scores ne se superposent pas, on peut en conclure que la difference entre ces deux scores est statistiquement significative. Avant de présenter les analyses statistiques que je privilégie pour discuter l'aspect expérimental de l'étude, je donne briévement une partie des résultats issus des entretiens semi-directifs.
8.1.Résultats des entretiens semi-directifs
Les analyses qualitatives des transcriptions indiquent la présence, la coexistence et la circulation en discours de cinq types de discours explicates métasyntaxiques : les explications intuitives, les sémantiques, celles témoignant d'une manipulation syntaxique des constituents de la phrase et celles mentionnant une comparaison entre le norvégien et le français. Les deux derniéres, celles fondées sur la représentation des normes concernant les usages écrits et les usages d'une autre communauté linguistique ainsi que celles fondées sur les pratiques langagiéres de la communauté linguistique de l'enfant indiquent que la conscience métasyntaxique se construit et se négocie dans l'intersubjectivité au sein de l'environnement linguistique dans lequel les enfants vivent.
8.2.Statistiques sur la moyenne des scores
8.2.1.Analyse intragroupe
Les figures 1 et 2 ont été réalisées å partir des données du tableau 1.
Pour les bilingues, les résultats montrent que les IC des scores moyens de réussite ne se superposent pas (Figure 1). Il existe donc, pour le groupe bilingue, une difference statistiquement significative entre les scores moyens de réussite pour les sous-ensembles agrammaticaux « préposition » et « verbe ». En revanche, pour les Français, les IC se superposant (Figure 2), il n'y a pas de différence statistiquement significative entre ces deux scores.
8.2.2.Analyse intergroupe
Le test F de Fisher de comparaison de variance a été utilisé pour étudier la distribution des données (Tableau 1). En cas de distribution normale, le test de Student a été utilisé pour comparer les scores moyens. Sinon, le test non paramétrique de Wilcoxon a été préféré.
Tout ďabord, les résultats indiquent qu'en moyenne le groupe français obtient significativement de meilleurs scores â l'ensemble du test avec une association forte entre les variables (í (61) = -3,72, p <0,001···, d = 0,94). Ce n'est pas le cas pour l'ensemble des phrases grammaticalement correctes pour lequel il n'y a pas de difference statistiquement significative entre les moyennes des groupes (í (61) = -0,86, p = 0,285 NS, r = 0,13). Ensuite, pour l'ensemble des phrases agrammaticales, le groupe français obtient en moyenne des scores supérieurs de maniere statistiquement significative avec une association forte entre les variables (í (61) = -4,05, p < 0,001···, d = 1,02). Or, si l'on continue l'analyse dans les sousensembles agrammaticaux, l'écart ne semble pas se creuser avec les scores du sous-ensemble agrammatical « verbes » car, dans ce cas precis, le groupe bilingue obtient de maniere statistiquement significative des scores supérieurs, en moyenne, au groupe des Français avec une magnitude faible entre les variables (Z = 2,17, p = 0,035·, r = 0,27). En revanche, si l'on considere le sous-ensemble agrammatical « preposition », les Français obtiennent, en moyenne et de maniere statistiquement significative, des scores nettement superieurs avec une relation tres forte entre les variables (í (61) = -6,25, p < 0,001···, d = 1,58).
8.3.Statistiques sur les scores par phrase
8.3.1.Phrases grammaticales
L'analyse statistique des données (Tableau 2) indique qu'il n'y a aucune difference significative entre les scores des deux groupes quelle que soit la phrase grammaticale comparee (ensemble des valeurs p >1).
8.3.2.Phrases agrammaticales
Concernant les phases agrammaticales dues au placement du verbe (Figure 3, cadre rouge), l'analyse des données (Tableau 3) indique qu'il n'y a aucune difference significative entre les scores des deux groupes, quelle que soit la phrase comparée (ensemble des valeurs p >1), et que l'association entre les variables est faible (ensemble des Ф < 0,2).
Concernant les phrases agrammaticales dues aux prepositions (Figure 3, cadre vert), les scores de réussite par phrase entre groupe ont été compares avec le test du x2 de Pearson avec correction de continuité de Yates (Tableau 4). Les resultats montrent qu'il n'y a pas de différence statistiquement significative entre les scores de réussite pour les phrases 8 (x2(1) = 0,233, p = 0,670 NS, ф = 0,09) et 13 (x2(1) = 1,949, p = 0,123 NS, ф = 0,21). En revanche, on observe que les Français réussissent significativement mieux, avec une association forte entre les variables, les phrases 2 (x2(1) = 14,001, p < 0,001···, Ф = 0,51) et 11 (x2(1) = 16,307, p < 0,001···, ф = 0,51). Ces résultats corroborent l'analyse des IC a 95 % : on observe un chevauchement pour les phrases 8 et 13, mais pas pour les phrases 2 et 11. Ces analyses supplémentaires permettent de nuancer le résultat obtenu a partir des moyennes des scores et de le restreindre a deux items spécifiques : les phrases 2 et 11.
9.Discussion
Tout d'abord, la présence de discours métasyntaxiques dans les entretiens indiquent l'utilisation de CM par les bilingues pour répondre au TJG et appuie ainsi sa validité a mesurer leur conscience métasyntaxique comme l'indiquent Simard et al. (2016). Ensuite, les analyses statistiques intragroupes indiquent que, si les enfants bilingues réussissent, en moyenne, moins bien au TJG, c'est â cause du score qu'ils obtiennent au sous-ensemble agrammatical « préposition ». D'autre part, les analyses intergroupes ne suggerent pas l'existence de TI pour le sous-ensemble agrammatical « verbe » mais pour le sous-ensemble agrammatical « préposition » pour lequel les Français obtiennent significativement de meilleurs scores. La présence TI est indiquée pour les phrases 2 et 11 :
(6a) p2 : ·Pendant la recreation, Selma ne sait pas qui elle veut jouer avec.
(6b) p11 : ·Erik demande le professeur d'expliquer ce qu'il faut faire dans l'exercice.
Ces résultats convergent avec ceux trouvés dans la littérature pour d'autres couples de langues et d'autres points syntaxiques mettant en jeu l'ordre des mots â l'écrit (Foursha-Stevenson & Nicoladis 2011, Sanoudaki & Thierry 2015) et dans le cas oú des constructions syntaxiques communes existent dans les deux langues mais ne sont pas toujours superposables (Argyri & Sorace 2007), comme c'est le cas pour la phrase 11 uniquement. L'ensemble de ces resultats confirme ceux d'études precedentes affirmant que les TI syntaxiques influencent les reponses des bi/plurilingues aux TJG (Jarvis & Pavlenko 2008, Thierry & Sanoudaki 2012), sans étre suffisants pour conclure â une bidirectionnalite des TI suggeree par Döpke (2000).
Dans le cas oú il n'y a pas de difference significative entre les deux groupes, comme pour les phrases 8 (Jeanne a terminé avec son exercice de conjugaison depuis longtemps) et 13 (·Eva est trés fáchée sur son frěre car il lui a volé son jouet), cette derniere obtenant des scores tres bas dans les deux groupes (< 34 %), ľhypothése de l'existence de TI chez les enfants franco-norvegiens est infirmee. Une interpretation possible pourrait alors se situer sur le plan developpemental et acquisitionnel. Dans ce cas, des enfants âges de 10 ans, qu'ils soient français ou franco-norvegiens, s'ils acquierent le français, n'auraient peut-étre pas encore totalement acquis les constructions verbales prepositionnelles utilisees ni developpe des CM â ce sujet.
Enfin, etant donne les differences moyennes statistiquement significatives des scores obtenus aux sous-ensembles « verbes » et « preposition », les analyses statistiques suggerent aussi que les niveaux de conscience metasyntaxique different selon le point syntaxique etudie. Il en resulte que les enfants franco-norvegiens possedent et utilisent des CM, mais ces dernieres sont plus performantes lorsqu'elles sont utilisees pour retrouver les erreurs dues au placement du verbe conjugue dans la phrase. En revanche, elles sont affaiblies lorsque l'erreur introduite est due â une preposition et cet affaiblissement est correle â la presence de TI. Ces resultats confirment ceux de Foursha-Stevenson & Nicoladis (2011) concernant l'impact des TI sur la conscience metasyntaxique mais avec un nouveau couple de langues, des enfants bilingues plus vieux et pour des points syntaxiques différents. Les résultats suggerent aussi que les TI influencent la récupération et la compétition d'indices entre les deux langues (Döpke 2000, MacWhinney 2005). La prise en compte des indices norvégiens l'emporte dans les deux cas mettant en jeux des structures syntaxiques prépositionnelles et pour lesquels les CM des enfants sont affaiblies. Ce n'est pas le cas pour les phrases concernant le placement du verbe, point sur lequel les typologies syntaxiques des deux langues sont plus contrastées.
10.Conclusion
Les analyses du TJG indiquent l'existence de TI syntaxiques allant du norvégien vers le français. Les TI syntaxiques repérés ont lieu dans deux cas spécifiques oú les phrases sont agrammaticales â cause de constructions prépositionnelles non superposables entre les deux langues. Ces TI indiquent alors que les CM des enfants sont affaiblies par leur présence. Il s'agit des cas oú il y a rejet de la préposition en fin de phrase, et de celui oú, en français, la construction verbale nécessite une proposition pour introduire le complément de verbe, mais pas en norvégien.
Ces résultats permettent de discuter de nouvelles perspectives sur l'élaboration et le traitement statistique de TJG, lorsqu'il est suivi d'entretiens semi-directifs avec les enfants, pour étudier les relations entre TI et CM. En effet, cette étude montre l'intérét de pouvoir tester plusieurs fois une méme hypothese en exploitant les différentes données d'un TJG et arriver aux mémes conclusions tout en les affinant. La recherche gagne alors en validité et en fiabilité lorsque l'on peut raconter la méme histoire par des chemins statistiques différents mais convergents.
2"Neither language use nor language learning can be adequately defined or understood without recognizing that they have both a social and a cognitive dimension which interact".
3"One needs to be sure that the data collected come from truly monolingual mode".
4La structure V2 nécessite que le verbe conjugué soit quasiment toujours placé en seconde position dans les propositions déclaratives, principales ou indépendantes.
5https://www.r-project.org/; consulté le 11/01/2022.
6 Malgré les résultats du test F, la distribution des données étant extréme et ne respectant pas la loi normale, le Test de Wilcoxon a été préféré ici.
7 L'item regroupe les items agrammatical « verbe » et agrammatical « préposition ».
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© 2022. This work is published under https://creativecommons.org/licenses/by-nc/4.0/ (the “License”). Notwithstanding the ProQuest Terms and Conditions, you may use this content in accordance with the terms of the License.
Abstract
From a socio-cognitive transdisciplinary perspective combining psycholinguistics and sociolinguistics, this research paper studies the relations between manifestations of interlinguistic transfers and metasyntactic skills in 9/10-year-old French-Norwegian children. Its purpose is to assess whether these transfers influence access and use of the children's metasyntactic skills in reading comprehension tasks. Following a mixed-method research design, data was collected with 33 bilingual French-Norwegian children registered in the 5th grade at the French school in Oslo. The children took part in a grammatically judgment test written in French and containing errors due to Norwegian syntactic calque. Subsequently, 13 of the children involved in the experiment participated in a semi-structured interview in which they explained their answers. A group of French monolingual children also took the test in France. Statistical analyses of the test results show the existence of interlinguistic syntactic transfers which weaken metasyntactic skills when errors are related to the use of a preposition.
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1 Université Rouen-Normandie, Laboratoire DyLiS / EA7474