Resumen
Este artículo pretende describir semánticamente los diferentes usos del adverbio simplement en francés contemporáneo. Se distinguen cuatro usos, basados en criterios semánticos y sintácticos. La descripción propuesta tiene dos objetivos principales: (i) diferenciar simplement de sus sinónimos (seulement y mais) y (ii) destacar los puntos comunes entre los distintos usos de simplement para proponer posteriormente un modelo unitario de su funcionamiento semántico. A lo largo del estudio, se concede un lugar particular al criterio de conmutación: nos preguntamos cuál es su validez en semántica y qué problemas puede plantear.
Palabras clave: adverbios en -ment, criterios, polisemia, sinonimia.
Résumé
Cet article a pour but de décrire sémantiquement les différents emplois de l'adverbe simplement en français contemporain. Quatre emplois sont distingués, sur la base de critères sémantiques et syntaxiques. La description proposée poursuit deux objectifs principaux : (i) différencier simplement de ses synonymes (seulement et mais) et (ii) mettre en évidenceles points communs entre les différents emplois de simplement afin de proposer à terme une modélisation unitaire de son fonctionnement sémantique. Tout au long de l'étude, une place particulière est accordée au critère de commutation : on se demande quelle est sa validité en sémantique et quels problèmes il est susceptible de poser.
Mots-clés : adverbes en -ment, criteres, polysémie, synonymie.
Abstract
This article aims at describing semantically the different uses of the adverb simplement in contemporary French. Four uses are distinguished, based on semantic and syntactic criteria. The proposed description has two main objectives: (i) to differentiate simplement from its synonyms (seulement and mais) and (ii) to highlight the common points between the different uses of simplement in order to eventually propose a unitary model of its semantic functioning. Throughout the study, a particular place is given to the commutation criterion: we wonder what its validity is in semantics and what problems it is likely to pose.
Keywords: adverbs in -ment, criteria, polysemy, synonymy.
1. Introduction
L'objectif de cet article est de proposer une description sémantique des différents emplois de l'adverbe simplement. Quatre types d'emplois seront distingués, sur la base de criteres syntaxiques et sémantiques1. En opérant ces distinctions, nous ne défendons pas l'hypothese que simplement correspond a quatre entrées lexicales differentes : l'ébauche de modélisation sémantique que nous présenterons au fur et a mesure de notre analyse se veut unitaire, meme si, dans cette perspective, de nombreuses tions a résoudre.
Tout au long de cette étude, nous nous interrogerons sur la place a accorder au critere de commutation dans le cadre d'une description sémantique. Si ce critere peut étre intéressant dans la distinction des différents emplois d'un marqueur, il n'apporte que peu d'informations sur l'interprétation de celui-ci et peut masquer certains comportements sémantiques et syntaxiques cruciaux.
L'étude sera divisée en trois parties. Dans la premiere, nous étudierons les emplois de simplement lorsqu'il est intégré a la proposition. La deuxieme partie sera consacrée aux emplois de simplement lorsqu'il est adverbe de phrase. Dans la troisieme partie, nous aborderons certains problemes soulevés par le recours au critere de commutation en sémantique.
2. Adverbe intégré a la proposition
Lorsque simplement est intégré a la proposition, il peut étre adverbe de maniere orienté vers le sujet2 ou adverbe focalisateur3.
2.1.Adverbe de maniere orienté vers le sujet
Pour illustrer l'emploi de simplement adverbe de maniere orienté vers le sujet4, nous proposons les exemples suivants :
(1) En semaine, elle s'habillait simplement. Une grande blouse boutonnée tout du long en pilou noir parsemée de petites fleurs violettes, un grand tablier de coutil, noir lui aussi, noué dans le dos et plein de poches. (F. Berthet, Never(s), 2020)
(2) Elle avait dit ça simplement, calmement, mais avec une vraie conviction. (M. Houellebecq, La carte et le territoire, 2016)
(3) Écoutez, Ponthard, ne réfléchissez pas trop, les choses se présentent simplement. Si je vous tue, ce sera avec l'arme de Cercaire. (D. Pennac, La fée carabine, 1987)
Du point de vue syntaxique, simplement adverbe de maniere orienté vers le sujet a les propriétés suivantes :
(i) Il ne peut pas apparaître en position détachée en tete de phrase négative.
(ii) Il peut étre extrait dans une structure clivée.
(iii) Il est postposé au verbe.
(iv) Il peut se combiner avec certains adverbes de degré.
(v) Il admet le comparatif et le superlatif.
(vi) Il ne peut pas se combiner avec tout.
Du point de vue sémantique, simplement adverbe de maniere orienté vers le sujet commute avec de maniere simple et ne commute pas avec seulement, uniquement, juste, tout bonnement, mais. Un énoncé de la forme Simplement (P) admet la paraphrase : C'est avec simplicité que P.
La glose5 que nous proposons pour rendre compte du sens des énoncés de la forme Simplement (P) ou simplement est adverbe de maniere orienté vers le sujet est :
< La maniere dont P /étre/ simple >.
L'exemple (1) peut ainsi étre glosé par :
< En semaine, la maniere dont elle s'habillait /était/ simple >.
2.2.Adverbe focalisateur
Les exemples qui suivent illustrent l'emploi6 de simplement adverbe focalisateur7 :
(4) - Du nouveau, commissaire ? demanda Mordent avec intérét. Pour que vous repoussiez la réunion ? - J'ai simplement dormi, commandant, sur prescription médicale. Mercadet, avez-vous déja pu glaner quelque chose sur ce Nicolas Carnot ? (F. Vargas, Quand sort la recluse, 2017)
(5) Fini l'auteur, finis le gentil grand frere, le mec cool, l'épaule, le protecteur, le bon copain. J'étais simplement un mec un peu menteur, un peu vantard et, pire, gáté... (M. Cherfi, Ma part de Gaulois, 2016)
(6) Olga opta pour un gaspacho a l'aragula et un homard mi-cuit avec sa purée d'ignames, Jed pour une poélée de Saint-Jacques simplement saisies et un soufflé de turbotin au carvi avec sa neige de passe-crassane. (M. Houellebecq, La carte et le territoire, 2016)
(7) Apres des heures de supplice, on l'avait détaché et jeté sur le trottoir. Les Japonais le croyaient mort, il était simplement évanoui. (E. Pisier & C. Laurent, Et soudain, la liberte, 2017)
Comme simplement adverbe de maniere orienté vers le sujet, simplement focalisateur est intégre a la proposition. Il est donc inacceptable en position détachée en téte de phrase négative. Sa particularité est qu'il doit étre accompagné du focus de la phrase pour pouvoir étre extrait dans une structure clivée : il ne peut pas étre extrait seul. Dans cet emploi, simplement est antéposé au focus de la phrase et il peut généralement se combiner avec tout.
Du point de vue sémantique, simplement focalisateur commute avec tout bonnement et, dans un grand nombre d'exemples, avec seulement, uniquement et juste. Il ne commute jamais, en revanche, avec de maniere simple ni avec mais. Un énoncé de la forme Simplement (P (Xi)) admet les paraphrases : P (Xi), c'est tout; P (Xi), rien de plus; P (Xi), c'est aussi simple que ça.
Selon la littérature (cf. par exemple König : 1991), les adverbes focalisateurs peuvent étre scalaires ou non scalaires, additifs ou restrictifs. Dans le cas de simplement, on pourrait penser qu'on a affaire a un adverbe focalisateur scalaire restrictif :
- Les adverbes focalisateurs ont pour fonction de mettre en relation l'élément auquel ils sont liés avec un ensemble d'éléments de méme nature. Cette caractérisation semble adequate pour décrire les exemples (4) et (5) : en (4), le proces < J'ai dormi > est mis en perspective par rapport a toutes les activités auxquelles Mordent a pu penser pour expliquer le report de la reunion par le commissaire (par exemple : < J'ai eu un appel du procureur >, < Je me suis rendu sur le lieu du crime pour verifier certaines informations >, < J'ai lu le rapport de l'enquéteur principal >) ; en (5), les alternatives auxquelles est comparé < J'étais un mec un peu menteur, un peu vantard et, pire, gáté > sont énumérées dans le contexte gauche de l'énoncé dans lequel figure simplement: < J'étais l'auteur >, < J'étais le gentil grand frere >, < J'étais le mec cool >, < J'étais l'épaule >, < J'étais le protecteur >, < J'étais le bon copain >.
- Lorsqu'ils sont scalaires, les adverbes focalisateurs introduisent un ordre a l'intérieur du paradigme qu'ils évoquent et positionnent l'élément auquel ils sont liés en bas de l'échelle ainsi constituée. De nouveau, il semble possible d'appliquer cette description aux exemples (4) et (5) : en (4), l'action de < dormir > est présentée comme plus élémentaire, plus basique, que les activités liées a l'enquéte auxquelles a pu penser Mordent ; en (5), le locuteur se rend compte que son comportement a porté atteinte a sa réputation : il ne fait plus l'objet de commentaires dithyrambiques comme avant, les jugements qui sont portés sur lui sont désormais mitigés voire négatifs.
- Enfin, lorsqu'ils sont restrictifs, les adverbes focalisateurs indiquent que la proposition qu'ils introduisent est vraie pour l'élément auquel ils sont liés et fausse pour les autres éléments du paradigme. Encore une fois, il semble que cette caractérisation soit applicable en (4) et (5) : en (4), la vérité de < J'ai dormi > exclut les alternatives auxquelles a pensé Mordent ; en (5), le locuteur n'est plus vu que comme < un mec un peu menteur, un peu vantard et, pire, gáté >, les autres qualificatifs ont été abandonnés.
Si cette caractérisation est satisfaisante pour décrire la plupart des exemples comportant simplement focalisateur, elle pose cependant un probleme de taille dans la mesure ou elle ne permet pas de différencier simplement de seulement. Dans les tres nombreux exemples ou ces deux adverbes commutent, une différence de sens entre les deux est pourtant perceptible. Mais cette différence est tres difficile a appréhender et a décrire. Comment caractériser, par exemple, la nuance entre J'ai simplement dormi et J'ai seulement dormi ?
Pour Donaire (2012 : 67), l'un des emplois de seulement peut étre décrit comme suit :
Un énoncé de forme seulementi (X, Y) présente X comme une restriction concernant un présupposé Y et pouvant étre paraphrasé par « autre que Y », X pouvant étre ou non explicite dans le cotexte. [...] Seulement1 (X, Y) admet donc une paraphrase de la forme « C'est X et pas Y, qui est plus que X » [...].
On trouvera ci-dessous l'application de cette description a un exemple :
(4) Je ne suis pas gardien. Seulement président. Quand il y a eu de la bagarre, je suis sorti de la cellule pour voir ce qui se passait et il est parti pendant ce temps-la. Ce n'est pas de ma faute. Je ne suis pas chargé de garder la prison. (G. Delteil, Gombo, Liana Lévi, 2009, p. 78.)
[...] Dans (4), par exemple, seulementı présente « étre président » comme présupposé, et excluant « étre autre que président », cet « autre » étant représenté dans l'énoncé par « gardien ». Seulementı signale un contraste entre « gardien » et « président », ce dernier minorant le terme présupposé (« je suis président et non pas gardien qui est plus que président », dans ce cas, en ce qui concerne la garde des prisonniers). Le contraste pourrait étre explicité au moyen de mais : « je ne suis pas gardien mais seulement président » (Donaire, 2012 : 60-67).
Force est de constater que la description proposée par Donaire (2012) pourrait parfaitement s'appliquer a l'adverbe simplement. Il suffit, pour s'en convaincre, de remplacer seulement par simplement dans les deux passages cités : la description obtenue est adequate. L'un des enjeux de la description de simplement doit donc étre de comprendre ce qui le différencie de seulement.
Pour comparer les deux adverbes, nous avons cherché des paires minimales ou la substitution de l'un a l'autre entraînait un changement de sens majeur, voire l'inacceptabilité de l'un des deux.
La premiere des paires minimales que nous proposons s'inscrit dans le cadre d'un dialogue. Apres un rendez-vous avec un consultant en entrepreneuriat, un premier locuteur s'exclame : C'est incroyable : en un clin d'œil, il a trouvé un nom et un slogan pour mon entreprise ! Face a cet énoncé, on peut imaginer que quelqu'un réponde (8) mais plus difficilement (9) :
(8) Il a simplement du talent.
(9) ? Il a seulement du talent.
L'énoncé (8) est valorisant. Le locuteur avance une explication : si le consultant a si bien réussi, c'est pour une raison simple, c'est parce qu'il a du talent. Il n'y a pas a chercher plus loin : son talent est l'explication, ce n'est pas plus compliqué que ça.
L'énoncé (9) a, au contraire, un effet minorant. Il met l'accent sur ce que le consultant n'a pas : il n'a rien d'autre que du talent.
Dans le cadre du dialogue proposé, on a une différence d'acceptabilité comparable entre les énoncés Il a du talent, c 'est tout et Il a du talent et rien d'autre. Cette observation nous amene a faire l'hypothese que le paradigme mis en œuvre dans les paires acceptables n'est pas le méme que le paradigme mis en œuvre dans les paires inacceptables. En (8) et dans Il a du talent, c'est tout, les alternatives écartées sont les autres explications envisageables. En (9) et dans Il a du talent et rien d'autre, les alternatives écartées sont les autres qualités possibles.
Dans la deuxieme paire minimale que nous proposons, simplement et seulement apparaissent devant un adjectif numéral. Si l'adverbe seulement se combine fréquemment avec les adjectifs numéraux, ce n'est pas le cas de simplement. Par exemple, en (10), il est impossible de remplacer seulement par simplement:
(10) En France, plus que partout ailleurs en Europe, le statut social determine la longévité : a 35 ans, un cadre a encore en moyenne 43 ans et demi devant lui, un ouvrier 38 ans seulement. (LMD, juillet 2004, cité par Donaire, 2013 : 175).
La combinaison de simplement avec un adjectif numéral n'est cependant pas impossible. Imaginons que la destruction d'un bâtiment soit envisagée. Dans cette situation de discours, les énoncés (11) et (12) sont tous deux acceptables :
(11) Il a seulement 10 ans.
(12) Il a simplement 10 ans.
Chacun des deux énoncés constitue un argument pour ne pas détruire le bâtiment. Mais leur sens est tres différent. Avec (11), l'argumentation repose sur l'idée que 10 ans, c'est peu pour un bâtiment : on ne détruit pas des bâtiments aussi récents. Avec (12), cette meme durée de 10 ans est vue comme l'explication de certains dysfonctionnements. Si le bâtiment a les problemes qu'il a, c'est pour une raison simple : il a 10 ans.
On l'aura compris, nous pensons que l'idée de simplicité est conservée dans l'emploi de simplement focalisateur et que c'est cette idée qui le différencie de seulement. Notre hypothese est que seulement et simplement ne présentent pas de la meme façon l'élément auxquels ils sont liés : avec seulement, l'élément focalisé est vu comme inférieur aux autres ; avec simplement, l'élément focalisé est vu comme « simple » par rapport aux autres.
La glose que nous proposons pour rendre compte du sens des énoncés de la forme Simplement PX1) est :
< On /pouvoir/ penser que P (X2, X3... Xn). En réalité, la situation /etre/ simple par rapport a X2, X3... Xn : P(X1) > (ou X1, X2, X3... Xn sont des éléments de meme nature et X1 est vu comme « simple » par rapport a X1, X2, X3... Xn).
En (5) et (7), simplement introduit une rectification : une ou plusieurs alternatives sont niées et remplacées par l'élément focalisé. La glose proposée permet de rendre compte de cet emploi. Ainsi, l'énoncé (5) sera glosé par :
< On /aurait pu/ penser que j'étais l'auteur, le gentil grand frere, le mec cool, l'épaule, le protecteur, le bon copain. En réalité, la situation /était/ simple par port a l'auteur, le gentil grand frere, le mec cool, l'épaule, le protecteur, le bon copain] : j'étais un mec un peu menteur, un peu vantard et, pire, gâtâ >.
Quant au sens de l'énoncé (7), il sera représenté par la glose :
< On /aurait pu/ penser qu'il était mort. En réalité, la situation /était/ simple par rapport a [étre mort] : il était évanoui >.
Simplement focalisateur peut également marquer une restriction. Dans ce cas, il indique l'exclusion des autres alternatives en général, sans en viser une en particulier. En (4), J'ai simplement dormi sera ainsi glosé par :
< On /aurait pu/ penser que j'ai reporté la réunion parce que j'ai dÛ mener a bien des activités liées a l'enquéte. En réalité, la situation /est/ simple par rapport a [devoir mener a bien des activités liées a l'enquéte] : j'ai dormi >.
Quant a l'énoncé (6), nous le gloserons par :
< On /aurait pu/ penser que les Saint-Jacques commandées avaient fait l'objet d'une préparation sophistiquée. En réalité, la situation /était/ simple par rapport a [faire l'objet d'une préparation sophistiquée] : elles étaient saisies >.
2.3.Pistes pour la modélisation sémantique
Dans ce qui precede, nous avons utilise l'adjectif simple pour décrire le sens de l'adverbe simplement. Nos hypotheses sont-elles pour autant circulaires ? Nous ne le pensons pas. Elles mettent au jour le fonctionnement sémantique de l'adverbe, méme si son contenu lexical est pour l'instant laissé de côté.
Dans cette méme perspective, certains rapprochements entre l'adverbe et l'adjectif peuvent étre faits : on observe en effet de fortes similitudes entre le sens de simplement adverbe de maniere orienté vers le sujet et l'emploi qualificatif de l'adjectif simple, d'une part, et entre le sens de simplement adverbe focalisateur et l'emploi non qualificatif de l'adjectif simple, d'autre part8.
Lorsqu'il est adverbe de maniere orienté vers le sujet, simplement qualifie la maniere dont est réalisé le proces. De méme, lorsqu'il est adjectif qualificatif, simple qualifie le nom sur lequel il porte. Dans l'énoncé C'est une recette simple, par exemple, simple qualifie la recette : la recette est simple.
Lorsqu'il est adverbe focalisateur, simplement oppose l'élément auquel il est attaché a un ensemble d'éléments de méme nature. Il en va de méme pour l'adjectif simple dans son emploi non qualificatif. Par exemple dans l'énoncé C'est une simple recette, simple oppose la recette a un ensemble d'éléments de méme nature. Par rapport a d'autres choses, une recette, c'est quelque chose de simple.
Contrairement aux apparences, les deux catégories d'emploi que nous venons de distinguer ne sont pas radicalement différentes. On peut considérer qu'un paradigme est a l'œuvre dans les deux cas. Dire d'une recette qu'elle est simple, c'est comparer la recette dont il est question a toutes les recettes possibles. Il y a des recettes qui sont simples et il y a des recettes qui ne sont pas simples, celle dont il est question fait partie de la catégorie des recettes simples. De méme, il y a des choses qui sont simples et des choses qui ne sont pas simples. En disant C'est une simple recette, on dit qu'une recette, ça fait partie de la catégorie des choses qui sont simples.
Les idées que nous venons de proposer pour décrire l'adjectif simple peuvent étre transposées aux deux emplois de l'adverbe simplement étudiés précédemment.
Lorsqu'il est adverbe de maniere orienté vers le sujet, simplement met en perspective différentes manieres de réaliser le proces. Par exemple, s'habiller peut se faire de différentes manieres : on peut mettre des accessoires, des vétements de couleur, une robe élégante, un jean et un pull, etc. A l'intérieur de l'ensemble des différentes manieres de s'habiller, s'habiller simplement sélectionne certains éléments et exclut les autres. S'habiller simplement, ça peut étre par exemple mettre un jean et un pull et ne pas mettre d'accessoires, de vétements de couleur, de robe élégante, etc. [Mettre un jean et un pull] est alors vu comme simple par rapport a [mettre des accessoires, des vétements de couleur, une robe élégante], etc.
Le fonctionnement de simplement focalisateur est comparable. Imaginons par exemple qu'un locuteur a vu hier un ami perdu de vue il y a longtemps. Dans cette situation, il pouvait poursuivre différents objectifs : lui parler, lui expliquer, le convaincre, passer du temps avec lui, l'accompagner, etc. En éno^ant Je voulais simplement lui parler, le locuteur sélectionne un seul de ces objectifs possibles et il le présente comme simple par rapport aux autres : il voulait lui parler et non lui expliquer, le convaincre, passer du temps avec lui, l'accompagner, etc. [Lui parler], c'est quelque chose de simple par rapport a [lui expliquer, le convaincre, passer du temps avec lui, l'accompagner] , etc.
3.Adverbe de phrase
Dans cette seconde partie de notre étude, nous nous intéressons aux emplois de simplement adverbe de phrase9.
3.1.Adverbe de phrase disjonctif de style
Les exemples (13) et (14) illustrent l'emploi de simplement adverbe de phrase10 disjonctif de style11 :
(13) Avant d'approcher Rimbaud, nous désirons indiquer que de toutes les denominations qui ont eu cours jusqu'a ce jour a son sujet, nous n'en retiendrons, ni n'en rejetterons aucune (r.. le voyant, r.. le voyou, etc..). Simplement, elles ne nous interessent pas. (R. Char, Recherche de la base et du sommet, 1981, Frantext)
(14) Mais Mme Paulette n'était pas assimilée. Le matzé [...], son accent, sa presence a l'atelier, ça faisait beaucoup d'obstacles sur le chemin de l'assimilation. Plus simplement, Mme Paulette m'énervait parce que j'avais l'impression que la Juive qu'elle était avait honte de l'étre. (R. Bober, Quoi de neuf sur la guerre ?, 1993, Frantext)
Dans cet emploi, simplement peut figurer en position détachée en tete de phrase négative, il ne peut pas étre extrait dans une structure clivée, il apparaît généralement en position frontale, il peut se combiner avec tres et tout et il admet le comparatif.
Du point de vue sémantique, il ne commute avec aucun des substituts présentés jusqu'ici. Un énoncé de la forme Simplement, P admet la paraphrase : En termes simples, P.
La glose que nous proposons pour rendre compte du sens des énoncés de la forme Simplement, P ou simplement est adverbe de phrase disjonctif de style est :
< Pour dire les choses d'une maniere simple, P >.
Ainsi l'exemple (13) peut étre glosé par :
< Pour dire les choses d'une maniere simple, elles ne nous intéressent pas. >
3.2.Adverbe de phrase conjonctif
Pour illustrer l'emploi de simplement adverbe de phrase conjonctif12, nous avons choisi les exemples suivants13 :
(15) Ä table, on mangeait ce qu'on voulait, on se levait quand on voulait. Camillou ne grondait pour ainsi dire jamais. Simplement, quand les jumeaux faisaient trop de bruit, il tapotait son verre avec sa fourchette, mettait un doigt devant sa bouche et faisait « chut ». (J. Roubaud, Parc sauvage, 2008, Frantext)
(16) Mme Gauthier-Lenoir était du reste une épouse fidele qui n'avait presque pas de mauvaises pensées. Simplement, il lui plaisait d'imaginer l'adultere avec un jeune homme bien fait [...] et de savoir que de telles imaginations n'avaient rien de chimérique [...] (M. Aymé, Nouvelles completes, 2002, Frantext)
(17) Je ne parle plus jamais ici des déjeuners Médicis. Non qu'ils soient moins intéressants qu'autrefois ; simplement, je ne m'y intéresse plus. (C. Mauriac, Mauriac et fils, 1986, Frantext)
(18)- Je ne ferai rien de votre vidéo, Andras. - Je m'en doutais... Non que je vous croie integre, simplement, diffuser ça, ça collerait pas a votre image de chevalier blanc, hein... (D. Dufresne, Derniere sommation, 2019)
Comme simplement disjonctif de style, simplement conjonctif est un adverbe de phrase. Il peut donc figurer en position détachée en tete de phrase négative, il ne peut pas étre extrait dans une structure clivée et il apparaît généralement en position frontale. La spécificité de simplement conjonctif est qu'il ne peut pas figurer dans l'énoncé initial d'un discours : il exige un contexte gauche explicite auquel il renvoie.
D'un point de vue sémantique, simplement conjonctif commute avec mais et seulement et il ne commute pas avec uniquement, juste, tout bonnement, de maniere simple. Un enchaînement de la forme R. Simplement (P) admet les paraphrases : R. P, c'est tout; R. P, rien de plus; R. P, c'est aussi simple que ça.
L'un des enjeux de la description de simplement conjonctif est de le différencier de seulement conjonctif et de mais, qui commutent systématiquement avec lui.
L'emploi conjonctif de seulement est décrit de la façon suivante par Donaire (2012) :
Un énoncé de type seulement2 (X, Y) ne véhicule pas de presupposes, mais il fait reference a une conclusion qui peut rester implicite, celle qu'on tire de Y et qui est remplacée par celle qui dérive de X. Seulement2 vise a exclure Y et a faire admettre X. [...] La paraphrase qui servirait a décrire seulement2 serait de la forme « Ce n'est pas Y mais Z, car X », ou Z serait la conclusion qu'on tire de X. (Donaire, 2012 : 68)
Appliqué a un exemple, cette description produit les résultats suivants :
(5) Moi, dit Arandjel, j'ai connu un homme qui a mangé son propre doigt, dit-il en levant son pouce. Il l'a coupé et il l'a fait cuire. Seulement, il ne s'en souvenait plus le lendemain et il réclamait partout son doigt. (F. Vargas, Un lieu incertain, J'ai lu, 2010, p. 259)
[...] Dans (5), par exemple, on ne présuppose rien, c'est lorsque seulement2 intervient, qu'il s'établit une opposition entre « il le réclamait (son doigt) partout » et ce qu'on aurait pu conclure a partir de Y (« il l'a coupé [son propre doigt] et l'a fait cuire »), par exemple « il regrette ». Cette conclusion possible est contredite par « il ne s'en souvenait plus le lendemain », de telle façon que X et la conclusion qu'il autorise (Z) remplacent Y dans l'argumentation. (Donaire, 2012 : 60-68)
De nouveau, force est de constater que cette description pourrait étre appliquée telle quelle a simplement. Comment différencier simplement conjonctif de seulement et mais ?
L'exemple (15) permet, nous semble-t-il, de le faire. Nous le comparerons avec (15a) et (15b), ou simplement est remplacé par mais et seulement :
(15a) A table, on mangeait ce qu'on voulait, on se levait quand on voulait. Camillou ne grondait pour ainsi dire jamais. Mais quand les jumeaux faisaient trop de bruit, il tapotait son verre avec sa fourchette, mettait un doigt devant sa bouche et faisait « chut ».
(15b) A table, on mangeait ce qu'on voulait, on se levait quand on voulait. Camillou ne grondait pour ainsi dire jamais. Seulement, quand les jumeaux faisaient trop de bruit, il tapotait son verre avec sa fourchette, mettait un doigt devant sa bouche et faisait « chut ».
Comme dans tous les exemples ou ils commutent, simplement, mais et seulement mettent en relation deux arguments anti-orientés. Le premier énoncé A table, on mangeait ce qu 'on voulait, on se levait quand on voulait. Camillou ne grondait pour ainsi dire jamais est orienté vers la conclusion < L'ambiance était vraiment décontractée >. Le second énoncé quand les jumeaux faisaient trop de bruit, il tapotait son verre avec sa fourchette, mettait un doigt devant sa bouche et faisait« chut» est quant a lui orienté vers la conclusion < L'ambiance n'était pas si décontractée que ça >. Cette conclusion est celle qui ressort en derniere instance des énoncés (15a) et (15b). En (15), en revanche, il nous semble que c'est la conclusion issue du premier énoncé qui reste valide : le second énoncé est vu comme une exception négligeable, qui vient renforcer la premiere conclusion au lieu de la remettre en cause. L'argumentation développée est : on faisait ce qu'on voulait et quand c'était trop, Camillou faisait ça, c'est tout ; le maximum de sa reaction, c'était ça, rien de plus ; ça n'allait jamais plus loin et, a part ça, la liberté était totale. >
Cette description est confirmée par l'inacceptabilité de simplement en (15c) : (15c) A table, on mangeait ce qu'on voulait, on se levait quand on voulait. Camillou ne grondait pour ainsi dire jamais. ·Simplement, quand les jumeaux faisaient trop de bruit, il se mettait dans des coleres terribles et distribuait des gifles retentissantes.
Cette fois, le second énoncé ne peut pas étre vu comme une exception négligeable. On remarquera en revanche que mais et seulement seraient tout a fait acceptables dans cet enchaînement.
Dans les enchaînements ou simplement conjonctif introduit une exception négligeable, le premier membre peut toujours étre ramené a la forme (Presque) aucun X. Un enchaînement de la forme (Presque) aucun X (= R). SimplementX1 (= P) admettra la glose :
< On /pouvoir/ penser que X2, X3... Xn. En réalité, aucun X (= R), a une exception pres, qui est simple par rapport a X2, X3... Xn : X1 (= P) > (ou X1, X2, X3... Xn sont des éléments de méme nature et X1 est vu comme « simple » par rapport a X1, X2, X3... Xn).
L'exemple (15) peut ainsi étre glosé par :
< On /aurait pu/ penser que Camillou criait, punissait, tapait. En réalité, il ne grondait jamais, a une exception pres, qui est simple par rapport a [crier, punir ou taper] : quand les jumeaux faisaient trop de bruit, il tapotait son verre avec sa fourchette, mettait un doigt devant sa bouche et faisait « chut ». >
L'exemple (16) sera quant a lui glosé de la façon suivante :
< On /aurait pu/ penser que Mme Gauthier-Lenoir avait envie de tromper son mari, de le quitter, de le faire supprimer. En réalité, elle n'avait pas de mauvaises pensées, a une exception pres, qui est simple par rapport a [tromper son mari, le quitter ou le faire supprimer] : elle imaginait l'adultere avec un jeune homme bien fait en se convainquant que cette imagination n'avait rien de chimérique. >
Tous les simplement conjonctifs n'introduisent pas une exception négligeable. Beaucoup ont pour objet de mettre en avant une cause que le locuteur présente comme simple par rapport a d'autres causes auxquelles on aurait pu penser. L'enchaînement est alors de la forme Non X2, X3... Xn (= R). SimplementX¡ (= P). et admet la glose :
< On /pouvoir/ penser que C parce que X2, X3... Xn. En réalité, ce n'est pas parce que X2, X3... Xn que C (= R). La situation /étre/ simple par rapport a X2, X3... Xn : C parce que X1 (= P) > (ou X1, X2, X3... Xn sont des arguments en faveur d'une méme conclusion C et Xi est vu comme « simple » par rapport a Xi, X2, X3... Xn).
Ainsi, le sens de l'exemple (17) peut étre représente par la glose :
< On /pourrait/ penser que je ne parle plus jamais ici des déjeuners Médicis parce qu'ils sont moins intéressants qu'autrefois. En réalité, ce n'est pas parce que les déjeuners Médicis sont moins intéressants qu'autrefois que je n'en parle plus jamais ici. La situation /est/ simple par rapport a [je ne parle plus jamais ici des déjeuners Médicis parce qu'ils sont moins intéressants qu'autrefois] : je ne parle plus jamais ici des déjeuners Médicis parce que je ne m'y intéresse plus. >
Pour l'exemple (18), nous proposerons la glose :
< On /pourrait/ penser que je m'en doutais parce que je vous crois integre. En réalité, ce n'est pas parce que je vous crois integre que je m'en doutais. La situation /est/ simple par rapport a [je m'en doutais parce que je vous crois integre] : je m'en doutais parce que diffuser ça ne collerait pas a votre image de chevalier blanc. >
3.3.Pistes pour la modélisation sémantique
Les remarques que nous avons faites en 2.3. a propos des deux emplois de simplement lorsqu'il est intégré a la proposition sont valables pour ses emplois lorsqu'il est adverbe de phrase. On constate en effet une proximité entre simplement adverbe de phrase disjonctif de style et simplement adverbe de maniere orienté vers le sujet, d'une part, et entre simplement adverbe de phrase conjonctif et simplement focalisateur, d'autre part.
Tous les emplois étudiés ont en commun de mettre en relation l'élément introduit par simplement avec un ensemble d'éléments de méme nature, qu'il s'agisse de différentes manieres de faire ou de dire ou de différentes alternatives envisagées ou envisageables. Dans tous les cas, l'état de fait introduit par simplement est présenté comme simple par rapport aux autres et il exclut les autres. Une modélisation unitaire des quatre emplois étudiés semble done possible, meme s'il ne s'agit la que d'une premiere esquisse.
4.Commutation n'est pas raison
Dans ee qui précede, nous avons eu reeours au critere de commutation pour distinguer les différents emplois de l'adverbe simplement : simplement adverbe de maniere orienté vers le sujet commute avec de maniere simple, simplement foealisateur mute avec bonnement, simplement disjonctif de style commute avec en termes simples et simplement conjonctif commute avec mais.
Meme si nous avons cherché des substituts exclusifs les uns des autres, il est possible que plusieurs commutations soient acceptables dans un meme exemple. Cela ne remet pas en cause notre classification : les criteres syntaxiques présentés en amont suffisent a déterminer a quel type d'emploi rattacher tel ou tel énoncé.
Selon nous, le critere de commutation doit étre utilisé avec beaucoup de prudence en sémantique et il faut prendre garde a ne pas le surinterpréter. Méme si les substituts proposés peuvent etre considérés comme des synonymes du marqueur étudié, ils ne sont pas déterminants dans l'analyse sémantique : comme nous avons essayé de le montrer a travers la comparaison de simplement, seulement et mais, tout l'enjeu de la description est précisément de caractériser ce qui différencie le marqueur de ses synonymes. Par ailleurs, une synonymie supposée peut masquer le fonctionnement sémantique et syntaxique d'un marqueur et amener soit a des distinctions inutiles, soit a des rapprochements discutables. C'est ce que nous allons montrer dans cette derniere partie de notre étude, a travers l'analyse critique de l'approche de Lamiroy & Charolles (2004).
4.1. Commutation avec carrément et franchement
Pour Lamiroy & Charolles (2004 : 69), simplement peut étre employé comme adverbe de degré :
De maniere analogue a seulement, simplement s'emploie souvent en tant qu'adverbe de degré. Mais, curieusement, alors qu'avec seulement cette valeur ne fait que specifier négativement le sens restrictif, avec simplement la commutation se fait avec des adverbes marquant subjectivement le haut degré comme carrément ou franchement :
[35] Que le Vatican refuse d'admettre que l'acces des femmes au sacerdoce est une question de survie pour ses innombrables paroisses d'Europe en voie de disparition est déja difficile a comprendre. Mais qu'il tente toujours, en 2004, de trouver une justification morale et théologique a l'inégalité des sexes est, simplement, inadmissible. (Le Monde, 2004/08/07)
Cette analyse souleve plusieurs problemes. Tout d'abord, une commutation n'est pas une description sémantique. Dans l'exemple proposé, simplement commute certes avec carrément et franchement mais d'autres substituts sont également possibles, qu'on n'a pas forcément envie de rattacher a l'idée de « haut degré » : c'est le cas de tout bonnement, juste, ni plus ni moins, rien moins que.
Dans notre corpus, sur les 20 exemples ou simplement est combiné a un adjectif, 12 peuvent étre rapprochés de l'exemple proposé par Lamiroy & Charolles (2004). Les exemples (19), (20) et (21) en sont un échantillon :
(19) Ce que cette femme a fabriqué pour son fils est simplement génial. Pour éviter de tout ranger a chaque fois qu'il joue avec les légo, elle a pensé a cette table de jeu qu'elle a fabriqué avec une table Ikéa pas chere. (c-fait-maison.fr, 3/05/2016)
(20) Un instant j'ai pensé a Clément et Manon. Les imaginer dans une situation semblable m'était tout simplement insupportable. (O. Adam, Les Usieres, 2012)
(21) Elle est ravissante, tout simplement ravissante ! (E. Bayamack-Tam, Je viens, 2014)
Dans ces exemples, simplement ne commute pas avec seulement, uniquement, de maniere simple, mais mais il commute avec franchement, carrément, tout bonnement, juste, ni plus ni moins et rien moins que. Dans la grande majorité des cas, simplement est précédé de tout et l'énoncé semble moins naturel si on supprime cet adverbe.
On remarquera que les adjectifs apparaissant dans les différents exemples proposés sont d'un type particulier : il s'agit, selon la terminologie d'Anscombre (2009), d'adjectifs qualifiants extrinseques. Pour cet auteur, deux catégories d'adjectifs qualifiants s'opposent :
L'intensité adjectivale peut s'exprimer de deux façons distinctes, selon qu'on utilise des adjectifs qualifiants intrinseques ou des adjectifs qualifiants extrinseques. La classe des adjectifs qualifiants peut en effet étre divisée en deux telles sous-classes : les qualifiants intrinseques renvoient a un simple degré sur l'échelle associée a l'adjectif, alors que les qualifiants extrinseques font de ce degré le résultat de l'attitude du locuteur vis-a-vis de l'événement décrit. Font partie des qualifiants intrinseques des adjectifs comme fort, vif, bon, mauvais, formel, complet, etc. Et des qualifiants extrinseques désastreux, extraordinaire, deplorable, lamentable, minable, etc. (Anscombre, 2009 : 62)
Contrairement a ce qu'affirment Lamiroy & Charolles (2004), ce n'est finalement pas l'adverbe simplement qui marque le haut degré dans les exemples cités mais l'adjectif sur lequel il porte. On a affaire ici au simplement focalisateur étudié en 2.2. et il n'est pas nécessaire de proposer une nouvelle glose pour rendre compte du sens de ces énoncés : dans tous les cas, il s'agit pour le locuteur d'écarter les autres qualifications possibles, en présentant la qualification sélectionnée comme la façon simple de dire les choses. Dans la mesure ou la qualification sélectionnée indique un haut degré, ce mode de présentation a pour effet de mettre en avant l'adéquation du terme choisi et l'inutilité de tergiverser : ľadjectif utilise est certes fort mais il remplace tous les longs discours qu'on pourrait faire, il n'y a pas a chercher plus loin, c'est la façon simple de dire les choses.
4.2.Commutation avec mais et toutefois
Pour identifier l'emploi « oppositif » de simplementu, Lamiroy & Charolles (2004) recourent a deux tests de commutation : la commutation avec mais (exemple [31]) et la commutation avec toutefois (exemple [32]) :
[31] Jean-Claude Bonnet, le president du Supporter Club, souleve un autre probleme : « On est prets a entendre que la FCSM n'est pas aussi ambitieux que par le passé. Simplement les dirigeants devraient davantage communiquer. Nous allons demander une entrevue pour la reprise. Car actuellement, je sens que nous allons souffrir car il nous manque des recrues. » (L'Est Républicain, 2004/08/03, cité par Lamiroy & Charolles, 2004 : 68)
[32] « Tout s'est bien déroulé, se réjouit Thibaud Chardiny, ingénieur. Nous avons simplement constaté deux petits soucis. Tout d'abord, la fumée a un peu tendance a baisser a l'extrémité du tunnel, sans doute a cause des poutres qui constituent le tunnel. Autre inconvénient, la chaleur de la fumée qui est évacuée par la dalle. Celle-ci est un peu chaude. » (Le Parisien, 2004/08/06, cité par Lamiroy & Charolles, 2004 : 68)
Sur la base de ces tests, Lamiroy & Charolles (2004 : 69) voient une ambigui'té entre emploi « oppositif » et emploi « restrictif »15 dans certains exemples, ou simplement peut commuter a la fois avec uniquement (critere d'identification de l'emploi « restrictif ») et avec mais ou toutefois (critere d'identification de l'emploi « oppositif ») :
Notons qu'on observe la meme ambiguité que celle notée ci-dessus pour certaines attestations de seulement, l'interprétation cumule les sens oppositif et restrictif. Ainsi, tous les emplois de simplement commutant avec toutefois (comme [32]) commutent avec uniquement, et sur les six emplois commutant avec mais, deux, dont [34], commutent aussi avec cet adverbe :
[34] « Vaut mieux le faire en deux coups celui-la. Tu te mets sur la roue arriere et pom pom pom pom... » « Ouais mais, le statique sur la roue arriere, il est un peu chaud la ! » Il n'y a pas de téméraires a ce petit jeu, simplement des sportifs mesurant le risque pris, au millimetre pres. (L'EstRépublicain, 2004/08/07)
En proposant une commutation entre simplement et toutefois en [32] et entre simplement et mais en [34], Lamiroy & Charolles (2004) donnent priorité a leur intuition sémantique, au détriment de l'analyse syntaxique.
La commutation de simplement avec toutefois peut difficilement étre considérée comme un critere pertinent dans la mesure ou elle est systématiquement concurrencée par la commutation avec uniquement. Or, cette possibilité de commutation avec uniquement donne une information syntaxique tres claire : dans les emplois ou elle se présente, simplement est intégré a la proposition, il ne peut pas s'agir d'un adverbe conjonctif. En proposant de réunir dans une méme catégorie les emplois ou simplement commute avec mais et les emplois ou il commute avec toutefois et uniquement, Lamiroy & Charolles (2004) créent une catégorie ou l'on trouve a la fois des emplois interphrastiques et des emplois intraprédicatifs. Or, méme si elles sont tres proches, les interpretations auxquelles donnent lieu ces deux types d'emplois présentent quelques differences, ainsi qu'on peut le voir en [32a] (emploi focalisateur) et [32b] (emploi conjonctif) :
[32a] Tout s'est bien déroulé, se réjouit Thibaud Chardiny, ingénieur. Nous avons simplement constaté deux petits soucis.
[32b] Tout s'est bien déroulé, se réjouit Thibaud Chardiny, ingénieur. Simplement, nous avons constaté deux petits soucis.
Dans notre approche, [32a] sera glosé sans prendre en compte le contexte gauche de l'énoncé ou figure simplement :
< On /pourrait/ penser que nous avons dÛ faire face a des difficultés majeures. En réalité, la situation /a été/ simple par rapport a [faire face a des difficultés majeures] : nous avons constaté deux petits soucis >.
Pour [32b], en revanche, la glose prendra en compte le contexte gauche de l'énoncé ou figure simplement. On proposera la glose suivante :
< On /pourrait/ penser que nous avons dÛ faire face a des difficultés majeures. En réalité, tout s'est bien déroulé, a une exception pres, qui est simple par rapport a [faire face a des difficultés majeures] : nous avons constaté deux petits soucis. >
Quant a la commutation de simplement avec mais en [34], elle ne doit pas masquer le fait que, dans cet exemple, simplement ne se trouve pas entre deux propositions. [34] n'équivaut pas a [34a], dont l'acceptabilité serait d'ailleurs douteuse, mais a [34b] :
[34a] ? Il n'y a pas de téméraires a ce petit jeu, simplement il y a des sportifs mesurant le risque pris, au millimetre pres.
[34b] Il n'y a pas de téméraires a ce petit jeu, il y a simplement des sportifs mesurant le risque pris, au millimetre pres.
Contrairement a ce que laissent entendre Lamiroy & Charolles (2004), l'adverbe simplement n'est pas un adverbe de phrase en [32] et [34] : c'est un adverbe focalisateur et c'est pour cette raison qu'il commute avec uniquement dans les deux exemples.
Méme si nous remettons en cause la classification de Lamiroy & Charolles (2004), le fait que ces auteurs voient une « ambigui'té » entre sens « restrictif » et sens « oppositif » en [32] et [34] nous semble étre un argument en faveur de la description que nous avons proposée dans cette étude : a travers les gloses présentées en 2.2. et 3.2., nous avons cherché a montrer la proximité entre l'emploi de simplement adverbe focalisateur et l'emploi de simplement adverbe de phrase conjonctif, tout en dégageant les spécificités de chaque emploi.
En guise de conclusion
Ainsi que nous avons essayé de le montrer dans cette étude, nous pensons qu'une description sémantique unitaire de l'adverbe simplement est possible. Si l'interprétation de simplement varie d'un emploi a l'autre, ce n'est pas parce que son sens change mais parce qu'en fonction de sa portée et des liens syntaxiques instaurés par sa fonction, il interagit de façon différente avec les éléments des phrases dans lesquelles il apparaît.
* Artículo recibido el 25/05/2022, aceptado el 4/10/2022.
1 Pour la classification proprement dite, nous nous appuierons sur la terminologie et les criteres de classification des adverbes en -ment proposés par Molinier & Lévrier (2000). Les criteres seront rappelés dans une note de bas de page au début de chaque section.
2 « Les adverbes de maniere orientés vers le sujet sont définis par les trois propriétés suivantes :
1°) Inacceptabilité en position détachée en téte de phrase négative
2°) Possibilité d'extraction dans C'est... que
3°) Possibilité, pour toute phrase a sujet humain dans laquelle l'adverbe modifie le verbe, d'association a une phrase prédicative dans laquelle l'adjectif radical de l'adverbe qualifie ce méme sujet humain. » (Molinier & Lévrier, 2000 : 117)
3 Rappelons que pour Molinier & Lévrier (2000 : 46), les adverbes intégrés a la proposition se définissent par l'une et / ou l'autre des propriétés suivantes : (i) ils ne peuvent figurer en position détachée en tete de phrase négative et / ou (ii) ils peuvent étre extraits dans C'est... que.
4 Dans cet emploi, simplement est classé parmi les « adverbes verbaux d'action » par Schlyter (1977). Lamiroy & Charolles (2004) utilisent quant â eux le terme « d'adverbe de maniere ».
5 Dans l'approche proposée ici, une « glose » est une paraphrase formulée dans une métalangue contrôlée, qui épuise le sens de l'énoncé étudié et qui a un statut métalinguistique â l'intérieur du modele. On proposera d'une part des gloses générales non instanciées pour représenter l'apport sémantique d'un mot dans un ensemble d'exemples et d'autre part des gloses spécifiques représentant le sens des exemples étudiés, apres instanciation des variables. Dans notre approche, l'objectif de la phase descriptive d'une étude sémantique est de construire un ensemble de gloses générales rendant compte de façon systématique du corpus analysé. Vient ensuite la phase explicative ou l'on cherche â prévoir dans quels cas s'applique chacune des gloses générales proposées et ou l'on se demande comment expliquer les variations observées d'une glose â l'autre (cf Deloor : 2012, 2014).
6 « Nous identifions sous la dénomination d'adverbes focalisateurs des adverbes qui vérifient les trois propriétés suivantes :
1°) Inacceptabilité en position détachée en téte de phrase négative.
2°) Impossibilité d'extraction dans C'est... que.
3°) Possibilité d'extraction dans C'est... que en compagnie d'un GN constituant majeur d'une phrase (sujet, objet, circonstant) » (Molinier & Lévrier, 2000 : 273).
7 Dans la classification de Schlyter (1977), cet emploi est rattaché a la catégorie des « adverbes restrictifs ». Lamiroy & Charolles (2004) parlent quant a eux « d'emploi restrictif ».
8Pour une étude sémantique de l'adjectif simple, voir Noailly (2002).
9 Rappelons que pour Molinier & Lévrier (2000 : 44), les adverbes de phrase se définissent par la conjonction des deux propriétés suivantes : (i) ils peuvent figurer en position détachée en téte de phrase négative et (ii) ils ne peuvent étre extraits dans C'est... que.
10 « Nous identifions la classe générale des disjonctifs de style [...] par l'une des propriétés suivantes:
- Aptitude a entrer dans une paraphrase dans laquelle ils modifient en tant qu'adverbes de maniere un verbe de type « dire » placé dans une phrase supérieure,
- Présence dans des formes syntaxiquement complexes de substantifs tels que termes, mots, propos, ou de verbes tels que parler ou dire,
- Possibilité de paraphrases mettant en jeu des substantifs tels que termes, mots, propos, ou des verbes tels que parler ou dire. » (Molinier & Lévrier, 2000 : 65)
11 Cet emploi de simplement n'est pas mentionné dans la classification de Schlyter (1977). Pour Lamiroy & Charolles (2004), il s'agit d'un « emploi métalinguistique ».
12 « Dans l'ensemble des adverbes de phrase, [...] les adverbes conjonctifs sont isolés au moyen de la propriété suivante : ils sont inaptes a figurer dans l'énoncé initial d'un discours, ou, de façon plus spécifique, leur interprétation nécessite l'existence et la prise en compte d'un énoncé ou d'énoncés antérieurs. » (Molinier & Lévrier, 2000 : 55).
13 Dans cet emploi, simplement est classé parmi les « adverbes de relation » par Schlyter (1977). Lamiroy & Charolles (2004) parlent quant a eux d'un « emploi oppositif ».
14 Comme nous l'avons indiqué dans la note précédente, ce que nous appelons emploi « conjonctif » est appelé emploi « oppositif » par Lamiroy & Charolles (2004).
15 Comme nous l'avons indiqué dans la note 7, ce que nous appelons emploi « focalisateur » est appelé emploi « restrictif » par Lamiroy & Charolles (2004).
References bibliographiques
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Abstract
Este artículo pretende describir semánticamente los diferentes usos del adverbio simplement en francés contemporáneo. Se distinguen cuatro usos, basados en criterios semánticos y sintácticos. La descripción propuesta tiene dos objetivos principales: (i) diferenciar simplement de sus sinónimos (seulement y mais) y (ii) destacar los puntos comunes entre los distintos usos de simplement para proponer posteriormente un modelo unitario de su funcionamiento semántico. A lo largo del estudio, se concede un lugar particular al criterio de conmutación: nos preguntamos cuál es su validez en semántica y qué problemas puede plantear.