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Abstract
Cette these traite des femmes mayas de la zona henequenera du Yucatan qui travaillent dans des unites de production feminines creees et encadrees par l'Etat mexicain, dans le cadre de programmes de developpement rural.
Chez les Mayas, la creation de cooperatives feminines est une innovation qui n'a pas ete facilement acceptee. En effet, le type de travail qu'on y trouve--sous le controle de l'autorite exterieure, beneficiant de credits gouvernementaux et s'executant dans des lieux et avec des moyens de production habituellement reserves aux hommes--contrevient aux normes relatives a la differenciation sexuelle.
Notre objectif a ete d'analyser les consequences de ces changements profounds sur les rapports sociaux et les rapports de sexe, en emettant h'hypothese que le travail collectif fonctionnant a l'exterieur du cadre familial constitue une transgression par rapport a la definition du genre, car ce type de travail bouleverse les representations que les Mayas se font de la masculinite et de la feminite. Dans cette transgression, les frontieres entre les genres sont brouillees et la relation qui consiste a adapter le sexe individuel au genre est perturbee.
L'analyse des changements sociaux consecutifs a la mise en place des cooperatives de femmes demontre que, malgre la generalisation du travail salarie des femmes, l'activite productive des societaires est la seule qui bouleverse les regles de la division sexuelle du travail. Les societaires et leurs epoux sont les seuls a devoir se recreer une conformite sociale, dans la communaute, par un jeu de rectification des inadequations entre la norme et la marginalite, lequel met en lumiere les mecanismes de deconstruction/reconstruction des definitions du genre au cours desquels les autochtones interiorisent certains aspects des ideologies dominantes vehiculees par l'autorite exterieure ou par les medias, mais aussi, au cours desquels ils se retournent vers les caracteristiques les plus conservatrices de leur culture.
L'analyse comparative du pouvoir chez les hommes et chez les femmes met en evidence la maniere dont le genre intervient dans le phenomene d'acceptation/resistance, caracteristique de l'ethnicite. Contrairement aux hommes, les femmes rurales refusant le systeme des elections dans leurs organismes de travail, parce que le modele exogene de l'autorite qu'on veut leur imposer contrevient a la definition autochtone du genre feminin. En revanche, elles s'appuyent sur l'ideologie du sacrifice et de la dette, propre a la pensee maya, pour legitimer l'autorite de la presidente. L'analyse de l'exercice du pouvoir met donc en lumiere la revitalisation de pratiques heritees du passe; cette revitalisation resulte du fait que les femmes mayas n'ont pas l'habitude de la sphere politique et des elections, et que, si elles veulent s'adapter au developpement, elles refusent neanmoins de se renier en tant que femmes mayas.
A la fin de ce travail, nous avons formule le constat que les programmes Femmes-paysannes souffrent d'un triple echec. D'une part, parce que la majorite de la population feminine rurale en est exclue; d'autre part, parce que ces programmes ne permettent pas aux societaires d'obtenir une remuneration decente et, enfin, parce qu'ils les maintiennent sous le controle d'un appareil repressif. Toutefois, la creation d'unites de production feminines a permis la constitution d'un espace social feminin porteur d'une identite sociale nouvelle, au sein duquel les femmes experimentent la possibilite de sortir du cadre de l'unite domestique et des relations de parente, et eprouvent ensemble des formes originales de cooperation et de sociabilite. (Abstract shortened by UMI.)