Formation et construction identitaire de professionnels en situation d'intermittence

Abstract

Cette étude porte sur la construction identitaire de professionnels en situation d'intermittence. Elle s'est donné comme objectif de décrire les dimensions constitutives de l'identité professionnelle en portant une attention particulière à celles qui concernent la formation continue.

Dans une perspective exploratoire et à partir d'un point de vue interdisciplinaire, l'étude a été menée auprès de cinquante travailleurs québécois, diplômés universitaires, qui pratiquent dans différents domaines professionnels (formation, arts, communication, santé et services sociaux et nouvelles technologies). Dans un premier temps, ils ont fourni leur curriculum vitae et un résumé écrit de leur histoire professionnelle et éducative à partir d'un questionnaire. Les informations ont été soumises à une analyse thématique. Dans un deuxième temps, dix personnes ont été sélectionnées parmi le premier groupe de répondants; elles ont fait le récit de leur histoire lors d'une entrevue. En plus de procéder à la reconstruction des événements de leur parcours d'emploi et de formation continue, les données ont été traitées par une analyse interprétative. Le traitement analytique a été effectué en recourant à un cadre de référence à huit dimensions: (1) le contexte social, économique et juridique; (2) les événements du parcours d'emploi; (3) les événements du parcours de formation continue; (4) le rapport au temps et à l'espace; (5) le rapport à l'activité (au travail et hors-travail); (6) le rapport aux autres; (7) le mode de présentation de soi et, finalement (8) le rapport à la formation.

L'étude révèle que la formation s'avère un jalon fondamental de l'identité professionnelle des travailleurs intermittents qui est pleinement articulé à d'autres repères identitaires. Ces travailleurs se définissent non pas surtout comme des travailleurs précaires, mais d'abord comme des professionnels puisqu'ils mettent en relief leur expertise et le contenu de leur travail. Malgré les multiples emplois qui composent leur cheminement, leur expérience est caractérisée par la continuité, une continuité qui jaillit d'une articulation serrée entre la formation et le rapport au travail. Le caractère crucial de la formation dans leur processus identitaire se manifeste également par leur tendance à se distinguer d'autrui en valorisant leur polyvalence et par une forte participation à la formation continue. Même si le développement identitaire de ces professionnels présente plusieurs traits communs, ceux-ci édifient différemment leur identité. Quatre formes identitaires ont été décrites; chacune d'elles présente un rapport individuel à la formation singulier.

Globalement, l'étude révèle que les travailleurs intermittents vivent un rapport positif à la formation et qu'en plus des savoirs de gestion de carrière qui sont importants pour eux, les savoirs acquis en milieu universitaire s'avèrent essentiels compte tenu de leur pratique particulière.

Cette étude enrichit les cadres d'analyse déjà existants sur la construction identitaire, notamment sur le plan de la dimension de l'espace et du temps et elle apporte des descriptions empiriques utiles à l'étude de la précarité d'emploi. Elle devrait nourrir les débats entourant la demande de formation continue des professionnels qui vivent les nouvelles réalités du travail.

Abstract (AI English translation)

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This study focuses on the identity construction of professionals in a situation of intermittence. It has set itself the objective of describing the constituent dimensions of professional identity, paying particular attention to those concerning continuing education.

In an exploratory perspective and from an interdisciplinary point of view, the study was conducted among fifty Quebec workers, university graduates, who practice in different professional fields (training, arts, communication, health and social services and new technologies ). First, they provided their curriculum vitae and a written summary of their professional and educational history based on a questionnaire. The information was subjected to thematic analysis. Secondly, ten people were selected from the first group of respondents; they told their story in an interview. In addition to reconstructing the events of their employment and continuing education path, the data was processed through an interpretative analysis. The analytical treatment was carried out using an eight-dimensional frame of reference: (1) the social, economic and legal context; (2) employment history events; (3) the events of the continuing education path; (4) relationship to time and space; (5) relationship to activity (at work and outside of work); (6) relationship to others; (7) the mode of self-presentation and, finally (8) the relationship to training.

The study reveals that training proves to be a fundamental milestone in the professional identity of intermittent workers which is fully articulated with other identity markers. These workers define themselves not primarily as precarious workers, but first and foremost as professionals since they highlight their expertise and the content of their work. Despite the multiple jobs that make up their journey, their experience is characterized by continuity, a continuity that springs from a close articulation between training and the relationship to work. The crucial nature of training in their identity process is also manifested by their tendency to distinguish themselves from others by valuing their versatility and by a strong participation in continuing education. Even if the identity development of these professionals presents several common features, they construct their identity differently. Four forms of identity have been described; each of them presents an individual relationship to the singular formation.

Overall, the study reveals that intermittent workers have a positive relationship with training and that, in addition to the career management knowledge that is important to them, the knowledge acquired in a university environment is essential given their particular practice. .

This study enriches the analytical frameworks that already exist on the construction of identity, particularly in terms of the dimension of space and time, and it provides useful empirical descriptions for the study of job insecurity. It should fuel the debates surrounding the demand for continuing education for professionals who experience the new realities of work.