Reçu le 28-07-2022 / Évalué le 30-10-2022 / Accepté le 10-02-2023
Résumé
L'article présente une étude exploratoire faisant partie d'une recherche doctorale en sciences de l'éducation en cours. Elle analyse des épisodes de régulations interactives entre une enseignante d'une classe de maternelle en Guyane française et ses élèves, avec le concours également d'une assistante. L'hypothèse examinée par l'étude est que la circulation des langues ^translanguaging"), plus spécialement entre le français et le ndyuka (langue créole), est susceptible de représenter une ressource pour soutenir la compréhension des élèves d'un album orálisé en français par l'enseignante, notamment dans des évaluations formatives interactives. L'article expose des analyses détaillées d'épisodes interactifs en classe et montre comment un trilogue autour de la circulation des langues s'est développé dans l'évaluation formative intégrée à la situation d'enseignement et d'apprentissage.
Mots-clés : circulation des langues, évaluation formative, conte orálisé, école maternelle, Guyane française
Abstract
The article presents an exploratory study that is part of an ongoing doctoral thesis in sciences of education. It analyses episodes of interactive regulation between a kindergarten teacher in French Guyana and her pupils, also with the help of an assistant. The hypothesis examined by the study is that the circulation of languages (translanguaging), especially between French and Ndyuka (Creole language), is likely to represent a resource for supporting the pupils' understanding of an album read in French by the teacher, particularly in interactive formative assessments. The article presents detailed analyses of interactive classroom episodes and shows how a trialogue around translanguaging developed in formative assessment integrated into the teaching and learning situation.
Keywords: translanguaging, formative assessment, oral storytelling, kindergarten, French Guyana
Introduction1
L'étude exploratoire présentée dans ce texte s'inscrit dans une recherche doctorale en sciences de l'éducation en cours2. Elle s'intéresse à la circulation des langues Çtranslanguaging) dans une classe de maternelle en Guyane française, plus spécialement dans le cadre d'une leçon de français qui porte sur la compréhension d'un album lu par l'enseignante3. La majorité des élèves de la classe concernée ne sont pas de langue maternelle française. L'hypothèse examinée dans l'article est que la circulation des langues est susceptible de représenter une ressource pour soutenir la compréhension des élèves de l'album orálisé en français par l'enseignante, notamment dans des évaluations formatives interactives. Celles-ci ont pour caractéristique d'être intégrées aux situations d'enseignement et d'apprentissage, incluant des processus dialogiques fondés sur des questions, des réponses, des rétroactions (ou feedbacks), et plus généralement des étayages susceptibles d'être ouverts à la langue maternelle des élèves. Mais concrètement, si tel est le cas, comment la circulation des langues se manifeste-t-elle ? Dans quelle mesure représente-t-elle une ressource à la régulation de la compréhension des élèves ? À notre connaissance, peu d'études ont explicitement examiné la circulation des langues comme ressource potentielle à des fins d'évaluation formative dans des classes plurilingües en maternelle.
Afin de tenter de répondre à ces questions de recherche, l'article commence par présenter l'ancrage théorique de l'étude empirique, puis le contexte de la classe concernée et l'approche méthodologique adoptée. Les résultats de recherche exposent l'analyse de trois épisodes de régulation donnant à voir les dynamiques interactives de circulation des langues telles qu'elles se déploient dans un trilogue : l'enseignante, son assistante et les élèves (en tant qu'acteur collectif). L'article se termine par quelques constats et pistes pour la suite de la thèse.
2. Cadre théorique
2.1. La circulation des langues dans une classe plurilingüe
Dans les années 1980, un changement conceptuel majeur du bilinguisme et de l'apprentissage des langues a eu lieu. Il s'agit non seulement de reconnaître la compétence bilingue comme résultante d'une utilisation de deux langues dans le même système, mais également de redéfinir le niveau de maîtrise de ces langues (Lüdi, Py, 1986). Par la suite, des approches didactiques ont encouragé des pratiques diversifiées incluant une utilisation complémentaire des langues. À l'aide d'une (ou de plusieurs) langue(s), l'objectif pour les élèves est d'acquérir des connaissances dans une ou plusieurs disciplines scolaires tout en développant des compétences plurilingües (e.g., Garcia, Wei, 2014).
La circulation des langues s'inscrit dans ce champ théorique et conçoit l'alternance des langues non pas comme une simple alternance codique, mais comme une véritable ressource dans l'élargissement des répertoires linguistiques des locuteurs de plusieurs langues (Garcia, 2009). Pour Lewis, Jones et Baker (2012), la circulation des langues fait référence à l'utilisation d'une langue pour renforcer l'autre afin d'augmenter l'activité de l'élève dans les deux langues. Quant à Wei (2011), il insiste sur l'idée intéressante d'un « espace de translanguaging » qui permet aux interlocuteurs d'utiliser les langues qui correspondent à des choix pratiques au service de la situation concernée.
Sur le plan social, la circulation des langues amène à dépasser des limites établies entre les langues, dans le but également de mieux vivre ensemble, de se comprendre, de reconnaître les identités multiples des uns et des autres (Canagarajah, 2011), y compris pour soutenir la pérennisation de langues minoritaires (Otheguy, Garcia, Reid, 2015). Sur le plan didactique et dans un contexte scolaire avec de jeunes élèves, comme c'est le cas de notre étude exploratoire, la recherche de Fleuret et Auger (2019) montre que l'utilisation d'albums de jeunesse en langue maternelle est un bon moyen de favoriser la circulation des langues dans la classe. La recherche à l'école maternelle de Gort et Semblante (2015) souligne cependant la flexibilité des pratiques enseignantes qui est nécessaire à la création d'espaces de circulation des langues favorables à la participation des élèves et à leurs apprentissages afin que, comme l'écrivent Otheguy et al. (2015 : 304), les élèves « déploient librement toutes leurs ressources linguistiques, tant lexicales que structurelles, en incorporant de nouvelles ressources et en les utilisant sans restriction dans le cadre de leur idiolecte4 ».
2.2. Les régulations interactives de l'évaluation formative
Dans le cadre de notre étude exploratoire, nous nous intéressons aux pratiques d'évaluation formative qui intègrent la circulation des langues dans le but d'étayer une meilleure compréhension d'un album orálisé en français par l'enseignante alors que la plupart des élèves de sa classe ont une autre langue maternelle que le français. Parmi les différentes modalités d'évaluation formative développées par la littérature scientifique francophone, l'évaluation formative dite élargie (e.g., Allai, Mottier Lopez, 2005) insiste sur l'importance de l'intégrer dans l'ensemble des situations quotidiennes d'enseignement et d'apprentissage en classe. En ce sens, elle s'approche de la conception ďAssessment for Learning développée initialement dans le monde anglosaxon (e.g., Black, Wiliam, 1998). Intimement liée à la notion de régulation, l'évaluation formative élargie vise à accompagner l'élève vers les buts d'apprentissage à atteindre. La régulation est dite « interactive » quand elle s'appuie sur les interactions sociales (enseignant-élève(s), entre élèves) et matérielles de la classe et qu'elle assume une fonction de médiation à l'autorégulation de l'élève (Allai, 2007). Cette « évaluation pour apprendre », si possible de façon continue et durable (Mottier Lopez, 2021 ), encourage notamment l'implication de l'élève à travers des interactions soutenues l'invitant à s'autoévaluer, à évaluer des pairs, à recevoir des évaluations et des feedbacks pour progresser. Foncièrement dialogiques, les régulations interactives de l'évaluation formative s'appuient alors sur les processus communicationnels (Mottier Lopez, 2015) et les ressources linguistiques de la classe, avec l'hypothèse formulée dans notre étude exploratoire que la circulation des langues pourrait en faire partie.
3. Contexte de l'étude exploratoire et participants
La classe concernée par notre étude est une classe de grande section de maternelle (élèves de 5 ans en moyenne), dans une école de Guyane française située dans une ville frontalière. Elle regroupe 13 garçons et 13 filles, dont 5 sont allophones. La langue maternelle (ci-après LM) de la majorité des élèves de la classe est le ndyuka5 ; d'autres langues créoles sont également présentes6. Dans les analyses présentées ci-dessous, nous ciblerons le ndyuka non seulement parce qu'il s'agit de la LM la plus parlée par les élèves, mais également parce qu'elle joue un rôle véhiculaire dans l'Ouest guyanais comme l'explique Léglise (2007), c'est-à-dire permettant à des personnes de langues différentes de communiquer entre elles.
L'enseignante titulaire de la classe est Isméla (prénom d'emprunt) qui a quatre ans d'expérience professionnelle. Elle ne parle pas le ndyuka. Les entretiens réalisés avec elle montrent qu'elle est ouverte à une exploitation pédagogique de l'environnement linguistique de sa classe et à des pratiques translangues. C'est une des raisons qui a motivé notre choix de réaliser notre étude exploratoire dans sa classe.
Isméla est assistée par un « agent territorial spécialisé des écoles maternelles » (ci-après ATSEM). L'ATSEM accompagne les élèves dans le quotidien de la classe et assiste l'enseignant ou l'enseignante sur les plans matériel et éducatif. Dans la classe ďIsméla, ľATSEM est une femme. Elle parle le ndyuka. Il est pleinement assumé qu'elle a un rôle de médiatrice entre les élèves et l'enseignante pour ce qui concerne les langues créoles.
D'une façon générale, la classe que nous avons retenue nous est parue particulièrement intéressante pour notre projet car :
- L'enseignante ne parle pas le ndyuka qui est la LM de la majorité de ses élèves ; elle est sensible à la diversité linguistique de sa classe ;
- L'ATSEM parle quant à elle le ndyuka mais elle n'a pas de responsabilités pédagogiques ni les qualifications pour enseigner le français ;
- La plupart des élèves de la classe comprennent difficilement le français (voire pas du tout pour cinq d'entre eux). En raison des différentes LM en présence, l'inter-compréhension entre élèves est également fragile.
4. Cadre méthodologique
La doctorante a effectué un entretien semi-structuré avec Isméla qui visait à identifier, d'une part, son rapport à la circulation des langues et, d'autre part, à l'évaluation formative du langage oral dans le cadre de la lecture d'albums. La doctorante a également observé deux séances portant sur la lecture d'un album afin d'étudier la circulation potentielle des langues dans des interactions de régulation formative au sens défini dans le cadre théorique. Enfin, elle a réalisé un entretien après les deux séances observées en classe pour engager un dialogue avec Isméla sur son usage de la circulation des langues dans une perspective d'évaluation pour apprendre. Les entretiens et les séances en classe ont été enregistrés et des notes de terrain ont été prises pendant les observations in situ.
Les résultats présentés dans cet article portent sur la première séance observée en classe. Une transcription a été réalisée à partir de l'enregistrement audio. Une première analyse a consisté à retracer le déroulement de la séance et à identifier les phases qui la structurent et leurs enjeux didactiques en s'appuyant sur le modèle du synopsis développé en didactique du français (e.g., Ronveaux, 2009). Cette analyse a permis de sélectionner trois épisodes de régulation interactive dans lesquels la LM des élèves intervenait. À partir des propositions méthodologiques de Mottier Lopez (2007), une analyse interprétative des épisodes a été effectuée afin d'observer ce qui se passe lorsqu'un ou plusieurs élèves ne parviennent pas à répondre oralement aux questions de l'enseignante concernant la compréhension du récit. L'analyse des épisodes se présente sous forme d'un tableau comprenant le verbatim et les analyses interprétatives du point de vue de la régulation interactive formative et de la circulation des langues.
Finalement, pour ce qui concerne les entretiens, ils ont également été transcrits et ont fait l'objet d'une analyse de contenu, afin de trianguler les interprétations des épisodes interactifs en classe avec le discours de l'enseignante. Nous ne terons pas ci-dessous contenus des entretiens pour eux-mêmes, mais ils fondent en partie les hypothèses interprétatives à propos des épisodes présentés.
5. Résultats : la première séance observée dans la classe d'Isméla
La première séance porte sur la compréhension du conte Boucle d'or et les 3 ours, plus spécialement sur la page de garde de l'album et sur le début de l'histoire. Le synopsis de la séance a permis de dégager trois phases qui ont structuré l'enseignement :
1. Une description de la première de couverture, avec l'identification des personnages ;
2. Une lecture par l'enseignante de la première partie de l'album tout en posant au fur et à mesure des questions de compréhension aux élèves ;
3. Un questionnement de compréhension sur l'ensemble de la première partie lue du récit, incluant le lexique travaillé pendant la deuxième phase.
Les épisodes de régulation interactive présentés plus bas ont eu lieu pendant la deuxième phase. Dans celle-ci, Isméla lit l'histoire une page après l'autre en s'appuyant sur les illustrations de l'album. Les élèves doivent les observer et les décrire avec la consigne suivante : « on écoute d'abord l'histoire et après on regarde l'image ». Isméla engage des régulations interactives face à des réponses inattendues ou erronées des élèves, des réponses incompréhensibles (mots inaudibles ou énoncés dans la LM) ou encore face à une non-participation des élèves. Les résultats présentés ci-dessous exposent trois épisodes de ces régulations interactives.
Les hypothèses interprétatives que nous faisons à l'analyse de cet épisode sont les suivantes. La réponse de l'élève dans sa LM (tp.3), qui est erronée et qui n'est pas comprise par Isméla, ainsi que la non-participation des autres élèves, incite l'enseignante à engager un épisode de régulation interactive. Après une question « externe », c'est-à-dire introduisant un contenu nouveau par l'enseignante, la régulation interactive est initiée sous forme de questions de relance (par rapport à ce contenu) adressées à l'ensemble de la classe pour permettre aux élèves de nommer correctement l'élément pointé par elle. Ces relances ne donnant lieu à aucune réponse concluante, Isméla poursuit en sollicitant explicitement une réponse dans la LM dominante dans la classe (le ndyuka) (tp.7). L'utilisation de la circulation des langues consistant à demander une traduction, permet de valider la pertinence d'une réponse d'un élève grâce à la médiation de l'ATSEM qui confirme cette traduction. Le fait d'ouvrir l'expression orale à la LM des élèves semble avoir aussi encouragé la participation de certains élèves pour parler de leur environnement familier, auquel renvoie la LM parlée à la maison et, ce faisant leur prise de parole en français.
L'épisode 2 s'inscrit dans la continuité du premier. Ici, Isméla ne pointe pas directement un élément sur l'image de l'album pour le faire restituer mais elle demande aux élèves de choisir. Autrement dit, plutôt que de restreindre les réponses en désignant un élément que les élèves ne connaîtraient pas, elle permet aux élèves de montrer ce qu'ils connaissent et de l'exprimer en français ou en ndyuka. Cette situation donne lieu à une incompréhension des élèves qui ne parviennent pas à établir la correspondance d'un mot en français ; ils le répètent plusieurs fois en espérant que cela fasse sens pour l'enseignante. La régulation interactive engagée par Isméla pour dénouer la situation se traduit par l'énonciation d'hypothèses (est-ce des cuillères ou des assiettes ?) incluant l'ATSEM qui, par son rôle de validation, fait partie intégrante de la dynamique de régulation. L'institutionnalisation de l'enseignante clôt l'épisode, comme pour les deux autres épisodes, permettant de stabiliser et de reconnaître formellement la correspondance entre les langues.
Cet épisode montre une évaluation formative interactive permettant à renseignante de recueillir des informations sur les connaissances lexicales des élèves pour les faire évoluer. Ici, c'est l'enseignante qui cherche la correspondance du mot en français à partir de la LM de ses élèves, et non pas l'inverse comme c'est peut-être plus traditionnellement le cas quand l'enseignant ou l'enseignante maîtrise les langues de correspondance. Les enjeux d'apprentissage sont de part et d'autre, c'est-à-dire pour les élèves et pour l'enseignante elle-même.
Dans cet épisode, Isméla est à nouveau confrontée à la difficulté de valider une proposition d'un élève (correcte) alors que deux réponses différentes ont été données par les élèves dans une langue qu'elle ne connaît pas. Son objectif semble être double : vérifier la compréhension des élèves et établir correctement des correspondances avec leur LM. Ce troisième épisode montre le travail interactif et évaluatif fait sur la LM au même titre que ce qui aurait certainement été fait dans la langue de scolarisation. L'enseignante pointe deux mots proposés par les élèves dont la prononciation est proche, offrant une occasion de comprendre l'erreur de correspondance tant pour les élèves que pour elle-même. Puis, à nouveau, l'ATSEM joue un rôle crucial dans le processus de validation qui participe à soutenir l'apprentissage des élèves (y compris l'apprentissage éventuel de l'enseignante du ndyuka). La régulation interactive engage ainsi la négociation de sens et la validation des propositions des élèves entre les trois acteurs du trilogue : élèves, enseignante, ATSEM.
6. Pistes conclusives
À titre exploratoire, que nous apprennent ces épisodes ?
D'abord, il convient de rappeler qu'lsméla est ouverte à l'alternance des langues dans sa classe ; nos analyses montrent qu'elle y recourt quand il s'agit d'étayer la compréhension des élèves du conte qu'elle a orálisé en français. D'une façon générale, l'utilisation de la LM des élèves, plus spécialement le ndyuka, semble propice à la co-construction de sens et à la compréhension mutuelle entre les membres de la classe.
Les épisodes mettent en évidence le rôle des deux adultes qui collaborent au niveau de la circulation des langues. L'enseignante ne parlant pas la LM de ses élèves, un trilogue dans la régulation interactive se met en place en incluant l'ATSEM qui porte la responsabilité de la validation du « juste ou du faux » à propos des correspondances lexicales entre le français et le ndyuka. Le fait que l'enseignante ne parle pas le ndyuka, ce qui pourrait la mettre en difficulté si elle n'avait pas la médiation de l'ATSEM, apparaît intéressant par rapport à la posture d'apprenante qu'elle donne alors à voir à ses propres élèves. En effet, la régulation impliquant une circulation des langues amène l'enseignante à endosser le rôle d'apprenante quand elle cherche à acquérir un mot de vocabulaire en ndyuka pour non seulement communiquer avec ses élèves mais aussi pour permettre de comprendre le récit au niveau du lexique qu'il convoque. Une certaine forme d'apprentissage mutuel entre l'enseignement et ses élèves s'observe.
Dans cette classe, les élèves savent qu'ils sont autorisés à produire des énoncés dans leur LM pour interagir en français autour du conte. L'acceptation par l'enseignante des propositions spontanées des élèves dans leur LM semble encourager la participation interactive des élèves et, ce faisant, leur expression orale y compris en français. La dynamique de la régulation interactive apparaît ainsi renforcée par la possibilité pour chacun et chacune de puiser dans l'ensemble de son répertoire linguistique. L'enseignante accueille au fur et à mesure les réponses des élèves ; elle n'anticipe ni ne planifie à l'avance certains obstacles ; elle intervient en fonction des besoins de la situation.
Au regard de cette étude exploratoire, nous postulons que la circulation des langues est susceptible d'être une ressource aux régulations interactives faisant partie des pratiques d'évaluation formative informelle et intégrée aux situations d'enseignement et d'apprentissage. Toutefois, dans la classe d'Isméla, la circulation des langues se limite essentiellement à assurer une correspondance (traduction) entre les mots des différentes langues. De plus, c'est le ndyuka qui est favorisé par rapport aux autres langues de la classe (autres que le français) qui semblent ne pas bénéficier de la même place dans la circulation des langues, montrant implicitement une forme de hiérarchisation entre les langues créoles. Dans la suite de nos travaux, et plus spécialement pour la recherche collaborative associée à la thèse de doctorat en cours (Elisme Pierre, Girardet, Mottier Lopez, 2021), il sera intéressant de réfléchir aux différentes stratégies de régulation interactive plus délibérées et planifiables incluant une circulation des langues, y compris pouvant impliquer d'autres langues que le ndyuka et dépassant les seuls enjeux lexicaux.
Elisabeth Elisme Pierre est doctorante qui s'intéresse à des microcultures de classe plurilingües de maternelle. Sa recherche porte, plus précisément, sur l'évaluation formative et la régulation du langage oral d'élèves allophones dans une visée de circulation des langues (translanguaging). Lucie Mottier Lopez dirige sa thèse tout en lui permettant de collaborer avec l'équipe EReD (Évaluer, réguler et différencier pour apprendre).
Professeur ordinaire à la Faculté de Psychologie et des Sciences de l'Éducation de l'Université de Genève, Lucie Mottier Lopez dirige le groupe de recherche « Évaluer, réguler et différencier pour apprendre » (EReD). Ses principaux objets de recherche portent sur les pratiques d'évaluation et de régulation dans le contexte de l'enseignement obligatoire, de l'enseignement supérieur et dans des contextes de professionnalisation.
Notes
1. Elisabeth Elisme Pierre a rédigé l'introduction, les apports théoriques sur la circulation des langues, le contexte de l'étude et le cadre méthodologique. Elle a sélectionné, transcrit et analysé les données retenues. Lucie Mottier Lopez a écrit la partie théorique sur la régulation interactive, les résultats et les pistes conclusives. Elle a assuré la cohérence de contenu de l'ensemble des parties de l'article.
2. Elisme Pierre, E. (en cours). La régulation des apprentissages d'élèves allophones en primaire : Quelle évaluation formative de la compréhension d'un texte narratif dans une microculture de classe à perspective plurilingüe en Guyane ? Thèse de doctorat en Sciences de l'éducation, Université de Genève, Suisse.
3. Nous remercions vivement l'enseignante qui a participé à l'étude ainsi que ses élèves et l'ATSEM, sans qui l'étude n'aurait pas pu être réalisée.
4. Otheguy et al. (2015: 304) « deploy all their linguistic resources, both lexical and structural, freely, incorporating new ones and using them without restraint as a part of their idiolect »
5. Le ndyuka est une langue créole à base lexicale anglaise faisant partie des « variétés de langues (Easter Maroon Creoles) parlées par les noirs marrons ayant fui les plantations surinamiennes [...] » (Léglise, 2007 : 24)
6. Elles ne sont pas clairement identifiées à ce stade de notre étude exploratoire.
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Abstract
L'article présente une étude exploratoire faisant partie d'une recherche doctorale en sciences de l'éducation en cours. Elle analyse des épisodes de régulations interactives entre une enseignante d'une classe de maternelle en Guyane française et ses élèves, avec le concours également d'une assistante. L'hypothèse examinée par l'étude est que la circulation des langues ^translanguaging"), plus spécialement entre le français et le ndyuka (langue créole), est susceptible de représenter une ressource pour soutenir la compréhension des élèves d'un album orálisé en français par l'enseignante, notamment dans des évaluations formatives interactives. L'article expose des analyses détaillées d'épisodes interactifs en classe et montre comment un trilogue autour de la circulation des langues s'est développé dans l'évaluation formative intégrée à la situation d'enseignement et d'apprentissage.