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La France a, comme l'Europe, de nouveau reculé au classement mondial des zones où sont conduits les essais cliniques de nouveaux médicaments. Pointée du doigt, la bureaucratie rallonge les délais de mise en oeuvre et la recherche clinique se réoriente vers l'Asie.
La bureaucratie peut se révéler mortelle. Les essais cliniques des nouveaux médicaments sont de moins en moins souvent conduits en Europe et reculent notamment en France, privant les patients d'opportunités d'accès à des traitements innovants pouvant leur sauver la vie. « Les résultats de l'enquête annuelle sur l'attractivité de la France pour la recherche clinique sont sans appel », résume le Leem, l'organe de lobby des grands laboratoires pharmaceutiques. La France n'est qu'au 3ᵉ rang européen des pays pour la recherche clinique, et « c'est une réalité : l'innovation est désormais principalement développée hors Europe », souligne-t-il. Dans le viseur, les obstacles administratifs rallongent les délais et complexifient les procédures de mise en oeuvre des essais cliniques. Les laboratoires pharmaceutiques expliquent préférer choisir d'autres zones géographiques plus réactives.
Espagne en tête
Avec seulement 19 % des essais mondiaux, l'Europe est le troisième territoire, loin derrière le continent américain et l'Asie (respectivement 28 % et 60 % des essais mondiaux). 84 % des 10.013 essais cliniques menés en 2023 et au premier semestre 2024 dans le monde sont « mono nationaux ». Dans les 1.600 essais multinationaux, « la France stagne au sein de l'Europe derrière l'Espagne et l'Allemagne, et conserve sa troisième place uniquement grâce aux essais de phase précoce en oncologie », avertit le Leem.
« Pour rappel, il y a seulement 10 ans, notre pays était le leader européen de la recherche clinique », poursuit le Leem. Depuis, cela a bien changé. Du 1er janvier 2023 au 30 juin 2024, seuls 598 essais multinationaux ont été conduits en France contre 760 en Espagne et 632 en Allemagne. L'oncologie et les maladies rares sont traditionnellement des domaines d'excellence français mais même en oncologie, la France n'est que 2e en Europe derrière l'Espagne où sont menés davantage d'essais sur les nouveaux anticancéreux.
Directive européenne
La recherche espagnole sur le cancer est moins réputée mais pour les essais, l'Espagne est plus souple, mieux organisée, les délais administratifs y sont moins longs que dans l'Hexagone. Et dans certains domaines la France ne stagne pas : elle recule. C'est le cas pour les essais sur Alzheimer/parkinson et autres maladies du système nerveux central, ainsi que dans le diabète et l'obésité. En un an, l'Hexagone est tombé de la 4e à la 5e place en Europe. Le Royaume-Uni lui est passé devant en dépit du Brexit.
Facteur aggravant : Une nouvelle directive européenne sur les formalités à remplir pour conduire un essai clinique est entrée en vigueur fin janvier 2023. Elle vise une procédure européenne unique pour tous les pays mais a encore rallongé des délais administratifs déjà longs en France, où « 184 jours sont nécessaires pour inclure un premier patient » contre 160 jours en 2022, observe le Leem. Mais avant ou après cette réforme européenne, la France met en moyenne 20 jours de plus pour autoriser un essai clinique que l'Espagne, pays particulièrement réactif. Reste que même en Espagne, le délai moyen 2023 ressort à 162 jours. La paperasse fait sombrer l'Europe.
Fast track
Par ailleurs, souvent l'Asie comme les Etats-Unis exigent pour autoriser la commercialisation d'un nouveau médicament sur leur territoire qu'il y ait été testé. Pas l'Europe, chantre du libéralisme. Résultat : sur les 10.000 essais mono ou multinationaux conduits du 1er janvier 2023 au 30 juin 2024, 60 % l'ont été en Asie, 28 % aux Amériques et 19 % seulement en Europe, à la traîne.
Pour les patients, pas d'accès à un essai clinique signifie attendre en moyenne six ans de plus, le temps que le médicament novateur testé soit mis sur le marché. Nombre de patients ayant une maladie rare (cancer ou autre) ne tiennent pas aussi longtemps. Le Leem plaide notamment pour la mise en place d'un « fast track » européen, afin de ramener le délai d'autorisation d'un essai clinique de plus de 100 jours aujourd'hui à 31 jours.
Myriam Chauvot
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