Headnote
Cet article contextualise et illustre une démarche interprétative à travers le prisme du féminisme matricentrique, appliquée ici à des récits hagiographiques hindous des XVIe et XVIIe siècles de la tradition de Vallabha, la " voie de la grâce " (pu??im?rga). En attirant l'attention au-delà des figures des déesses-mères et des rôles conventionnels (gestation, mise au monde et soins consacrés à une figure masculine centrale dans sa petite enfance), cette lecture remet au premier plan l'expérience émotionnelle, spirituelle et physique des mères présentées comme humaines. Elle souligne des formes variées d'agentivité maternelle et religieuse, et elle met en avant d'abord la " maternité-expérience " des figures étudiées et leurs rôles qui se tissent non pas à partir de considérations biologiques, mais plutôt à travers des actions relationnelles ou dévotionnelles (bhakti, sev?), avec la divinité et d'autres protagonistes des récits. La démarche proposée montre que le fait de prêter attention à certains éléments permet de compléter ou même de dépasser des interprétations traditionnelles, le plus souvent patriarcales, mais aussi des constructions de la maternité, en la lisant hors des normes forgées et imposées par les traditions religieuses ainsi que par ceux et celles qui les étudient, par rapport à la " sainteté " notamment.
RELIGION, MATERNITÉ, HAGIOGRAPHIE, HINDOUISME, FÉMINISME MATRICENTRIQUE
This article contextualizes and illustrates an interpretive approach through the lens of matricentric feminism, applied here to XVIth and XVIIth century Hindu hagiographical narratives from the Vallabha tradition, the "path of grace" (pu??im?rga). By drawing attention beyond the figures of mother-goddess figures and conventional roles (gestation, birth, and caregiving devoted to a central male figure in his early childhood), this reading brings to the forefront the emotional, spiritual, and physical experience of mothers presented as human. It highlights various forms of maternal and religious agency, and foregrounds, above all, the mothering experience of the figures studied, and their roles, which are shaped not by biological considerations, but rather through relational or devotional actions (bhakti, sev?), with the divinity and other protagonists of the narratives. The proposed approach demonstrates that paying attention to certain elements allows for complementing or even surpassing traditional, often patriarchal, interpretations, as well as constructions of motherhood, by interpreting it outside the norms crafted and imposed by religious traditions and those who study them, particularly in relation to "holiness".
Este artículo contextualiza e ilustra un enfoque interpretativo desde la perspectiva del feminismo matricéntrico, aplicado a las narrativas hagiográficas hindúes de los siglos XVI y XVII de la tradición de Vallabha, el " camino de la gracia "(pu??im?rga). Al ir más allá de las figuras de diosas-madres y los roles convencionales (gestación, parto y cuidados dedicados a una figura masculina central en su infancia), esta lectura pone en primer plano la experiencia emocional, espiritual y física de las madres presentadas como humanas. Destaca diversas formas de agencia maternal y religiosa, y destaca, en primer lugar, la " maternidad-experiencia " de las figuras estudiadas y sus roles, que se tejen no a partir de consideraciones biológicas, sino a través de acciones relacionales o devocionales (bhakti, sev?) con la divinidad y otros protagonistas de las narrativas. El enfoque propuesto en este artículo muestra cómo prestar atención a ciertos elementos permite complementar o incluso ir más allá de ciertas interpretaciones tradicionales, a menudo patriarcales, pero también de las construcciones de la maternidad, leyéndola fuera de las normas forjadas e impuestas por las tradiciones religiosas y quienes las estudian, en particular en relación con la " santidad ".
1 Basé sur une recherche en cours, le présent article ne contient pas de chiffres précis sur le nombre de figures maternelles et leur fréquence dans le corpus étudié. La première lecture de l'ensemble confirme un matériel thématiquement pertinent et permet de poser l'hypothèse qu'il y en a sûrement plus encore dans d'autres corpus du même genre circulant à l'époque.
La dévotion d'une mère présentée comme supérieure à l'érudition de son fils... Une mère, désolée de ne pouvoir participer au service divin après son accouchement, se trouve exemptée des règles d'impureté par le dieu... Une servante jouant un rôle de mère pour le fils de ses employeurs décédés et assurant à l'orphelin une transmission rituelle et spirituelle des normes de leur communauté... Tel est le contenu de quelques-uns des récits1 appelés v?rt?, où l'on trouve des figures maternelles significatives. Les v?rt? forment une série de textes hagiographiques qui narrent les vies exemplaires, dignes d'être compilées et transmises, de disciples de la « voie de la grâce » (pu??im?rga). Cette communauté ou lignée fondée par Vallabha, théologien vishnouïte au tournant du XVIe siècle, est l'un des multiples courants de la bhakti, soit un ensemble de traditions dévotionnelles de l'hindouisme.
Le texte qui suit contextualise et illustre une démarche interprétative de lecture de textes religieux, hagiographiques dans le cas présenté, visant à repérer et à réinterpréter les figures maternelles d'un point de vue féministe. Son but est de montrer le potentiel d'une perspective féministe matricentrique pour renouveler l'analyse. Les cas d'étude sont issus d'une tradition hindoue spécifique, mais cette démarche se veut applicable à d'autres types de récits et contextes dans lesquels il est question de relations familiales et de figures avec un statut ou un rôle maternels.
Plusieurs constats motivent ma démarche. Le premier est que, sans conteste, des lectures féministes ont permis de (re)mettre en avant des figures féminines dans les textes religieux, en se saisissant de la question du genre en général. Toutefois, les représentations de maternités autres que « divines » et les expériences religieuses des mères présentées comme humaines dans les littératures religieuses sont souvent restées un point aveugle. Mis à part quelques exceptions, les interprétations des textes tendent à reléguer les figures maternelles à des rôles auxiliaires ou subalternes ou encore à les ignorer. Certes, dans les récits mythiques, les épopées et les grands récits fondateurs, mieux connus à l'interne des traditions et plus commentés, les aspects maternels des divinités sont étudiés depuis longtemps, surtout les déesses-mères (Hawley et Wulff 1982; Fee et Leeming 2016). Les figures qui ne sont pas des déesses, cependant, ont moins retenu l'attention. Le second constat est que dans d'autres types de récits, hagiographiques et même historiques, les figures maternelles ne sont détectables et mises en avant qu'à travers le prisme de leur relation à une figure masculine importante (fondateur, prophète, roi, saint). Les commentaires, internes ou externes à la tradition, qui leur prêtent attention réduisent souvent les mères à leur rôle de gestatrices, de génitrices ou de nourrices.
Or, la démarche de (re)lecture de textes hagiographiques sous l'angle du féminisme matricentrique, démontrée dans le présent article, consiste à mettre en lumière la variété des actions et des statuts maternels. Elle permet de souligner l'agentivité religieuse, rituelle ou même sociale de figures en position maternelle, et même de montrer une agentivité précisément maternelle dans le domaine religieux. Sans nier la pertinence de la corporalité, l'interprétation féministe matricentrique élargit le débat au-delà des questions courantes de fertilité, de grossesse, d'accouchement et d'allaitement. Il n'est pas question de nier ou d'effacer les dimensions physiques, mais bien de refuser de réduire la maternité à ces seuls aspects. L'analyse des textes hagiographiques faite ici confirme cette approche élargie, où sont intégrées les dimensions sociales et culturelles de la maternité, dépassant la biologie. Ce sont d'abord des actions, relationnelles et dévotionnelles, envers d'autres figures humaines ou divines des récits qui tissent les figures maternelles hagiographiques.
Une perspective interprétative ancrée dans un féminisme matricentrique
« La maternité [...] est l'affaire inachevée du féminisme2 », écrit la Canadienne Andrea O'Reilly (2019 : 13; ma traduction), qui a contribué de façon majeure aux études sur la maternité (motherhood studies). Présenter celles-ci et leur rapport aux études féministes dépasserait le cadre de mon article. Je préfère renvoyer aux nombreux travaux d'O'Reilly et à d'autres qui contribuent à ce champ peu considéré et développé en contexte francophone. Quelques éléments clés suffiront toutefois à poser certaines notions et à défaire d'éventuelles préconceptions. À partir des années 2000, dans les milieux universitaires anglophones, les études sur la maternité se constituent en sous-champ disciplinaire des études féministes et de genre, en s'appuyant sur celles-ci, dans des espaces complémentaires particuliers à l'instar d'autres sous-champs. Loin d'apparaître opposées ou en réaction à celles-ci, les études sur la maternité se situent plutôt dans une dynamique d'émergence analogue à celles de courants féministes de plus en plus spécifiques, comme les
2 « Motherhood [...] is the unfinished business of feminism. »féminismes lesbiens, les féminismes noirs et afro-descendants ou encore les écoféminismes.
Le thème de la maternité est resté marginal, voire suspect, tant dans les études féministes qu'en sciences des religions. Pourquoi étudier - et critiquer - ce qui paraît « naturel » ou « instinctif » ou encore, selon certains points de vue théologiques, découler d'un ordre divin? Pourquoi s'intéresser à la maternité qui, dans une perspective beauvoirienne, ramène la femme à son corps et à l'oppression? Associer l'étude de la « religion » à cette autre construction qu'est « la maternité » peut conduire à des suspicions qui n'ont pas lieu d'être, dont celles de l'essentialisme, du pronatalisme ou du maternalisme (Kutz-Flamenbaum 2010). Le féminisme matricentrique, conscient de la nécessité de s'en dissocier, n'est pas du maternalisme (Keyser-Verreault et Pasche Guignard 2023 : 3). Le sous-champ des études sur la maternité n'est pas le bras universitaire d'un mouvement réactionnaire ou (ultra)conservateur sur le plan moral, qui ferait la promotion des formes de familles dites traditionnelles.
La persistance de certaines idées au sujet des mères et des maternités confirme la nécessité d'une alternative féministe viable pour reconsidérer la maternité et voir plus loin que la question du « choix » (contraception et avortement), largement traitée. Une proposition différente consiste à souligner les actions religieuses et l'agentivité de figures en position de mère, au-delà d'une glorification d'une maternité sainte ou sacrée, proposée à l'imitation, mais impossible et intenable. Le choix d'exemples en dehors du christianisme permet un plus grand décentrement et une prise de distance par rapport à des modèles trop souvent pensés comme universels (par exemple, des normes familiales qui ne tiennent pas compte de conceptions différentes du mariage ou encore la figure de Marie, « Vierge et Mère »).
Le féminisme matricentrique distingue entre « maternité-institution » et « maternité-expérience » et l'idée du « travail de mère », avec un potentiel de repenser le maternel hors d'une binarité du genre. Pionnière des études sur la maternité, Adrienne Rich (1995 : 13) distingue :
[...] two meanings of motherhood, one superimposed on the other: the potential relationship of any woman to her powers of reproduction and to children; and the institution, which aims at ensuring that that potential - and all women - shall remain under male control.
Les féministes québécoises Francine Descarries et Christine Corbeil (1991 et 2002) adoptent cette distinction. Tout en employant le terme « femme », Rich aborde déjà les questions de contrôle du corps et d'orientation sexuelle. Les études contemporaines sur la maternité intègrent désormais la notion de fluidité des genres.
Une autre proposition du féminisme matricentrique permet d'éviter ce piège de l'essentialisme et le raccourci, présent dans de nombreux textes religieux et leurs interprétations, religieuses comme scientifiques, de l'équation « mère = femme » et son corollaire « femme = mère ». Autre figure marquante dans le domaine des études sur la maternité, Sara Ruddick (1989), philosophe états-unienne, redéfinit la maternité comme une responsabilité de soin envers les enfants, ouverte à tous et à toutes. Elle insiste sur l'action et l'engagement dans ces tâches plutôt que sur la biologie ou sur une autorité externe conférant un statut. Cette perspective ouvre la voie à de nouvelles interprétations des récits religieux, où des figures de mères émergent autrement que par un lien biologique. En anglais, mother se lit comme un verbe d'action, et non seulement comme un substantif féminin. C'est sur les actions que se concentre l'interprétation féministe matricentrique des textes religieux, et non sur les statuts ou sur la corporalité, même si celle-ci garde parfois son importance.
Multiplement en marge : femmes, maternités et hagiographie
En examinant des figures maternelles dans des textes hagiographiques, on se situe dans une marginalité dont je présente ci-dessous quelques aspects constitutifs. Cette notion renvoie à un statut certes reconnu, mais pensé comme n'étant ni primordial ni essentiel. Pour le dire brièvement, l'hagiographie reste souvent considérée comme aux marges des corpus dits « canoniques » ou, du moins, reconnus et centraux. On pourrait nuancer cette affirmation dans le cas des courants religieux d'Asie du Sud, particulièrement pour le type de communauté religieuse étudiée ici, avec un maître spirituel reconnu comme fondateur. Certains textes hagiographiques sont importants à l'interne de leur communauté de production et de circulation, mais ils ont néanmoins un autre statut que les textes canoniques. Mon article relève le défi d'appliquer la démarche interprétative proposée à des sources littéraires moins travaillées : des extraits sélectionnés pour leur pertinence thématique d'une série de genre hagiographique qui se situe « entre mythe et histoire » (Mallison 2001) dans le contexte du monde indien dont il sera question.
À cette marginalité du genre littéraire hagiographique s'ajoute celle du thème maternel dans l'étude des religions. Dès les débuts de l'influence de l'histoire des femmes et des études féministes sur les sciences des religions, Rita M. Gross (1996), spécialiste du bouddhisme, avait signalé un « quadruple androcentrisme » faisant écho à cette marginalité. Je le reformule en le résumant (ibid. : 72) :
1) la plupart des traditions n'ont enregistré que les expériences religieuses des hommes;
2) quand celles de certaines femmes étaient tout de même gardées, les commentateurs et les gardiens ultérieurs (surtout des hommes) ont négligé de les transmettre;
3) l'étude contemporaine, scientifique, dans les universités, sur les religions se concentre le plus souvent sur ce sur quoi la tradition elle-même insiste;
4) de nos jours, beaucoup de pratiquantes et de pratiquants, et même la majorité, ignorent l'histoire des femmes au sein de leur propre tradition, et sont peut-être hostiles à l'idée d'une approche féministe (voir le commentaire de Catherine Wessinger (2020 : 19-20)). Ces visions androcentriques ne se contentent pas de s'additionner : en fait, elles s'amplifient à travers leurs interactions. À cette marginalité multiple s'ajoute un « double aveuglement ». Ursula King (1995 : 3-4), autre pionnière des approches féministes en sciences des religions, soulignait les effets des études sur le genre et les nouvelles directions de recherches sur ce champ des sciences religieuses, malgré la lenteur du processus et des changements de paradigmes par rapport à d'autres domaines des sciences humaines. Dix ans plus tard, King (2005 : 1-2) estimait qu'un « double aveuglement » persistait : d'une part, les études sur le genre, tant dans les sciences humaines et sociales qu'en sciences naturelles, restaient encore aveugles à propos des religions (religion blind); d'autre part, les études sur les religions demeuraient profondément fermées au genre (gender blind). Dans sa revue de littérature sur le sujet, Becky R. Lee (2004 : 386-397) arrive à des conclusions similaires; ce sera aussi le cas, un peu plus tard, pour Darlene Juschka (2016 : 37). L'engagement féministe de collègues au fil du temps a permis des avancées considérables en sciences des religions et en théologie (voir l'introduction au présent numéro thématique). Quant aux études féministes, même en contexte francophone, et québécois dans tous les cas, elles rechignent moins à se saisir de l'objet « religion » et à pousser l'analyse en dépassant le constat que « la religion », en particulier au sens institutionnel, reste effectivement l'un des (nombreux) outils du patriarcat pour assujettir les femmes.
Malgré ces avancées, d'autres aspects de marginalité persistent, qui concernent précisément la maternité et le genre hagiographique. Si le genre n'est plus un point aveugle des sciences des religions, la maternité, au sens large et au-delà des questions centrées sur la corporalité, reste souvent dans l'ombre3. En effet, les travaux sur les femmes et les religions se sont longtemps concentrés sur des femmes « exceptionnelles » qui sortaient des normes (mariage et maternité) prescrites pour la majorité : saintes, martyres, vierges, mystiques, chamanes, courtisanes, prostituées (plus ou moins sacrées) et d'autres. En ce qui concerne l'hagiographie (chrétienne en tout cas) et son étude, rares sont les mères parmi les saintes, et plus rares encore les saintes parmi les mères, même si l'on peut en citer (Marie, Monique, Perpétue et Félicité ainsi que d'autres dont la maternité est rarement « ordinaire »).
Une lecture traditionnelle et patriarcale de ces figures exceptionnelles en souligne l'aspect « sacrificiel » en mettant en avant le « renoncement » à la maternité (et, avant cela, à la sexualité). Soit ces femmes n'enfantent jamais ou,
3 Je l'ai déjà démontré ailleurs (Pasche Guignard 2017, 2020, 2023b et 2023c) en mobilisant d'autres auteures et auteurs qui partagent ce constat.
quand elles sont devenues mères, elles renoncent à ce qui leur est très cher : leur(s) enfant(s). Dans l'histoire du christianisme, des figures comme Marie de l'Incarnation (Dunn 2016) ou Marguerite de Cortone illustrent ce renoncement par les mères à leurs enfants pour accéder à une pratique religieuse plus intensive ou même à la sainteté. Une lecture féministe consciente de la distinction entre maternité-institution et maternité-expérience pourrait aussi avancer que ces femmes-là y « échappent », et que la voie religieuse est la seule perçue comme socialement acceptable à celles qui refusent le mariage.
Par ailleurs, une perspective féministe et matricentrique propose une solution alternative au « modèle de souffrance » forgé par des lectures chrétiennes des saintes et de la spiritualité des femmes en général, résumé ainsi par King (2004 : 42) : « Women's spirituality reflects the importance of affectivity - of body and feeling - and many spiritual themes are gender-specific. Female saints have been called " models of suffering " in contrast to male " models of action ". » Dans les épisodes hagiographiques analysés ci-dessous, même si toute forme de renoncement n'est pas écartée, on voit émerger une agentivité religieuse précisément maternelle au sens où ces figures n'auraient pas ces expériences présentées dans les récits, plutôt valorisantes pour elles et données comme exemplaires, si elles n'étaient pas en position d'agir en tant que mères.
La communauté de Vallabha et les récits de vie sur les saints et les saintes vishnouïtes
Partant d'une plus vaste étude de deux séries hagiographiques, Caur?s? vai??avan k? v?rt? (84VV) et Do sau b?van vai??avan k? v?rt? (252VV), je me suis concentrée sur trois épisodes de ces récits de vie (v?rt?) de respectivement 84 caur?s? et 252 do sau b?van Vai??ava ou « vishnouïtes » (forme francisée) et de leur entourage. Ces personnages sont membres de Vallabh kul, communauté fondée par Vallabh?cary? (« maître Vallabha », 1479-1531) qui a élaboré une théologie du « pur non-dualisme » (?uddh?dvaita) et fondé la « voie de la grâce » (pu??im?rga). Son second fils, Vi??haln?th (1516-1586), nommé « ?r? Gusj? » dans les textes, lui succède à la direction spirituelle de la communauté. La composition de ces textes est attribuée au quatrième fils de Vi??haln?th, Gokuln?thj? (1552-1641); et leur compilation, plus tardive, vers 1695, à Harir?yj? (environ 1590-1715). Les 84VV se rapportent aux figures qui ont été initiées par Vallabha et les 252VV concernent les relations avec ?r? Gusj?, son fils.
Par ma contribution en tant qu'historienne des religions à ce numéro thématique de la revue Recherches féministes, je veux d'abord transmettre une démarche de lecture partant d'un féminisme qui reste peu connu en francophonie. La contextualisation minimale que je propose a pour objet de rendre ces récits accessibles à un lectorat non spécialiste. La consultation des travaux des indologues, philologues, historiennes ou historiens et spécialistes de la littérature v?rt? de la communauté vallabhite, et de la bhakti en général, référencés dans la bibliographie et dans mes précédents articles spécialisés (Pasche Guignard 2022 et 2023a) permet de constater que, malgré la riche tradition d'interprétation de ces textes hagiographiques, la question maternelle a été laissée de côté. La recherche s'est penchée jusqu'à ce jour surtout sur des questions de style littéraire ou sur les transmissions manuscrites (Barz 1994; Rousseva-Sokolova 2013; Bachrach 2019), et sur le rôle des v?rt? pour construire l'identité et définir les valeurs de la communauté (Barz 2007; Dalmia 2001a et 2014; Bachrach 2018; Rousseva-Sokolova 2020). Les figures féminines ont déjà été abordées (Dalmia 2001b), mais les figures maternelles n'ont jamais fait l'objet d'enquêtes approfondies, même quand sont mentionnés les réseaux familiaux (Williams 2019). Dans les v?rt?, les personnages, tant féminins que masculins, sont désignés par leur appartenance à leur classe sociale générale ou var?? (« caste »), ou encore par leur origine géographique. Ce qui importe pour la sélection est que des mots rappelant directement la maternité (m?, m?t?, m?t?j?) sont employés pour désigner ces figures.
Le contexte plus général de cette communauté, de ses textes et de ses pratiques est celui de la bhakti, ensemble d'expressions particulières de l'hindouisme. Ce terme est souvent traduit par le mot « dévotion » et rend l'idée d'une religiosité par laquelle celui ou celle qui est « fait preuve de dévotion » (bhakta : « dévote » ou « dévot ») à l'égard d'une divinité de prédilection se met et se maintient en relation avec celle-ci par l'un des différents modes émotionnels et relationnels possibles. Ceux-ci sont modelés sur les relations humaines (par exemple, bien-aimée/bien-aimé, serviteur/maître, amitié) et codifiés de différentes manières suivant les courants. L'un des modes possibles est justement celui de l'amour maternel ou parental (v?tsalya bh?va) où le ou la bhakta entretient une relation à la divinité comme s'il ou si elle était le parent et que le dieu (Krishna) était son enfant. De tels exemples se trouvent dans les v?rt? (voir Pasche Guignard (2023a), pour une analyse). Sans nier cet aspect important, cet article met en avant d'autres facettes du rôle maternel, au-delà de v?tsalya bh?va, quand la relation maternelle n'est pas tournée vers le dieu-enfant, mais vers un enfant humain, en cheminement spirituel.
L'initiation, moment où le maître (Vallabha ou son fils Vi??haln?th) accepte une ou un disciple, est un thème récurrent dans ces récits. Elle se déroule en deux étapes, données successivement ou séparément. Au préalable, la personne qui vit l'initiation doit prendre un bain, revêtir des vêtements neufs (ou propres) et parfois jeûner (une journée). L'initiation consiste à recevoir et à répéter un mantra donné par le maître. Certains disciples obtiennent ensuite l'autorisation - avec les instructions nécessaires - de faire la sev? (service divin), une série d'actes cultuels codifiés qui prend place tant au temple, en collectivité, que dans l'espace domestique, en famille ou en privé. Ce service, autre thème central des v?rt?, inclut l'arrangement des vêtements du dieu et la présentation d'offrandes, notamment de nourriture, marqueur clé de bhakti dans la communauté de Vallabha (Saha 2006 : 236). Les participateset les participants consomment ensuite l'offrande bénie (pras?d). Frederick M. Smith (2021 : 72; ma traduction) décrit la sev? comme l'« expression primaire de la dévotion pu??im?rga », qui se distingue « des p?j? " ordinaires " ou des offrandes données de manière fortuite dans un temple ou un autre lieu » (ibid. : 73). Smith souligne que, dans les familles du pu??im?rga, à l'exception de celles qui sont directement liées au service des temples, les « hommes occupent des emplois et font sev? quand ils le peuvent. Mais ce sont les femmes qui ont été les principals sevakas, depuis des générations » (ibid. : 71).
Dans les v?rt?, les femmes se situent en tant que mères dans des réseaux de relations (Williams 2019). Les mères y sont des épouses, car la norme sociale prédominate est d'avoir des enfants (de préférence des fils) dans le contexte du mariage, le plus souvent arrangé. L'interprétation féministe matricentrique proposée ici est en adéquation avec l'accent que mettent ces v?rt? sur le rôle de la femme en tant que mère, dans la relation qu'elle a à son fils, même si elle est aussi épouse ou, parfois, veuve.
La relecture de trois récits hagiographiques
Passons à l'analyse de trois cas tirés du contexte hagiographique précédemment présenté. Ma sélection vise à illustrer divers statuts (servante, femmes de milieux plus ou moins aisés) à différents moments de leur vie de mère (nouveau-né, fils jeune ou adulte). La longueur considérable des récits originaux, avec leurs commentaires, de quelques centaines à plusieurs milliers de mots, m'impose de les résumer, sans fournir une traduction complète4, en paraphrasant et en incluant parfois certains mots en braj. Les éléments contextuels et mon analyse sont intégrés à la narration.
Premier cas - Piété maternelle et érudition filiale
La dernière partie de la quatrième v?rt? (V4) des 84VV traite d'un disciple de Vallabha, nommé Ragun?thd?sj? (ou Ragun?th), qui est allé étudier les textes sacrés à V?ra??s?, ville réputée comme lieu d'études religieuses. Dans ce contexte, on suppose qu'il est question d'un jeune homme adulte, mais pas encore marié. Au retour de ses études, Ragun?th va rencontrer ?r? Gus?j?, fils de Vallabha, qui, le sachant disciple de son père, le reçoit avec respect. Dans un contexte qui est probablement celui d'un enseignement en groupe de la part du maître, après une question d'un autre disciple, Ragun?th se retrouve exposé comme incapable de comprendre et de commenter les propos du maître spirituel. Cela éradique sa fierté d'être un érudit, précise le texte... mais peut-être pas complement.
4 Krishnaa Kinkari et Pandit Ghanshyamdas (2014 et 2015-2017) sont les seuls à proposer une volumineuse traduction anglaise de l'intégralité des v?rt?.
5 Une caractéristique récurrente des figures de veuves qui apparaissent dans les v?rt? est leur situation de pauvreté. Les récits mettent en avant l'exemplarité de leur grande dévotion, souvent sur le mode maternel.
Une lecture matricentrique va se concentrer sur la mère du protagoniste, qui joue un rôle important dans la suite du récit. Après cet épisode, rentré chez lui, Ragun?th déclare à sa mère, P?rvat?, elle-même une initiée, qu'il va désormais effectuer ses rites dévotionnels de la sev? individuellement, plutôt qu'avec elle. Dans certaines familles, les moyens pour des offrandes appropriées peuvent être limités. Il faudrait alors diviser et répartir les tâches du service divin, car il serait matériellement impossible de les dédoubler. Le récit ne fait mention d'aucune difficulté financière ni de veuvage5 de P?rvat?, et aucun époux ni père ne sont mentionnés. L'idée de ne faire qu'une seule sev? répond au désir du fils de prendre le rôle central dans la pratique familiale du service divin, jusqu'ici assurée par la mère, quoi qu'il lui en coûte. En effet, dans un passage précédant ce long épisode, on apprend que P?rvat? souffrait d'une maladie de la peau qui lui « causait des souffrances lorsqu'elle cuisinait et préparait des offrandes » et qu'elle en a ensuite été guérie miraculeusement. Cette maladie lui aurait été infligée en rétribution de son orgueil lié à sa beauté. On reconnaît ici le motif de la « fierté mal placée » sur deux générations, de mère en fils.
Le choix du fils suppose que sa mère renonce à une activité religieuse qu'elle apprécie. Dans ce cas, ce n'est pas un ordre divin ni un conseil de leur maître spirituel. La mère acquiesce, même si elle semble peinée par ce changement. Ragun?th commence à effectuer seul le service rituel, du moins en partie. Les tâches de la mère consistent désormais à aller chercher de l'eau et à nettoyer les récipients qui ont servi à cuisiner les mets pour le dieu. Toutefois, elle continue à offrir au dieu des pains secs, c'est-à-dire sans les riches mets de lentilles ou les plats plus élaborés que prépare et offre son fils. Le texte précise que, sans occasion de pouvoir présenter un service luxueux au Seigneur, elle-même renonce graduellement à son goût pour les mets plus riches. Elle ne mange plus que le pain, avec un peu d'eau. Le dieu apprécie son effort et lui apparaît pour le lui faire savoir. Il lui réclame de lui cuisiner un plat de lentilles, disant que sa gorge est irritée à force de ne manger que des pains. P?rvat? lui demande comment c'est possible puisque son fils lui offre d'autres plats. Le dieu répond alors qu'il n'accepte que ses offrandes à elle, et ne consomme que ses pains. Alors, la mère se remet à faire les préparations complètes : elle cuit le riz, les lentilles et les légumes et d'autres choses qui plaisent au dieu (et qu'elle pourra ensuite consommer elle aussi, en retour d'offrande bénie, selon les prescriptions). Ragun?th poursuit sa pratique individuelle quelques jours, puis réalise qu'il se trompe et risque de perdre même le privilège de servir le dieu s'il continue. Alors, il s'adresse à sa mère pour que ce soit elle qui s'occupe des offrandes, ce qu'elle accepte. Le texte précise qu'elle n'a pas ressenti d'envie ou de jalousie (?r?y?) par rapport à la pratique de son fils, car elle est « une pure bhakta »(suddh bhakta). Dès lors, les tâches du service se partagent : le fils s'occupe d'arranger les vêtements, et la mère prépare les offrandes de nourriture.
La v?rt? (V4) des 84VV montre le dieu qui agrée l'action dévotionnelle de la mère et rejette celle du fils qui agit avec fierté. La mère n'est en aucun cas blâmée pour le caractère de son fils. La précision, en début de l'épisode, des études théologiques du fils dans un lieu prestigieux, pour le dire ainsi, pourrait-elle être lue comme la possible origine d'une fierté mal placée? Le texte ne passe pas sous silence le renoncement de la mère à une activité dévotionnelle qu'elle apprécie et qu'elle accomplit parfaitement pour laisser le premier rôle à son fils. Ce récit souligne l'adaptation religieuse de la mère à cette situation, mais aussi sa persistance à offrir ce qui reste permissible en dehors d'une sev? plus luxueuse : du simple pain, que le dieu non seulement accepte, mais encore préfère aux offrandes élaborées du fils. Enfin, la mère ne tient pas rancune à son fils d'avoir voulu faire sa sev? tout seul, et le texte précise qu'elle est « une pure bhakta », sans mention explicite d'un éventuel amour maternel.
Deuxième cas - Le post-partum de V?rb??6
Dans la v?rt? 61 des 84VV, V?rb?? vient d'accoucher de son quatrième enfant. Les sections du commentaire intégré au texte offrent de riches détails contextuels préliminaires, mais mon analyse matricentrique se concentre ci-dessous sur la fin du récit, sur l'épisode qui se situe dans les jours suivant l'accouchement (qui s'est bien passé). Ma sélection ne doit pas pour autant laisser penser que les récits avec des figures maternelles dans les deux collections des v?rt? traitent forcément de tels thèmes. Non seulement dans la mythologie, mais aussi dans l'hagiographie hindoue, quelques récits racontent les naissances des grands fondateurs de traditions. Celui sur la naissance de Vallabha7 contient des références à des difficultés concrètes et humaines du processus. Les collections hagiographiques mentionnent des problèmes de fertilité (à la fin de la v?rt? 3 des 84VV), des décès d'enfants (et même une résurrection dans la v?rt? 193 des 252VV), des naissances, mais la plupart des récits mettant en scène des figures
6 Je reprends ici une analyse partielle de cet épisode que j'ai déjà étudié (Pasche Guignard 2022) en accentuant et en explicitant dans les lignes qui suivent la perspective féministe matricentrique.
7 Vallabha est le fondateur de la communauté visée. Richard Keith Barz (1994 : 23-25) offre un résumé du récit. Sa mère, Illamm?g?r?, est en train de fuir des persécutions religieuses par des musulmans, quittant V?ra??s? avec son mari, lorsqu'elle accouche deux mois prématurément. Les parents pensent que le nouveau-né est mort. Remplis de chagrin, ils le laissent au pied d'un arbre pour continuer à fuir. Le dieu Krishna les interpelle alors et leur ordonne de revenir là où ils ont laissé le bébé. Ils le retrouvent vivant, au centre d'un cercle de feu. La mère étend les bras et, sans se brûler, récupère celui qui deviendra le fondateur de la voie de la grâce.
féminines ou maternelles ne traitent pas en détail de l'accouchement et de ses suites. Même si l'accouchement n'est pas tabou dans l'hagiographie hindoue, la v?rt? 61 sur V?rb??, par tous les détails qu'elle donne, penche plus vers l'exceptionnel que le représentatif
Ce récit peut se lire de plusieurs façons. L'impureté rituelle liée à l'accouchement est souvent commentée (Rousseva-Sokolova 2020 : 69; Bachrach 2018 : 423; Barz 1994 : 56). Les fluides corporels, notamment le sang, rendent une femme rituellement impure selon les observances de la communauté de Vallabha (et de beaucoup d'autres en ce contexte), ce qui l'empêche temporairement de visiter le temple ou de s'occuper de sa divinité domestique. Un ou une membre de la famille peut la remplacer à cette sev? temporairement interrompue.
Pour ma part, je relis ce récit hagiographique non seulement à travers ma connaissance des prescriptions religieuses en vigueur dans ce contexte, mais aussi à travers une expérience physique de la maternité. Cela ne signifie pas que j'établis une comparison, implicite ou explicite, et encore moins une équivalence, entre ce que transparaît du vécu de cette figure hagiographique (pas biographique ni historique), avec ma situation de femme occidental ayant accouché dans un cadre privilégié, il y a plusieurs années. Plus simplement, prenant au sérieux les épistémologies féministes sur la positionnalité située (y compris en sciences des religions, voir Mary Jo Neitz (2021)), mon expérience me permet d'être plus attentive à certains éléments du texte, sans pour autant « projeter » un vécu personnel.
En l'occurrence, je propose une interprétation qui met en avant l'état de vulnérabilité émotionnelle - et donc de grande ouverture - dans les jours suivant un accouchement. Cette période, désignée par l'expression baby blues (l'expression en anglais est fréquente en français, à ne pas confondre avec la dépression postpartum), représente un passage tout à fait normal, correspondant physiologiquement à une chute d'hormones. Loin de prétendre que c'est la seule lecture possible, ni même que les communautés actuelles dans lesquelles ces textes circulent encore de nos jours valideraient cette interprétation, je fais découler celle-ci d'une perspective non seulement personnelle, mais aussi féministe matricentrique. Un tel angle d'approche me semblerait plus improbable - mais pas impossible - de la part d'un ou d'une interprète d'un tel récit qui n'aurait pas vécu de post-partum (ou, peut-être, l'aurait connu de très près, en tant que partenaire d'une personne ayant accouché).
Une analyse féministe matricentrique de ce récit remarque d'abord que V?rb?? exprime sa profonde détresse à l'idée que son état (temporaire) de pollution (s?taka) l'empêche d'accomplir son service dévotionnel. Elle se rend compte - et le commentaire le redit - que personne d'autre qu'elle n'est disponible pour le faire à sa place, avec la même dévotion, le même sérieux, ni son entourage familial (évoqué dans la contextualisation préalable du récit en commentaire), ni son mari visiblement, lui aussi dévot dans la communauté.
Le récit prend une tournure suprahumaine quand le dieu, depuis l'autel domestique où il se trouve, s'adresse directement à V?rb?? pour lui demander ce qui ne va pas. V?rb?? lui répond : « Grand Seigneur, je suis tombée dans cet enfer (narak) dégoûtant (aghor). Comment oserais-je te toucher? » Elle verbalise sa situation pour mieux expliquer son émotion et sa détresse. Le dieu (et non son mari ni une figure officielle d'autorité religieuse dans sa tradition) lui ordonne alors de prendre un bain (de se laver), d'appliquer de la bouse de vache8, de revêtir des vêtements appropriés. Un commentaire du texte dans la traduction (de Krishnaa Kinkari et Pandit Ghanashyamdasji (2015-2017)) précise qu'elle doit nouer son sari de manière différente de ce qu'elle ferait d'habitude, en l'attachant « comme un dhoti », c'est-à-dire comme le porterait un homme, noué autour de la taille et repassant l'un des pans entre les jambes pour le fixer à la ceinture, et non pas noué juste autour de la taille et des jambes. Toute personne qui aura connu l'écoulement du sang utérin après l'accouchement comprendra l'importance de ce qui semble un détail : celui d'avoir un tissu passant à l'entrejambe pour absorber les lochies. Ces conditions remplies, V?rb?? va pouvoir procéder à la sev?.
V?rb?? semble avoir intériorisé les observances concernant l'impureté puisqu'elle compare l'état résultant de la naissance de son fils à un « enfer dégoûtant ». Elle vient pourtant de vivre un événement souhaitable par-dessus tout pour une femme mariée dans ce contexte : survivre après avoir donné naissance à un fils en bonne santé. V?rb?? qualifie donc son état post-partum d'« enfer » (narak ou nark) marqué par la « malpropreté » (aghor). Son esprit dévotionnel reste fixé sur son devoir rituel : son souci pour le service du dieu passe avant celui pour son nouveau-né. Ce n'est pas son état en tant que tel qui la prive de participation à la vie religieuse, mais des règles sur l'impureté. Par son ordre de les transgresser, le dieu lui accorde une faveur exceptionnelle. Il n'est pas question d'abolir la notion d'impureté et ce qu'elle implique pour toutes les femmes. V?rb?? reçoit cette exemption en raison de sa capacité augmentée à ressentir, à vivre, dans le moment, ce qu'on appelle bh?va, un plein sentiment, une émotion très forte. Son état postpartum la laisserait-elle émotionnellement plus ouverte à exprimer sa détresse à l'idée de ne pas pouvoir accomplir la sev??
Remarquons aussi que le dieu s'adresse à V?rb?? non pas pour la féliciter d'avoir mis au monde un fils, mais plutôt pour reconnaître sa capacité à ressentir et à exprimer pleinement, verbalement et par ses larmes, plus qu'une simple tristesse passagère, soit une véritable détresse. Malgré l'acte physiologique et transformateur de l'accouchement, ainsi que ses suites (probablement un état de fatigue et des changements hormonaux importants), la v?rt? ne réduit pas V?rb?? à son statut de mère. La bhakti passe avant son rôle et ses devoirs maternels. Ni la maternité-expérience, ni sa relation avec son enfant, ni la maternité-institution ne font obstacle
8 Dans ce contexte et plus largement dans les traditions hindoues, on attribue à la bouse de vache des propriétés purifiantes.
d'accoucher est révélée comme propice à la bhakti.
Troisième cas - Une servante au rôle de mère : transmissions rituelles et spirituelles
Une servante dans la famille d'un homme d'affaires du Gujarat occupe une position maternelle centrale dans la v?rt? 224 de la série des 252VV. Le commentaire préliminaire explique qu'un homme, son épouse et leur servante (d?s?) ont été initiés par ?r? Gus?j? à la pratique de la sev?. Le couple décède. L'homme avait indiqué dans ses dispositions à son fils que celui-ci devrait s'adresser à la servante de manière respectueuse en l'appelant « M?j? », précisant qu'elle bénéficiait d'une grande grâce de la part de leur dieu, et qu'il devrait apprendre le service de leur dieu sous sa direction. « J? » est une particule honorifique marquant le respect; et « M? », un terme d'adresse pour une mère. Sans mentionner le nom de la servante, ni l'âge du fils au moment du décès, le récit met en lumière la double fonction de la servante, à la fois maternelle et spirituelle. En effet, outre qu'elle s'occupe de l'orphelin pour les soins quotidiens, elle assume également le rôle de mère spirituelle, avec une forme d'autorité exemplaire sur lui, comme le révèle la suite du récit.
Plus tard, suivant le décès des parents, après un temps laissé indéfini par le récit (« Ainsi continua la sev? pour de nombreux jours »), se présente un groupe de pèlerins qui se rend au Braj (région de nombreux sites sacrés du dieu Krishna). Le fils demande à M?j? la permission de se joindre à eux, et la servante répond : « Fils, ce n'est pas ton destin de faire le pèlerinage du Braj. » On peut supposer que le fils est alors suffisamment âgé pour partir en pèlerinage avec un groupe, mais pas assez pour se passer de l'autorisation de celle qui joue désormais un rôle de mère pour lui. Une lecture traditionnelle serait de voir dans cette réponse une forme d'« inspiration » par le dieu, un énoncé prémonitoire sur le destin du jeune homme, et la suite du texte appuierait une telle interprétation. Une autre lecture propose que cette réponse de la servante pourrait venir d'un souci maternel de bien-être pour cet enfant - dont l'âge reste non précisé - considérant que partir en pèlerinage fait courir toutes sortes de dangers en ce contexte, ce que la suite du texte confirmera.
Attristé par cette réponse, le fils se rend dans un commerce tenu par des coreligionnaires (vishnouïtes). Constatant son état, le propriétaire lui demande pourquoi il ne parle à personne. Le fils explique que M?j? a refusé sa demande de partir en pèlerinage. Alors, le commerçant lui promet son aide et remet en question le fait même de devoir demander la permission de M?j?. Après quelques préparatifs, le jeune homme se met en route avec le groupe des pèlerins. À mi-chemin, les pèlerins sont confronts aux soldats du roi, qui les emmènent tous comme prisonniers. Après quelques jours, le roi les fait relâcher, à l'exception du fils, qui demeure emprisonné. Le reste du groupe continue son périple, se rend au Brajcomme prévu, visite les lieux saints, et même voit ?r? Gus?j?. Les pèlerins s'en retournent alors où est emprisonné leur compagnon. Finalement, le roi le relâche aussi. Le jeune homme s'adresse alors aux autres en leur demandant s'ils veulent retourner au Braj, mais ceux-ci lui répondent de rejoindre un autre groupe de pèlerins et lui offrent de l'eau de la Yamun? (rivière sacrée de la région), des offrandes bénies en retour (pras?d) et un collier béni de feuilles de basilic sacré. Tous retournent dans leur région.
En arrivant, le fils dit à M?j? qu'il a accompli son pèlerinage et lui offre les objets sacrés. Cependant, la servante-mère lui reproche de mentir, car elle sait que ces objets viennent du groupe de pèlerins et qu'il a été emprisonné par le roi. Elle lui demande pourquoi il ment ainsi. Le fils admet alors la vérité et veut savoir comment elle a appris tout cela. M?j? lui explique l'origine surnaturelle de cette clairvoyance remontant à une vie sur le plan divin. Elle lui enjoint de ne pas mentir, de servir les vishnouïtes : ainsi, il pourra un jour accomplir ce pèlerinage. La prédiction se réalisera ensuite : le jeune homme consacrera généreusement ses richesses à la communauté et finira par visiter le Braj et y rencontrera ?r? Gus?j?.
Malgré son statut social inférieur, la servante joue un rôle maternel et spirituel crucial, qui garantit la continuité pour le fils de l'homme d'affaires gujarati. Elle assure la transmission des pratiques et des valeurs communautaires adoptées par ses parents défunts. Peut-on imaginer que ce fils, devenu adulte, aurait pu dilapider son héritage à des fins autres que dévotionnelles s'il n'avait pas embrassé la tradition religieuse familiale? Le texte dépeint cette « autre » mère, sa servante, non seulement comme une femme dotée de dons spirituels extraordinaires (prédictions, clairvoyance sur les événements passés), mais aussi comme celle qui lui assure une place dans la communauté en l'éduquant à ses valeurs, telles que la générosité.
Quelques remarques conclusives
Une interprétation féministe matricentrique des textes religieux permet d'attirer l'attention au-delà des déesses-mères et des rôles maternels assignés de gestation, de mise au monde et de soins destinés à une figure masculine centrale (Krishna, Bouddha, Jésus, Augustin, Vallabha, et tant d'autres) surtout lors de sa petite enfance. Les interprétations les plus traditionnelles de récits qui traitent de figures maternelles tendent à (sur)valoriser ou à idéaliser certains aspects de la maternité. Or, finalement, les sources elles-mêmes ne proposent-elles pas une variété de figures et de rôles maternels, y compris religieux? La démarche de lecture suggérée ici permet-elle simplement d'en prendre conscience en changeant la perspective, en transcendant les interprétations traditionnelles, le plus souvent patriarcales, qui tendent à renforcer le statut de mère en ne mettant en avant que le caractère de « vaisseau sacré », de porteuse élue (par ses mérites ou désignée malgré elle), ou de nourrice? Sans faire l'impasse sur leur contexte social et familial, on peut effet considérer les figures maternelles de ces récits hagiographiques hindous (et d'autres traditions probablement aussi) comme des êtres à part entière qui, dans leur relation intense avec la divinité, se passent de l'intermédiaire ou des autorisations d'un homme (fils, mari, père, autorité spirituelle, etc.) même si, dans plusieurs cas, le fils joue un rôle particulier, autre qu'en étant seulement un produit de leur matrice. À l'exception du récit mis en scène juste après l'accouchement de V?rb?? (v?rt? 61 des 84VV), dans les autres récits analysés, il est question de rapport avec des fils déjà jeunes adultes, et non avec des enfants en bas âge. Les traditions religieuses concèdent aux mères une importance de par leur lien à l'enfant dont elles prennent soin, un fils le plus souvent, mais leur expérience religieuse, en tant que mères, est loin de s'y limiter. De plus, la relation à l'enfant se poursuit bien au-delà de la petite enfance.
Même si les récits hagiographiques restent souvent empreints d'éléments suprahumains, surnaturels ou miraculeux, ce sont d'abord la maternité-expérience et l'humanité de la figure étudiée qui sont intéressantes, parce que ce qui en est dit pourrait faire écho à un vécu des femmes, en tant qu'actrices sociales, dans le contexte où sont élaborés ces textes. Une lecture féministe matricentrique ne relègue pas au second plan le vécu émotionnel, spirituel et aussi physique des mères, sans pour autant toujours positionner le corps maternel et sa capacité reproductive de manière centrale ou exclusive. Sans traiter ici du sujet complexe de la transmission hagiographique, une question se pose, à savoir si certains épisodes n'ont pas été diffusés par des femmes, ou au moins valorisés par elles, ce qui aurait facilité la transmission dans un cadre familial et communautaire où leur présence est plus que notable. Toutefois, les figures féminines restent minoritaires par rapport au nombre de personnages masculins dans ces textes, et les mères sont loin d'être majoritaires... raison de plus pour leur consacrer une attention interprétative toute particulière.
L'un des buts du récit hagiographique est de transmettre un enseignement sur les comportements valorisés au sein d'une communauté, d'une tradition, d'une lignée, de définir ses valeurs. C'est aussi le cas pour les récits sur la tradition de Vallabha (Rousseva-Sokolova 2020). Les récits des 84VV et des 252VV où apparaissent des figures non seulement féminines, mais maternelles, présentent des mères agissantes, qui tiennent compte de leur(s) enfant(s) ainsi que de ceux et celles qui sont confiés à leurs soins. Ces récits ont donc une caractéristique d'exemplarité pour la communauté qui les compose, collecte, commente et transmet. Ils contiennent des références concrètes à des aspects de la maternité parfois difficiles à aborder, mais qui n'ont pas pour autant été expurgés, comme l'infertilité, la mort d'enfants en bas âge (par exemple, voir les récits V23 des 84VV ou V193 des 252VV), avec la question du deuil maternel, ou l'état d'impureté menstruelle ou post-partum. Il faut souligner encore que la voie de la grâce de Vallabha reste, comparativement à d'autres, très ouverte à l'inclusion de personnes aux statuts marginaux dans l'univers socioculturel et les codes religieux du Nord de l'Inde aux XVIe et XVIIe siècles : hommes comme femmes, des personnes de toutes castes, à des âges différents, et avec diverses habiletés et niveaux d'éducation, peuvent être initiées. Être mère n'est pas un critère d'exclusion, tout en ne constituant pas non plus une exigence. D'autres récits montrent d'ailleurs des « filles-veuves », sans expérience sexuelle ni maternité physique, pratiquer leur dévotion sur le mode de l'amour maternel ou parental (v?tsalya bh?va). Dans tous les cas, dans les v?rt?, la vie de famille est le lieu privilégié de la pratique dévotionnelle. La vie ascétique n'est pas préconisée, mais elle n'est pas non plus interdite. Même si la ritualité des temples et des lieux saints ainsi que les pèlerinages s'avèrent importants, le foyer familial reste un lieu de prédilection de la bhakti. Les naissances et les mariages sont particulièrement fêtés. Malgré tout, l'agentivité des femmes, en particulier des mères, ne se limite pas à la domesticité dans ces récits. Faire des enfants et s'en occuper ne constituent pas un obstacle à la participation à la vie dévotionnelle. Selon l'enseignement de Vallabha, la libération du cycle des vies ne s'obtient pas par une maternité sacrificielle, ni par le renoncement à la maternité, par l'ascèse ou par la consécration (consentie ou non) d'enfants à une institution, mais par la grâce (pu***) qui conduit ensuite à une pratique personnel ou familiale du service divin (sev?). C'est précisément dans ce contexte qu'est soulignée la bhakti de ces mères.
Les v?rt? mentionnent une expertise rituelle des femmes, y compris des mères, et soulignent leurs capacités spirituelles. À la fin du récit sur P?rvat? et son fils Ragun?th, ce dernier n'effectue pas la sev? en tant que fils, mais en tant que personne qui prend en considération l'expertise de celle avec qui il partage son quotidien. Dans le texte sur le fils et sa servante-mère, après l'épisode du pèlerinage qui a mal tourné et du mensonge qu'il a dit, le jeune homme écoute celle-ci comme il le ferait avec un maître spirituel. Après lui avoir désobéi, il finit par suivre ses conseils et agir de façon correcte par lui-même, avec la maturité gagnée grâce à l'accompagnement maternel.
Par ailleurs, une démarche féministe matricentrique de relecture des textes permet de relever des absences, des points aveugles. Dans les textes canoniques comme dans ceux qui relèvent de l'hagiographie ou des récits sur les grands personnages d'une tradition, tout un pan de l'expérience maternelle religieuse reste dans l'ombre : celui de la relation mère-fille9. En effet, la plupart des récits se centrent sur des mères de fils. Les relations mère-fille sont plus rarement mentionnées dans les v?rt?, ce qui est attendu puisque la norme dans le contexte culturel et historique dans lequel ces textes ont été composés est que la fille quitte la maison paternelle pour rejoindre celle de sa belle-famille (système virilocal) soit au mariage, soit à la puberté dans le cas de mariage d'enfants. En revanche, on trouve plusieurs récits avec une mère et son fils, qui demeure au foyer dans lequel il a été
On en trouve un exemple dans la v?rt? 151 des 252VV dans laquelle une mère et sa fille sont initiées. La plupart des autres récits avec des mères et des filles traitent de la famille en général, sans mettre en avant cette relation particulière.
10 Par exemple, la v?rt? 92 des 252VV met en scène une initiée qui, par son comportement exemplaire, amène sa belle-famille, une famille jaïne où elle vient d'arriver en tant que mariée, à rejoindre la communauté pum?rga.
11 « maternity matters more than gender ».
élevé, ou avec sa belle-fille, qui arrive dans le nouveau foyer de son mari et risque bien de passer plus de temps avec sa belle-mère qu'avec ce dernier10.
Sans pour autant refléter le vécu des femmes comme le feraient des chroniques, des biographies ou des textes plus historiques ou contemporains, les récits hagiographiques font écho, de plus loin, à des expériences maternelles en présentant des situations et des questionnements propres à la position de mère. Les formes d'agentivité religieuse qu'une approche du féminisme matricentrique permet d'y repérer sont différentes de celles du domaine mythique (par exemple, une déesse créatrice) ou de ce qui ressort de fictions littéraires. Cette approche amène surtout à souligner des formes d'agentivité maternelle variées et, à partir des textes, à subvertir les maternités hors des normes forgées et imposées par des institutions religieuses (par rapport à la « sainteté » notamment).
Certes, dans les contextes francophones, le féminisme matricentrique et les études sur la maternité restent beaucoup moins connus et développés que dans les milieux universitaires anglophones, où leur impact sur le champ spécifique de l'étude des religions est déjà remarquable (voir Florence Pasche Guignard et Pascale Engelmajer (2024)). Que ce soit à l'occasion dans les recherches, mais aussi dans les trajectoires personnelles de chercheuses qui forgent certains intérêts d'étude, « la maternité importe plus que le genre11 » (O'Reilly 2019 : 14; ma traduction). Cette affirmation ne nie pas la pertinence du genre comme catégorie d'analyse. Elle n'invite pas à s'en dispenser, mais à voir ce qui se passe au-delà du sexe et même du genre dans certains cas, quand « la maternité » est ce qui fait la différence, y compris dans l'interprétation de textes et dans l'attention accordée à certaines actions ou figures dans ceux-ci. Pour aller dans ce sens, cet article proposait donc une démarche originale d'interprétation sous l'angle du féminisme matricentrique, à partir d'une sélection de textes hagiographiques hindous, autour d'un thème restant encore marginal. Mettre en lumière la variété des actions et des statuts maternels permet ainsi de souligner l'agentivité religieuse, rituelle ou même sociale de figures en position maternelle, et même de montrer une agentivité précisément maternelle dans le domaine religieux, ce qui offre un potentiel pour des relectures de textes d'autres genres littéraires religieux et d'autres traditions religieuses ou spirituelles.
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