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RAPHAËL JOTTERAND
Le futur du quartier de la Rasude se dessine enfin. La Ville de Lausanne annonce, ce lundi, la mise à l’enquête publique du Plan d’affectation. Une étape décisive pour ce projet immobilier situé aux abords de la gare de Lausanne qui tarde à éclore. Les CFF et le groupe Mobimo, propriétaire du Flon, qui détiennent les surfaces en question, espéraient que cette procédure puisse aboutir deux ans plus vite, soit en 2023. Mais les contraintes administratives, notamment celles liées à la préservation du patrimoine, ont retardé l’échéance.
Ce printemps, la Ville et les deux promoteurs indiquaient, par le biais d’un communiqué, une refonte globale du projet. Grégoire Junod, syndic de Lausanne, justifie aujourd’hui ce redimensionnement par «une vision conservatrice» du patrimoine immobilier. Cela inclut notamment le maintien du bâtiment situé à l’avenue de la Gare 45 qui était initialement condamné à être détruit, ainsi qu’une réduction de la hauteur des bâtiments. Mais surtout, l’édile a insisté sur le fait que ce quartier deviendrait un nouveau lieu de vie pour les Lausannois. «La Rasude est aujourd’hui un espace monofonctionnel, fermé et sans végétalisation. Nous voulons que ça devienne une zone piétonne ouverte à tout le monde permettant de relier la gare à l’avenue d’Ouchy.»
Projet exemplaire écologiquement
La Ville compte soigner les aménagements extérieurs du quartier. «Nous allons introduire une végétalisation XXL de la Rasude», se réjouit Natacha Litzistorf, élue chargée du Logement, de l’Environnement et de l’Architecture. Les espaces publics occuperont près de la moitié de la surface totale (9000 m2), dont environ 40% seront végétalisés. 80 arbres au minimum viendront rafraîchir le quartier, tandis que l’essentiel des nouvelles toitures seront végétalisées; 1000 m2 de pleine terre seront créés, ainsi qu’un parc du nom de Belvédère. Même si le concours architectural n’est pas encore lancé, la Municipalité insiste sur l’exigence écologique qui sera nécessaire pour mener ce projet à bien. Outre certaines normes élevées, les matériaux biosourcés devront être privilégiés, tout comme les façades claires et les énergies décarbonées.
Concernant l’avenir du bâti, la quasi-totalité des bâtiments existants (70%) seront préservés. Deux immeubles seront surélevés de deux étages habitables et seulement deux nouvelles constructions compléteront le quartier: l’une le long des voies ferrées et l’autre au centre du quartier. Le sommet de cette dernière ne dépassera finalement pas l’altitude de la tour Edipresse (40,66 m de haut), qui se situe quelques encablures plus loin et culmine à 507,50 mètres. «Grâce à une réflexion et à des bâtiments bien pensés, la skyline sera préservée», se félicite également Grégoire Junod.
La Ville fait en revanche marche arrière concernant le pourcentage de logements en augmentant leur part à hauteur de 30%. Cette volte-face est censée répondre aux attentes des riverains qui restent toutefois réticents au projet. «Ça ne correspond pas à nos attentes. Nous espérions une proportion d’environ 70%, peste Silvia Egger, présidente de l’association Perirasude qui s’oppose à ce Plan d’affectation. Nous sommes pour densifier raisonnablement mais nous voulons un quartier vivant qui ne soit pas majoritairement composé de bureaux. Vivre avec des murs noirs en face de soi à partir de 18 heures, c’est très triste.»
Début d’un long cheminement
Municipal chargé de l’Economie, Pierre-Antoine Hildbrand défend ce choix. «En comparaison avec les cinq plus grandes villes suisses, Lausanne détient le ratio d’emplois par habitante et habitant le plus bas. Nous devons travailler sur cette statistique peu enviable pour rester attractifs. La Rasude, en sa qualité de site stratégique proche de la gare, prévoit quelque 1200 emplois. Nous trouverons par exemple des commerces à taille humaine, un hôtel, de l’accueil de la petite enfance, des bureaux, ainsi que des services de proximité; 500 m2 seront réservés à des acteurs culturels et d’utilité publique qui bénéficieront de loyers maîtrisés.»
La mise à l’enquête publique débutera officiellement ce mercredi 19 novembre et se terminera un mois plus tard. C’est le début d’un long processus administratif et décisionnel pour ce projet qui a été entrepris il y a déjà plus de 10 ans. Les obstacles s’annoncent encore nombreux: «Nous nous attendons à un vote populaire, confirme Grégoire Junod, conscient que les oppositions risquent d’être multiples et que la menace d’un référendum plane sur la tête de la Rasude. Y aura-t-il encore des modifications? C’est possible.»
Une fois cette première étape franchie, les concours paysagers et d’architecture pourront démarrer avec, à la fin, une nouvelle procédure de mise à l’enquête sur les bâtiments. Une fois ce laborieux labyrinthe procédurier terminé, les travaux pourraient alors débuter. La fenêtre actuelle prévoit un début du chantier en 2029 et vise l’horizon 2031-2033 pour que les premières entreprises et locataires puissent s’y installer.
«Grâce à une réflexion et à des bâtiments bien pensés, la skyline sera préservée»
GRÉGOIRE JUNOD, SYNDIC DE LAUSANNE
Copyright Le Temps SA Nov 18, 2025