Content area
RAPHAËL JOTTERAND
La démission de Rebecca Ruiz peut-elle provoquer un chamboulement au sein du Conseil d’Etat vaudois? C’est du moins ce qu’espère l’UDC, qui a annoncé, à peine quelques minutes après la conférence de presse de l’élue socialiste, vouloir présenter un candidat. Seul membre de l’Alliance vaudoise (Le Centre, PLR et UDC) à ne pas avoir de représentant au château Saint-Maire, le parti conservateur connaît une législature active au parlement.
Dans la peau du challengeur, l’UDC a su se montrer parfois sévère avec le gouvernement, mais aussi modérée par moments. La preuve avec l’affaire Dittli, où le parti agrarien a «pris de la hauteur», comme le dit le chef de groupe Cédric Weissert. Pour son président, Sylvain Freymond, «l’UDC mérite et a la légitimité» de revenir au Conseil d’Etat.
Quant à ceux qui estiment que les équilibres devraient être maintenus, Sylvain Freymond rappelle que l’écologiste Béatrice Métraux avait succédé à Jean-Claude Mermoud après son décès en 2011. Les élections complémentaires n’ont jamais été un franc succès pour l’UDC vaudoise. En 2019, après la démission de Pierre-Yves Maillard, l’UDC lance dans la course Pascal Dessauges. Après le premier tour, 13 000 suffrages le séparent d’une certaine Rebecca Ruiz. Le prétendant UDC jette l’éponge.
Soutien attendu du PLR
Cette «taule», comme certains en parlent encore aujourd’hui, est restée dans les mémoires. En 2022, l’Alliance vaudoise cartonne mais ses électeurs préfèrent miser sur la centriste Valérie Dittli plutôt que sur l’UDC Michaël Buffat. Depuis, le parti conservateur a toujours estimé que ses alliés de droite avaient une dette envers lui. Au Centre, la décision de ne présenter personne pour le siège laissé vacant par Rebecca Ruiz est arrêtée: «C’est important que les choix pour cette élection complémentaire ne soient pas décorrélés de la stratégie générale pour 2027», témoigne Michele Mossi, président ad interim.
Pour le PLR, le congrès prévu hier soir à L’Isle, au moment de boucler cette édition, devait acter la marche à suivre. Sauf surprise, le parti ne devrait présenter aucun candidat. A l’UDC, on s’impatiente. «On peine à comprendre pourquoi nous n’avons pas déjà obtenu leur soutien. C’est ce que nous avions fait immédiatement en 2020, lorsque Christelle Luisier s’était présentée», témoigne une figure du parti.
Contacté, Nicolas Suter, chef de groupe au Grand Conseil, précise que le congrès du PLR devait se positionner dans la soirée sur cette question.
«A titre personnel, cela m’étonnerait beaucoup que nous proposions une candidature. Nous sommes plutôt enclins à soutenir l’UDC.» Florence Bettschart-Narbel acquiesce: «Nous avons des processus internes à respecter. Ça tombe bien, vu que nous avons une assemblée générale ce soir. Tout ça devrait être réglé très rapidement.»
Le suspense devrait être de courte durée. Selon nos informations, Jean-François Thuillard sera le candidat de l’UDC. Cette annonce devait être officialisée hier soir déjà, lors du congrès. Le député figurait parmi les deux derniers papables avec Philippe Jobin. Il jouit d’une forte popularité au sein du parti, notamment à la suite de son année de présidence du Grand Conseil qu’il vient de terminer. Jean-François Thuillard s’apprête à quitter l’exécutif de Froideville, dont il est syndic depuis 2016.
Contacté, ce dernier précise que les instances du parti ont rendez-vous peu avant le congrès pour en parler. «Je m’étais mis à disposition de la section pour 2027, témoigne-t-il. Tout s’est un peu précipité ces dernières heures. Ce qui est certain, c’est que nos électeurs ne voudraient pas qu’on laisse le PS se présenter seul à des élections.» Jean-François Thuillard évoque aussi une réflexion personnelle pour motiver son choix: «Est-ce qu’on a vraiment envie d’y aller quand on voit l’ambiance qu’il y a au château? Si je m’engage, je le ferai à fond, comme je le fais depuis plus de vingt ans pour ma commune.»
L’heure de vérité pour la droite
Sans se prononcer sur le candidat en question, Kevin Grangier, président de l’Alliance vaudoise, estime que la droite est face à son heure de vérité: «Le centre droit a une belle opportunité de resserrer les liens, de mobiliser son électorat et de créer une dynamique juste avant 2027. J’appelle les partis membres de l’Alliance vaudoise à se fédérer derrière un candidat dans le cadre de cette campagne éclair et à mobiliser nos membres, sympathisants et électeurs.»
Dans le cas contraire, si personne ne s’investit dans cette campagne, l’Alliance vaudoise pourrait perdre les dernières plumes qui lui restent. «Inversement, il est vrai que si le candidat issu d’un parti membre de notre alliance se retrouve seul en campagne, sans le soutien proactif de tous les partis membres de l’Alliance, on peut légitimement redouter qu’il soit difficile en 2027 de mobiliser», poursuit Kevin Grangier.
Mais, même en cas d’union sacrée, prendre un cinquième siège à la gauche s’annonce compliqué. L’autre enjeu de cette élection complémentaire pourrait être le Département de la santé et de l’action sociale (DSAS). La campagne sera probablement très axée sur ces thématiques mais rien ne permet d’affirmer que le nouveau venu sera à la tête du DSAS.
A droite, certains observateurs imaginent bien Isabelle Moret, spécialiste des dossiers sur la santé lors de ses années au Conseil national, lorgner ce département. La principale concernée refuse de commenter. Cette option permettrait à la droite d’asseoir un peu plus sa domination sur le gouvernement en reprenant un département qui représente, à lui seul, 40% du budget cantonal. L’autre piste nous mène à une scission du DSAS pour séparer la santé et l’action sociale. «Ce département est un véritable paquebot, très difficile à manœuvrer. La fatigue de Rebecca Ruiz devrait alerter le Conseil d’Etat», témoigne une source bien informée.
A une année des élections cantonales, le Conseil d’Etat pourrait saisir cette opportunité pour revoir son organisation. Toutefois, rien ne sera facile. En mars dernier, avant la parution du rapport Studer, Le Temps révélait que Rebecca Ruiz avait ouvert une porte à une rocade de départements pour rééquilibrer les forces. Cette solution n’avait pas pu aboutir, faute de compromis.
«Si je m’engage, je le ferai à fond, comme je le fais depuis plus de vingt ans»
JEAN-FRANÇOIS THUILLARD, DÉPUTÉ UDC ET SYNDIC DE FROIDEVILLE
Copyright Le Temps SA Nov 28, 2025