Content area
RAPHAËL JOTTERAND
Les superlatifs se multiplient pour décrire le développement des métros M2 et M3 à Lausanne: «projet structurant de la législature», «chantiers du siècle» ou encore «travail titanesque». Ces qualificatifs employés par Nuria Gorrite, conseillère d’Etat vaudoise et Olivier Français, président du Comité de pilotage, ont été employés vendredi, lors d’une conférence de presse très attendue. Après des mois d’attente, le canton est en mesure de franchir une étape décisive dans ce double projet qui vise à créer une nouvelle ligne de métro (M3) et à moderniser le M2 existant.
Le Conseil d’Etat va soumettre quatre décrets au Grand Conseil pour un montant total de 809,7 millions de francs. Le premier concerne la modernisation du M2. Son système de conduite automatique arrive en fin de vie et doit être renouvelé. Cette installation doit permettre d’augmenter la capacité de la ligne. Les rames actuelles seront rénovées et 18 nouvelles rames seront achetées. Cet investissement qui dépasse le demi-milliard de francs permettra au M2 de circuler, à l’heure de pointe, à une cadence de 1 minute 40 entre Lausanne-Gare et la Sallaz contre 2 minutes 10 actuellement, et de gagner près d’une minute pour la liaison Ouchy-Olympique et les Croisettes.
Horizon dix ans
A l’horizon 2035-2040, le tunnel historique à voie unique du M2 sera doublé. Ce développement permettra à la ligne de transport public la plus utilisée du canton de prendre en charge jusqu’à 60 millions de voyageurs par année, contre 36 millions en 2024. «Ce n’est pas une dépense de confort mais une infrastructure qui répond à des besoins concrets pour la population», rappelle Nuria Gorrite. Le succès du métro lausannois n’est plus un secret. Prévu à l’origine pour 25 millions de voyageurs, il dépasse aujourd’hui toutes les attentes.
Espéré à la base pour 2027, le M3 semble enfin avoir quelques perspectives réjouissantes. Nuria Gorrite est en mesure de confirmer que la ligne, qui reliera Lausanne-Gare à la Blécherette, sera entièrement souterraine, à double voie et qu’elle comptera six stations. Sa flotte comptera 14 rames et le M3 circulera à une cadence de 2 minutes aux heures de pointe. La demande de permis de construire est attendue courant 2026.
Le M3 ne passera plus par Le Flon mais par Chauderon, où une interface offrira des connexions avec le LEB, les bus et le tramway. «C’est une opportunité de donner un nouveau souffle à la place Chauderon, témoigne Florence Germond, municipale lausannoise chargée de la mobilité. La ville investira près de 100 millions pour accompagner le développement des métros et améliorer l’espace urbain.»
Il faudra toutefois patienter encore une dizaine d’années avant que le projet ne sorte de terre. Le Conseil d’Etat demande au parlement 119 millions de francs pour poursuivre les études et travaux préparatoires. Finalement, le gouvernement souhaite approfondir la piste d’une liaison piétonne entre la gare et Le Flon. «Nous estimons que cette solution – jugée complexe d’un point de vue technique – pourrait s’inscrire dans la logique de la future gare souterraine de Lausanne», analyse Nuria Gorrite. En 2023, cette idée était revenue sur la table, présentée par le Groupement pour une liaison piétonne entre la gare CFF et Le Flon.
Une «Société des métros» créée
Très ému, Olivier Français estime «qu’un sacré travail a été réalisé en dixhuit mois», faisant suite notamment à la démarche d’optimisation lancée en 2024. Depuis, la stratégie d’achat du matériel a été revue et le Conseil d’Etat serait sur le point d’aboutir à un accord avec Alstom pour le renouvellement des systèmes d’automatisation du M2. Notons encore que la gouvernance du projet évolue avec trois niveaux différents: gouvernance politique, pilotage administratif et structure de réalisation.
Une «Société des métros» a été créée. Il s’agit d’une filiale des Transports publics lausannois (TL) qui se chargera de piloter les études et de conduire la réalisation des projets. «Nous sommes conscients de l’ampleur des défis qui nous attendent, assure Tinetta Maystre, président du conseil d’administration des TL. Les décisions communiquées aujourd’hui sont à la hauteur de nos attentes et des besoins de la population.»
Dernière étape à venir
Cette troisième étape de financement sera encore suivie d’une autre, prévue pour couvrir les travaux de construction du M3, l’achat de son système de conduite automatique, des rames et des équipements nécessaires au fonctionnement de la ligne. Le budget total révisé des projets s’élève à 2,34 milliards de francs, dont 186 millions seront pris en charge par la Confédération.
Nuria Gorrite l’assure, la situation financière actuelle ne remet en aucun cas en question, l’aboutissement du projet. Elle rappelle qu’à l’époque, quand le M2 était dans les tuyaux, le canton traversait une crise bien plus douloureuse. «Le Conseil d’Etat d’alors a misé sur l’avenir et nous faisons le même choix aujourd’hui. Renoncer à un projet structurant de cette envergure serait un très mauvais signal et un très mauvais calcul.» En conclusion, la ministre a appelé à «se réjouir des bonnes nouvelles quand elles sont là». Les Vaudois ne s’en priveront pas.
Copyright Le Temps SA Nov 29, 2025