Resumen
En el presente trabajo se ofrece un estudio de la naturaleza como tema de ias cancio-nes francesas de los peregrinos de!a ruta jacobea. Se ha analizado su función y el rraramiento de que ha sido objeto, determinados por el tipo de composición en el que aparece. Se han establecido tres grupos diferentes de canciones : de itinerario (informativas), narrativas (de en treten imiento) y moral izado ras (educativas). En la primera categorîa, la naturaleza forma parte de una experienca colectiva de la peregrinación que se pone a disposición de los futuros viajeros piadosos. En el segundo grupo, la naturaleza es un recurso narrativo util para distrac-ción edificante dei peregrino. Finalmente, en las composiciones con una finalidad moral la naturaleza sirve para expresar una cierta concepción de la vida crisriana. Se ha terminado por comprobar que la naturaleza constituye una manifestación, variable segün el tipo de canción, del vinculo existente entre el uni verso del culto a Santiago y un fondo de experiencia, de mentalidad, de cultura y de literatura que incluye la Edad Moderna pero que se remonta al menos a la Edad Media.
Palabras clave : Compostela. Entorno natural. Cantos franceses. Itinerario. Narración. Moral.
Abstract
This paper focuses on nature as subject-matter of the French songs in the Jacobean route. It analyses the role and treatment of nature as determined by the type of composition in which it appears. Three different kind of songs have been established : en toute (informative), narrative (entertaining) and moralizing (didactic). In the first category, nature forms part of a collective pilgrimage experience available for future devout travellers. In the second group, nature is a useful resource for the edifying distraction of the pilgrim. Finally, in the compositions that possess a moral aim, nature is a means to express certain notions of Christian life. As a conclusion, we have proved that nature is conceived of as the variable manifestation of the bond between the worship to Santiago and an experiential context including culture and literature that reaches toward the Modern Age but can be traced back at least to the Middle Ages.
Résumé
Dans le présent travail on offre une étude de la nature en tant que thème des chansons françaises des pèlerins de la route de Compostelle. On a analysé sa fonction et le traitement dont elle a été lobjet, déterminés par le type de composition où elle apparaît. On a établi trois groupes différents de chansons : d'itinéraire (informatives), narratives (distrayantes) et moralisatrices (éducatives). Dans la première catégorie, la nature fait partie d'une expérience collective du pèlerinage qu'on met à la disposition des futurs voyageurs pieux. Dans le deuxième groupe, la nature est une ressource narrative utile pour la distraction édifiante du pèlerin. Finalement, dans les compositions avec un but moral la nature sert à exprimer une certaine conception de la vie chrétienne. On a fini par constater que la nature constitue une manifestation, variable selon le type de chanson, du lien existant entre l'univers du culte de saint Jacques et un fonds d'expérience, de mentalité, de culture et de littérature qui inclut l'Époque moderne mais qui remonte au moins au Moyen Âge. Mots-clé ; Compostelle. Environnement naturel. Chants français. Itinéraire. Narration. Morale.
Keywords : Composrela. Natural environment. French songs. Pilgrimage. Narrative. Morality.
0. Introduction
Depuis le Moyen Age, la réalisation du pèlerinage de Compostelle a toujours impliqué de faire face à beaucoup d'obligations, d'inconvénients, de difficultés, de menaces et de dangers. Il y avait des requis bureaucratiques à accomplir avant, pendant et même après le voyage. Comme il est évident, l'argent était indispensable pour satisfaire des besoins importants comme la nourriture, l'habillement ou l'hébergemenr. Les dangers ne manquaienr pas, puisque les voleurs ou les maladies pouvaient aussi altérer le déroulement du trajet. La nature, sous forme d'un climat plus ou moins changeant, de montagnes, de rivières ou d'une mer inquiétante, pouvait aussi faire partie des obstacles qu'il fallait surmonter. Elle constitue vraiment le cadre principal, mais non pas le seul, où a lieu cette expérience du voyage vers la tombe de l'apôtre.
C'est sans doute pour cette raison que les chansons françaises du pèlerinage de Compostelle accordent une place importante à la nature et à son influence directe sur les conditions dans lesquelles les fidèles de saint Jacques devaient accomplir leur aventure. On peut distinguer trois types fondamentaux de chansons, en fonction du traitement qu'on y fait de ce thème : les chansons d'itinéraire, les chants narratifs et les compositions moralisantes et allégoriques.
1. Les chansons d'itinéraire
Un premier groupe est constitué par les chants d'itinéraire. Ces compositions reproduisent la route la plus fréquentée par les pèlerins français, depuis le nord de la France jusqu'à Compostelle. Elle coïncide partiellement:, dans sa partie française, avec Ia route de pèlerinage connue sous le nom de via Turonensis (Vieillard, 1990: 3-5). Ces chansons exerçaient surtout une fonction informative sur plusieurs aspects de ce voyage. On y inclut quelques strophes consacrées à des étapes particulièrement difficiles à traverser, à cause des caractéristiques concrètes du paysage, de la saison de l'année ou du climat.
Les Landes sont toujours la première région que ces chansons présentent comme un territoire hostile au pèlerin. C'est un endroit plat, inhospitalier, presque désert .
La version de La grande Chanson des Pèlerins de Saint Jacques publiée en 1718 signale que les Landes sont une région très humide. Les pèlerins ont du mal à marcher, parce que l'eau leur arrive à mi-jambe :
Quand nous fûmes dedans les Landes,
Bien étonnés, Nous avions l'eau jusqu'à mi-jambes,
De tous côtés, Compagnons, nous faut cheminer
En grandes journées Pour nous tirer de ce Pays ;
De si grandes rosées (Anonyme, 1718 : 3-4, w. 25-32) .
Il est possible que cette strophe présente le passage des voyageurs pieux en automne ou en hiver (Daux, 1908 : 15-16) ; l'abondance d'eau, qui rend plus pénible la marche, permet de le croire. La grande Chanson des Pèlerins qui vont à S. Jacques offre une vision différente des Landes, mais tout aussi négative. Ce n'est pas une zone humide, mais sablonneuse et où il fait très chaud. Le sable brûle les pèlerins. Il leur vaut mieux marcher le matin, parce que la température est plus froide. Donc, on dirait que la traversée de cette région est située dans ce chant en été :
Dès que nous fûmes dans les Landes,
Bien fatigués, Le sable nous brûlok les jambes
De tous côtés. Compagnons, avançons chemin
Cette journée, Profitons de l'air du matin,
Du frais de la rosée (Daranatz, 1927, vol. 2 : 37, vv. 65-72)4.
Les rigueurs de la montagne ne sont pas du tout absentes de ces compositions. La région de la Biscaye, en territoire espagnol, apparaît dans quelques chansons d'itinéraire où on la présente aussi comme une partie très dure du parcours vers Compostelle. Il faudrait l'identifier avec la province actuelle de Guipt'izcoa. Dans le chant intitulé Autre Chanson des Pèlerins de S. Jacques, on signale que les pèlerins y arrivent après être entrés en Espagne par Irûn. C'est une zone montagneuse et difficile a traverser :
Nous avons cheminé long-temps
Dans les Montagnes de Biscaye,
Cheminant toujours rudement
Par le Pays en dtoite voye,
Jusqu'au Mont St. Adrien (Anonyme, 1718 : 12, vv. 64-68)',
En plus, on y parle une langue incompréhensible pour un pèlerin français -l'espagnol ou, très probablement, le basque-. On peut bien le constater dans une composition chantée par des pèlerins provenant de Belgique et intitulée Le grand Cantique du grand voyage des pèlerins de Saint-Jacques (En Galice en Espagne) :
Quand nous fûmes à Bayonne,
Assurément, A fallu changer nos feuilles de route
Et notre argent, Nous avions le pays à traverser
De la Biscaye ; C'est un pays rude à passer ;
On ne comprend pas leur langage (Anonyme, s.d. : 1, w. 41-48)'. L'irinéraire reproduit dans ces chansons intègre presque toujours les villes de Bayonne er d'Irun, comme étapes où l'on quitte la France et l'on entre en Espagne. Cependant, on conserve actuellement la traduction en espagnol d'une chanson française , identifiée par son édireur comme La canciàn de los peregrinos, qui si rue au col de Cise l'accès en Espagne.
Cuando llegamos a la montafia
Llamada Cisa, Al corazôn me vino un pensam ten to
De mi familia, Y recordaba que al salir De nuestra villa Sin decir un adiós a nuestros padres
Fuimos a nuestra guisa (Luzaide, 1925 : 84, w. 49-56)".
On n'y fait aucune allusion aux difficultés du voyage à cause du relief. Cependant, si Ton consulte le récit que Jean Bonnecaze a écrit de son pèlerinage à Composrelle en 1748 {vid. Inarrea Las Heras, 2017 : 75-76), on consrate que le passage des Pyrénées par Roncevaux a été pour lui un vérirable martyre.
En allant, étant arrivés à Roncesvailles, premier village d'Espagne, ayant passé le port, nous y fûmes bloqués par la neige qui nous obligea de demeurer deux jours à l'hôpital. [...] Nous partîmes à travers la neige jusqu'aux genoux ; mais elle diminuairà mesure que nous sortions de la montagne [...]. Cette marche forcée, mêlée de froid et de sueur, me fit du mal ; elle me causa une hémorragie de sang par le nez et par la bouche. La pluie, tous les jours, presque pendant un mois, sur les corps, er toujours pieds-nus, m'accablait (Bonnecaze, 1896 : 185).
En ce sens, la neuvième strophe de La canción de los peregrinos permet d'établir une claire distinction entre la dureté des Pyrénées, même si celle-ci n'y est pas explicitement mentionnée, et l'aspect beaucoup plus agréable des champs situés entre Pampelune et Puente la Reina.
Entre Pamplona y Pont Regina
Fuimos contentos De haber salido de las monranas
A los campos abtertos, Volviendo a ver la vid
Y tierras de labranza, Dimos gracias a Jesu Christo
Le cantamos alabanzas (Luzaide, 1925 : 85, w. 65-72).
Après létape de la Biscaye, les chansons d'itinéraire mentionnent la montagne de San Adrian. On l'a vu dans la citation tirée de la composition Autre Chanson des Pèlerins de S. Jacques. Il s'agit de la sierra d'Aitzgorri, en Guipùzcoa, où se trouvent le col et le tunnel naturel de San Adrian. Tout cela constitue un paysage vraiment magnifique qui produisait une profonde impression chez les voyageurs. En tout cas, c'était une partie de la route pénible pour les pèlerins". Le grand Cantique du grand voyage des pèlerins de Saint-Jacques (En Galice en Espagne) le montre nettement :
Traversant la vaste campagne,
Tant mal que bien, Nous arrivons à la montagne
De Saint-Adrien. Le chemin est si étroit,
Si difficile, Qu'on ne peut monter à la fois
Qu'un homme de file (Anonyme, s. d. : 2, vv. 57-64).
Les chansons françaises d'itinéraire incluent la route entre Leon et Ovkdo, parcourue habituellemenr par ceux qui voulaient visiter, dans la capitale asturienne, la carhédrale San Salvador et les reliques de la Sainre Chambre. D'après ces chants, l'étape la plus difficile de ce trajer se situe dans la cordillère cantabrique, qu'il faut traverser par le col de Pajares. Autre Chanson des Pèlerins de S. Jacques identifie ce lieu comme le Mont-d'Etuves. Le mauvais remps qu'il y fait cause de grandes souffrances aux pèlerins {vid. Vazquez de Parga, Lacarra er Una Riu, 1949, vol. 2 : 467-468) :
Jamais nous n'eûmes si grand froid,
Que quand nous fiâmes au Mont-d'Etuves,
Etions transis jusques au cœur,
Ne voyant Soleil ni Lune
Le vent, la pluye nous importune (Anonyme, 1718 : 14, vv.
101-105).
Une autre version de ce dernier chant, intitulée aussi Autre Chanson des Pèlerins de S. Jacques, insiste sur les rrès mauvais effets chez les pèlerins du rude climat au col de Pajares. De toute façon, cette composition indique qu'il faut surmonter ces adversités naturelles du mauvais remps et du paysage hostile et ne pas se décourager :
Quand nous fûmes au Mont d'Etuves,
Qui est si froid & si rude,
Et fait plusieurs cœurs dolens,
Ont fair plusieurs femmes veuves,
Orphelins, petits enfans :
[-.]
Marche devant, je t'en prie,
Compagnon, ne t'ébahis mie,
Si j'ai mué mon semblant,
En passant les Monts Etuves,
Et les bois qui sont dedans (Anonyme, 1718 : 33, vv. 51-65).
L'édition de cette même chanson réalisée par Daran atz présente deux strophes qui correspondent à deux étapes de la route de Léon à Oviedo : Malvedo, située dans Factuelle province des Asturies, et La Robla appartenant à l'actuelle province de Leon {via. Inarrea Las Heras, 2001a : 24-25) - Mais elles sont mal placées dans l'itinéraire décrit dans cette composition. Elles apparaissent après Montjoye, c'est-à-dire juste avant Compostelle. En réalité, elles devraient être placées après la strophe consacrée à Leon. En plus, elles sont aussi mal situées entre elles. On mentionne d'abord Malvedo et après La Robla :
Quand nous fûmes à Malefaute [Malvedo],
Mon compagnon tomba malade,
Dont j'en ai le cœur très-dolent.
Du pain de ma malette,
Lui en donnant le plus blanc,
Et du vin de ma calebasse,
M'en vais le réconfortant.
Quand nous fûmes à la Ravelle [La Robla],
Mon compagnon fut mis en terre,
Dont j'en ai le cœur dolent.
J'ai cherché dans sa boursette,
Il n'y avoit que six blancs ;
C'est pour écrire une lettre
Pour porter à ses parents (Daranatz, 1927, vol. 2:55, w. 70-
83).
Comme il est évident, les pèlerins devaient nécessairement passer d'abord par La Robla, au cours de leur chemin vers Oviedo. Par conséquent, c'est là que le compagnon aurait dû tomber malade et c'est à Malvedo qu'il serait mort. On doit imaginer qu'il aurait traversé le col de Pajares dans de mauvaises conditions de santé et que, finalement, il serait décédé aux Asturies. Il faudrait donc introduire une modification importante dans le commencement des deux strophes citées. Il serait aussi nécessaire de bien les situer par rapport à la strophe concernant Pajares. On placerait celle de La Robla juste avant et celle de Malvedo juste après. On propose le changement suivant pour cette chanson :
Quand nous fûmes à la Ravelle,
Mon compagnon romba malade,
Dont j'en ai le cœur très-dolent.
Quand nous fûmes au Mont-d'Estudes, Qui sont si froids et si rudes, On fait plusieurs cœurs dolens, Ont fait plusieurs femmes veuves Orphelins petits enfans
Quand nous fûmes à Malefaute, Mon compagnon fut mis en terre, Dont j'en ai le cœur dolent.
De cette façon, la chanson montrerait plus clairement les souffrances qu'un pèlerin devait supporter au moment de traverser le col de Pajares, surtout s'il était malade. La nature montagneuse apparaît ainsi comme un ennemi acharné. La mort n'était pas du tout un danger éloigné ou exagéré pour le pèlerin.
On trouve également aux Asturies un autre territoire inhospitalier : les sept monts asturiens situés près de la paroisse de Ballota, commune de Cudillero, et connus sous le nom, précisément, de Ballotas. Autrefois on les identifiait aussi, paraît-il, comme les S iet e Hermanas (les Sept Sœurs) .La Chanson nouvelle sur tous les passages et lieux remarquables qu'il y a aux chemins de Saint-Jacques, Saint-Salvateur et Mont-Sarra -ou Chanson nouvelle- est une création qui fait partie du livre de la confrérie des pèlerins de Senlis, dont la redaction a commencé en 1680' . Elle contient une strophe consacrée aux Sept Sœurs. On ne manque pas d'y mentionner que ce point est vraiment fatigant pour les pèlerins :
Estant dedans ce pays Esbays
De nous voir dans les montagnes
Entre autres celle des Sept Sœures Plus fâcheuse
Et la plus haute d'Espagne (Müller, 1914 : 206-207, w. 163-168).
L'eau fluviale et l'eau de la mer font aussi partie de cette nature adverse aux pèlerins {vid. Inarrea Las Heras, 2017). Les chansons qui nous occupent ici incluent des étapes où la traversée d'une rivière ou la proximité d'une mer orageuse sont des motifs d'inquiétude et même de peur. II faut tenir compte ici que la mer a toujours provoqué chez l'homme, au moins jusqu'à l'avènement de l'Epoque contemporaine, une crainte profonde : « pour le plus grand nombre, elle [la mer] est restée longtemps dissuasion et par excellence le lieu de la peur. De l'Antiquité au XIXe siècle, de la Bretagne à la Russie, les proverbes sont légion qui conseillent de ne point se risquer en mer» (Delumeau, 1978 : 31). Les chants d'itinéraire manifestent donc ce sentiment collectif.
Ces compositions incluent très souvent une étape consacrée à la Gironde et à son estuaire, qu'il faut traverser pour aller de Blaye à Bordeaux. C'est le cas, par exemple, de la chanson en langue d'oc intitulée Complainte des pèlerins d'Aurilläc . On y exprime clairement la peur de l'eau qui envahit les pèlerins et le recours qu'ils font à l'invocation d'un saint qui les protège.
Quand fuguèrent prôch en Bordaiga [Bordeaux]
Calg aventurar subre mai d'aiga,
! Jès, pecaire que devendrem
Se Sant Guiral non noi defend ? (Beaufrère, 1978 : 49, vv. 17-20)17.
Cet estuaire est un important obstacle géographique pour les pèlerins et les voyageurs, dont la littérature française s'est fait l'écho depuis longtemps .
La Chanson nouvelle montre également la peur de la mer dans la strophe consacrée à Luarca, Navia et Ribadeo : A LouarqLie .sur la mer
Faut passer, Sans y faire demeurance, Navia et Rive Dieu [Ribadeo]
Dangereux Pour les pèlerins de France (Müller, 1914 : 207, vv. 175-180).
On y fait référence sans doute aux rias qui sont proches de ces villes des Astu-ries et de la Galice .
Les chansons d'itinéraire présentent très fréquemment une strophe consacrée au pont qui tremble. Ce pont était situé aux Asturies, tout près de la mer. Ce n'était pas une construction très solide. De cette manière, les jours où il y avait une tempête et des vents très forts il balançait". Dans ces circonstances, la traversée de ce pont était pour les pèlerins une expérience tout à fait angoissante. La Chanson nouvelle* par exemple, montre bien la crainte qu'ils éprouvaient dans cette situation {vid. aussi Anonyme, 1718 et Daranatz, 1927, vol. 2) : Ce mont estant descendu
Jont venus [nous sommes venus] Pour passer le Pont qui tremble, Lequel nous fit grand peur
Et tremeur, Voyant la mer en tourmante (Müller, 1914: 207, w. 169-174).
Un autre pont tremblant est mentionné dans la Complainte des pèlerins d'Aurillac. Cette composition présente une étape qui fait sûrement référence à la ville de Miranda de Ebro {vid. La Salle de Rochemaure, 1910, vol. 2 : 529, n. 1, et Inarrea Las Heras, 2017: 66-67). On y situe ce pont permettant de traverser une rivière qui doit être forcément l'Ebre, même si on ne l'identifie pas.
Quand fuguèrem sus lo pontet,
Quai tremol al pas qu'om fa!
Crediam morir! A patz, a patz,
Sàlva los pelgrins, Sant Jacm! (Beaufrère, 1978 : 50, w. 29-32):'
Le livre de la confrérie des pèlerins de Saint Jacques à Senlis contient également plusieurs itinéraires partiels de pèlerinage. Dans leur ensemble, ils exposent le chemin complet de Senlis à Saint-Jacques et aussi le périple de retour. Chacun de ces itinéraires montre donc une parrie de cette route, avec le dénombrement de ses étapes. Il y en a un qui a pour titre « D'Irun à San Domingo [Santo Domingo de la Calzada, dans la province de La Rio)a] ». Il inclut l'étape de Saint-Brave -Zambrana, dans la province d'AJava, non loin de Miranda de Ebro- et l'indication suivante concernant l'Ebre : « Passez la rivière de F Ebro, qui est une des plus grandes rivières d'Espagne, sur un pont » (Muller, 1914 : 186)".
Cependant, les chansons d'itinéraire ne présentent pas toujours les rivières et la mer comme des obstacles dangereux ou redoutables. On y trouve des strophes qui y font référence de manière complètement neutre, à titre purement informatif. Ainsi, la Complainte des pèlerins d'Aurillac commence avec une allusion à Aurillac et à la Jordanne, la rivière qui passe par cette ville (vid. La Salle de Rochemaure, 1910, vol. 2 : 525, n. 2). Ce sont des données qui permettent d'identifier l'origine des pèlerins qui entonnaient ce chant.
Sem pelgrins de daiça vila
Que Aurlhac prôch Jordan s'apèla.
Abe m laissats pau bres en fans
E cars molhers et nôst parens,
Pèr andar en mai clientella
En San-Jacm de Campestella (Beaufrère, 1978 : 49, w. 1-6)".
Autre Chanson des Pèlerins de S. Jacques consacre à Blaye et à la traversée de la Gironde quelques vers, où l'on indique tout simplement qu'il faut payer pour pouvoir s'embarquer.
A Lusignan avons passés,
De Saintes à Pont, puis à Blaye,
Là où nous faut embarquer,
Pourvu que nous ayons monnoie (Anonyme, 1718: 10, w. 24-27).
Le grand Cantique du grand voyage des pèlerins de Saint-Jacques (En Galice en Espagne) inclut une allusion à la Seine. Les voyageurs pieux ont dû la traverser à Rouen. Ce n'est qu'une des étapes de l'itinéraire qui les mènera à Nantes. De Mons nous prenons la route,
Et Valenciennes, En passant par Douai, sans doute,
Arras et Amiens ; À Rouen, faut traverser la rivière
La Seine, En passant par Lisieux,
A Caen, à Vire et Fougère (Anonyme, s. d. : 1, vv, 9-16).
La grande Chanson des Pèlerins qui vont à S. Jacques présente une caractéristique particulière, qui la distingue d'autres chansons d'itinéraire. Elle décrit brièvement le trajet de retour des pèlerins français, après avoir rendu culte à l'apôtre à Compostelle. Dans cette partie finale du chant, il y a une strophe où l'on parle pour la deuxième fois du passage de la Gironde. Nous arrivâmes à Bordeaux, Où nous couchâmes ; Et puis nous livrant sur les eaux, Au port nous abordâmes.
De Blaye fîmes diligence
Vers nos parens, Qui nous croyoient pendant l'absence
Morts ou mourans (Daranatz, 1927, vol. 2 : 43, w. 269-276).
On peut bien voir qu'on n'y fait aucune allusion à la crainte de l'eau ou à la prière pour se protéger du danger associé à la navigation. La strophe consacrée à Blaye au commencement de la chanson, dans la description du trajet aller, contient déjà une allusion implicite à ces deux aspects. Les pèlerins n'ont pas peur quand ils s'embarquent à Blaye car leur chapelet les protège.
Quand nous fûmes au Port de Blaye,
Près de Bordeaux, Nous entrâmes dedans la barque
Pour passer l'eau. Il y a bien sept lieues de trajet,
Jusqu'à la ville ; Nous portions tous le chapelet
D'un cœur doux et tranquille (Daranatz, 1927, vol. 2 : 36, vv. 17-24).
En quelque sorte, on y fait remarquer que ce point du chemin vers Compos-telle est inquiétant et que le recours au chapelet et à sa récitation est nécessaire. Alors, il ne faut pas le répéter à la fin de la chanson.
Le grand Cantique du grand voyage des pèlerins de Saint-Jacques (En Galice en Espagne) présente une particularité intéressante, car la partie initiale de ce trajet se fait l'écho de deux étapes consécutives susceptibles de surprendre, Nantes et Bordeaux. On a lieu de penser que les pèlerins qui suivaient cet itinéraire avaient l'intention de s'embarquer à Nantes pour naviguer jusqu'à Bordeaux. La chanson ne le dit pas d'une manière explicite, mais c'est la déduction qu'il faut faire {vid. Inarrea Las fieras, 2006 : 32) :
A Nantes l'agréable,
Oh! grâce Dieu! Les habitants sont bien affables, Nous ont très bien reçus ;
[...]
A peine nous étions dans la ville
Nommée Bordeaux, Nous sommes invités à la confrérie,
Bien comme il faut (Anonyme, s. d., b : 1, vv. 25-36).
On peut donc dire que la mer est en quelque sorte présente dans cette chanson. Mais elle n'y est pas mentionnée. Cette absence mène à croire qu'elle n'est pas considérée ici comme un obstacle insurmonrable et que le voyage en bateau entre les deux villes nommées n'était pas une cause d'inquiétude chez les voyageurs pieux. Il faut tenir compte, en ce sens, que le voyage à Compostelle par mer était aussi réalisé depuis longtemps par les pèlerins provenant de l'actuelle Belgique".
2. Les chansons narrarives
Il faut aussi considérer un deuxième type de chansons sur le pèlerinage de Compostelle, caractérisées par leur nature narrative et ficrionnelle. Elles racontent des variantes d'une même histoire, dont les protagonistes sont des pèlerins qui, au cours de leur voyage vers Compostelle par mer, se trouvent dans une situation d'extrême danger : un orage éclate et ils ne peuvent pas continuer. Il leur faudra donc trouver une solution à ce problème : ils pourraient faire construire une chapelle ou commander des messes. Dans les deux cas, il faut payer. Finalement, on sacrifie un pèlerin qui s'est mal conduit dans le passé. On l'attache et on le jette à la mer. Quand le groupe parvient à Saint-Jacques, ils rencontrent ce camarade, qui est arrivé avant eux grâce au secours divin .
Dans le chant intitulé Les Pèlerins de Saint-Jacques on raconte l'histoire de cinquante pèlerins qui vont à Compostelle par mer :
C'est de cinquante pèlerins
Qui s'en vont à Saint-Jacques.
Quand ils y fut' bien éloignés
Dans un navire sur mer,
Ils ne pouvaient marcher
Ni avant ni arrière (Decombe, 1884 : 284, vv. 1-6).
La chanson en gascon qui a pour titre Lous Sents Vaqués présente un commencement similaire. Dans ce cas, ce sont vingt ou trente pèlerins qui se dirigent vers la Galice pour gagner leur salut éternel :
B'en éren bint ou trente, Aylas! moun Diu!
B'en éren bint ou trente,
De praubes pelegris.
S'en ban enta Sent-Yaques
Per gagna paradis.
Quoan houn au bord de l'aygue
Lou mau temps que us a pris (Mirât, 1969, vol. 1 : 48, vv. 1-sf.
Une autre composition en gascon intitulée Complainte ancienne pour les pèlerins de St-Jacques présente aussi un groupe de vingt ou trente personnes qui s'embarquent pour aller à Saint-Jacques :
Nous n'érem bin ou trente
De checun soun péïs.
Boulém ana Sen-Yaques
Per gagna Paradis.
Nous s'embarcam sus l'aygue
Pr'abrança de camins.
Quén t'ém sou miey de l'aygue,
Lou mechan téms s'abi.
Mé pluye, mé grabiéle
E nous quitam péri ([Foix], 1890 : 31-32, vv. 1-10)' .
Il y a un Troisième chant en gascon, Lous roumious de Sent Yaqués, qui se distingue des autres chansons narrarives par un aspect singulier. Cette caractéristique particulière est sans doute le produit de l'influence des chansons d'itinéraire : la situation de danger n'a pas lieu dans un bateau, au cours d'une traversée, mais au moment où les pèlerins vont passer sur un pont pas très solide. C'est à ce moment qu'un orage éclate. Voilà donc à nouveau le pont qui tremble, mais cette fois dans la fiction. Nous n'èrom bint ou trénto,
Hélas, moun Dîou! Nous n'èrom bint ou rrénto, Bint ou trénto, Roumîous. Boulèm ana à Sent Yacqués, Hélas! moun Dîou! Pér gagna Paradis.
Prouché dou pouru qui crémblo
Hélas! motin Dîou! Lou maoubès temps lous a susprés. Se dînt lotis us âous aoutés
Hélas! moun Dîou! Moun Dîou! que haram-nous aci ? (Dardy, 1891, vol. 1 : 54,vv 1-13)28.
La nature hostile bénéficie donc d'une importance remarquable dans ces créations. Autrefois, on établissait toujours un rapport étroit entre la mer démontée qui attrapait un bateau, et le péché commis par un voyageur qui se trouvait à bord : De différentes façons la mentaiité collective nouait des liens entre mer et péché. Dans les romans médiévaux revient comme un topos l'épisode de la tempête qui s'élève à cause de la pré-sence d'un grand pécheur -ou d'une femme enceinte, donc impure- à bord du navire assailli par les flots, comme si le mal attirait le mal. Ce lieu commun littéraire correspondait à une croyance profonde des populations (Deîumeau, 1978 : 39).
Le sacrifice d'un être vivant était conçu traditionnellement comme un rite utile à apaiser la colère de la mer. Cette immolation pouvait également avoir un caractère préventif pour les navigateurs :
Aussi pour conjurer la mer faut-il lui sacrifier des êtres vivants qui rassasieront - peut-être ? - son appétit monstrueux. Des ex-voto napolitains de la fin du XVIe siècle présentent des navires qui portent une peau de mouton. C'était un rite de conjuration de la mer. Au lancement d'un navire, on tuait un mouton blanc, on arrosait le bateau de son sang et on conservait sa peau à l'avant du bâtiment. On avait ainsi donné une vie à la mer pour qu'elle soit apaisée et n'exige pas celle des marins. Au XVIIe siècle, les marins barbaresques pratiquaient une variante de ce rite. Us emmenaient des moutons à bord. Quand la tempête éclatait, ils en coupaient un tout vivant par le milieu, puis jetaient une moitié de l'animal à droite du navire et l'autre à gauche. Si la mer ne se calmait pas, on sacrifiait successivement plusieurs animaux (Deîumeau, 1978 : 36).
Les quatre chansons narratives incluent ce lien entre orage, faute commise et sacrifice. Ce dernier consiste en un châtiment infligé à un voyageur pécheur. II est considéré comme coupable du déchaînement de la tempête et de la situation de danger qui s'ensuit. Dans Les Pèlerins de Saint-Jacques* on jette à la mer le pèlerin qui a été violent envers son père et sa mère :
Le plus vieux des cinquante
Il leut-z-a demandé :
« Y en a-t-il quelqu'un
« Dedans la compagnie
« Qu'ont battu pète et mère ?
« S'il y en a dans la compagnie,
Nous le jett'rons à la mer » (Decombe, 1884 : 284, vv. 7-13).
Lous roumious de Sent Yaquês montre une variante plus complexe de cette même situation. Il faut d'abord calmer la tempête avec la future érection d'une chapelle qui sera payée par tous les pèlerins. Si quelqu'un ne fait pas sa contribution, il sera sacrifié.
Câou dressa io chapèlo
Hélas! moun Dîou! Et da cadun lou soun ardit.
Y âou que l'ardit l'y manqué,
Hélas moun Dîou! Bé l'y câou sounjia à mouri (Dardy, 1891, vol. 1 : 54, w. 14-19)".
C'est l'enfant d'AJièto qui n'a pas d'argent. C'est pour cela qu'on lui demande si sa conduite dans le passé a été mauvaise. Il avoue qu'il n'a pas été bon avec ses parents. Alors, on le jette dans l'eau :
Lou praoubé enfant d'Alièto
Hélas moun Dîou! Lou soun ardit l'y a tarit. Tu, praoubé enfant d'Alièto, Hélas moun Dîou!
Y é qu'as-tu hèyt déns to un pays ? J'éy maoudit lou mén pèro,
Hélas moun Dîou! Et y è la mîo mèro aussi! Qu'où ttoussont et qu'où ligont, Hélas moun Dîou! Catbat l'ayguo Tant démbiat (Dardy, 1891, vol. 1 : 54-56, vv. 20-31)30.
Lous SenU Vaqués présente à son tour une situation très particulière. Une fois que l'orage a éclaté, les pèlerins ne font pas dire une messe pour l'arrêter, car il faut payer. C'est à ce moment que le diable leur apparaît et leur impose le sacrifice de l'un d'eux comme condition indispensable pour se sauver :
« Ha ram dise ue misse
Au noum de Yestis-Christ ? »
Mes nou-n hèn dise nade
Permou de paga ardks.
Lou diable qu'ous arribe :
« L'u de bous déu mouri,
Sinou per penitence
Nou soLirtirat d'aci » (Mirât, 1969, vol. 1 : 49, vv. 9-16) \
Les pèlerins décident, par le procédé de la courte paille, que c'est l'Enfant d'Egypte qui doit mourir. Mais on dirait que ce résultat apparemment aléatoire ne l'est pas du tout, parce que ce personnage avoue qu'il a commis des péchés très graves :
A l'Enfantou d'Egypte :
« Bostes pecats ? si dit [le prêtre],
- Qu'ey tuât à moun payre E à ma mayre aussi ;
Ma joéne fiançade, To us tern que la-n bâti.
- Oy! L'Enfantou d'Egypte Gratis pecats qu'as aqui.
- Troussat-me e ligat-me
Yetat-me au gran baniù » (Mirât, 1969, vol. 1 : 49, w. 27-36)'.
Dans la Complainte ancienne pour les pèlerins de St-Jacques il n'y a aucun pèlerin responsable de Forage pour avoir commis de mauvaises serions. Mais un voyageur appelé Fan torn de Laluyete ne peut pas faire son offrande pour apaiser la mer. Alors, ce sera lui qu'on sacrifiera pour sauver ses compagnons.
Disi chacun sa oférte
Enta que Diu s'es tiri de ci.
Lou permé qui manqtii loférte
Aci qn'a op péri.
O Fantom de Laluyete
L'oférte as-tu mancat ?
Be l'y troussen, be l'y ligtien,
Capbat l'aygue be Fernhin ([Foix], 1890 : 32, vv. 11-18)" .
Le manque d'argent de Fanrom de Laluyere le rend en quelque sorte responsable de la siruation de danger dans laquelle se Trouvent tous les pèlerins. On vient de voir dans Lous roumious de Sent Yaqués et dans Lous Sents Vaqués que cette circonstance est associée au péché ou est cause d'un gros dilemme, avec l'apparition du diable. La Complainte ancienne pour les pèlerins de St-Jacques présente une variante de cette histoire, dans laquelle on a omis le péché ou la faute commise par le pèlerin. On pourrait croire que c'était quelque chose de sous-entendu.
Cette tentative de calmer un orage au milieu de la mer par une promesse -accomplissement d'un pèlerinage ou construction d'une chapelle- apparaît dans un texte de l'importance du Quart Livre de François Rabelais. On peut voir, entre les chapitres XVIII et XXII, Pantagruel avec ses accompagnateurs supporrant une grande tempête au cours d'un voyage en bateau. Leur aventure n'est pas un pèlerinage. Ils accomplissent une circumnavigation, dans un milieu géographique de fantaisie. Au chapitre XIX, Pan urge, complèrement terrifié, fait des promesses à saint Michel et à saint Nicolas : « Sainct Michel d'Aure, sainct Nicolas, à ceste foys et jamais plus! Je vous foys icy bon veu er à Nostre Seigneur que, si à ce coup m'estez aydans, j'entends que me mertez en terre hors ce dangier icy, je vous édifieray une belle grande petite chap pelle ou deux » (Rabelais, 1973 : 638-639) . Au chapitre XXI, Panurge propose à ses camarades d'envoyer quelqu'un en pèlerinage : « Faisons (dist Panurge) quelque bon et beau veu. [...] ... faisons un pèlerin! [...] ... chascun boursille à beaux liards, [...] î » (Rabelais, 1973 : 642). Il faut ici tenir compte d'un aspect très important, signalé par Jean Delumeau, qui dépasse la fiction littéraire : la peur de Panurge est le reflet d'un comportement très réel chez les voyageurs de l'époque en mer : Au-delà de la lâcheté personnelle de Panurge, l'affolement qui le saisit face aux éléments déchaînés peut être identifié comme un comportement collectif aisément retrouvable dans les récits de voyages. Un comportement marqué par deux dominantes : le regret de la terre, lieu de sûreté par rapport à la mer ; er l'appel désordonné à des saints ptotecteurs (plutôt qu'à Dieu).
[...]
Les démarches superstitieuses du compagnon de Pantagruel [Panurge], présentées ironiquement par Rabelais, étaient évidemment habituelles en ces sortes de périls (Delumeau, 1978 :35)*.
On peut donc souligner que les quatre créations étudiées ici reproduisent un aspect réel de la mentalité d'autrefois, constitué par la peur de la mer associée à la culpabilité et le châtiment ou le sacrifice.
Comme on l'a déjà dit, ces chants racontent une même histoire miraculeuse. On y montre au début des pèlerins en danger à cause d'un orage et, à la fin, le résultat d'une intervention surnaturelle qui permet de savoir que le pèlerin pécheur jeté dans les eaux a obtenu l'absolution divine grâce à son sacrifice. Une telle histoire est assez proche des récits médiévaux qui racontent des miracles opérés par la Vierge Marie et qui ont été mis par écrit par des auteurs comme Gautier de Coinci et Gonzalo de Berceo. Cette narration contient aussi des éléments narratifs comme le péché, la pénitence, l'intervention surnaturelle qui sauve le mortel d'une situation difficile, le pardon et le salut.
La nature furieuse joue également dans ces compositions un rôle narratif . Elle fait partie d'un micro-récit initial composé de trois éléments {vid. Todorov, 1966 : 129-130) : la mise en marche des pèlerins, l'éclatement de l'orage et la situation de danger qui s'ensuit. Ce micro-récit fait les fonctions d'agression et de châtiment exercées sur l'ensemble des pèlerins. L'orage est une punition excessive et donc injuste, car elle tombe sur tout le groupe. Mais, en même temps, il permet d'identifier le pèlerin indigne. On trouve à partir d'ici un deuxième micro-récit dont les trois composants sont rétablissement d'une solution -érection future d'une chapelle, paiement d'une messe, recherche du pèlerin malfaiteur-, la découverte effective du pécheur et, finalement, son sacrifice. Ce micro-récit fait les fonctions d'identification du responsable de la tourmente et de disparition de la situation de danger. La narration s'achève avec un dernier micro-récit composé à son tour de trois éléments : l'arrivée du groupe à Compostelle, la rencontre du coupable et les renseignements qu'il donne à ses camarades de sa situation. Il a été sauvé grâce à une intervention divine ou bien il est vraiment mort, mais son âme reste avec Dieu et la Vierge. Les fonctions qu'il exerce sont l'heureux achèvement du voyage du groupe et la rédemption du pèlerin jeté dans les eaux.
On peut affirmer que les fonctions de ces trois micro-récits, présents dans toutes les chansons narratives, ont une orientation religieuse. Et précisément pour cela, ils contribuent à exprimer le sens du récit : les innocents ne doivent pas être punis et, surtout, il faut que le pécheur subisse son châtiment mérité pour obtenir le salut de son âme. En fin de compte, ces chansons racontent une histoire édifiante. Elles cherchent à distraire d'une manière pieuse le pèlerin de Compostelle au cours de son trajet.
3. Les chansons moralisantes et allégoriques
Finalement, or. peut établir un troisième groupe de chansons françaises de pèlerins de Saint-Jacques. Elles se distinguent par un but clairement moralisateur : on les a créées pour transmettre un enseignement religieux. Le thème de la nature y jouit d'une certaine présence et il est soumis à cette intention fondamentale.
La Chanson des Pèlerins de Saint Jacques, appelée aussi chanson des Rossignols ou de Valenciennes, a des caractéristiques propres aux chansons d'itinéraire, car elle inclut plusieurs étapes du chemin : Paris, le pont qui tremble ou Compostelle. Mais on y accorde une place importante à l'attitude correcte que le bon pèlerin jacquaire montre en cours de route. La pitié, l'austérité et l'humilité sont des vertus primordiales :
Si quelque bonne personne,
Nous donnoit parfois l'aumosne,
Nous la prenions de bon cœur,
Puis d'vne affection bonne
En bénissions le Seigneur (Anonyme, 1616 : 201, vv. 36-40).
C'est pour cela qu'on doit la considérer comme une composition avec une forte charge édifiante : l'attitude décrite est un exemple à suivre pour d'autres voyageurs pieux. A ce sujet, on y indique que Dieu est toujours présent dans les pensées du pèlerin, quelles que soient les conditions climatiques, favorables ou adverses, à affronter.
Tout nostre pèlerinage
Par beau remps, ou par orage,
Auons le Seigneur bénit ;
Encor que sous vn feuillage
Nous deiïssions passer la nuict (Anonyme, 1616: 200-201, vv.
31-35).
La Chanson du Devoir des Pèlerins vise de même à exposer une leçon de morale chrétienne. On y développe un discours qui expose aussi quelle est la conduite que le pèlerin suit sur le chemin. Il doit savoir supporter les adversités propres au pèlerinage. Parmi ces difficultés, on inclut la nature hostile.
D'une ame libre et franche,
Se renoncer aux plaisirs
Que vous preniez en France,
Car vous aurez loisir,
Cheminant en Espagne,
De peu vous contenter,
Bien que mainre montagne
Il vous faudra monter (Daranatz, 1927, vol. 2 : 46, vv. 113-120).
Le Peller in spirituel de Saint-Jacques est sans doute une production particulière dans ce dernier groupe de chansons. A vrai dire, elle occupe une place très singu-
lière par rapport à toutes les créations analysées ici. Elle présente une interprétation du voyage à Compostelle comme un parcours intérieur. C'est plutôt l'âme du chrétien qui accomplit un itinéraire vers son salut éternel, tout d'abord dans la vie terrestre et postérieurement dans l'au-delà, après la mort physique. Cette idée rapproche ce chant d'un autre intitulé Sur un Gentilhomme qui a fait le Voyage de S. Jacques, & s'est rendu Capucin. Cette composition finit avec la strophe suivante , qui reproduit la conception de la vie humaine comme un parcours qui conduit au royaume des deux.
On est dans ce pieux voyage
Délivré de tout accident,
Et c'est pat ce pèlerinage
Qu'on peut aller au Firmament (Anonyme, 1718 : 29, vv. 53-56).
Le Pellerin spirituel de Saint-Jacques a donc un sens allégorique (Inarrea Las Heras, 2003) mis au service d'un but moralisateur très clair. Cette intention édifiante détermine la représentation de la nature dans cette chanson. Sa onzième strophe montre également un modèle de vie chrétien, caractérisé par l'austérité et la foi. La traversée d'un territoire désert est une métaphore de cette dure existence consacrée à Dieu :
Marchant sur une terre aride,
Quoy qu'il soit las, Jamais pourtant il n'est avide
D'aucuns soûlas ; Mais il regatde à tous momens
La Providence, Se soumettant à son Seigneur
En grande dépendance (Müller, 1914 : 216, vv. 89-96).
La dix-septième strophe présente l'arrivée des pèlerins à la campagne de l'oraison, à la montagne et à la maison du saint repos : Quand nous fusmes dans la campagne,
De l'oraison Nous aperceusme la montagne,
Et la maison Du saint repos. O doux séjout,
Terre chérie, Où sont avec vous tous les saints,
Et Jésus et Marie! (Müller, 1914 : 217, w. 137-144)
Voilà une représentation métaphorique de la dernière étape de la vie chrétienne. La campagne, la montagne et la maison sont les lieux où l'on se prépare à quitter ce monde (Inarrea Las Heras, 2003 : 89-90).
L'auteur inconnu du Pellerin spirituel de Saint-Jacques a trouvé dans La grande Chanson des Pèlerins de Saint Jacques* ou dans une de ses versions, une source d'inspiration thématique. Il s'en est servi pour la composition de plusieurs strophes. En ce qui concerne la nature, il y parle aussi de la région des Landes, de la traversée de montagnes comme celles du col de Pajares et du pont qui tremble 0acomet, 1995 : 189-191):
Quand nous fusme[s] dedans les Landes,
Hélas, mon Dieu, Que nos fatigues furent grandes,
Dedans ce Heu! Les fiers démons nous y vouloient
Faire grand peine. Nous ne trouvions dans cet endroit Ny ruisseau ny fontaine.
Quand nous fusmes dans les montagnes,
Que de frayeurs, Quy venoient estre nos compagnes,
Et que d'horreurs! Nous ne voions de tous costez,
Que précipices ; Nos esprits estoient attaquez
Des plus noires malices.
[...]
Quand nous fusmes au Pont qui tremble,
De tous costés Les démons s'en venoient ensemble,
Tous appostés, Pensans nous faire tout à fait
Perdre courage, Mais fust alors qu'on nous apprit
D'en avoir davantage (Müller, 1914 : 218-220, vv. 169-176,201-208,225-232).
Ces trois strophes reproduisent les étapes du parcours de l'âme chrétienne au Purgatoire. Les démons et les précipices menaçants font partie d'une nature allégorique hostile qui met cette âme à l'épreuve. Cela permet de supposer que l'auteur du Pellerin spirituel de Saint-Jacques a aussi utilisé d'autres sources littéraires, en plus de La grande Chanson des Pèlerins de Saint Jacques (Inarrea Las Heras, 2003 : 87-88, 90-91 et 94). Il s'est peut-être servi du Tractatus de Purgatorio Sancti Patricii d'H. de Saltrey (vers 1185), de sa traduction en français par Marie de France, L'Espurgatoire Seint Patriz (vers 1190), ou d'autres versions postérieures. Il faut tenir compte de ce que Jacques Le Goff signale à ce propos :
Après la traduction de Marie de France il y aura de nombreuses rédactions du Purgatoire d'H. de Saltrey en latin et de nombreuses traductions en langue vulgaire, noramment en français eten anglais. [...]
Dante a pratiqué de près le traité d'H. de Saltrey. La renommée de celui-ci ne s'éteint pas avec l'époque qu'on appelle traditionnellement Moyen Age. Rabelais et l'Arioste y font allusion. Shakespeare considère que cette histoire est familière aux spectateurs de Hamlet et Calderón écrit une pièce sur ce thème. La vogue du Purgatoire de saint Patrick dans la littérature savante et populaire dure au moins jusqu'au XVI 11e siècle (Le Goff, 1981 : 269-272).
En fait, Le Goff mentionne aussi une version française du Purgatoire de saint Patrick qui était encore populaire au XVIIP siècle. Elle a été publiée en 1855 par le comte de Douhet dans le Dictionnaire des légendes du christianisme (vid. Le Goff, 1981 : 272, n. 3). Le créateur du Peller in spirituel de Saint-Jacques aurait probablement utilisé cette version, compte tenu de la possible proximité chronologique entre les deux textes.
L'œuvre éditée par Douhet présente plusieurs images allégoriques du Purgatoire dans lesquelles la nature a une présence importante. On a constaté l'existence de ressemblances entre ces images et les Landes, les montagnes et le pont du Pellerin spirituel de Saint-Jacques. Pendant son séjour au Purgatoire, le protagoniste du récit, Louis Enius, soldat dans les armées d'Irlande", supporte et contemple dix supplices, dont quatre - du deuxième au cinquième - ont lieu dans des contrées inhabitables, comparables aux Landes pleines de démons. Le deuxième tourment {vid. Marie de France, 1995 : 158-165) en fournit sans doute un bon exemple :
Le peu de progrès que firent tes démons en cette première attaque [le premier tourment], les contraignit à prendre la fuite avec des hurlements effroyables ; puis me prenant du lieu où j'étais, ils me transportèrent dans une terre dure et noirâtre, où soufflait un vent si aigu, qu'il me semblait qu'un glaive me transperçait le corps de part et d'autres ; de là, à petits pas, ils me conduisirent dans une cave sombre, où je vis une infinité d'âmes tourmentées, pleurant impitoyablement leurs disgrâces avec des voix lamentables et si douloureuses que ce bruit seul, frappant mon ouïe, m'épouvantait et m'obligeait d'étouper mes oreilles (Douhet, 1855 : co!. 1014).
La scène du huitième tourment (via. Marie de France, 1995 : 186-189) de Louis Enius présente une montagne très haute où le vent souffle si fort que les condamnés se précipitent dans une rivière. La terreur de ces gens est comparable à celle qui est ressentie par l'âme du Pellerin spirituel de Säint-Jacques au moment où elle traverse les montagnes :
Les démons [...] me transportèrent sur une montagne si haute qu'elle semblait frapper le ciel de sa cime [...]. Mais ce qui redoubla mon appréhension pour lors, fut de me voir au faîte de cette montagne si élevée, d'où jetant les yeux en bas, j'aperçus un fleuve si large et si profond, qu'il n'y a point de mer si grande qu'elle soit, qui lui puisse être comparée ; [...]. Us [les démons] me firent donc voir comme un vent impétueux soulevait les âmes des damnés jusqu'au haut de cette affreuse montagne, d'où avec des cris et hurlements épouvantables ils se précipitaient dans ce fleuve (Douhet, 1855 : col. 1016-1017).
Le dixième supplice [vid. Marie de France, 1995 : 194-201) que Louis Enius devra subir est une épreuve qui consiste à traverser un pont tendu sur une rivière pleine de monstres ', ce qui la rapproche de la portée symbolique du pont qui tremble :
[Les démons] m'empoignant par le collet, me transportèrent en un fleuve si épais et profond, que la pensée humaine est trop faible pour se représenter la crainte que le bruit terrible des ondes écumantes de ce fleuve ensoufré me donnèrent alors ; ce fleuve était couvert d'un côté de feux et de flammes au lieu d'eau, et de l'autre c'était une boue noirâtre et puante qui aurait fait soulever le cœur des plus robustes.
Au lieu de poissons c'étaient des monstres marins, dont les écailles hideuses étaient des pointes aiguës qui traversaient les misérables damnés qui se trouvaient autour d'eux [...].
... ils [les démons] m'enlevèrent sur un pont fort élevé, par où ils me direnr que je devais passer ce fleuve qui était si spacieux et si large que je n'en pus voir les limites (Douhet, 1855 : col.1021-1022).
Vazquez de Parga, Lacarra er Una Riu ont bien montré que le thème du pèlerinage de l'âme, en relation avec la route de Compostelle, a été aussi traité dans d'autres littératures romanes, comme l'espagnole ou la porrugaise {vid. Vâzquez de Parga, Lacarra y Una Riu, 1949, vol. 1 : 530-532). Il y a quelques romances espagnoles qui en parlent, comme celle qui a pour titre El aima en pena . On y montre l'âme en pèlerinage, qui souffre au milieu d'une nuit obscure. On n'y inclut aucun pont, mais on y parle d'une rivière profonde qui empêche la marche de l'âme :
soy un aima pecadora
que para Santiago diba ;
hallara un rio muy fondo
y pasarlo non podîa (Menéndez Pidal, 1885 : 223, w. 15-18).
El alma romer a de Santiago {vid. Vazquez de Parga, Lacarra y Urfa Riu, 1949, vol. 1 : 530-532) esr une autre romance populaire espagnole où l'on présente aussi une âme qui va à Compostelle et qui trouve sur sa route une rivière. C'est également un obstacle pour son voyage :
Cuando yo me moria mis padres se me dormfan ;
Ni ellos me encendi'an luz ni yo pedirla podia.
El aima va un no abajo por donde pasar no habia ;
Gritos que daba aquel aima en el cielo los pom'a.
Un caballero la oyó, que él i acostarse diria :
- « Si eres alma pecadora, Dios venga en tu companfa. »
- « Aima pecadora soy desta noche fenecida. »
- « Toma esa vela en la man o ve a Santiago de Galicia. » (Goyri, 1906:378, w. 1-8).
Les deux romances espagnoles présentent fo n da men rale men r la même situation. On y voit l'âme du défunt qui a commis des péchés. Le pèlerinage de Compostelle peut bien être interprété ici comme le passage du Purgaroire de la part de l'âme vers son salut. La rivière devient une importante épreuve à surmonter sur cette route si difficile.
À ce sujet, le folldoriste portugais Joâo de Vasconcellos parle d'une tradition populaire portugaise qui est liée à l'âme pèlerine vers Santiago et à la traversée d'un pont. Celle-ci apparaît également comme une difficulté qu'il faut affronter pour obtenir le salut éternel. La surveillance menaçante du Diable sous le pont ne fait que rendre encore plus difficile ce passage.
A a!na nâo póde sal var-se, se nâo passât na ponte de S. Thiago de Galliza e, passada a ponte, vir juntar-se ao corpo, que esta sobre terra, para o acompanhar a sepultura : é para isso que o corpo nâo deve ser sepultado senâo 48 horas depois do failed-mento. Se o corpo é sepultado antes que a aima tegresse, se esta se retarda na viagem e, na volta, nâo encontra o corpo sobre terra, a alma perde-se e o corpo fîca excommungado. A ponte de S. Thiago é toda aberta (nao tem pavimento), e a passagem, que a aima atravessa, tâo estreka como o gume d'uma faca. Se a aima nâo póde atravessar a ponte, se cae, perde-se, e o corpo vai a enterrar sem aima. Segundo uma orra versâo, por baixo da ponte, esta o diabo com umas fotganchas na mäo e fogueiras accesas. Quando as aimas passam, o diabo abana com a ponte, a vér se as aimas caem abaixo : as aimas que passam, salvam-se, as que caem abaixo, väo para o inferno (Vasconcellos, 1899 : 46)"
On constate donc l'existence d'une relation qui unit le pont qui tremble du Pellerin spirituel de Saint-Jûcques, le pont trouvé par Louis Eni us, les romances espagnoles ci-dessus nommées et le folklore portugais. Tous ces produits littéraires et culturels partagent et expriment ici un même fonds de mentalité religieuse.
Après avoir connu les souffrances et les dangers du Purgatoire, les pèlerins spirituels de la chanson allégorique arrivent au paradis terrestre. Il s'agit d'un véritable locus amcenus, où la nature devient aimable et accueillante : c'est une plaine et non pas une montagne avec des précipices effrayants, et il y a une fontaine et non pas de rivières hideuses et puantes. Les âmes ch ré rien nes se sen rent enfin soulagées : Quand nous fusmes dedans la plaine
Du saint repos, L'eau de la divine fontaine
Vint dans nos os ; C'est icy que les biens du ciel Coulent en terre ;
Les pèlerins disent entre eux :
Nous n'aurons plus la guerre (Müller, 1914: 220-221, vv. 241-248).
Le texte publié par Douhet présente également une vision du paradis terrestre (via. Marie de France, 1995 : 208-235) comme un endroit plein de délices. Les éléments naturels que Louis Enius y observe renforcenr et enrichissent cette image douce et plaisante :
[...] je me trouvai en une si belle vallée, que sa beauté me conviait d'y faire ma demeure, et goûter à longs traits des contentements si purs. [...] ... je pris ma route par cet endroit, contentant mes sens de tant de beautés, mes yeux et mon odorat de la couleur et de l'odeur des roses, dont les feuilles, tombant à terre, jonchaient et parfumaient le chemin de leur douceur et de leur beauté, et mes oreilles du doux gazouillement que faisaient les ondes argentines de quantité de petits ruisseaux qui coulaient le long du sentier (Douhet, 1855 : col. 1023-1024).
4. Conclusions
On peut affirmer que les chansons françaises du pèlerinage de Compostelle montrent une triple dimension de la nature dans l'univers du culte de l'apôtre. Il existe donc plusieurs présences de la nature dans ces créarions. Elle est le cadre réel d'une aventure authentique, le voyage vers la tombe de saint Jacques. Elle est aussi le cadre fictionnel d'événements miraculeux qui s'inspirent de la réalité du pèlerinage. Finalement, la nature est un élément allégorique qui fait partie d'un voyage inrérieur accompli par l'âme chrétienne : la vie, conçue comme un pèlerinage vers le salut éternel, une fois qu'on a connu les épreuves du Purgatoire. Ces trois dimensions sont en accord avec les fonctions propres aux trois types de compositions qu'on a montrées ici : renseigner - chansons d'itinéraire-, distraire pieusement - chansons narratives -et instruire -chansons moralisantes et allégoriques (vid. Inarrea Las Heras, 2001-2002).
En tout cas, la nature apparaît surtout comme un élément hostile. C'est un vérirable ennemi pour le pèlerin. La souffrance et le sacrifice sont pour celui-ci des condirions inévitables et nécessaires pour pouvoir accéder à la récompense qui l'attend à la fin du voyage : la joie d'arriver à Compostelle ou l'accès au Paradis. Et cette nature peu amiable est à l'origine d'une bonne partie des dures épreuves vécues par les voyageurs pieux. La seule exception à cette présence ennemie de la nature en cours de route se trouve dans les chansons d'itinéraire. On y mentionne très souvent la traversée du territoire proche de Vitoria comme une expérience agréable. Dans la Chanson des pèlerins de Saint-Jacques de Compostelle ' on dit que les pèlerins y peuvent jouir de la vision et de l'odeur des fleurs, du romarin, du thym et de la lavande : Autre peuple et vitoire,
Fumes joyés De voyt les montâmes flories,
En gran odeur. De voyt florir le roumarins,
Tim et lavande (Chenivesse, 1885 : 263-264, w. 64-69).
Mais il ne faut pas oublier l'allégorique plaine du saint repos du Pellerin spirituel de Saint-Jacques, qu'on vient de voir.
Dans les chansons d'itinéraire, la description du milieu naturel réel est la manifestation d'une expérience de voyage vécue, de manière plus ou moins continuelle au cours de l'histoire, par beaucoup de français qui ont décidé un jour de visiter la tombe de saint Jacques. On y trouve une connaissance collective, acquise et offerte à de futurs pèlerins qui pourront en profiter. C'est un produit vital, conséquence logique de la communication établie, grâce aux pèlerins, entre territoires, paysages et peuples différents. Dans ce sens, les chansons d'itinéraire sont de petits récits de pèlerinage très profitables, car elles fournissent des renseignements pratiques très utiles sur les routes vers Saint-Jacques. La comparaison avec de véritables narrations françaises en prose de pèlerinage à Compostelle et de voyage en Espagne a été nécessaire et très enrichissante. En effet, elle a apporté une vision d'ensemble plus large de ce phénomène religieux et a permis de confirmer et aussi de nuancer les contenus des chansons concernant la nature.
La nature fictionnelle, propre aux chansons narratives, est un élément menaçant avec une fonction mise au service d'un but distrayant et édifiant. La tempête permet le châtiment du pécheur, indispensable pour le dénouement heureux de l'histoire racontée. Les pèlerins innocents sauvent leurs corps et le coupable sauve son âme. Le contraste avec les récits médiévaux des miracles de la Vierge aide à bien analyser la structure de l'histoire racontée dans ces chants et aussi à déterminer sa propre identité: on empêche une injustice collective à cause d'un péché commis par une seule personne ; en plus, sa rédemption spirituelle n'est pas forcément accompagnée de son salut physique.
En tout cas, la peur de la mer, présente dans les chansons d'itinéraire et dans les chansons narratives, est sans doute un sentiment négatif très enraciné dans la mentalité collective d'autrefois.
Quant aux chansons moralisatrices, la comparaison entre les trois compositions étudiées permet d'y apprécier une même vision de la nature. Elle fait partie d'une certaine conception de la vie chrétienne comme un dur pèlerinage vers le salut éternel. Il s'agit d'une vision de l'existence qui est également présente dans d'autres géographies et d'autres cultures. La nature est un environnement défavorable, un obstacle qu'il faut supporter et surmonter. Mais ici il faut surtout mettre en relief la complexité du Peller in Spirituel de Saint Jacques, en raison de l'énorme influence provenant du Purgatoire de saint Patrick. Ce texte a fourni à l'auteur de la chanson son caractère allégorique et l'interprétation spirituelle de la nature qu'on y trouve.
Les divers traitements de l'environnement naturel qu'on a constatés dans les chants étudiés ont une grande valeur significative. Ce thème a permis de constater que ces compositions sont un véritable produit culturel et, par conséquent, un témoignage très intéressant de la connexion entre le culte de saint Jacques, les mentalités et la culture d'autrefois et aussi les littératures française, romane et même latine médiévale.
* Articulo recibido el 11/12/2018, aceptado el 25/05/2019.
1 À ce propos, le Liber Sancti Jacobi (XIF siècle) expose quelques commentaires très clairs sur les Landes : « C'est un pays désolé, où l'on manque de rout ; il n'y a ni pain, ni vin, ni viande, ni poisson, ni eau, ni sources ; les villages sont rares dans cette plaine sablonneuse qui abonde cependant en miel, millet, panic et en porcs » (Vieillard, 1990 :19).
2 Cette chanson fait partie d'un petit livre in ri ru lé Les Chansons des pèlerins de S. Jacques, paru en 1718. Cependant, l'analyse de la rime des chants (tous anonymes) contenus dans ce livre permer de croire qu'ils ont été écrits vers le milieu du XVIIe siècle. Par conséquent, toutes les compositions tirées des Chansons des pèlerins de S. Jacques er citées dans le présent travail doivent être datées de cette époque. Cependant, il y a lieu de croire que les trois chansons d'itinéraire inclues dans ce livre ont une origine plus ancienne. Elles pourraient remonrer au Moyen Age, peur-érre au XI Vr siècle. Vid. Inarrea Las Heras (2010 : 143-151) ex infra, n. 16.
3 Le passage suivant du Liber Sancti Jacobi, à propos de ce territoire, confirme le rapport entre l'époque estivale et le sable qui rend difficile la progression des marcheurs: «Si par hasard, tu traverses les Landes en été, prends soin de préserver ton visage des mouches énormes qui foisonnent surtout là-bas et qu'on appelle guêpes ou [aons ; er si ru ne regardes pas tes pieds avec précaution, tu t'enfonceras rapidement jusqu'au genou dans le sable marin qui là-bas esr envahissant » (Vielliard, 1990 : 19). Vid. aussi Daux (1908: 16).
4 Jean-Baptiste Daranatz a édité en 1927 le contenu d'un livret pareil à Les Chansons des pèlerins de S. Jacques ci qui parrage le même titre. Il a éré publié à Toulouse vers la première moitié du XVIIIe siècle. Le travail de Daranatz inclur l'édition de cinq chansons anonymes des pèlerins de Com postel le. Elles sont toutes des versions d'autant d'autres compositions contenues dans le livret de 1718. Il faudrait donc les dater de la même époque que celles-ci. Dans le présent article on en a cité trois. Vid. Daranatz (1927, vol. 2:23-61).
5 En rapport avec la montagne comme endroit hostile, Alicia Yllera (2012 : 69-70) signale : « La mon-raiîa como paraje inhóspito y peligroso es frecuente en textos de los siglos XVI y XVII, antes de que la mirada romantica descubriese en ella un lugar idilico donde el hombre descubre la grandeza de la naturaleza. [...] El yermo de la sierra era considerado como una zona peligrosa para el hombre medieval, renacentista o posterior, porque era un espacio ajeno a la civilización, una tïerra salvaje, poblada de fieras damnas y de animales féroces ».
6 Jean-François de Bourgoing (1748-1811), diplomate français, a fait de longs séjours en Espagne qui lui ont permis d'acquérir une profonde connaissance de ce pays. Il est l'auteur du Nouveau voyage en Espagne (1789) et du Tableau de l'Espagne moderne [1797). Quand il fait l'éloge de l'état des chemins au Pays Basque, il parle du reliefde la partie de ce territoire qui est plus proche de la France. C'est une contrée accidentée, où la tâche de construed on des voies de communication ne fut pas facile. Il ne fair que confirmer, en quelque sorte, ce que les chansons d'itinéraire indiquent par rapport au relief bis-cayen : « ...la différence entre les derniers chemins de France & les premiers de l'Espagne, est tout à l'avantage de ceux-ci. Les chemins de la Biscaye peuvent être cités parmi les plus beaux de l'Europe ; peu de pays ofFroient plus de difficultés à cet égard. La Biscaye qui touche aux Pyrénées, semble une vaste prolongation de ces montagnes, jusqu'aux bornes de la Castille. Pour y tracer une route, il y avoit des descentes trop rapides à adoucir, des précipices à éviter, des croupes escarpées à tourner avec adresse. Un pareil terrein nécessitoit le déploiement de tout l'art de la construction des chemins » (Bourgoïng, 1789, vol. 1 :6-7).
7 Voici, à ce sujet, les quatre premiers vers de cette chanson : « Quand nous partîmes de Bruxelles, / Capitale de Brabant. / Nous dîmes à revoir à cette ville belle, / Et à tous nos parents » (Anonyme, s. d. : 1, w. 1-4).
8 Cette composition est une chanson d'itinéraire qui, à partir de la strophe consacrée à l'étape de Bayonne, présence de notables ressemblances avec les chants d'itinéraire contenus dans Les Chansons des pèlerins de S. Jacques et dans l'édition de Daranatz. Il faut donc lui supposer la même datation qu'aux autres créations mentionnées. En plus, les premières strophes de cette chanson présentent les noms de localités telles que Mous, Valenciennes, Douai, Arras, Amiens ou Lisieux. Elles sont situées sur des routes du nord de la France et de l'actuelle Belgique. Les pèlerins de Compostelle les fréquentaient depuis le Moyen Âge. L'existence, à cette époque et dans ces villes, de confréries de pèlerins de Compostelle, d'hospices destinés à ces voyageurs pieux et d'églises concacrées à saint Jacques en est la preuve. Et il ne faut pas oublier le témoignage apporté par le moine alsacien Herman Künig von Vach. Il accomplit ce pèlerinage à la fin du XVe siècle et écrivit un guide rimé, destiné à l'usage des pèlerins alemands. Il y mentionne quelques-unes des villes qu'on vient de nommer : Valenciennes, Douai, Arras, Amiens, {vid. Georges, 1971 et Vasque/, de Parga, Lacarra et Uria Ri'u, 1949, vol. 1 : 221-227). Tour cela servirait à soutenir l'hypothèse selon laquelle cette chanson remonterait à l'époque médiévale, du moins au XVe siècle. Il faut tenir compte qu'une chanson d'itinéraire telle que celle-ci ne fait en réalité que décrire un trajet qui est d'abord devenu très habituel pour les pèlerins et qui est jalonné de villes avec des confréries, des hospices et des églises liés à saint Jacques.
9 À vrai dire, les paroles de cette chanson ont été publiées comme un texte en prose. Chaque strophe apparaît comme un paragraphe. Mais on a pu constater que ce n'était pas compliqué de reconstituer les strophes, qui sont très pareilles à celles de La grande Chanson des Pèlerins de Saint Jacques.
10 Vid. Luzaide (1925 : 83). Le type de strophe et les vers utilisés, ainsi que le contenu général, permettent bien de croire que la composition originale en français était sûrement une variante de La grande Chanson des Pèlerins de Saint Jacques.
11 Luzaide met dans une note en bas de page la version française de cette strophe. Il faudrait croire qu'il s'agit de la strophe originale : « Quand nous fûmes a la montagne / Apellée Ose / Au cœur me vint une pensée / De ma famille / Je me souviens qu'au départir / De notre ville / Sans dire adieu à nos parens / Fûmes a notre guise » {Luzaide, 1925 : 84, n. 2).
12 Antoine de Lalaing (1480-1540), officier de Philippe le Beau, a accompagné celui-ci au cours de ses voyages en Espagne, réalisés en 1501 et en 1506 {vid. Gachard et Piot, éds., 1874-1882, vol. 1 : VI et Irïarrea Las Heras, 2017 : 68-70). Dans ce dernier travail on signale par erreur que le premier voyage de Philippe le Beau en Espagne a eu lieu en 1502. Lalaing a écrit l'œuvre intitulée Voyage de Philippe le Beau en Espagne, en 1501. Il y raconte le premier séjour de ce prince dans la péninsule Ibérique. La plupart de cet itinéraire sur le territoire français coïncide avec la route suivie traditionnellement, surtout à partir de la fin du Moyen Age, par les pèlerins français de Composrelle provenant du nord er de l'ouest de la France. Ceux-ci entraient en Espagne par Irûn. Ce chemin s'identifie aussi, dans une grande mesure, avec la via Turonensis ci-dessus nommée (vid. Vazquez de Parga, Lacarra et Urfa Riu, 1949, vol. 1 : 233-234). Lalaing a continué son périple jusqu'à Burgos. Le trajet entre ces deux dernières villes, qui traverse les provinces basques de Guipùzcoa et Alava et entre en Castille, était aussi très utilisé par les pèlerins jacquaires {vid. Vâzquez de Parga, Lacarra et Urfa Rfu, 1949, vol. 2 : 31-33). On y trouve Segura, localité de la province de Guipû/.coa, près de laquelle se trouve la montagne de San Adrian. Ce voyageur la mentionne et signale que c'est une étape vraiment difficile : « Le lundi, vi tu Monseigneur [Philippe le Beau] quatre lieues, et logea à Ségure, où pluseurs compaignons vinrent pareillement au-devant de luy. Ceste ville est au piedt de la moiuaignc Saina-Adryen, sur laquèle, mauvaise et dangereuse au passer, tousjours chargié de nèges, a une porte où il faut nécessairement passer pour aller à Saïnet-Jacques, à l'honneur de qui y a une chapelle soubz ladicte porte, déclarant que c'est le chemin illec » (Lalaing, 1874-1882, vol. 1 : 149). Guillaume Manier, tailleur français originaire de la région de Picardie, a fait à pied le pèlerinage de Composrelle en 1726. Il a écrit un récit de cette expérience, le Voyage d'Espangne. Il y raconte également son ascension de cette montagne, qui n'a pas été précisément facile : « Nous étions pour lors au pied de la montagne Saint-Adrien [...]. Cette montagne est une des plus hautes du monde, il fa tir bien deux heures pour y parvenir. Et y étant arrivés, vous voyez une pierre aussi grosse, roui d'une pièce, comme le plus gros château que l'on puisse s'imaginer, où dedans le milieu est un trou percé que l'on appelle le trou Saint-Adrien, où dedans est une chapelle et un cabaret. Et de là en bas paraît tout précipice de toutes parts » (Manier, 1890:51).
13 Le chain publié en 171S contient aussi ces deux strophes (via. Anonyme, 171S : 33-34, vv. 66-7rt). Cependant, la première ne fait pas allusion à Malvedo, mais à Montfermt, qu'on ne saurait identifier. S'agit-ïl d'une mention erronée du sanctuaire de Montserrat ?
14 Vid. Vazquez de Parga, Lacarra et Una Rfu (1949, vol. 2 : 563-564). Au XVIe siècle, Antoine de Lalaing racontait déjà que les Sept Soeurs étaient une étape très dure de son pèlerinage : « Le lundi, passèrent sept maulvaises montaignes, nommées les Sept-Soers, et puis passèrent la montaigne des Chièvres qui est la pire» (Lalaing, 1874-1882, vol. 1 : 157). Cette impression est confirmée par le cartographe Albert Jou vin de Rochefort (1640-1710) dans son œuvre intitulée Le voyageur d'Europe, où sont les voyages de France, d'halte et de Maltbe, d'Espagne et de Portugal, des Pays Bas, d'Allemagne et de Pologne, d'Angleterre, de Dänemark et de Suède (1672-1676). Pendant son séjour en Espagne, il a fait également la route de Compostclle à partir de Burgos. Après sa visite de la Galice, il s'est rendu aux Asturies, où il a pu connaître « cette affreuse montagne des sept Sœurs, qui sont sept montagnes les unes sur les autres» (Jouvin de Rochefort, 1672, vol. 2 : 177). On a bien vu que les chansons et les récits étudiés ne donnent pas une vision favorable des paysages asturîens. Cependant, on ne doit pas passer sous silence le témoignage de Laurent Vital, qui a été aide de chambre au service de l'empereur Charles Quint. Il a accompagné celui-ci au cours de son premier séjour en Espagne en 1517. Il en a écrit un récit, édité en 1881 sous le titre Relation du premier voyage de Charles-Quint en Espagne (vid. Bennassar et Bennassar, 1998 : 1237). Il y offre une brève description géographique des Asturies, où il inclut des aspects hostiles qui confirment ce que les chansons expriment à ce sujet. Mais il en présente également des caractéristiques plus positives : « Pour aucunement satisfaire à ceulx qui désirent sçavoïr de la nature du pays d'Esture [...], selon qtie je i'ay veu et entendu, ce pays est piain de haultes montagnes et vallées et en plusieurs lieux est inhabitable, pour les désers qui y sont ; et en plusieurs de ces vallées y a de aussy fructueuse et fertile terre comme par dechà, comme prairies, jardins, terre à labeur, qui annuèlement produisent largement biens, comme bled, avainne, soucrion, orge, millot, aussy des vins bien bons et des fruietz, comme pommes, poires, oranges, grenades, figh.es, noix, cerises et châtaignes ; et si ont des bonnes pastures pour nourir leur bestial » [Vital, 1874-1882, vol. 3 : 93-94). Vid. aussi Bennassar et Bennassar (1998 : 214).
15 D'après Joseph Millier, éditeur de la Chanson nouvelle, cette création a été transcrite dans le livre de la confrérie en 1680 par son prévôt, nommé Jean Le Sueur {vid. Müller, 1914 : 213, n. 1). La revision de l'ortographe de la chanson dans l'édition de Müller a permis de constater la présence de s devant consonne dans beaucoup de mots -p. ex. part ismes, esglise, fus mes, clmmasmes, etc.- et aussi de la terminaison -oyedans monnaye. Ce sont des traits qui permettraient de dater ce chant de la seconde moitié du XVIIe siècle.
16 D'autres versions de la Complainte des pèlerins d'Aurillac ont été puhliées dans La Salle de Roche-maure (1910, vol. 2: 522-533), Canteloube (1951, vol. 2: 103-105) et Nelli (1980: 87-91). Abel Beau frère date cette chanson du XIVr ou du XV' siècle. Pour sa part, René Nelli date la version qu'il a éditée du début du XIVr siècle. Vid. Beaufrère (1978 : 60) et Nelli (1980 : 87-88).
17 Voici la traduction en français de cette strophe, réalisée par René Lavaud : « Quand nous Rimes à Bordeaux, / il fallut nous risquer sur l'eau ; / "Dieu! malheureux! que deviendrons-nous / si saint Géraud ne nous protège?" » {La Salle de Rochemaure, 1910, vol. 2 : 527).
18 La chanson de geste fournit plusieurs exemples de cette contrainte géographique. Dans Atiseïs de Cartage [début du XI\Y siècle) ou peut voir comment ses personnages parcourent trois fois le chemin de Compostelle. Le troisième voyage est accompli par Charlemagne et son armée. Ils doivent aider Anseïs contre les Maures qui le pourchassent. Ils suivent la via Turonensis et arrivent à Blaye. Là, ils peuvent constater que la Gironde n'est pas facile à traverser. Alors, la crainte et l'inquiétude s'emparent des soldats : « A Blaives vinrent devant une avespree, / Voient Geronde, ki tant est grans et lee ; / N'est pas merveille, se il l'ont redotee. / Dist luns a l'autre : "Sainte vertus nomee, / Cornent sera li os outre pasee ? / Maudite soit Espaïgne, la contrée! / Mainte jovente i est morte et finec." / De paser fu li os mout esfreee, / Car il n'i ot pont ne plance parée » (Anonyme, 1892 : 342, v. 9500-9508).
19 Antoine de Lalaing a fait le pèlerinage de Compostelle au cours de son premier voyage en Espagne. Il l'a commencé à Burgos. Il est passé par Leon et Oviedo et a longé la cote asturienne jusqu'en Galice. Il a visité aussi Navia et Ribadeo. Il n'a pas non plus manqué de faire remarquer dans son récit le danger qu'a comporté pour lui et ses accompagnateurs la traversée de la rïa de Ribadeo, à cause d'un orage : « Le mardi, premier jour de march, partis de Thou [Otur], passèrent ung bras de mer à la ville dicte Namua [Nävi al, et puis ung aultre brach de mer, plus grandt et plus dangereux des trois, où ils furent en dangier, car il faisoit tourment, et gistèrent à Ribdieux [Ribadeo], noef lieues de Namua » (Lalaing, 1874-1882, vol. 1 : 157). Pour sa part, Guillaume Manier est également passe par Ribadeo après son séjour à Compostelle. Il a aussi traversé la ria proche de cette ville. Ça a été pour lui une expérience vraiment épouvantable, à cause du mouvement violent des vagues de la mer : « Vous voyez les flots effroyables de la mer s'élancer en l'air les uns sur les autres, qu'il semble qu'ils vous menacent de ruine, joint au bruit effroyable qu'ils font : qui donnent un mouvement à la barque où vous êtes, qui font descendre la barque er.tre deux flots, comme si elle descendait dans un précipice ; puis vous croyant englouti de ces ondes, une autre vous fait remonter au plus vite, comme dessus une montagne.
Voilà le manège que cela fait pendant le passage, qui vous cause des peurs épouvantables, que vous croyez à tous moments être péri » [Manier, 1890 : 99-100).
20 Vid. Vazquez de Parga, Lacarra et Uria Rfu (1949, vol. 2: 564-566). Jouvin de Rochefort tait quelques commentaires sur ce pont. Il expose sa propre explication en relation avec le nom qu'on lui a donné : « mais je crois plùtost qu'il est ainsi appelle, à cause du flux de la mer qui venant à le heurter le fait trembler » (Jouvin de Rochefort, 1672, vol. 2 : 176).
21 Voici la traduction en français de cette strophe, réalisée par René Lavaud : v Quand nous fûmes sur les ponceaux, / comme ils tremblèrent au passage qu'on fit! / Nous croyions mourir : "Paix! ah paix! / Sauve les pèlerins, saint Jacques!" » (La Salle de Rochemaure, 1910, vol. 2 : 529).
22 Via. Vazquez de Parga, Lacarra et Una Riu (1948, vol. 2 : 453, n. 48, et 454). Jean-François Peyron (1748-1784), diplomate (de même que Jean-François de Bourgoing) et homme de lettres français, a été secrétaire d'ambassade à Madrid. Les connaissances acquises de l'Espagne au cours de son séjour dans ce pays ont été reflétées dans ses Essais sur l'Espagne (1780) et son Nouveau voyage en Espagne fait en 1777 et 1778 (1782). Il n'a pas non plus manqué de parler de Miranda de F.bro ; de l'Èbre, qui baigne cette ville ; de la grande force de son courant, et des ponts qui permettaient de le traverser : « On sort de cette ville [Miranda de Ebro] par un pont de pierre, long de cent soixante pas, construit depuis quelques années, l'ancien ayant été emporté par l'Ebre qui est là très-rapide» (Peyron, 1782, vol. 2 : 345)- Cet ancien pont, est-ce celui qui est m lu [ion né dans ht chanson d'An ri Mac ?
23 Voici la traduction en français de ces vers, réalisée par René Lavaud : « Nous sommes des pèlerins de la ville / qu'on nomme Aurillac près Jordanr.e : / nous avons laissé nos parents, / nos épouses et tous nos gens, / pour aller en plus grande troupe /voir saiur Jacques de Compostelle » (La Salle de Roche-maure, 1910, vol. 2 : 525).
24 Vid. Herwaarden (1993 : 359-362). Un bon exemple de cette pratique du pèlerinage de Compos-œlle est fourni par le seigneur flamand Jehan de Zeilbeke (1453-1531), qui a visité la tombe de l'apôtre en 1511. Il a fait la plupart de son voyage par mer. Il a écrit un récit de cette expérience qui commence comme suit : « S'ensuir un autre voyage fair par moi, Jehan de Zeilbeke, à notre seigneur saint Jacques en Galice. Je partis de mon hôtel de Coin mi nes le 18 mars 1511 pour alier à Nieuwpoort où un bateau de soixante tonneaux m'attendait, avec d'autres pèlerins, pour se rendre à Saint-Jacques » (Péricard-Méa, dir., 201I: 197-199). De toute façon, Jehan de Zeilbeke adresse dans son texte quelques conseils à de futurs pèlerins, d'éventuels lecteurs de son texte, afin qu'ils sachent que la mer peut être cause d'inconvénients pour eux : « Assurez-vous qu'il [le patron du bateau] vous donne bien vos provisions, car on est souvent mal traité. Certains pèlerins ayant le mal de mer ne peuvent ni boire, ni manger. Us perdent leur argent. Et quand le bateau ne peut partir et qu'il faut rester au port, le patron fait débarquer tout le monde. Et une fois qu'on est à terre, c'est sans les provisions du patron » (Péricard-Méa, dir., 2011 : 199).
25 Dans cette histoire on trouve l'influence de deux récits miraculeux de saint Jacques, qui font partie du deuxième livre du Liber Sancti Jacobi (vid. Inarrea Las Heras, 2001b: 95-101). Cela autorise à croire que les chansons narratives étudiées dans le présent travail pourraient bien remonter au Moyen Âge. Le pèlerinage de Co m postel le commence à acquérir une dimension internationale à partir du XIe siècle. Il faut établir une marge de temps suffisant pour que la connaissance des miracles du Liber Sancti Jacobi et la pratique de ce pèlerinage soient assez répandues en France. Cela expliquerait l'apparition de ces chansons. En plus, si l'on tient compte qu'Abel Beaufrère ec René Nelli datent du XI Vr siècle leurs versions de la Complainte des pèlerins d'Aurillac, on pourrait peut-être situer à cette même époque la naissance de ces créations. En fin de compte, chansons d'itinéraire et chansons narratives sont le produit d'un même phénomène religieux.
26 Voici la traduction des ces vers, réalisée par Gaston Mirât : « Ils étaient vingt ou trente, / Hélas! mon Dieu! / Ils étaient vingt ou trente, / Les pauvres pèlerins / S'en allaient à Saint-Jacques / Pour gagner paradis. / Mais sur le bord du fleuve / Le mauvais temps les prit » (Mirât, 1969 : 48). Mirât a traduit le mot aygue (v. 7) par fleuve. En réalité, aygue signifie eau, qui a un sens plus large que fleuve et peut être traduit par mer. Alors, on pourrait traduire le vers 7 comme suit : « Maïs sur le bord de la mer ».
27 On propose la traduction suivante de ces vers : « Nous érions vingt ou trente, / Chacun de son pays. / Nous allions à Saint-Jacques / Pour gagner le Paradis. / Nous nous embarquâmes sur mer / Pour raccourcir le chemin. / Quand nous étions au milieu de la mer, / Le mauvais temps arriva. / Beaucoup de pluie et de grêle, / Nous crûmes mourir ». On a traduit le mot aygue par mer, en cohérece avec le vers 4 des Pèlerins de Saint-Jacques et la traduction qu'on vient de présenter du vers 7 de Lous Sents Vaqués.
28 Voici la rraducrion des ces vers, réalisée par Leopold Dardy (1891, vol. 1 : 55) : « Nous étions vingt ou trente, / Hélas! mon Dieu! / Nous étions vingt ou trente, / Vingt ou trente pèlerins. / Nous voulions aller à Saint Jacques, / Hélas! mon Dieu! / Pour gagner le Paradis. / Près du pont qui tremble / Hélas! mon Dieu! / Le mauvais temps les a surpris. / Ils se dirent les uns aux autres / Hélas! mon Dieu! / Mon Dieu! que ferons-nous ici ? ». Le pont qui tremble et le mauvais temps font penser à la proximité de la mer orageuse, comme dans les chansons d'itinéraire.
29 Voici la iraducrinn des ces vers, réalisée par Leopold Dardy (1891, vol. 1 : 55) : « Il faur élever une chapelle / Hélas! mon Dieu! / Ec donner chacun son argent / Et celui auquel l'argent manquera, / Hélas! mon Dieu! / Il lui faui songer à mourir ».
30 Voici la traduction des ces vers, réalisée par Leopold Dardy (1891, vol. 1 : 55-57) : «Le pauvre enfant d'Aliéné / Hélas! mon Dieu! / Son argent lui a tari. / Toi, pauvre enfant d'Aliette, / Hélas! mon Dieu! / Et qu'as-tu fait dans ton pays ? /J'ai maudit mon père, / Hélas! mon Dieu! / Et ma mère aussi! / On le trousse er on le lie, / Hélas! mon Dieu! / En has de l'eau on l'a jeté »,
31 On détecte ici l'influence d'un autre miracle de saint Jacques, qui est également inclus dans le deuxième livre du Liber Sancti Jacobs. Cela contribuerait à confirmer l'origine médiévale de cette création. Via. Inarrea Las Heras (2001b : 95-101).
32 Voici la traduction des ces vers, réalisée par Gaston Mirât (1969 : 49) : « "Ferons-nous dire messe / Au nom de Jésus-Christ ?" / Point n'entendirent messe / Car il fallait payer. / Alors survint le diable : / "L'un de vous doit mourir, / Sinon, par penitence, / Ne sortirez d'ici" ».
33 Voici la traduction de ces vers, réalisée par Gaston Mirât (1969 : 49) : « [Le prêtre! Dit à l'Enfant d'Egypte : / "Confessez vos péchés. / - Las! j'ai tué mon père, / Tué ma mère aussi. / Ma jeune fiancée, / Toujours je la battais. / - Oh! pauvre Enfant d'Egypte, / Ce sont là grands péchés. / -Ligotiez-moi, mon père / Et dans l'eau me jetez" ».
34 On propose la traduction suivante de ces vers : v Que chacun fasse son offrande / Pour que Dieu nous sauve. / Le premier qui ne fera pas son offrande / Devra mourir. / Fanrom de Laluyere, / N'as-tu pas fait ton offrande ? / Alors, troussons-le, ligotons-le, / Et jetons-le dans l'eau ».
35 Vid. Iiîarrea Las Heras (2001b : 97-98, n. 29).
36 Ä ce sujet, le témoignage de Laurent Vital est très révélateur. Il raconte que le premier voyage de Charles Quint en Espagne a été réalisé par mer en septembre 1517, et que le cinquième jour de ce périple a éclaté un fort orage. Le futur empereur a décidé, dans cette situation inquiétante, de faire la promesse de se rendre à Compostelle : « La mer se esmeut et enfla par telle partie, que les waghes d'eaues venoient donner contre la navire de si grant raiidou que ce sembloient coups de tonnerre ; ainsy craquoit et bucqnoit l'eaue par waghes et undes aussy haul tes que montaignes, que redo ubloi ent drut et souvent, telle violence faisoit le bateau à fendre, ouvrir et passer ces grandes undes de mer. [...] Or cognoissant le bon prince que en tel dangereux affaire Dieu debvoii estre servi et invocquet, à ceste cause promisr que, luy venu en terre, et sitost que!a peste sera cessée [la Galice souffrit une épidémie de peste en 1517], de aller servir Dieu et visiter Sainet-Jacques en Galice ; et croy que, se ne fust esté ladicte contagieuse maladie de peste, que le Roy eust illecque prins terre. Et semblables voyages promirent aussy plusieurs seigneurs et grains maistres » [Vital, 187-4-1882, vol. 3 : 77-78).
37 On suit ici l'étude de Jose fin a Albert Calera sur les Milagros de Nuestm Senora de G on zal o de Berceo. Vid. Albert Galera (1987 : 14-37).
38 Joseph Müller a aussi édité cette création, de même que la Chanson nouvelle. Il signale qu'elle fut transcrite dans le livre de la confrérie des pèlerins de Senlis en 1689 par Claude Labitre, prévôt de la confrérie à l'époque {vid. Müller, 1914 : 213)- On y trouve également: s devant consonne dans beaucoup de mors -p. ex. vostre, tnsterest, fusmes, fismes, tousjours, etc.- oti la diphtongue -0/dans des formes verbales telles que voulaient ou semblait. Cela permettrait aussi de dater ce chant de la seconde moitié du XVIIe siècle.
39 Cette strophe n'apparaît pas dans l'édition de Daranatz. Vid. Daux (1899 : 43, n. 1) et Daranatz (1927, vol. 2: 52).
40 Ce personnage est identifié comme mi litem unum nomine Owein dans le Tractatus de Purgatorio Sancti Patricii d'H. de Salrrey et comme le chevalier Owens dans XEspurgatoire Seint Patriz de Marie de France. Vid. Marie de France (1995 : 122-123).
41 Louis Enius raconte son expérience dans le Purgatoire à la première personne.
42 A propos du motif du pont allégorique, Julian Muela signale que « el puente infernal, estrecho e infranqueablc para los pecadores es, junto con la rueda, probablem en te e! motivo mas rico en simbo-lismo de las representaciones médiévales del Mas Alla [...]. Su origen cnmo elemento de prueba ul-tramundana parece persa, de donde pasaria al Coran [...] ; pero su presencia en la tradición celta es también conncida y se refleja en los relatos artûricos. [...] En su sentido religioso, el puente se asimila a otro motivo, el de la èalanzaqut sépara justos de pecadores, ya que solo los piadosos y puros podrân atraversarlo [...] » [Benedeit/Mari'a de Francia, 2002 : 216, n. 40).
43 Juan Menéndez Pidal distingue plusieurs [ypes de romances chantées aux Asturies, dans l'édition qu'il publia en 1885. El aima en pena y apparaîr, éditée et identifiée comme romance religieuse et mystique. Il situe son origine « en tiempos eu que la fé llevaba tantos peregrinos â Santiago de Galicia » (Menende/ Pidal, 1885 : 328). Il faudrait croire que cette création remonte au Moyen Âge, époque d'apogée du pèlerinage de Compostelle.
44 Via. Vazquez de Parga, Lacarra y Uria Ri'u (1949, vol. 1 : 532).
45 Ceue composition est originaire de l'ancienne région du Vivarais. Il s'agit d'une autre variante de La grande Chanson des Pèlerins de Saint Jacques. Il faudrait donc la dater de la mêque époque que celle-ci (vid. supra, a. 2 et n. 4). Joseph Chenivesse (1885 : 262) la date de la seconde moitié du XVIe siècle.
RÉFÉRENCES BIBLIOGRAPHIQUES
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Para citar este articulo / Pour citer cet article :
INARREA LAS HERA;), Ignacio (2019) : «Signification de la nature dans les chansons françaises des pèlerins de Saint-Jacques : réalité, fiction et moralité ». Cédille, revista de estudios franceses, 16, 273-293. DOI : https://doi.Org/10.25145/j.cedille.2019.17.l6.17.
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Abstract
This paper focuses on nature as subject-matter of the French songs in the Jacobean route. It analyses the role and treatment of nature as determined by the type of composition in which it appears. Three different kind of songs have been established : en route (informative), narrative (entertaining) and moralizing (didactic). In the first category, nature forms part of a collective pilgrimage experience available for future devout travellers. In the second group, nature is a useful resource for the edifying distraction of the pilgrim. Finally, in the compositions that possess a moral aim, nature is a means to express certain notions of Christian life. As a conclusion, we have proved that nature is conceived of as the variable manifestation of the bond between the worship to Santiago and an experiential context including culture and literature that reaches toward the Modern Age but can be traced back at least to the Middle Ages.