Keywords: forums; intercomprehension; plurilingual corpus; frequency; collocations; concordance
Linguistic analysis tools such as corpora and concordancers (and the study of concordances derived from them) now enable us to take a different and, in some ways, more objective look at linguistic data and, in this particular case, at the discourse expressed on the subject of intercomprehension, especially the opinions of trainees during several intercomprehension training sessions. The systematic collection of participants' responses during the last training sessions (on the Miriadi platform and in the last year on the Moodle platform) enabled us to build up a small multilingual corpus, which helped us conduct a discourse analysis on intercomprehension by means of concordances. In the final phase of the session, participants were asked to answer four questions about what they liked best, what they liked least, what they had learned and what they would like to change. The analysis of these data by the concordancers, through the study of certain key words and their frequency, enables us to better understand the advantages but also the problems linked to this type of collaborative and plurilingual distance learning and to better calibrate the activities, timing and modalities of future session. A corpus analysis of the comments made by participants in IC training sessions, and in particular the comments they posted as an evaluation of the experience, showed that participants are well aware that this type of training offers a new way of learning languages, which is obvious to the organisers, but which may be considered too difficult, or even impossible, for the participants. However, a study of the occurrences and frequencies of the words in the corpus shows very clearly that this type of approach helps to develop a modus agendi, a different way of acting, by contributing to the acquisition of cross-cutting skills linked to working together, making joint decisions, accepting compromises, accomplishing multiple tasks, respecting the time of other participants, learning about the history and culture of other countries, respecting different points of view, time management and patience. In the end, the participants' comments encourage us to transform intercomprehension into a daily practice that is not only functional for the student's training, but also forms part of the skills acquired for use in private and professional life.
1. Introduction
Depuis 2010, nous participons, d'abord en tant que stagiaire, puis en tant que formatrice, à des sessions annuelles d'apprentissage de l'intercompréhension tant comme mode de communication entre pairs que comme moyen d'apprentissage de langues étrangères. En effet, il s'agit d'un domaine digne d'intérêt faisant appel à la motivation des participants qui souhaitent entrer en contact avec des collègues étrangers et découvrir quelque chose de nouveau dans le paysage plus vaste des méthodologies utilisées pour l'apprentissage des langues. Lorsque les participants commencent à comprendre ce que sont les stratégies de compréhension d'une langue inconnue ou presque inconnue, et comment les utiliser, ils passent d'une simple curiosité à un sentiment de satisfaction pour ce qu'ils font et à une grande fierté de découvrir qu'ils sont capables de comprendre une langue étrangère avec laquelle ils n'étaient jamais entrés en contact auparavant.
Il nous a donc semblé particulièrement intéressant d'étudier le discours des participants eux-mêmes autour de ce type de formation, dans un double objectif: d'une part, comprendre ce que cette expérience de formation délivre en termes de compétences professionnelles (linguistiques en premier lieu, mais aussi transversales) et personnelles (relationnelles, empathiques, etc.); d'autre part, obtenir un retour d'expérience des protagonistes permettant d'améliorer et/ou d'enrichir les formations à venir.
Nous avons donc décidé de collecter un corpus plurilingue contenant les réponses formulées par les participants à la fin de la session de formation aux questions suggérées par les organisateurs, portant notamment sur ce que les participants ont apprécié ou non de l'expérience, sur ce qui devrait être modifié et sur les compétences qu'ils ont acquises au cours de la formation.
Dans cet article, nous décrirons d'abord la session de formation à l'intercompréhension organisée par Apicad avec la collaboration de collègues de plusieurs universités européennes et internationales; dans un deuxième temps, nous présenterons les outils employés pour l'étude du corpus, en soulignant les avantages de l'analyse du discours assistée par un logiciel de concordance; dans un troisième temps, nous nous concentrerons sur l'analyse proprement dite de ce que nous avons appelé la «langue de l'intercompréhension».
2. Les sessions de formation à l'intercompréhension
Le concept d'intercompréhension est apparu dans la réflexion des chercheurs en didactique des langues étrangères au tournant des années 1970 et 1980 (Bonvino, Garbarino 2022: 23) et il y a environ trente ans, grâce à des projets initiés par un certain nombre de collaborations scientifiques internationales (nous pensons en particulier aux projets Eurom4, Galatea et Eur°ComRom), l'intercompréhension est devenue un objet d'étude pour faciliter la compréhension de la lecture dans le contexte de l'apprentissage des langues romanes. Depuis lors, de nombreux projets ont été conçus et développés pour contribuer à cette réflexion et, au fil des décennies, les définitions1 du concept d'intercompréhension ont été différenciées, élargies et modifiées et ont été soutenues, comme l'affirment Bonvino et Garbarino (2022: 110), par diverses écoles de pensée. Les formations qui font l'objet de notre étude sont notamment liées au projet Miriadi2 (Mutualisation et Innovation pour un Réseau de l'Intercompréhension à Distance), conçu avec un triple objectif: premièrement, créer un «lieu», certes virtuel, où le public potentiellement intéressé par l'IC (écoles, universités, associations et professionnels de l'apprentissage des langues) puisse se «rencontrer» et avoir des informations et des échanges sur tous les aspects de l'IC; deuxièmement, créer un centre de ressources en ligne librement accessible à tous les publics potentiels; troisièmement, créer une plateforme de formation en IC destinée non seulement aux étudiants mais aussi aux professionnels désireux de s'initier à l'IC et d'expérimenter des pratiques d'apprentissage et/ou d'enseignement des langues étrangères en IC. Par ailleurs, l'association APICAD a vu le jour pendant le projet, un organisme3 qui pouvait perdurer au-delà des années du projet. Ce sont quelques membres de cette association qui, chaque année, dispensent aux étudiants une formation en IC qui, dans la plupart des cas, fait partie d'un parcours institutionnalisé dans le cadre du programme d'études de leurs universités respectives. La formation dure quatre mois et se déroule chaque année, généralement de septembre à décembre. Elle consiste en deux typologies de travail/formation, qui s'entrecroisent: l'une en classe avec son propre professeur et avec son propre «groupe institutionnel» (ou GI), composé notamment d'étudiants inscrits au cours dans chaque université, l'autre, en distanciel, avec un ou deux professeurs, participant en tant que «formateurs» et avec le «groupe de travail» (ou GT), composé d'étudiants des universités étrangères. L'objectif du travail du GI est d'approfondir le concept et la pratique de l'IC et de se concentrer sur les points saillants des stratégies mises en oeuvre pour comprendre les «discours» en langues étrangères inconnues des autres partenaires. Dans le GT, en revanche, les étudiants sont appelés à travailler dans des groupes internationaux plurilingues, à se mettre en jeu pour réaliser un projet dans le cadre d'un travail télécollaboratif à distance dans un environnement plurilingue. Le nombre de participants à une session de formation peut varier d'une année à l'autre, mais il se situe généralement entre 120 et 150 personnes, y compris les formateurs et formatrices. Chaque session est divisée en cinq phases, chacune ayant un objectif et une durée spécifiques.
La phase 0 se déroule au cours des toutes premières semaines de la formation. Au cours de cette phase, les formateurs présentent la feuille de route de la session; ils demandent également aux participants de se familiariser avec la plateforme4 utilisée pour les échanges. Par ailleurs, ils sont invités à s'y inscrire et à compléter leur profil personnel et du GI. Tous les participants ont également été invités à s'inscrire, à regarder les courts-métrages et à entamer une discussion au sein de leur équipe locale.
Dans la phase 1, chaque GI s'engage à rechercher et à proposer dans les forums des courts métrages, parmi lesquels sera choisi, par une série de votes successifs, celui qui donnera lieu à tous les travaux des phases successives étant donné qu'il constitue l'élément déclencheur de la thématique de la session. Les courts métrages proposés se doivent d'avoir des caractéristiques bien précises; être accessibles en ligne, être intéressants et facilement compréhensibles par tous les participants. Une attention particulière est accordée à la composition des GT, afin qu'ils soient équilibrés en fonction du nombre et de la provenance des participants et de la variété des langues qu'ils connaissent.
Après avoir constitué les groupes de travail selon les critères énoncés cidessus, et après avoir choisi le court métrage qui sert de thème à la session, la phase 2 est lancée et les activités des groupes de travail (GT) commencent, avec deux objectifs principaux: d'une part, les membres du GT décident conjointement quelle sera la production finale du groupe qui développera le thème choisi, en assurant également un lien avec l'intercompréhension; d'autre part, les membres du GT identifient les différentes étapes de leur travail et proposent un calendrier avec des objectifs et des tâches partielles à réaliser pour aboutir à la création de la production finale. Ils ont également la charge d'envisager quels outils ou logiciels peuvent être utilisés pour développer leur projet. La rédaction du plan de travail est une phase très importante car les participants sont appelés à collaborer, à négocier et à accepter des compromis afin de parvenir à une décision commune. Ils apprennent également à segmenter le travail en sous-objectifs et à programmer les activités pour respecter le calendrier de la session. Au niveau individuel, c'est le moment de se mettre en avant, en fonction de ses compétences et de ses intérêts, pour contribuer à la réussite du projet de travail du GT. Le rôle des enseignants-formateurs, coordinateurs des GT dans cette phase et dans les étapes successives, est fondamental puisqu'ils assurent la médiation, y compris linguistique, entre les membres de leur GT, sollicitent la participation de ceux qui, pour diverses raisons, éprouvent des difficultés à s'impliquer, suivent l'évolution des travaux et, en cas de «conflit», aident les participants à trouver des solutions partagées.
Au cours de la phase 3, les membres des différents GT entrent dans le vif du sujet conformément au plan de travail afin de pouvoir publier, à la fin de la période fixée, leur production finale dans un espace public, par exemple sur les pages web des réseaux sociaux créées spécifiquement dans ce but. Les participants sont en contact permanent les uns avec les autres pour faire avancer le travail et des sousgroupes peuvent être créés en fonction des tâches à accomplir. Une relation directe s'établit alors, qui s'avère très formatrice pour chaque participant, puisqu'au sein de ces sous-groupes, ils expérimentent la nécessité de se débrouiller seuls, sans médiateur, et de trouver une solution de communication efficace si les langues qu'ils connaissent ne sont pas les mêmes.
La phase 4 est consacrée à la publication du produit final du groupe de travail lui-même, afin que les membres des autres groupes de travail puissent le voir et exprimer leurs opinions et suggestions. Les participants reprennent «virtuellement» le travail dans leur GT d'origine et participent aux activités, observant entre-temps les réactions du «monde extérieur» aux productions de leurs GT. Celles-ci sont résumées dans le Caderno de Resumos, qui contient également tous les liens nécessaires pour accéder et visualiser les productions réalisées5. Le bilan des activités est également dressé en répondant aux questions posées par le responsable de la session dans un forum créé à cet effet.
Comme nous pouvons le constater, il s'agit d'une session très complexe à gérer, dans la mesure où elle est dense en échanges et en interactions, susceptibles de produire un grand nombre de messages que les participants échangent sur les forums de la plateforme choisie comme «lieu de rencontre» des différents groupes (GI et GT). Des retards peuvent survenir dans les travaux de chaque GT en raison du manque d'implication de certains membres ou de la quantité de travail à réaliser pour atteindre les objectifs fixés. L'étude de la langue de l'IC, que nous présenterons dans la section 4, nous montrera les avantages et les inconvénients de ce type de formation, selon le regard des acteurs réellement impliqués tout au long du processus.
3. Pour un corpus plurilingue de la «langue des forums d'évaluation de l'intercompréhension»
Avant l'avènement des ressources numérisées, il existait une longue tradition d'analyse linguistique basée sur corpus, couvrant des domaines de recherche tels que les études bibliques et littéraires, la lexicographie, les études dialectales, les études grammaticales et les études sur l'enseignement des langues (Kennedy 1998: 13-19). La recherche scientifique contemporaine dans le domaine de la didactique des langues et de l'analyse linguistique utilise désormais des bases de données linguistiques, appelées corpus, comme matériel d'étude authentique et fiable. De fait, dans tous les domaines (acquisition des langues, linguistique comparée, pédagogie des langues, syntaxe et sémantique), le terme corpus désigne le matériel linguistique que les chercheurs utilisent pour observer l'usage de la langue. Depuis le début du XXe siècle, ce que McEnery, Wilson (2004: 1-4) appellent «Early Corpus Linguistics», la méthodologie adoptée par les linguistes consiste à observer la langue effectivement employée par ses locuteurs. Toutefois, le mot corpus, mais aussi ce qu'il représente, est employé dans des sens différents, liés à différents courants de pensée. En effet, il pourrait désigner toute collection de textes. Cependant, il existe des collections basées uniquement sur des textes littéraires, par exemple, qui constituent en fait des archives et non des corpus tels que définis dans la discipline Linguistique de Corpus (Habert, Nazarenko, Salem 1997: 7, 11; Williams 2005: 14). Le sens retenu dans cet essai est celui proposé par Sinclair (1996: 4) qui parle de corpus comme d'une collection de données linguistiques sélectionnées et organisées selon des critères linguistiques clairement définis et servant d'échantillon d'une langue donnée. Par ailleurs, le mot corpus a tendance à avoir des connotations spécifiques liées aux caractéristiques des textes que l'on souhaite inclure dans notre collection, qui concernent généralement le fait que ces textes constituent un échantillon de la langue à analyser, suffisamment représentatif et numérisé. Rastier (2005: 32) quant à lui, affirme que les critères de constitution doivent être définis en fonction de l'application que nous souhaitons faire du corpus, autrement dit du type d'analyse que nous voulons mener: «un corpus est adéquat ou non à une tâche en fonction de laquelle on peut déterminer les critères de sa représentativité et de son homogénéité». C'est pourquoi de nombreuses typologies de corpus ont été définies au fil des décennies, des corpus de référence aux corpus de langues spécialisées, en passant par les corpus synchroniques ou diachroniques, les corpus d'apprenants, etc.6 En outre, à côté des corpus de langue écrite et orale, il est de plus en plus courant de parler de corpus multimodaux, composés non seulement de textes écrits ou oraux, mais aussi de documents audiovisuels qui comportent une transcription textuelle accompagnée parfois d'indications extralinguistiques concernant la proxémie.
Si cette typologie de sources, jusqu'au début des années 50, était analysée à la main et son analyse était chronophage, avec l'avènement des nouvelles technologies, la numérisation des textes et la création de logiciels capables d'analyser des quantités élevées de données linguistiques, le temps de production des données s'est considérablement réduit; en quelques secondes (parfois en quelques minutes en fonction de la taille et de la typologie de notre corpus), nous pouvons demander au logiciel d'extraire de la banque de données ce qui nous intéresse pour poursuivre notre analyse. Les logiciels de concordance, ou concordanciers, sont devenus de plus en plus fonctionnels et permettent une analyse fine du corpus, basée sur le système key-word-in-context (KWIC), soit la recherche du mot-clé qui est restitué au centre de l'écran sous forme de lignes de concordances dans le contexte (à droite et à gauche) dans lequel il a été produit à l'origine.
3.1 Le corpus plurilingue de la langue des forums d'évaluation de l'IC
Compte tenu de toutes ces prémisses, le moment est venu de décrire le corpus que nous avons collecté pour mener à bien notre analyse.
Lors de la session de formation en IC, dans la dernière phase du cours, les participants sont invités à faire le bilan de l'expérience. Il s'agit d'un véritable moment de réflexion sur quatre aspects fondamentaux qui ont caractérisé cette expérience: ce qui a plu, ce qui a moins plu, ce qui devrait être changé et ce que les participants ont appris de cette formation. Il s'agit évidemment d'une autoévaluation, qui n'est pas basée sur des paramètres externes définis par d'autres personnes, mais sur leur propre ressenti.
Nous avons rassemblé les réponses des participants aux sessions de 2020 et de 20227, pour un total de presque 11.000 mots. Il s'agit donc, d'un corpus de petite taille et très spécialisé dans la mesure où il ne contient que des discours produits autour de l'évaluation d'une session de formation à l'IC. En tout état de cause, il s'agit d'un corpus plurilingue compte tenu des contributions des locuteurs et locutrices des langues du projet: en particulier, dans le corpus de la session 2020, 4 langues sont représentées (pour entrer dans le détail, 8 locuteurs/locutrices hispanophones, 9 francophones, 3 italophones et 2 lusophones); dans le corpus de la session 2022, en revanche, 5 langues sont représentées, avec 3 hispanophones, 10 francophones, 4 italophones, 4 lusophones et un catalan. Par ailleurs, il comprend 4 sous-corpus: Corpus Aimé, contenant les réponses à la question «Qu'est-ce que vous avez aimé le plus?»; corpus Pas aimé, qui relève de la question «Qu'est-ce que vous avez aimé le moins?», corpus Modifier, concernant la question «Qu'est-ce qu'il faudrait modifier?» et corpus Appris, relatif à la question «Qu'est-ce que j'ai appris de cette formation?».
Après avoir constitué notre corpus, nous avons analysé les données linguistiques par le biais du logiciel Antconc©8, un concordancier gratuit disponible en ligne, qui nous donne des informations sur la taille du corpus ainsi que sur la fréquence des mots qui composent la ressource. Il nous donne la possibilité d'effectuer des recherches avancées en lui demandant d'organiser les occurrences par ordre alphabétique en fonction du contexte gauche ou droit du mot-clé. En particulier, grâce à cette dernière fonction, en observant les collocations et en tenant compte des critères d'analyse proposés par la linguistique de corpus9 (notamment ceux des collocations et de prosodie sémantique), nous pouvons tenter d'interpréter les occurrences obtenues à partir de la recherche par mots-clés10.
4. Etude de la langue des forums d'évaluation d'une formation en IC
Nous proposons dans cette section, une analyse détaillée des discours des participants à une session de formation en IC, tout en gardant la distinction entre les différents sous-corpus que nous avons énoncés dans la section précédente.
L'analyse de la première question, concernant ce qui a été le plus apprécié, et en particulier l'observations de la fréquence des mots pleins, nous indique un emploi relevant de verbes indiquant l'action, le fait d'agir. Nous avons en effet remarqué que les verbes exprimant l'idée d'appréciation sont suivis dans la plupart des cas de verbes tels que travailler, participer, monter (un projet), communiquer, interagir, pratiquer, conocer, trabajar, practicar, rencontrer, partecipare, discuter, échanger, lire, réaliser, choisir. Nous avons également remarqué l'emploi d'adjectifs très positifs pour décrire l'expérience menée, en particulier les suivants: intéressant, commun, bellissimo, enriquecedor, enrichissant, bienveillantes, ravie, affascinante, chouette, constructif, energetica. Nous avons également relevé la présence des adjectifs tels que différent (9 occurrences), diverso (9 occurrences), autre(s) (9 occurrences), outro (portugais, 3 occurrences), otro (espagnol, 7 occurrences), altre (italien, 2 occurrences) et altres (catalan, 3 occurrences), des adjectifs qui expriment donc la diversité et l'altérité; l'utilisation importante de ces adjectifs peut être en effet interprétée comme la pleine conscience qu'ont les participants du fait qu'ils vivent un défien étant continuellement confrontés à ce qui est autre et différent d'eux. Quant aux substantifs, nous avons répertorié un nombre massif des mots qui sont évidemment au coeur de la formation: langues (13 occurrences de ce mot dans ses formes en français, espagnol et italien), personnes et gente (29 occurrences du premier mot dans toutes ses formes en français, espagnol et italien et 8 occurrences du second dans les variables en les 5 langues), projet (18 occurrences représentées par les formes dans toutes les langues), travail (13 occurrences des formes en français et en espagnol, 2 occurrences en italien). D'autres substantifs, certes un peu moins fréquents11, sont également significatifs de ce qui a été vécu: esperienza, compagni et compañeros, curiosità, allegria, boccata di aria fresca, des mots qui témoignent non seulement de la dimension expérientielle de la formation (le «faire»), mais aussi des sentiments positifs associés non pas au travail individuel mais au travail collectif.
En analysant les fréquences des mots pleins dans le sous-corpus relatif à la deuxième question, «Qu'est-ce que vous avez aimé le moins», nous avons répertorié un nombre important d'occurrences concernant les mots travail, temps, groupe, forum, plateforme. Plus particulièrement, en ce qui concerne le mot travail (11 occurrences en français et 7 occurrences des formes trabajo et trabalhos respectivement en espagnol et portugais) l'aspect négatif est principalement lié à la difficulté d'organisation au sein des groupes, une question qui a également été qualifiée de délicate due notamment au décalage horaire, au travail intense et articulé. Quant au mot temps, que nous avons repéré 15 fois dans les formes tiempo, temps et tempo, les occurrences nous montrent que les participants perçoivent toujours le temps qu'ils ont à consacrer au projet comme insuffisant, en raison des difficultés rencontrées avec la plateforme, de la nécessité de lire de nombreux messages, du travail en collaboration avec d'autres personnes; le seul adjectif associé à temps est d'ailleurs peu/poco (5 occurrences). En ce qui concerne le mot groupe (18 occurrences des formes grupo, groupe, grup, gruppo) nous avons noté la présence d'adjectifs négatifs, tels que complicado, difficil ou son association avec le mot participation, se référant au fait que tous les membres du GT n'étaient pas réellement impliqués dans la réalisation du projet (au moins dans les phases initiales), ce qui a produit un certain sentiment de gêne chez les participants qui se sentaient au contraire impliqués à 100%. L'utilisation des forums (11 occurrences des formes forum, foro) est également apparue comme une pierre d'achoppement importante, qui a posé quelques problèmes aux participants, car elle implique une communication non immédiate et différée et n'est donc pas toujours adaptée à un processus de prise de décision qui nécessite un retour d'information immédiat. Voilà pourquoi le travail des groupes s'est très souvent déroulé sur des supports qui permettaient aux participants de communiquer en temps réel. Enfin, le mot plateforme (repéré 23 fois dans les formes plataforma, plateforme et piattaforma) montre que les participants n'ont pas aimé le «lieu virtuel» où se sont déroulés les échanges écrits en raison de la difficulté d'accès, ou parce qu'elle n'est pas intuitive ou qu'elle fonctionne mal.
En ce qui concerne l'analyse des fréquences du troisième sous-corpus, portant sur la question «Qu'est-ce qu'il faudrait modifier», nous avons répertorié un nombre important d'occurrences des mots gruppo (24 occurrences), tempo (17 occurrences) et presentazioni (8 occurrences), dans leurs variantes en toutes les langues. Deux des mots qui avaient fait l'objet du sous-corpus Non aimé, sont évidemment présent dans la question relative à ce qu'on devrait modifier; en particulier, les participants proposent plusieurs solutions concernant les groupes et l'organisation du travail au sein d'eux. En ce qui concerne le mot temps, nous avons répertorié 9 co-occurrents qui expriment le souhait d'avoir plus de temps : más tiempo, aumentaría el tiempo, un peu plus de temps. Quant au mot présentation, répertorié dans plusieurs variantes linguistiques (presentaciones, présentations, presentazioni), il est associé aux expressions muchas, más de, milhares, tutte, ce qui met en évidence que le fait de devoir lire les présentations personnelles de tous les participants au projet, activité prévue dans la phase 0, crée quelques désagréments par rapport au temps qu'il faut consacrer à faire connaissance avec tout le monde.
L'analyse du sous-corpus 4, «Qu'est-ce que j'ai appris?», a mis en évidence une haute fréquence (32 occurrences) du verbe comprendre (ses variantes dans toutes les langues), dont les collocations sont les (nouvelles) langues, les autres, mon auditeur, le fonctionnement de la plateforme, à aider quelqu'un. L'observation des concordances ayant comme mot-clé le verbe apprendre (17 occurrences dans ses variantes dans toutes les langues) a mis en exergue les multiples compétences que ce type de formation apporte et qui vont au-delà des seules habiletés linguistiques; en effet, à côté d'expressions telles que practicar la intercomprehension, pouvoir communiquer, el poder entender, lire les langues, explicar-me utilitzant mots transparents, etc. d'autres compétences ont été identifiées, telles que trabajar mejor en grupo, la patience, beaucoup de choses sur la dictature, como preparar un libro ilustrado, faire des efforts pour mieux me faire comprendre, travailler en télécollaboration, etc. Enfin, les occurrences du mot travail (20 occurrences des formes dans toutes les langues), révèlent que, malgré la gestion du travail ait provoqué quelques difficultés et préoccupations dans le ressenti des participants, ils ont appris de nombreuses choses sur le travail en équipe, une nouvelle dynamique de collaboration, la positivité du travail interculturel au sein d'un groupe multiculturel.
5. Quelques considérations finales
L'analyse sur corpus des interventions des participants à des sessions de formation à l'IC, et en particulier des commentaires qu'ils ont postés comme évaluation de l'expérience a fait ressortir que les participants se rendent bien compte que ce type de formation propose une nouvelle façon d'apprendre les langues, ce qui est évident pour les organisateurs, mais qui peut être considéré comme trop difficile, voire impossible, pour les participants12. Par ailleurs, l'étude des occurrences et des fréquences des mots du corpus, montre très clairement que ce type d'approche aide à développer un modus agendi, une façon d'agir différente, en contribuant à acquérir des compétences transversales liées au travail en commun, à la prise de décisions communes, à l'acceptation de compromis, à l'accomplissement de tâches multiples, au respect du temps des autres participants, à l'apprentissage de l'histoire et de la culture d'autres pays, au respect de points de vue différents, à la gestion de son temps, à la patience. Les commentaires des participants incitent finalement à transformer l'intercompréhension en une pratique quotidienne qui n'est pas seulement fonctionnelle pour la formation de l'étudiant, mais qui fait partie des compétences acquises à utiliser dans la vie privée et professionnelle.
En ce qui concerne la méthodologie d'analyse de ce corpus plurilingue basée sur l'étude des concordances, il est nécessaire de prendre en compte la compétence du chercheur qui ne peut se limiter à la connaissance des outils d'analyse et de création de corpus, mais doit nécessairement inclure une compétence multilingue qui lui permette d'effectuer des recherches complexes sur l'ensemble du corpus. En effet, une fois qu'un mot a été identifié dans une langue donnée, avec une fréquence élevée dans le corpus, par exemple le verbe «comprendre», en connaissant les variantes dans les langues respectives, grâce à la fonction «·» des programmes de concordances, il est possible d'effectuer une recherche unique, par le biais de la chaÎne «compr·end·», qui fournira les occurrences de ce verbe dans ses variantes plurilingues.
La constitution d'un corpus plurilingue peut avoir des effets positifs importants sur l'apprentissage pluriel des langues étrangères (selon les principes des approches plurielles des langues et des cultures, Candelier, 2012), qui a généralement lieu pendant la session de formation en IC dans les GI. En effet, en montrant au groupe d'étudiants un écran avec des lignes de concordance contenant des occurrences plurilingues, ceux-ci pourraient observer immédiatement les similitudes/différences des formes des mots étudiés dans les différentes langues et les apprendre plus rapidement et plus facilement.
Bibliographie
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Baker, McEnery 2015: Baker Paul, McEnery Tony (eds.), Corpora and Discourse Studies, London, Palgrave Macmillan.
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Candelier 2012, Candelier Michel (coord.), Le CARAP. Un Cadre de Référence pour les Approches Plurielles des Langues et des Cultures. Compétences et ressources, Strasbourg, Editions du Conseil de l'Europe.
Habert, Nazarenko, Salem 1997: Habert BenoÎt, Nazarenko Adeline, Salem André, Les linguistiques de corpus, Paris, Armand Colin.
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Rastier 2005: Rastier François, Enjeux épistémologiques de la linguistique de corpus, in Geoffrey Williams (dir.), La Linguistique de corpus, Rennes, Presses Universitaires de Rennes, p. 31-45.
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Sinclair 1996: Sinclair John McH, Preliminary recommendation on corpus typology, EAG- TCWG-CTYP/P, Version of May, 1996 (https://ilc.cnr.it/EAGLES96/corpustyp/ corpustyp.html, dernière consultation 2 juin 2024).
Williams 2005 : Geoffrey Williams (dir.), La Linguistique de corpus, Rennes, Presses Universitaires de Rennes.
1 Pour une étude plus approfondie des définitions du concept d'intercompréhension, nous invitons à lire Ollivier 2017 et Bonvino, Garbarino 2022: 17-19.
2 L'Université de la Tuscia participe à cette formation grâce au soutien financier de l'Agence Italienne Porta Futuro Lazio, qui s'occupe, entre autres, de la formation continue des adultes. Pour plus de détails sur cet organisme consulter la page https://portafuturolazio.it/ (dernière consultation 2 juin 2024).
3 APICAD est l'acronyme de l'Association internationale pour la promotion de l'intercompréhension à distance qui a pour but de gérer le réseau et le portail Web Miriadi. Pour plus d'informations visitez le site https://www.miriadi.net/l-apicad (consulté en janvier 2025).
4 Jusqu'à l'année universitaire 2021-2022, la plateforme utilisée a été la plateforme MIRIADI. Celle-ci n'était désormais plus en mesure de répondre aux exigences de ce type de cours et n'était plus mise à jour comme tout outil numérique se doit de l'être compte tenu de l'avancée rapide des nouvelles technologies. C'est pourquoi l'équipe de formateurs a décidé de passer à la plateforme Moodle de l'Université de Grenoble, plus fonctionnelle pour le cours.
5 Pendant la période septembre-décembre 2024, par exemple, des productions finales ont été réalisées, telles que des comptes Instagram, des livres numériques, des podcasts, des pages web, des journaux, etc.
6 Pour en savoir plus sur les différents types de corpus, voir notamment Sinclair 1996, Habert, Nazarenko, Salem 1997, Kennedy 1998.
7 Nous n'avions pas à la disposition beaucoup de données pour la session de 2021 étant donné que les activités ne sont pas obligatoires et que peu d'étudiants ont répondu aux questions proposées dans le bilan. Ces données ne peuvent donc pas être considérées comme significatives.
8 Antconc, https://www.laurenceanthony.net/software/antconc, consulté le 2 juin 2024.
9 Pour plus de détails cf. Sinclair 1991.
10 En effet, les outils que nous offre la linguistique de corpus nous permettent d'effectuer une analyse du discours différente, voire complémentaire, par rapport aux méthodes de l'analyse du discours «traditionnelle». Pour avoir des exemples de ce type d'analyse voir, entre autres, Baker 2006 et Baker, McEnery 2015.
11 En effet, seul le mot esperienza, répertorié dans les formes experiencia, expérience, esperienza, présente 7 occurrences. Les autres mots cités sont des productions individuelles que nous avons décidé de commenter malgré tout, car elles représentent un aspect important du vécu des participants.
12 En effet, lors d'une réunion GT que nous avons coordonnée, une participante a déclaré qu'il lui était impossible de comprendre des langues avec lesquelles elle n'avait jamais été en contact.
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Abstract
Linguistic analysis tools such as corpora and concordancers (and the study of concordances derived from them) now enable us to take a different and, in some ways, more objective look at linguistic data and, in this particular case, at the discourse expressed on the subject of intercomprehension, especially the opinions of trainees during several intercomprehension training sessions. The systematic collection of participants' responses during the last training sessions (on the Miriadi platform and in the last year on the Moodle platform) enabled us to build up a small multilingual corpus, which helped us conduct a discourse analysis on intercomprehension by means of concordances. In the final phase of the session, participants were asked to answer four questions about what they liked best, what they liked least, what they had learned and what they would like to change. The analysis of these data by the concordancers, through the study of certain key words and their frequency, enables us to better understand the advantages but also the problems linked to this type of collaborative and plurilingual distance learning and to better calibrate the activities, timing and modalities of future session. A corpus analysis of the comments made by participants in IC training sessions, and in particular the comments they posted as an evaluation of the experience, showed that participants are well aware that this type of training offers a new way of learning languages, which is obvious to the organisers, but which may be considered too difficult, or even impossible, for the participants. However, a study of the occurrences and frequencies of the words in the corpus shows very clearly that this type of approach helps to develop a modus agendi, a different way of acting, by contributing to the acquisition of cross-cutting skills linked to working together, making joint decisions, accepting compromises, accomplishing multiple tasks, respecting the time of other participants, learning about the history and culture of other countries, respecting different points of view, time management and patience. In the end, the participants' comments encourage us to transform intercomprehension into a daily practice that is not only functional for the student's training, but also forms part of the skills acquired for use in private and professional life.
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1 Università degli Studi della Tuscia, Italie