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En 2009, les femmes représentent, en France, 39 % de la catégorie « cadres et professions intellectuelles supérieures » (contre 25 % en 1982), signe d'une féminisation croissante de l'encadrement. Pourtant, elles ne comptent que pour 10,5 % des membres des conseils d'administration des entreprises du CAC401. Afin de « dresser un premier bilan de la situation des femmes cadres au sein des entreprises et des organisations2 », l'association Grandes écoles au féminin (GEF) a vu le jour en 2002, réunissant des « représentants » (sic) des associations d'« anciens élèves » de neuf grandes écoles3. Dès sa création, l'association GEF produit des études dans la lignée des recherches sur la féminisation des professions supérieures et des élites qui, après s'être centrées sur les déterminants structurels ou les trajectoires individuelles, insistent désormais sur les facteurs organisationnels de la « construction du plafond de verre4 » (Laufer 2004) et de la « fabrication des dirigeants » (Guillaume et Pochic 2007).
Pour « contribuer à faire évoluer de façon constructive et concrète la prise de conscience collective sur cette question et sur les comportements des entreprises », l'association GEF organise, depuis juin 2008, les « Petits Déjeuners de GEF ». Ces rencontres ont pour objet d'« auditionner » des grands patrons sur leurs pratiques et représentations sur l'accès des femmes aux lieux de décisions économiques. Moyennant une participation de 36 euros par rencontre5, il est ainsi proposé à environ 80 femmes du réseau6 de se rendre, deux ou trois matins par trimestre, au Fouquet's7 pour « échanger » pendant deux heures avec un dirigeant d'une entreprise du CAC40.
La configuration des « Petits Déjeuners » - où un patron est invité à réagir aux dernières études de l'association GEF8 et à répondre à des questions comme : « Pourquoi faire progresser les femmes? » ou « Un conseil aux femmes? », et donc à dire ce qu'il pense et ce qu'il attend des femmes venues l'écouter -, apparaÎt comme un terrain privilégié pour étudier la domination masculine comme « conséquence de stratégies des acteurs dominants » (Devreux 2004 : 10). Notre article propose ainsi d'analyser les résistances masculines au changement, perceptibles dans les discours énoncés par les plus dominants des dominants9. Seront également repérées des formes de...