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La vie des opérateurs constitue, encore aujourd'hui, l'une des zones d'ombre les plus importantes pour qui s'intéresse aux premiers temps du cinématographe. Si l'on exclut les pionniers qui eurent l'heureuse idée de laisser quelques traces, comme Félix Mesguich et ses Tours de manivelle, il faut bien admettre que la grande majorité de ces figures restent encore pratiquement inconnues. Rendons donc hommage á la poignée de chercheurs et de chercheuses qui ont tenté de lever le voile sur ces cinématographistes oubliés par l'histoire, dont Jitka de Préval, qui vient de consacrer un beau livre á Camille Legrand, « un opérateur Pathé sur la route des Indes, 1895-1920 ». Il a fallu faire preuve d'un vrai courage pour entreprendre de raconter la vie de quelqu'un dont on ne savait pratiquement rien et dont il ne restait meme plus la moindre photographie. Car le premier mérite de cet ouvrage, et non des moindres, c'est que l'auteure nous invite á partager ce qu'il faut bien appeler une enquete brillamment conduite. Le lecteur est pris par le désir de retrouver ne seraitce qu'une image de celui qui travailla pendant tant d'années pour la marque au coq. D'analyses en intuitions, avec une rigueur qui ne se dément jamais, la passionnante énigme nous conduit aux portes de la révélation de ce visage tant recherché. Nous voilá donc tenus en haleine du début á la fin de cette passionnante narration.
Mais l'aventure de la photo perdue sert aussi á glisser le lecteur dans les pas de Camille Legrand, ce personnage encore obscur d'origine modeste qui va devenir un collaborateur de premier plan et intime de Charles Pathé, au mariage duquel, en 1893, il est d'ailleurs invité. Autant dire qu'il participe á l'aventure du cinématographe dės les origines. C'est lá que le destin individuel va croiser celui du septiėme art naissant. Ce qui caractérise Pathé, c'est qu'il est un homme du XXe siėcle et que ce « parvenu », comme il se plaît á se décrire, comprend immédiatement...