Amir BIGLARI, Genevieve SALVAN (dir.), Figures en discours, coll. Au cœur des textes ?, Paris, Academia-L'Harmattan, 2016, 333 p.
Placé sur la voie de l'analyse du discours, l'ouvrage en question est le fruit d'un effort de renouvellement des études centré sur Les conditions discursives de la figuralité (I), La promotion discursive des figures (II), et sur La fonctionnalité des figures ?, (III) éléments qui constituent, d'ailleurs, les trois parties du volume conçues par les deux directeurs du recueil. Les diverses perspectives empruntées par les auteurs - sémantique, pragmatique, cognitive et sociolinguistique interactionnelle leur permettent de distinguer entre diferentes valeurs paramétriques du figural a partir des corpus multiples : textes littéraires, spécialisés allant jusqu'au discours iconique publicitaire.
Certaines analyses s'efforcent de circonscrire les reperes linguistiques de la figuralité (D. Maingueneau, Jaques-Philippe Saint- Gerand, D. Dobre), d'autres la dimension énonciative et son impact perceptif (R. Vion, le Groupe Lttr 13, M., Bonhomme, A. Biglari, la valeur instrumentale désambiguisante meme de la tropologie (M. Sobieszewska) et ainsi de suite. Toutes ces démarches sous-tendent un double mouvement - remarqué d'ailleurs, par G. Salvan1, qui auraient pu, dans une autre perspective, partager en deux grands chapitres le recueil en question : d'une part, elles mettent en évidence l'impact des figures sur le discours et d'autre part, elles marquent le rôle joué par le discours dans la constitution des figures.
I.Dans la premiere partie, les travaux de D. Maingueneau, D. Apothéloz, R. Vion, M. Prandi, Le Groupe Lttr 13et J.-Ph. Saint-Gerand ont pour objet d'investigation les prémisses du discours qui font émerger au rang tropologique une certaine phénoménologie linguistique et grammaticale (l'apostrophe et la factualité modale).
1.1. Ainsi, Dominique Maingueneau,2 faisant remarquer le double statut ambigu, rhétorique et grammatical, de l'apostrophe propose de situer sa fonctionnalité dans une perspective pragmatique contextuelle sur une scene rhétorique (p. 25) ou, ne prenant pas en compte le statut existentiel des destinataires, un surlocuteur parle en s'adressant a un récepteur défini.
1.2. Denis Apothéloz3 s'occupe dans son article des faits rhétoriques comme produits d'un mouvement fictif ?, notamment du déplacement d'un observateur dans un espace circonscrit et fixe. Il développe ce concept en s'inspirant du concept de déplacement fictif de A. Borillo (2012) et celui de fictive motion de L. Talmy (2000).4
1.3. Dans l'Introduction au présent ouvrage, G. Salvan considere que le travail de Robert Vion5 envisage d'élargir les figures d'énonciation a la modalisation (p. 9). Elle revient un peu plus loin et souligne qu'il s'agit plutôt de la disponibilité de certains marqueurs modaux de servir de pivots figuraux (p. 9) sur la base de la saillance discursive (Bonhomme, M. 2005)6, de la dualité dialogique et d'une dépendance dialogique (p. 9). Ces trois éléments constituent, d'ailleurs, les criteres permettant de conférer au marqueur énonciatif la qualité tropologique.
L'auteur conclut sur le statut de figure d'énonciation de la modalisation répondant aux criteres exigés par l'énonciation figurale.
1.4. Michele Prandi7 s'efforce a redessiner une frontiere fréquemment disputée entre métonymie et synecdoque a l'aide d'un outil conceptuel en vogue a l'heure actuelle, notamment la focalisation, concept revisité par les chercheurs roumains également8. Malgré la parenté qui semble fonder le rapport entre ces deux figures, la métonymie, selon certains théoriciens, fonde la mécanique métaphorique, son rôle étant celui de mettre le projecteur sur la référence - reference-point phenomenon - qu'elle soit abstraite ou concrete. L'auteur affirme l'existence d'une connexion cohérente au niveau du sujet subsidiaire et la teneur, alors que la métaphore transfere le sujet subsidiaire dans le domaine de la teneur (p. 89).
1.5. Dans leur démarche, Sémir Badir, Stephane Polis, François Provenzano9 constitués dans le Groupe LTTR13, proposent la notion de geste discursif comme le completement énonciatif de la notion de figure ?. Le statut discursif du geste en tant qu'élément constitutif du discours (p. 97), accentue a travers des unités linguistiques certains de ses côtés. Le Groupe fait glisser l'énoncé vers l'énonciation, opération que nous considérons purement opératoire étant donné le statut foncierement énonciatif de la figuration. On redouble donc le figural d'un côté énonciatif marqué par l'ethos et le pathos comme effets pour mettre en évidence une intentionnalité non encore mise sous la loupe.
1.6. Jacques-Philippe Saint-Gerand10 nous fait d'abord remarquer l'ambiguité caractérisant certains rapports entre rhétorique et grammaire au XIX eme siecle situant la figure entre discours et syntaxe, pensée et construction. Son corpus est complexe : ce sont des ouvrages remarquables : Grammaire générale des Grammaires françaises (1834, Napoléon Landais), Dictionnaire des Difficultés Grammaticales et Littéraires de la Langue française (1818, J.Ch.Th. De Laveaux), etc. Il constate que la logique grammaticale est limitée, sans pouvoir circonscrire les aléas de la parole saussurienne ; finalement, elle se recouvre d'un épilinguisme préalable a tout acte de communication verbale (p. 128). Pour lui, la figuralité est constitutive du discours, de l'énonciation, se faisant remarquer en tant que geste discursif compris comme un ajout complémentaire de l'unité tropologique.
II.G. Salvan, dans son Introduction, souligne le fait que cette partie de l'ouvrage fait ressortir un double mouvement au niveau du rapport figure/discours : le premier tient de la nature du discours a meme de promouvoir (p. 10) au point de vue pragmatique, telle ou telle figure et le second mouvement la façon dont la tropologie construit un type de discours pour un récepteur-interprétant.
II.I. A propos de l'ironie, Elodie Baklouti et Jacques Bres11 constatent d'abord l'existence d'une dispersion des criteres définitoires dont les linguistes se rendent coupables et ensuite ils s'essaient a dégager un portrait protoypique de ce qui est catégorisé comme tel (p. 10) moyennant des criteres définitoires minimaux. Ils s'appliquent a dénicher la maniere dont l'ironie, par exemple, est le produit de deux actes de langage alliant comme ingredients de base l'attaque et la moquerie (138).
II.2. Michel Ballabriga place sa démarche entre rhétorique et sémantique tout en démontrant comment une structure métaphorique globale du texte - Pasteurs et troupeaux des Contemplations de V. Hugo - produit comme effet sémantique la cohérence du texte du texte poétique analysé. L'auteur harmonise pragmatique et esthétique tout en montrant les frontieres poreuses du poeme, sa forte intertextualité moyennant les bénéfices d'une étude textométrique.
11.3. Une vision utilitariste (p. 11) de la rhétorique via la répétition lexicale nous est présentée par Marta Sobieszewska12 qui pense que la réitération dans le texte juridique de certains lexemes - notamment les reprises anaphoriques - a pour rôle de rendre plus clair sémantiquement un type de texte spécialisé susceptible a des interprétations confuses. Cette opération rhétorique acquiert également une valeur instrumentale a meme d'éviter aux lecteurs les pieges de l'ambiguité dans le contexte stylistique propre a ce type de discours.
11.4. Partie d'un corpus des témoignages des rescapés des camps determination nazis - de ces témoins de l'Histoire (p. 196) - Pascaline Lefort13 s'efforce de nous montrer comment l'ellipse et l'ironie ont servi de procédés de distanciation du vécu concentrationnaire (p. 212).Les deux figures incarnent un type de non-dit qui émerge sous la forme d'un dédoublement opéré tant au niveau de l'énonciateur qu'au niveau du récepteur.
II. 5. La derniere intervention de la deuxieme partie -celle d'Anna Jaubert14 - est centrée sur deux concepts intéressants - la réflexivité énonciative et la requalifiquation du discours - le premier étant déja utilisé en 1990 par l'auteure dans son ouvrage La lecture pragmatique (Paris, Hachette, p.103). Selon nous, ces syntagmes font éprouver au lecteur le sentiment d'un certain impérialisme rhétorique a meme de transfigurer les textes pour les ennoblir des ornements et, par la suite, les distinguer du point de vue typologique.
III. La troisieme partie de l'ouvrage a été réservée par G. Salvan a la fonctionnalité des figures (p. 12) circonscrites dans divers types de textes et surtout aux effets argumentatifs qu'elles produisent.
111.1. Ainsi, Marc Bonhomme15 s'occupe, dans son article, de la structure stéréotype des structures figées proverbiales en relation avec leur impact argumentatif en tant que métaphores. La banalisation des structures proverbiales métaphoriques est au cœur de leur réussite fonctionnelle a travers les énoncés (p.235). Ces constructions figées apparaissent finalement comme des arguments tout prets et difficiles a refuter (idem).
111.2. La démarche de Laurence Rosier16 s'inscrit dans la meme perspective de l'impact argumentatif tropologique, cette fois-ci, de l'implicite ironique. Certains énoncés peuvent presenter un statut insultant (p. 12) comme les antonomases productrices d'un mépris énonciatif ?17. Selon Rosier l'antonomase répond partiellement a un besoin de nomination (p. 267) pour marquer les référents. Ces figures sont produites en contexte polémique tout en renforçant la dimension négative du sens de l'énoncé.
111.3. Partie d'un corpus de textes enregistrés lors des reunions des Groupes Territoriaux de Montpellier fonctionnant dans le cadre de l'Observatoire Local de la Tranquillité Publique, Claudine Moi'se18 remarque le pouvoir argumentatif des figures emphatiques - hyperbole, accumulation, gradation, répétition - susceptibles de gagner l'adhésion des locuteurs institutionnels car selon l'auteur la persuasion passe aussi par le recours a ľémotivité des locuteurs ?, par les mises en récit (p.279), qui ont pour effet la dramatisation de la narration.
Ш.4. L'article d'Amir Biglari19 reprend implicitement l'idée du faire croire et du faire éprouver et la transfere a un autre type de corpus - la totalité des poemes des Contemplations de Victor Hugo. Le raisonnement figuratif dont parle D. Bertrand20 rend capables les structures tropologiques a sensibiliser le récepteur a des vibrations perceptives souvent inhabituelles. En général, les figures rendent sensible ce qui est extérieur et inaccessible a la perception commune (p. 310) et procedent implicitement a l'inclusion du lecteur dans l'univers du discours ?, dans la vision du monde du poete par un phénomene d'illusion sensible (idem).
Ш.5. Dans son article Dan Dobre propose pour la premiere fois les éléments de base d'une possible grammaire générativ-transformationnelle de type chomskyen construite dans une perspective transdisciplinaire fonctionnelle au niveau du discours iconique publicitaire, notamment du processus de reconfiguration métaphorique du produit a vendre. C'est la une autre perspective d'interprétation de l'iconicité métaphorique publicitaire intégrant plusieurs opérations métaphoriques sous-jacentes dans le cadre d'un schéma de transformation du produit commercial en image métaphorique, opération fondée sur l'hypothese lexicaliste (théorie X barre).
G. Salvan confere a cette démarche un fort degré d'originalité et la situe dans le cadre plus vaste du concept de créativité (voir p. 13-14).
Contribution incontournable pour l'analyse du discours, le volume attire aussi par l'élégance du texte qui conforte lecteur et auteur.
Sonia Berbinski
Université de Bucarest
Roumanie
1 Qui a d'ailleurs placé en tete de l'ouvrage une excellente Introduction (p. 5-14). Remarque : dans notre texte, toutes les citations situées dans l'espace de cette pagination appartiennent a G. Salvan.
2 Apostrophe et scene rhétorique, p. 19-34.
3 Figures du mouvement fictif et opacité dans les textes narratifs, p. 35-54.
4 A. Borillo, L'expression de déplacement fictif comme manifestation d'un discours narratif subjectif ?, in L. de Saussure, A. Borillo, M. Vuillaume (dir.), Grammaire, lexique, référence : regards sur le sens, Berne, Peter Lang, 2012, p. 45-58 ; L. Talmy, Fictive motion in language and 'ception' ?, in L. Talmy, Toward a Cognitive Semantics, vol.1, chap.2, Cambridge, MIT Press, 2000, p. 99-175.
5 Modalisation etfigures d'énonciation, p. 55-74.
6 M. Bonhomme, Pragmatique des figures du discours, Paris, Honoré Champion, 2005.
7 Métonymie et synecdoque : une frontiere a retracer, p. 75-92.
8 Voir, entre autres, Focus et focalisation : deux notions revisitées, Bucarest, EUB, 2009.
9 Figures de l'énonciation : les gestes discursifs du savoir, p. 93-116.
10 Involution, Évolution, Revolution : des rapports ambigus de la rhétorique et de la grammaire au XIX eme siecle, p. 117-132.
11 Ce qu'ironiser veut dire... De l'usage métadiscursif des termes ironie ?, ironiser ?, ironiqu(ment) dans le texte théátral et dans le texte journalistique, p. 135-158.
12 La répétition dans le discours juridique : instrument de contróle des risques d'ambiguité référentieUe, p. 181-194.
13 Deux figures en discours : l'ellipse et l'ironie ou comment dire la douleur des camps, p. 195-216.
14 Les figures comme formes stylisantes : réflexivité énonciative et requalification du discours, p. 217-232.
15 Stéréotypie et argumentation dans lesproverbes métaphoriques, p. 235-254.
16 L'insulte comme figure de style méprisante : l'exemple de l'antonomase Nom propre+en jupon(s) ?, p. 255-270.
17 Voir Rosier et Ernote, Le lexique clandestin (2000 : 12), in Français et Société, nr. 12, p. 3-23.
18 Construction de discours sur la sécurité : effets de dramatisation etfigures en discours, p. 271-290.
19 Les effets pragmatiques des figures : le cas des Contemplations de Victor Hugo, p. 291?314.
20 D. Bertrand, Pr?cis de s?miotique litt?raire, Paris, Nathan, 2000.
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Abstract
Au cœur des textes ?, Paris, Academia-L'Harmattan, 2016, 333 p. Placé sur la voie de l'analyse du discours, l'ouvrage en question est le fruit d'un effort de renouvellement des études centré sur Les conditions discursives de la figuralité (I), La promotion discursive des figures (II), et sur La fonctionnalité des figures ?, (III) éléments qui constituent, d'ailleurs, les trois parties du volume conçues par les deux directeurs du recueil. Partie d'un corpus des témoignages des rescapés des camps determination nazis - de ces témoins de l'Histoire (p. 196) - Pascaline Lefort13 s'efforce de nous montrer comment l'ellipse et l'ironie ont servi de procédés de distanciation du vécu concentrationnaire (p. 212).Les deux figures incarnent un type de non-dit qui émerge sous la forme d'un dédoublement opéré tant au niveau de l'énonciateur qu'au niveau du récepteur. Partie d'un corpus de textes enregistrés lors des reunions des Groupes Territoriaux de Montpellier fonctionnant dans le cadre de l'Observatoire Local de la Tranquillité Publique, Claudine Moi'se18 remarque le pouvoir argumentatif des figures emphatiques - hyperbole, accumulation, gradation, répétition - susceptibles de gagner l'adhésion des locuteurs institutionnels car selon l'auteur la persuasion passe aussi par le recours a ľémotivité des locuteurs ?, par les mises en récit (p.279), qui ont pour effet la dramatisation de la narration. Ш.4. 4 A. Borillo, L'expression de déplacement fictif comme manifestation d'un discours narratif subjectif ?, in L. de Saussure, A. Borillo, M. Vuillaume (dir.), Grammaire, lexique, référence : regards sur le sens, Berne, Peter Lang, 2012, p. 45-58 ; L. Talmy, Fictive motion in language and 'ception' ?, in L. Talmy, Toward a Cognitive Semantics, vol.1, chap.2, Cambridge, MIT Press, 2000, p. 99-175.
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