Reçu le 15-04-2019 / Évalué le 18-07-2019 / Accepté le 09-09-2019
Résumé
Cet article a pour but d'analyser Knock ou le triomphe de la Médecine, le texte dramatique en trois actes de Jules Romains, publié en 1923. S'inspirant largement de Molière, Romains a fait d'une part la satire de la médecine, de l'autre, il a créé un personnage qui se présente comme un médecin agissant plutôt comme un homme d'affaires avisé ou comme un publicitaire. Ce personnage, Knock, s'invente un ethos bien efficace, quoique fallacieux, par sa grande capacité à pouvoir tromper ses interlocuteurs via son logos. Cette étude vise donc à mettre au jour les procédés argumentatifs auxquels recourt Knock pour construire un ethos discursif crédible auprès de ses patients. La méthode d'analyse utilisée dans cet article est celle de l'école française d'analyse du discours, et l'étude sera basée notamment sur les concepts tels que l'ethos et l'argumentation. Alors que pour Aristote, la sincérité et la bienveillance figuraient parmi les trois axes constitutifs de l'ethos (le troisième étant la compétence), celles-ci ont perdu de leur valeur avec le temps. Les expériences de l'Humanité ont montré que les locuteurs pouvaient construire un ethos efficace sans pourtant être sincères ni bienveillants. La compétence, qui désigne dans la rhétorique d'Aristote « les choix délibérés qu'on effectue pour résoudre un problème », peut être suffisante pour construire une image de soi fiable, fût-ce pour un temps délimité. Ainsi, un menteur ou un manipulateur compétent et habile a toutes les chances d'être crédible et d'obtenir de la sorte son objet de valeur.
Mots-clés : analyse du discours, argumentation, manipulation, ethos
Özet
Bu makalenin amacı, Jules Romains'in 1923'de yayınlanan üç perdelik Dr. Knock veya Tıbbın Zaferi (Knock ou le triomphe de la Médecin) adlı tiyatro eserini çözümlemektir. Molière'den çokça esinlenen Romains bir yandan tıbbı hicvederken diğer yandan da usta bir işadamı veya reklamcı gibi davrandığı halde kendini doktor olarak tanıtan bir karakter yaratmıştır. Knock adlı bu karakter, mantık-sözü (logos) ile muhataplarını kandırma yetisi sayesinde, aldatıcı olsa da çok etkili bir özsunum (ethos) oluşturur. Bu çalışmada, hastalarının gözünde güvenilir bir söylemsel özsunum yaratmak için Knock'un başvurduğu gerekçelendirme yöntemleri ortaya konulacaktır. Kullanılan çözümleme yöntemi Söylem Çözümlemesi (Fransız Ekolü) yöntemidir ve çalışma özellikle özsunum ve gerekçelendirme gibi kavramlara dayanmaktadır. Aristo için içtenlik ve iyi niyet, özsunumu oluşturan üç eksenden ikisini oluştursa da (üçüncü eksen: yetenek, yeti), bunlar zamanla değerini yitirmiştir. İnsanlık tarihindeki deneyimler, konuşucuların içten ve iyi niyetli olmadan da etkili bir özsunum oluşturabildiklerini göstermiştir. Aristo sözbiliminde "bir sorunu çözmek için gerçekleştirilen bilinçli seçimler" anlamına gelen yetenek, belirli bir süre için de olsa, güvenilir bir özsunum oluşturmak için yeterli olabilmektedir artık. Böylece, yetenekli ve usta bir yalancı veya manipülatör güvenilir olmayı başararak değer nesnesini elde edebilir.
Anahtar Sözcükler: söylem çözümlemesi, gerekçelendirme, manipülasyon, özsunum
Abstract
This article aims to analyze Knock or the triumph of Medicine, the dramatic text in three acts of Jules Romains, published in 1923. Inspired largely by Moliere, Romains satirized the medicine and he created a character who presents himself as a doctor acting however as a wise businessman or an advertiser. This character, Knock, invented a very effective ethos, albeit fallacious, by his great ability to deceive his interlocutors by his logos. This study aims to uncover Knock's argumentative processes for constructing a credible discursive ethos among his patients. The method of analysis used in this article is that of the French School of Discourse Analysis, and the study will be based mainly on concepts such as ethos and argumentation. Although for Aristotle, sincerity and benevolence were among the three axes of ethos (the third being competence), these have lost their value over time. The experiences of Humanity have shown that speakers can build an effective ethos without being sincere or benevolent. Competence which means in Aristotle's rhetoric "the deliberate choices one makes to solve a problem" may be sufficient to construct a reliable self-image, even for a limited time. Thus, a liar or manipulator, competent and skilled, may be credible and obtain his valuable object.
Keywords : discourse analysis, argumentation, manipulation, ethos
Introduction
Conformément a l'objectif principal de cet article qui est d'analyser l'œuvre de Jules Romains, Knock ou le triomphe de la Médecine, du point de vue de l'ethos et de l'argumentation, nous présenterons d'abord la piece, ensuite le domaine de l'ethos et enfin, nous analyserons certains procédés argumentatifs et manipulatoires utilisés par le personnage principal, Knock.
1.Presentation sommaire de la piece
Knock ou le triomphe de la Médecine est une piece en 3 actes. Pour pouvoir situer les repliques qui vont etre citées a titre d'exemples en rapport avec l'ethos et l'argumentation, il sera convenable de voir dans l'ensemble les actes et les scenes contenus dans la piece :
ACTE I : Scene unique : (a l'intérieur ou autour d'une automobile) Knock, le docteur Parpalaid, Madame Parpalaid, Jean (le chauffeur) (p. 13-49) [début de l'exercice professionnel pour Knock ; marchandage du poste entre l'ancien médecin et le nouveau prétendant1 : 36 p. nde yazili anlatimaktirplanmasi,likleriniilerini ögretmektir.lmemesidir. ve ayrilmaz ögeler oldugunu belirterek ]
ACTE II : (ancien domicile de Parpalaid) (p. 53-108) [l'exercice de la profession : 55 p.]
Scene I : Knock, le tambour de ville (p. 53-65)
Scene II : Knock, l'instituteur Bernard (p. 66-74)
Scene III : Knock, le pharmacien Mousquet (p. 75-81)
Scene IV : Knock, la dame en noir (p. 82-91)
Scene V : Knock, la dame en violet (p. 92-102)
Scene VI : Knock, les deux gars de village (p. 103-108)
ACTE III : (La grande salle de l'hôtel de la Clef en train de tourner au Médical-Hôtel) (p. 111-152) [l'apogée de la profession : 41 p.]
Scene I : Madame Rémy, Scipion (p. 111-116)
Scene II : Parpalaid, seul, puis La bonne (p. 115-116)
Scene III : Parpalaid, puis Madame Rémy (p. 117-123)
Scene IV : Parpalaid, Mousquet (p. 124-126)
Scene V : Les memes, Knock (p. 127)
Scene VI : Les memes, moins Mousquet (p. 128-141)
Scene VII : Les memes, Mousquet (p. 142-144)
Scene VIII : Les memes, Madame Rémy (p. 145-149)
Scene IX : Knock, Parpalaid (p. 150-152)
Jules Romains a écrit cette piece en 1923, soit 5 ans apres la fin de la 'premiere' des guerres mondiales, ayant fait pres de 20 millions de morts. C'est une époque ou les ligues d'extreme-droite sont actives dans toute l'Europe, Benito Mussolini vient de prendre le pouvoir a Rome, Joseph Staline est devenu Secrétaire Général du Parti Communiste Soviétique, pendant qu'Adolf Hitler prépare son putsch. Les rois de la manipulation des masses sont prets a entrer en scene . C'est donc une période ou la 'manipulation' des masses est au point culminant dans l'Histoire humaine.
Knock, personnage principal de l'œuvre éponyme, est un faux médecin manipulates : un personnage stratégiste qui se comporte comme un homme d'affaires, sous le couvert d'un médecin averti. Il n'est d'ailleurs pas non plus un homme d'affaires en réalité, mais a en croire ses dires, il a été dans le commerce des cravates, puis des arachides. Il avoue meme au seul vrai médecin de la piece, Parpalaid, qu'il s'est fait passer pour médecin, sans diplôme, dans un vapeur .
Il s'agit donc d'une piece sur le pouvoir et la manipulation, et ceci avant tout par amour pour l'argent. En effet, a l'instar de Moliere, cette piece est une satire des médecins ainsi que de la médecine quand elle est considérée comme fin commerciale. Moliere stigmatisait parmi les médecins ceux qui ont des airs pédants, malgré leur ignorance, et qui recourent a un jargon inaccessible pour des patients crédules. Quant a Romains, il a créé un faux médecin, Knock, qui profite des peurs, du besoin de sécurité de ses patients, qui sont de fait plutôt clients a ses yeux.
2.Ethos ou image de soi
Dans tous les domaines de la vie, nous avons besoin d'etre crédible par notre parler (logos) et notre image (comportement, allure, expression de visage, tenue vestimentaire, etc.). Pourquoi tant de volonté et d'efforts pour que les gens croient a ce que nous disons, a qui nous sommes, ou plutôt a ce que nous représentons ? Pour des raisons bien différentes évidemment, en fonction de la situation. Que ce soit dans une conversation quotidienne et banale, ou dans la vie professionnelle, ou encore en prenant la parole devant un public, nous cherchons non seulement a capter l'attention mais également a la maintenir tout en essayant d'inspirer confiance. C'est un effort qui revient devant des interlocuteurs ou des publics différents. Construire a chaque fois une image de soi qui puisse etre crédible, c'est ce que l'on appelle l'ethos, en termes aristotéliciens. Et pourtant, cette recherche de crédibilité réside soit dans une intention sincere, et dénuée d'intéret subreptice donc, soit au contraire dans des intentions obscures ou au moins utilitaires.
La notion d'ethos chez Aristote se focalisait au début sur les orateurs qui s'adressaient au grand public, et correspondait a l'image que l'orateur donne de lui-meme a travers son discours . La rhétorique d'Aristote s'attache a l'impression qu'un individu tente de produire sur son prochain pour mieux l'influencer. L'essentiel est de mettre la presentation de soi au service d'une cause pratique (Amossy, 2010 : 16).
Pour Aristote, l'ethos est composé de 3 aspects :
1.prudence ou sagesse, compétence ou choix délibérés qu'on effectue pour résoudre un probléme. Pour exercer une influence, il ne suffit pas de manifester sa moralite, il faut aussi se montrer competent, capable de réfléchir et de raisonner correctement.
2. honnéteté, sincérité (la vertu)
3. bienveillance. (Amossy, 2010 : 20).
Cependant, les principes de l'ethos ont évolué et vu des changements considérables au fil du temps. Ce sont les traits de caractere que l'orateur doit montrer a l'auditoire (peu importe sa sincérité) pour faire bonne impression : ce sont ses airs. [...] L'orateur énonce une information, et en meme temps il dit : 'je suis ceci, je ne suis pas cela' (Barthes 1996 : 212 dans Maingueneau 2002 : 80). Nous allons voir dans l'analyse de l'œuvre de Jules Romains qu'un locuteur a toutes les chances d'influencer son allocutaire sans pourtant etre honnete, ni sincere, ni bienveillant. En effet Knock, le pseudo-médecin, ne recourt qu'a sa capacité a influencer les autres, ou plutôt il lui suffit de 'se montrer compétent' pour obtenir leur confiance.
Pour la notion d'ethos, on distingue deux divisions : d'une part ethos prédiscursif et ethos discursif, de l'autre ethos dit et ethos montré (en disant). L'ethos dit et l'ethos montré pendant la communication peuvent etre étayés ou au contraire ébranlés par l'ethos préalable (ou prédiscursif) qui signifie l'ensemble des données dont on dispose sur le locuteur au moment de sa presentation de soi (Amossy, 2010 : 73), une identité extralinguistique dite stable , ce que l'on croit savoir du locuteur , un ensemble de traits assigné a un locuteur (ibid., p. 212). Dans le cas de Knock, il ne s'agit d'aucun ethos préalable, car lorsqu'il apparaÎt dans le canton, il n'est connu de personne, ce qui lui permet alors de se présenter comme un vrai médecin compétent. C'est donc lui-meme qui construit un (pseudo) ethos préalable, par une annonce publique diffusée par le tambour de ville, ou il se présente comme un médecin philanthrope et généreux :
Le docteur Knock, successeur du docteur Parpalaid, présente ses compliments a la population de la ville et du canton de Saint-Maurice, et a l'honneur de lui faire connaÎtre que, dans un esprit philanthropique, et pour enrayer le progres inquiétant des maladies de toutes sortes qui envahissent depuis quelques années nos régions si salubres autrefois, il donnera tous les lundis matin, de neuf heures trente a onze heures trente, une consultation entierement gratuite, réservée aux habitants du canton. Pour les personnes étrangeres au canton, la consultation restera au prix ordinaire de huit francs. (p. 58).
A part cette breve presentation séduisante, il ne lui reste plus que l'ethos dit et montré. L'ethos dit est ce que le locuteur rappelle expressément ses faits et dits antérieurs, de sa réputation et de l'image censée circuler de sa personne (Amossy, 2010 : 82), tandis que l'ethos montré est a la fois discursif et extradiscursif, et réfere au positionnement, a la maitrise du discours. Le terme d'ethos montré designe done ce que l'on 'montre' avec le discours, autrement dit c'est de montrer indirectement certaines qualités (sans les dire expressément), c'est ce que montre la maniere d'énoncer du locuteur (Maingueneau, 2002 : 55-67), via l'intonation, le choix des mots et des arguments, la mise en scene du discours, etc. Le pouvoir persuasif de l'ethos s'appuie des lors sur l'idée qu'en situation publique ce que montre l'orateur a travers son discours (et non pas le discours qu'il tient sur lui-meme) révele davantage sa personnalité, son caractere moral, voire ses intentions, que ce qu'il dit (...) (Soulez, 2002).
3. Ethos dit et imposé
Il arrive tres souvent a Knock de parler de ses qualités et habitudes, et ceci quelquefois de maniere a les imposer2 :
Enfin, je n'ai pas coutume de geindre, et quand je suis roulé, je ne m'en prends qu'a moi. (p. 28)
Et je déplore d'autant plus le caractere mythique de la clientele que vous me vendez, que je comptais lui appliquer des méthodes entiérement neuves. (p. 30)
Bien que n'étant pas docteur, je désire, pour des raisons de prestige et de discipline, qu'on m'appelle docteur á bord. Ils me disent que c'est tout naturel. (p. 33)
Je suis bien réellement et bien doctoralement docteur. Quand j'ai vu mes méthodes confirmées par l'expérience, je n'ai eu qu'une hâte, c'est de les appliquer sur la terre ferme, et en grand. Je n'ignorais pas que le doctorat est une formalité indispensable. (p. 37)
Appelez-moi docteur. Répondez-moi 'oui, docteur' ou 'non, docteur' . (p. 53)
Je ne suis pas homme á imposer mes idées, ni™ (p. 67)
Fort de la théorie et de l'expérience, absolument rien ne me prouve que (...) (p. 73).
4. Convaincre - persuader - manipuler
Convaincre et persuader sont deux actes ayant un point commun : faire en sorte que quelqu'un en vienne a une convergence de vue la ou nous voulons l'amener, ou s'y adhere. La différence réside surtout dans les moyens utilisés pour obtenir un meme résultat. Ainsi, pour convaincre quelqu'un, il faut s'adresser a la raison au moyen d'arguments irréfutables ou de preuves, tandis que pour persuader, on joue plutôt sur les émotions et/ou a l'imagination, et a la rigueur, on peut meme recourir aux faux raisonnements comme dans le sophisme qui est une argumentation a la logique fallacieuse. Dans ce sens, l'acte de 'persuader' qui repose sur le pathos (le fait de persuader en faisant appel aux emotions) peut déboucher sur la manipulation, car il suffit de 'faire croire' par tous les moyens sans se soucier du bon raisonnement. Comme le fait remarquer Amossy (2010 : 158), tantôt c'est la conviction rationnelle qui reçoit tous les honneurs ; tantôt c'est au contraire l'art de toucher et de mouvoir en émouvant qui est loué .
Différemment de ces deux actes, dans l'acte de manipulation, le message, dans sa dimension cognitive ou sous sa forme affective, est conçu pour tromper, induire en erreur, faire croire ce qui n'est pas. Ce message est donc toujours mensonger (Breton, 2000 : 25). Ainsi, c'est l'intention (dissimulée) de tromper qui distingue la manipulation de l'acte de convaincre et de la persuasion. En outre, la manipulation s'appuie sur une stratégie centrale, parfois unique : la réduction la plus complete possible de la liberté de l'auditoire de discuter ou de résister a ce qu'on lui propose (ibid, p. 24).
Ce que fait Knock avec tous ses patients, c'est de les manipuler pour les persuader qu'ils sont malades et qu'ils ont besoin de son aide précieuse . Et pour y réussir, il dispose de diverses techniques manipulatoires que l'on va montrer plus loin. Étant un 'bon' manipulates se servant de sa position sociale alimentée par sa (soi-disant) profession qui lui donne une certaine autorité et supériorité, il ne permet pas a ses patients de réagir, et les condamne a une soumission totale. Comme le font tous les médecins, il utilise de temps en temps le jargon médical (mais dans son cas, c'est pour se donner un air de compétent). Il lui arrive meme d'utiliser deux synonymes comme deux mots différents, comme le montre la réplique suivante :
Voila donc une malheureuse population qui est entierement abandonnée a elle-meme au point de vue hygiénique et prophylactique! (p. 70).
Le paradoxe de la piece provient du fait que le vrai médecin (Parpalaid) était inefficace dans son métier, malgré son diplôme, alors que le faux médecin (Knock) parvient a séduire tous les habitants du canton par son demi-savoir, sans etre titulaire d'un diplôme. En fait, les deux sont motives pour se faire de l'argent en trompant autrui : le premier (sous l'influence de sa femme) se contentant de vanter les mérites de sa voiture cassée pour pouvoir la vendre a un bon prix, ainsi que de louer sa qualité professionnelle, veut tromper Knock ; tandis que ce dernier cherche a conquerir tous les habitants du canton pour les transformer en sa clientele. Vis-a-vis de la modestie de la passion affairiste du vrai médecin, Knock se montre comme un esprit d'envergure dans le meme domaine.
En réalité, Parpalaid est un médecin plutôt de bonne volonté, car ne voulant tromper aucun de ses patients, il s'abstient de prescrire des médicaments lorsqu'il ne s'agit pas d'une vraie maladie. Mais en meme temps, plutôt par nonchalance, il est incapable de persuader et de fidéliser ses patients :
LE TAMBOUR : Et puis il [Parpalaid] vous indiquait des remedes de quatre sous ; quelquefois une simple tisane. Vous pensez bien que les gens qui payent huit francs pour une consultation n'aiment pas trop qu'on leur indique un remede de quatre sous. Et le plus bete n'a pas besoin du médecin pour boire une camomille. (p. 55).
Il en découle que le vrai médecin n'est pas suffisamment passionné, ni motivé pour gagner de l'argent par sa profession, car il avait perdu avec le temps son espoir devant les habitants du village qui se portent plus ou moins bien, et qui sont terriblement avares (p. 41). Par contre, le faux médecin réussit a les captiver et les persuader qu'ils sont tous malades et que lui, il est un médecin miraculeux qui est venu leur preter son secours. Le succes du faux médecin provient non seulement de sa force de persuasion, mais aussi de son talent de tirer profit de la faiblesse de son prédécesseur et d'en faire tout le contraire.
(ProQuest: ... denotes formula omitted.)
5.Les procédés argumentatifs (fallacieux) et rhétoriques utilisés par Parpalaid et Knock
Force est de rappeler que Knock qui ne pense qu'a son intéret ne s'occupe nullement des réalités et encore moins de la santé de ses patients. S'il utilise quelques procédés argumentatifs, c'est pour détourner ou maquiller les faits. Breton appelle 'manipulation cognitive' cette technique de détournement de l'argument : L'auditoire croit avoir affaire a un argument, qui le laisse libre, alors que dans les faits il est confronté a un énoncé manipulatoire qui n'a que l'apparence de l'argument (Breton, 2006 : 50). 'Exagérer' et 'minorer' font partie des arguments de cadrage3 [qui] consistent a présenter le réel d'un certain point de vue, en amplifiant par exemple certains aspects et en minorant d'autres, afin de faire ressortir la légitimité d'une opinion (Breton, 2006 : 43). Il faut dire qu'il s'agit, dans la piece de Romains, plutôt de la rhétorique que de l'argumentation :
Exagérer
Au début de la piece, c'est d'abord le docteur Parpalaid qui présente par exagération les qualités
- d'une voiture tres ancienne, dans l'intention de la vendre a un prix exorbitant (p. 13, 14, 22, 27),
- d'une région, dans l'intention de vendre son poste, et pour que Knock veuille s'y installer :
comme le point de vue est ravissant. On se croirait en Suisse. (p. 21),
- de la clientele :
LE DOCTEUR, mettant la main sur le bras de Knock.
Croyez-moi, mon cher confrere. Vous avez ici le meilleur type de clientele : celle qui vous laisse indépendant. (p. 26).
Quant a Knock, il ne néglige aucune occasion pour 'se vendre' en exagérant. Il prétend par exemple que c'est avec lui que va commencer 'l'âge médical', et ceci en minorant en meme temps tout ce qui a été fait jusque-la avant lui :
KNOCK, il paraÎt agité, se frotte les paumes, et, tout en marchant :
En somme l'âge médical peut commencer. (p. 45)
Par surcroÎt, pour épouvanter le public, il recourt souvent aux chiffres exagérés :
sans penser aux milliards de bactéries qu'ils avalent a chaque gorgée (p. 70) ;
des trillions de bacilles de la derniere virulence capables d'infecter un département (p. 73).
Minorer
Knock sous-estime la clientele que veut lui vendre le docteur, et ce dernier, pour sa part, minore la somme d'argent qu'il demande a Knock :
KNOCK : (...) Mon cher confrere, vous m'avez cédé -pour quelques billets de mille, que je vous dois encore- une clientele de tous points assimilable á cette voiture (...) (p. 27)
LE DOCTEUR : Ne vous moquez pas trop de moi, mon cher confrere. C'est grâce a cette toquade que vous avez ma clientele pour un morceau de pain. (p. 18)
Par ailleurs, Knock minimise l'importance et la nécessité des études de médecine en amplifiant en revanche ses propres dons et 'sentiments' médicaux qui, pour lui, sont suffisants pour exercer le métier :
KNOCK : Ces textes [ les annonces médicales et pharmaceutiques des journaux, ainsi que les prospectus intitulés 'mode d'emploi' ] m'ont rendu familier de bonne heure avec le style de la profession. Mais surtout ils m'ont laissé transparaÎtre le véritable esprit et la véritable destination de la médecine, que l'enseignement des Facultés dissimule sous le fatras scientifique. Je puis dire qu'a douze ans j'avais déja un sentiment médical correct. (p. 34)
KNOCK : Je n'ignorais pas que le doctorat est une formalite indispensable. (p. 37)
Comparer
Pour se valoriser en dévalorisant son interlocuteur, Knock procede a une comparaison entre lui et le vrai médecin.
KNOCK : Oui, vous, vous n'aviez pas la vocation. Moi, je me suis présenté. Comme j'ai horreur des situations fausses, j'ai déclaré en entrant : (...) (p. 33)
Ailleurs, il recourt a une analogie a quatre termes en la dotant d'une portée argumentative (Breton, 2006 : 43) : /Médecin/ /sans le pharmacien/ = /Général/ /sans artillerie/
KNOCK : Pour moi, le médecin qui ne peut pas s'appuyer sur son pharmacien de premier ordre est un général qui va a la bataille sans artillerie. (p. 75)
6.Des actes manipulatoires en vue de la persuasion
Persuader en semant la panique
En vue de gagner la confiance du public, Knock opte pour une stratégie qui lui est propre : c'est d'alarmer l'opinion en avertissant d'un danger imaginaire, et de se désigner comme le seul sauveur. Dans l'annonce qu'il a dictée au tambour de ville, Knock signale des maladies sévissant dans la région alors qu'il n'en est rien :
KNOCK : (...) dans un esprit philanthropique, et pour enrayer le progres inquiétant des maladies de toutes sortes qui envahissent depuis quelques années nos régions si salubres autrefois... (p. 58)
Pour Knock, meme boire de l'eau est un prétexte pour épouvanter le public :
KNOCK [au pharmacien] : Je parie qu'ils boivent de l'eau sans penser aux milliards de bactéries qu'ils avalent a chaque gorgée. (p. 70)
Dans l'intention de persuader le public, il envisage aussi des conférences ou il inventera des prétendus dangers graves et imminents pour la santé publique :
KNOCK, comme s'il n'avait rien entendu.
Pour ceux que notre premiere conférence aurait laissés froids, j'en tiens une autre, dont le titre n'a l'air de rien : Les porteurs de germes . Il y est démontré, clair comme le jour, a l'aide de cas observés, qu'on peut se promener avec une figure ronde, une langue rose, un excellent appétit, et receler dans tous les replis de son corps des trillions de bacilles de la derniére virulence capables d'infecter un departement. (Il se léve.) Fort de la théorie et de l'expérience, absolument rien ne me prouve que vous n'en etes pas un. (...) (p. 73).
Persuader par la peur
Meme déguisée sous la forme de l'autorité, le ressort de la peur qu'inspire celui qui veut convaincre reste une des ressources de la manipulation (Breton, 2000 : 87-88). Ainsi Knock fait-il appel aux sentiments des habitants du canton pour les pousser a agir et pour les rendre ses patients fideles :
KNOCK [au tambour] : Ce n'est peut-etre pas encore tres grave. Il était temps de vous soigner. (...) (p. 64)
KNOCK : (...) Fort de la théorie et de l'expérience, absolument rien ne me prouve que vous n'en etes pas un. (...)
BERNARD : Vous pensez que moi, docteur, je suis porteur de germes ?
KNOCK : Pas vous spécialement. J'ai pris un exemple. (p. 73-74)
KNOCK [a la dame en violet] : Représentez-vous un crabe, ou un poulpe, ou une gigantesque araignée en train de vous grignoter, de vous suçoter et de vous déchiqueter doucement la cervelle.
LA DAME : Oh! (Elle s'effondre dans un fauteuil.) Il y a de quoi s'évanouir d'horreur. Voila certainement ce que je dois avoir. Je le sens bien. (p. 99).
Persuader par des compliments excessifs
Il s'agit ici d'une démagogie qui désigne, au sens politique et usuel, une action de flatter les aspirations a la facilité et les passions des masses populaires pour obtenir ou conserver le pouvoir ou pour accroÎtre sa popularité (Larousse). Pour Knock, faire des compliments a ceux qui lui seront utiles est une technique courante. Entre autres exemples, il loue les qualités de l'instituteur pour pouvoir obtenir son aide dans ses plans calculés :
KNOCK [a l'instituteur] : Monsieur Bernard, quelqu'un qui est bien renseigné sur vous, m'a révélé que vous aviez un grave défaut : la modestie. Vous etes le seul a ignorer que vous possédez ici une autorité morale et une influence personnelle peu communes. Je vous demande pardon d'avoir a vous le dire. Rien de sérieux ici ne se fera sans vous. (p. 71).
Apres avoir élevé le statut professionnel de l'instituteur a celui de guide , il lui fait des promesses, et pourtant ce ne sont que des promesses fallacieuses pour le tout début :
KNOCK [a l'instituteur] : Au début, c'est vous qui serez mon guide. [compliments] / (...) vos procédés seront les miens, vos heures seront les miennes. [promesses] (p. 67).
Knock va tellement loin dans l'exagération que meme son interlocuteur réagit pour l'arreter :
KNOCK [a l'instituteur] : (...) Rien de sérieux ici ne se fera sans vous.
BERNARD : Vous exagérez, docteur. (p. 71)
Plus loin dans la piece, il parle de façon élogieuse de la pharmacie :
KNOCK [au pharmacien] : (...) il n'en faut pas davantage pour constater l'excellence de votre installation, l'ordre méticuleux qui y regne et le modernisme du moindre détail. (p. 75)
Sans chercher la réalité, il arrive meme a Knock de se hâter de donner raison a la dame en violet :
Quelle que soit votre raison, madame, elle est certainement excellente. (P. 96).
Persuader par des details précis
Selon l'opinion générale, la réalité se cache dans les détails : en effet, en situation de communication, plus on étale les détails, fussent-ils futiles ou subtils, plus on a de la chance de diffuser une image de compétent, de connaisseur, voire d'expert. En plus, les détails donnent aussi une impression de vraisemblance et permet de rendre le propos fiable. Par exemple, en parlant au docteur Parpalaid de sa soi-disant these de doctorat, il donne les détails suivants :
KNOCK : Oui, trente-deux pages in-octavo : sur les prétendus états de santé, avec cette épigraphe, que j'ai attribuée a Claude Bernard : Les gens bien portant sont des malades qui s'ignorent. (p. 31).
Intriguer par des détails superflus
En outre, les détails servent également a troubler les esprits de maniere a les éloigner du point essentiel que l'on voudrait éviter. Ainsi, les détails prennent la place de l'essentiel, et ce dernier se noie et s'oublie, au moins pour un certain temps. Devant la langue de bois utilisée par le locuteur, l'allocutaire se focalisant sur les détails (qui n'apportent aucune information) se laisse ainsi manipuler en négligeant l'essentiel.
Knock recourt amplement aux menus détails comme un spécialiste de la langue de bois :
KNOCK, d'un air de profonde concentration. Attention. Ne confondons pas. Est-ce que ça vous chatouille, ou est-ce que ça vous gratouille ? (p. 62).
Quelle différence peut-il y avoir entre les deux termes puisqu'ils sont presque synonymes ? L'important ici, pour Knock, est de brouiller l'esprit du patient, de donner ainsi a son prochain diagnostic un ton sérieux, et en outre, de gagner du temps pour préparer sa stratégie.
Dans la meme scene, il s'arrete sur l'âge exact du tambour pour donner l'impression que cela a une grande importance et que lui, en tant que médecin, il s'intéresse a son état :
KNOCK : (...) Quel âge avez-vous ?
LE TAMBOUR : Cinquante et un, dans mes cinquante-deux.
KNOCK : Plus pres de cinquante-deux ou de cinquante et un ? (p. 63).
7.Des actes profiteurs pour construire un ethos efficace
Malgré la fausseté de sa position sociale, Knock parvient a obtenir la confiance de tous les habitants d'une région. Pour ce faire, paradoxalement et subrepticement, il agit par intéret. Quelques-uns de ses actes profiteurs sont les suivants.
Profiter de son statut professionnel
Amossy (2010 : 133-138) insiste sur le fait que l'ethos 'scientifique' de médecin est construit dans un rapport unilatéral de supériorité. Knock tire parti de son statut supérieur vis-a-vis de ses patients pour les conduire a une soumission totale. En effet, aucun de ses patients n'ose élever la voix contre lui, et ils respectent tous les regles imposées par lui. Par conséquent, Knock consolide son statut devant la position inférieure de ses interlocuteurs. La gestion de l'ethos est toujours collective. Mon image de moi est toujours soumise a la réaction de l'autre (Amossy, 2010 : 154-155). Le dialogue suivant montre la force de persuasion de Knock, provenant de son statut professionnel :
KNOCK : Est-ce que ça ne vous grattouille pas davantage quand vous avez mangé de la tete de veau a la vinaigrette ?
LE TAMBOUR : Je n'en mange jamais. Mais il me semble que si j'en mangeais, effectivement, ça me grattouillerait plus. (p. 63).
Profiter de la faiblesse d'un autre
Profiter de la faiblesse d'un autre dans le meme domaine pour fixer sa force, nourrie par le contraste, et de maniere a combler un vide. Effectivement, Knock débute l'exercice de la profession en recueillant le plus d'informations possible sur son prédécesseur Parpalaid, et il fait tout le contraire. Par exemple, lui, il prescrit des remedes a chaque occasion alors que Parpalaid conseillait juste une tisane, ou au plus un médicament de quatre sous .
Profiter des normes sociales et des préjugés
Profiter des normes sociales et des préjugés pour se montrer crédible : Knock jouit a son gré de la doxa présente dans le canton. D'apres Amossy (2010 : 48), la doxa est un ensemble d'opinions, de croyances, de representations propres á une communauté et qui ont á ses yeux valeur d'évidence et force d'universalité.
Toute construction d'ethos s'appuie sur les valeurs et les opinions de la communauté, qu'elle conforte en retour.
Ainsi, Knock établit son ethos par rapport a la doxa du canton selon laquelle un 'bon' médecin consulte, diagnostique, impose (un régime alimentaire par exemple) et prescrit des ordonnances meme dans le cas ou il n'y a rien de sérieux. Ce a quoi n'avait pas songé le vrai médecin, qui pourtant l'aurait rendu crédible aux yeux de ses patients. En effet, le docteur Parpalaid ne respectait pas les étapes d'une consultation conventionnelle : Le tambour : (...) il vous écoutait a peine, en faisant 'oui, oui', 'oui, oui', et il dépechait de parler d'autre chose, pendant une heure, par exemple de son automobile (p. 55). C'est donc le faux médecin qui a rempli ce vide en établissant de longs dialogues avec ses patients, puis en exagérant dans ses diagnostics et ses ordonnances.
Conclusion : Ethos efficace et multiforme de Knock
La technique manipulatoire dont Knock se sert le plus est sans conteste le mensonge sous toutes ses formes. En effet, pour Breton (2000 : 102), le mensonge sur les faits est une arme de guerre. Tous les strateges la recommandent, en lui reconnaissant un statut de violence psychologique (...). Mentir entraine l'adversaire a prendre de mauvaises décisions, les plus mauvaises pour lui. La désinformation, cadrage manipulates par excellence, est une arme intellectuelle (...) . Ainsi, la vraie compétence de Knock est de pouvoir détourner ou d'invertir les faits et de pouvoir cacher ses intentions réelles dans toutes les circonstances. Un seul exemple :
KNOCK [au tambour] : Vous comprenez, mon ami, ce que je veux, avant tout, c'est que les gens se soignent. Si je voulais gagner de l'argent, c'est a Paris que je m'installerais, ou a New York. (p. 59).
Étant donné que Knock réussit a la fin de la piece, il ne sera pas illusoire d'affirmer que Jules Romains montre qu'un menteur compétent et habile a toutes les chances de créer un ethos crédible et d'obtenir de la sorte son objet de valeur. Signalons au passage que le sous-titre de la piece, le triomphe de la Médecine, signifie implicitement et ironiquement 'le triomphe de la manipulation'.
Pour mettre au jour l'ampleur de la hardiesse de Knock cristallisée par les mensonges, il suffira de citer quelques (petits) mensonges dits par d'autres personnages. En effet, pas a la hauteur de Knock, et pas dans la meme intention (de manipulation), quelques personnages de la piece sont plus ou moins enclins au mensonge ; mensonge qui consiste ici plutôt a cacher certaines réalités. Nous avons vu que Madame et Monsieur Parpalaid ne cessaient de vanter les qualités de leur voiture (fatiguée) pour la vendre a Knock a un prix exubérant ; et celles de la région, pour vendre le poste a un bon prix, ou la 'clientele' est financierement sans intéret pour un médecin (comme Parpalaid). Par ailleurs, le tambour de ville dissimuler le fait qu'il est analphabete :
Je suis habitué aux écritures. Mais je préfere que vous me le lisiez une premiere fois (p. 57).
Quant a la dame en violet, elle a dit qu'elle voulait juste donner l'exemple en venant a la consultation, tandis que son intention réelle était de profiter d'une visite gratuite (p. 96).
Å la fin de cette breve analyse, on peut conclure que Jules Romains fait une excellente description des étapes de la manipulation de toute une communauté par un imposteur, compétent en la matiere. Son succes provient fort probablement du fait que l'ethos de Knock est multiforme.
Il affirme lui-meme au docteur Parpalaid qu'il est tenté, outre la médecine, par des professions comme la politique, la finance et le sacerdoce :
Il n'y a de vrai, décidément, que la médecine, peut-etre aussi la politique, la finance et le sacerdoce que je n'ai pas encore essayés. (p. 38).
Bien qu'il ne les ait pas encore essayés, il s'avere que son identité professionnelle ('médecin') est en fait une collecte de tous ces domaines d'exercice :
Knock, politicien : Agissant comme un stratege qui manipule le public par des promesses abondantes, il a l'air d'un politicien rusé. Il est communément admis que tout comme un publicitaire ou un vendeur, le politicien exerce l'art de se vendre, ou de vendre un idéal, une idéologie.
Knock, voyant : Suivant la personnalité de ses patients, il lui arrive de se comporter comme s'il avait des dons exceptionnels. Dans la scene suivante par exemple, a la suite d'une consultation de quelques secondes, il fait semblant de découvrir tous les détails d'un accident qui remonte a l'enfance de sa patiente de 45 ans, la dame en noir :
KNOCK, il l'ausculte.
Baissez la tete. Respirez. Toussez. Vous n'etes jamais tombée d'une échelle, étant petite ? (...) (p. 84)
KNOCK, trés affirmatif.
C'était une échelle d'environ trois metres cinquante, posée contre un mur. Vous etes tombée a la renverse. C'est la fesse gauche, heureusement, qui a porté. (p. 85).
Knock, homme d'affaires ou affairiste : La piece abonde de chiffres et de répliques sur l'intéret matériel et le marchandage (Knock avec Parpalaid et les patients).
Knock, publicitaire : Comme l'indique Maingueneau (2002 : 82), la publicité vise [...] a persuader en associant son produit qu'elle vend a un corps en mouvement, a un style de vie, une maniere d'habiter le monde . Nous avons vu que Knock qui se fait passer pour un vrai médecin se permet de profiter de toutes les occasions pour 'lancer' son génie médical et sa force de persuasion par diverses techniques. Il exagere ses connaissances insuffisantes en les amplifiant devant un écran grandiose, et il vend son 'produit' a des clients prédisposés a suivre leur manipulates.
Pour terminer, le titre de la piece, Knock ou le triomphe de la Médecine, annonce des le début que nous sommes devant une satire, non seulement la satire de la médecine mais encore et surtout celle des manipulateurs et de l'état des manipulés :
KNOCK, la fait asseoir
Vous vous rendez compte de votre état ?
LA DAME : Non.
KNOCK, il s'assied en face d'elle.
Tant mieux. (p. 86).
Ece Korkut travaille a l'Université Hacettepe (Ankara-Turquie), dans le département de didactique du Français langue étrangere. Ses travaux concernent notamment les sciences du langage, l'analyse du discours et l'enseignement du FLE. Elle est l'auteure du livre intitulé Pour apprendre une langue étrangere (FLE) (2004, 2018 Ankara : Pegem Akademi) et co-auteure du livre intitulé Pour comprendre et analyser les textes et les discours (2009, L'Harmattan) ainsi que du livre intitulé Le lexique du français (2011, 2018 Ankara : Seçkin).
Notes
1 Les annotations en italique nous appartiennent.
2 Mis en italique par nous.
3 Philippe Breton étudie, dans son ouvrage (p. 40-105), quatre grandes familles d'arguments : arguments d'autorité, arguments de communauté, arguments de cadrage (définition, présentation -amplification, expolition, chiasme, argument de la toute-puissance-, association, dissociation, argument quasi-logique) et arguments d'analogie.
Bibliographie
Amossy, R. 2000. L'argumentation dans le discours. Paris : Nathan.
Amossy, R. 2010. La présentation de soi. Ethos et identité verbale. Paris : PUF.
Aristote 1967-1980. La Rhétorique, 3 vols. Paris : Les Belles-Lettres.
Barthes, R. 1996. L'ancienne rhétorique. In Communications, 16.
Breton, Ph. 2000, 1997. La parole manipulée. Paris : La découverte & Syros.
Breton, Ph. 2006. L'argumentation dans la communication. Paris : Editions La Découverte.
Ducrot, O. 1984. Le Dire et le Dit. Paris : Minuit.
Maingueneau, D. 1998, 2002. Analyser les textes de communication. Paris : Nathan.
Maingueneau D. 2002. Problemes d'ethos . Pratiques, n° 113-114, juin 2002, p. 55-67.
Romains, J. 1924. Knock ou Le triomphe de la Médecine. Paris: Gallimard, Folio.
Soulez, G. 2002. Ethos, Énonciation, Média. Sémiotique de l'ethos. In : Recherches en communication, n° 18.
Sites consultes
http://lesanonymestp.net/
Larousse.fr
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Abstract
Cet article a pour but d'analyser Knock ou le triomphe de la Médecine, le texte dramatique en trois actes de Jules Romains, publié en 1923. S'inspirant largement de Molière, Romains a fait d'une part la satire de la médecine, de l'autre, il a créé un personnage qui se présente comme un médecin agissant plutôt comme un homme d'affaires avisé ou comme un publicitaire. Ce personnage, Knock, s'invente un ethos bien efficace, quoique fallacieux, par sa grande capacité à pouvoir tromper ses interlocuteurs via son logos. Cette étude vise donc à mettre au jour les procédés argumentatifs auxquels recourt Knock pour construire un ethos discursif crédible auprès de ses patients. La méthode d'analyse utilisée dans cet article est celle de l'école française d'analyse du discours, et l'étude sera basée notamment sur les concepts tels que l'ethos et l'argumentation. Alors que pour Aristote, la sincérité et la bienveillance figuraient parmi les trois axes constitutifs de l'ethos (le troisième étant la compétence), celles-ci ont perdu de leur valeur avec le temps. Les expériences de l'Humanité ont montré que les locuteurs pouvaient construire un ethos efficace sans pourtant être sincères ni bienveillants. La compétence, qui désigne dans la rhétorique d'Aristote « les choix délibérés qu'on effectue pour résoudre un problème », peut être suffisante pour construire une image de soi fiable, fût-ce pour un temps délimité. Ainsi, un menteur ou un manipulateur compétent et habile a toutes les chances d'être crédible et d'obtenir de la sorte son objet de valeur.