L'Anno 2440

Louis-Sébastien Mercier, L'Anno 2440, Traduzione, saggio intoduttivo e note di Laura Tundo. Bari: Edizioni Dedalo, 1993, 320 pp., ISBN 88-220-6151-9, lire 38.000.

Selon Alain Pons dans sa Préface à L'An 2000 (Paris: France Adel, 1977), Jean-Sébastien Mercier (1740-1814) se considérait comme "le plus grand livrier de France" (10), ce qui n'était pas peu en cette effervescence des Lumières. Ce polygraphe hypersensible eut le don de vibrer à tous les vents de novation dans tous les genres. En 1791, parlant de la Révolution française encore toute fraîche, il pouvait se vanter de l'avoir prévue dix-neuf ans avant qu'elle n'éclate. Entre nous, à sa place on se serait méfié: n'avait-il pas fini d'écrire cet éloge de soi-même que la Terreur faillit, d'un cheveu, l'emporter! Et une utopie qui trouverait sa réalisation inchoative si littéralement et si vite ne prouverait-elle pas sa non-appartenance au genre ? Et pourtant, cet expert en modestie l'a bien dit: la Révolution, "je l'avais conçue en idée" dans mon An 2440 (De J.J. Rousseau considéré comme l'un des premiers auteurs de la Révolution, 1791, 17). Rendez-vous pour discussion finale!

On sait qu'il s'agit d'un songe fictif publié en 1771, soit vingt et un ans après le Discours sur le progrès de l 'esprit humain de Anne Robert Jacques Turgot (1750) et vingt quatre ans avant l'Esquisse d'un tableau historique des progrès de l'esprit humain du Marquis de Condorcet (1795). Notre visionnaire y extrapolait, comme partiellement réalisées mais destinées à de nouveaux progrès encore, les idées concoctées par le siècle des Philosophes. Avec ses Tableaux de Paris, son incontestable chef-d'oeuvre, L 'An 2440, rêve s 'il enfui jamais, constitue un témoignage incontournable pour l'historien des idées désirant connaître la génération qui a préparé, fait et traversé la Révolution. Il a de plus le mérite de donner un grand coup dans le sens d'une mutation du code narratif de l'utopie: son introduction exemplaire, pour le meilleur ou pour le pire, du temps imaginaire comme matrice de ce que la société pourrait devenir, si... Faudra-t-il parler d'uchronie ? Dispuiatur. En tout cas la parole de Leibniz placée en épigraphe de l'oeuvre est indicative de cet esprit: "Le temps présent est gros de l'avenir".

Ce dernier ouvrage, peut-être plus talentueux que génial mais hautement symptomatique (et à...