Content area
Full Text
Thierry Pillon, Le corps à l'ouvrage, Stock, 2012.
Que disent les ouvriers de leur expérience sensible du travail ? Comment se constitue leur rapport au corps, dans le travail et hors du travail ? Ces questions traversent finalement en filigrane nombre de travaux en sociologie du travail. Moins courante en revanche est la question de savoir ce qu'ils et elles écrivent à ce propos.
Presque dix ans après son fameux Traité de sociologie du travail1, co-écrit avec François Vatin, Thierry Pillon choisit dans son dernier ouvrage de nous emmener à la rencontre du corps au travers des récits d'ouvriers. Anonymes dont la parole est rapportée par un tiers, militants « établis », ouvriers voulant témoigner de leur expérience, prêtres-ouvriers, depuis fort longtemps les ouvriers écrivent et n'ont pas attendu l'attention des sociologues pour le faire. Ce qui nous intéressera dans Le corps à l'ouvrage, ce n'est donc pas tant la publication d'écrits ouvriers, mais tout le travail de sélection et d'analyse réalisé par l'auteur. L'analyse du rapport à l'écrit est loin d'être négligée, notamment dans l'introduction et la conclusion, respectivement intitulées « écrire » et « lire ». Raconter la dureté du travail pour y dénoncer des rapports d'exploitation, témoigner d'une fierté ouvrière en décrivant la complexité de la tâche, rechercher une forme d'émancipation par un travail poétique, les écrits d'ouvriers ont des buts divers. Mais ce qui fonde...