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Les contes d'origine populaire ont ceci de particulier qu'ils appartiennent à un patrimoine qui dépasse largement toutes les frontières, qu'elles soient géographiques ou linguistiques. Comme ils n'ont pas d'auteurs repérables, les chercheurs sont encore réduits, à l'époque actuelle, à échafauder des hypothèses pour expliquer où, quand et comment ils ont été produits. C'est dire que prétendre étudier des textes écrits qui s'en inspirent est une entreprise difficile et parfois aléatoire. En effet, la plasticité et la volatilité de la matière populaire sont telles qu'un auteur peut avoir eu accès à cette source par deux voies très différentes: l'une orale, celle de la « chaîne traditionnelle » dans laquelle un conteur raconte à un auditeur qui mémorise le récit et le raconte à son tour; dans ce cas, la source est pratiquement impossible à repérer, l'oral étant par définition insaisissable; l'autre classique, celle de la lecture d'un texte écrit-donc figé et accessible au chercheur. Or, parmi les sources possibles des contes de fées du XVIIe et du XVIIIe siècle français, figurent deux recueils italiens: Les Facétieuses Nuits de Straparole (1550-1553) et le recueil de Basile publié de façon posthume en 1634, à Naples: Le Conte des contes ou Le Divertissement des petits enfants. Ces deux ouvrages ont la particularité de juxtaposer deux types de textes: d'une part, des récits qui mettent en oeuvre des contes types populaires bien repérés par les folkloristes, d'autre part des récits romanesques dont l'origine n'est pas forcément populaire. En ce qui concerne les premiers il est certain que les deux auteurs italiens y ont eu accès par la voie orale, car il n'en existait à l'époque aucune version écrite. Ces deux recueils présentent de nombreux points de convergence avec les contes écrits publiés en France à l'époque classique, mais pour les raisons qui viennent d'être analysées, il n'est pas toujours facile de savoir si les auteurs français s'inspirent des récits publiés par les Italiens ou de sources orales auxquelles ils auraient eu directement accès. Pour sortir de cette impasse, il faut donc examiner les textes en prenant en compte ce que j'appellerai un « coefficient d'incertitude ».
De ces deux textes italiens, celui qui a été le moins étudié et qui soulève le plus de questions est, sans aucun doute, celui...