Par une volonté louable de rompre avec des approches psychologisantes du phénomène terroriste dominantes au cours des années 1960-70, les recherches contemporaines en matière de terrorisme(s) et de violence(s) politique(s) ont très largement mis l'emphase sur la figure du « terroriste » comme acteur rationnel et stratégique. Face aux limites des approches rationalistes de l'engagement radical qui envisagent de manière réductionniste les individus au travers d'un calcul rationnel univoque en terme de coûts et d'incitatifs à l'action, il nous apparaît important de réintégrer dans les réflexions théoriques sur les phénomènes terroristes, les émotions afin d'en interroger le rôle dans la production d'une trajectoire violente. Le présent article entend proposer à cet égard un bilan critique des travaux universitaires actuels autour de l'engagement terroriste et une réflexion théorique mettant en lumière les contours d'un futur agenda de recherche accordant une place plus importante aux ressorts émotionnels de la violence politique clandestine.
Mots clés : terrorisme, violence politique clandestine, radicalisation violente, émotions, croyances
Contemporary research on terrorism(s) and political violence(s) have largely put the emphasis on the figure of the "terrorist" as rational and strategic player, in a break with psychoanalytical approaches to terrorism that were dominant from the 1960-1970's. Given the limitations of rationalist approaches to radical commitment, and considering how reductionist is the understanding of individual participation to terrorism related activities through a rational calculation framework in terms of costs and incentives to action, it is important to reintegrate in the theoretical reflections on terrorist phenomena how emotions can play a role in leading potential terrorists down a violent path. This paper presents a critical assessment of current academic work surrounding the issue of violent radicalization and involvement in terrorism, and engages in a theoretical debate that highlights potential future research that could better integrate a prominent role for emotions in our understanding the process of terrorist radicalization and clandestine political violence.
Keywords: terrorism, clandestine political violence, violent radicalization, emotions, beliefs
Introduction
Comment un individu s'engage-t-il dans la pratique d'une violence armée clandestine à des fins politiques ? Quelles motivations sous-tendent son entrée dans une forme de militantisme radical, son affiliation à un mouvement clandestin prônant l'usage de la violence armée et dans certains cas la poursuite d'une véritable « carrière » terroriste ?1 Quels facteurs peuvent expliquer in fine les processus de radicalisation violente tant à une échelle individuelle que col lective ? Par une volonté louable de rompre avec les approches psychologisantes pour ne pas dire pathologisantes (Morf, 1970; Pearce, 1977) du terrorisme qui prévalaient au cours des décennies 1960-70 (Silke, 1998; Victoroff, 2005), les recherches contemporaines en matière de terrorisme(s) et de violence(s) politique(s) clandestine(s)2 ont très largement mis l'emphase sur la figure du terroriste comme acteur rationnel et stratégique (Crenshaw, 1998; Lake, 2002 ; Kydd & Walter, 2006 ; Abrahams, 2008). Ces perspectives théoriques ont toutefois eu pour effet pervers de « sur-rationaliser » (De Haan & Vos, 2003) les comportements des acteurs terroristes et dans le même temps de « sous-socialiser » les individus qui les endossent, excluant du même coup les dimensions expérientielles, cognitives et affectuelles qui entourent l'engagement dans l'action violente. Conséquence directe, la perspective rationaliste de l'engagement militant, que celui-ci s'avère de nature radicale ou non, conduit trop souvent à appréhender ce phénomène de manière réductionniste occultant les états affectifs qui s'y rattachent. Un regard plus attentif sur les récits biographiques et les trajectoires individuelles d'ex-militants radicaux et/ou terroristes nous permet toutefois d'entrevoir à quel point une dimension émotionnelle (Della Porta, 1995b: 150-152 ; Cottee & Hayward, 2011: 964 ; Bartlett & Miller, 2012: 13-14 ; Orsini, 2012: 676), voire quasi- existentielle (Pessin, 1996; McBride, 2011), s'avère quasiment toujours présente en arrière-plan de l'engagement militant radical. Exclure cette perspective affectuelle revient du même coup à appauvrir notre propre compréhension des phénomènes terroristes. Alors même que les sciences sociales se sont collectivement emparées des émotions comme des éléments intrinsèquement constitutifs de phénomènes sociaux les plus divers (Von Scheve & Von Luede, 2005) - qu'il s'agisse des relations internationales (Crawford, 2000; Moïsi, 2008 ; Bleiker & Hutchison, 2008), des mouvements protestataires (McAdam, 1986; Jasper, 1997; Aminzade & McAdam, 2002 ; Godwin, Jasper & Polletta, 2001; Gould, 2004; Traïni, 2009, 2010), des mouvements religieux (Lofland & Skonovd, 1981 ; Riis & Woodhead, 2010) des phénomènes révolutionnaires (Pearlman, 2013), des activités criminelles (Katz, 1988 ; De Haan & Loader, 2002) ou encore des violences de masses (Petersen, 2005; Sémelin, 2005; Chirot & McCauley, 2006 ; Straus, 2006) -, le champ des études sur le terrorisme et la violence politique clandestine semble paradoxalement peu réceptif aux échos de ce « tournant émotionnel » (Wetherell, 2012).
Si plusieurs auteurs mentionnent les émotions comme des facteurs sous-jacents à l'engagement terroriste (Taylor & Quayle, 1994: 19 ; Della Porta, 1995a; Taylor & Horgan, 2006: 592; Speckhard & Ahkmedova, 2006: 486; Silke, 2008: 113 ; Wright-Neville & Smith, 2009; Wilner & Dubouloz, 2011; Cottee, 2011: 737-738; Crettiez, 2011a: 55; Lindemann, 2012; McCauley & Moskalenko 2011: 221-222; Barlett & Miller, 2012: 13-14), ils n'offrent en retour que de vagues avenues conceptuelles et théoriques. À de rares exceptions près (Rice, 2009; Tosini, 2010; Cottee & Hayward, 2011; Rice & Agnew, 2013), les émotions ne sont évoquées qu'au détour d'un paragraphe sans jamais être sérieusement prises en compte. La littérature scientifique souligne leur existence sans pour autant tenter les incorporer dans les modèles explicatifs actuels. En l'absence d'un examen plus abouti, il semble difficile d'entrevoir l'influence véritable de ces logiques émotionnelles en matière de radicalisation violente. Face à ces lacunes, il nous apparaît déterminant de réintégrer dans la compréhension des phénomènes terroristes les émotions afin d'en interroger le rôle dans la production de carrières militantes violentes.
C'est à cette contribution singulière que souhaite s'attacher le présent article sous la forme d'un bilan critique des travaux universitaires actuels autour de l'engagement terroriste et d'une discussion mettant en lumière les contours d'un futur agenda de recherche accordant une place plus importante aux ressorts émotionnels de la violence politique clandestine. En conséquence, notre contribution se divisera en trois sections. Premièrement, il s'agira de proposer une brève présentation des travaux contemporains autour de l'engagement terroriste et de ce qu'il est désormais convenu d'évoquer sous le vocable de « radicalisation violente ».3 Après avoir exposé la montée en puissance d'un paradigme axé sur une compréhension processuelle et phénoménologique des carrières terroristes, nous adresserons dans une seconde section la problématique des émotions dans les études sur le terrorisme et l'engagement militant radical. Dans une troisième section, nous discuterons les contours d'une réflexion théorique autour des dimensions affectuelles de l'engagement terroriste. D'une part, il s'agira d'évoquer le rôle des émotions dans la formation d'une intentionnalité sous-tendant l'action terroriste et de l'autre, le passage concret à l'action terroriste. Dans une dernière sous-section, nous évoquerons la construction collective des affects qui justifient le recours à la violence armée et la nécessité pour les chercheurs de se pencher sur la construction collective des émotions.
Vers une compréhension processuelle et phénoménologique de l'engagement terroriste
Alors que les études sur le terrorisme et la violence politique clandestine ont considérablement évolué au cours des dernières décennies (Silke, 2004; Ranstorp, 2006; Jackson, 2009; Schmid, 2011), nombreux sont les chercheurs qui tendent actuellement à délaisser une grille de lecture en terme de « pourquoi » au profit d'un questionnement centré sur le « comment » de l'action radicale (Sommier, 2012: 15). Passant du même coup d'une recherche d'hypothétiques « causes racines » du terrorisme à une compréhension plus circonstanciée des processus d'engagement dans le militantisme radical (Sedgwick, 2010: 480), cette montée en puissance d'un paradigme axé sur les processus de radicalisation violente n'est pas anodine. Elle s'explique en partie par l'échec des approches théoriques centrées sur l'identification des racines structurelles du terrorisme (Campana & Lapointe, 2012). Face à l'incapacité de comprendre l'engagement terroriste au travers de déterminants - économiques, sociaux ou encore démographiques - universels et invariables, les chercheurs se sont progressivement réorientés vers une compréhension plus fine, contextuelle et située de l'engagement dans la violence armée, entendue en terme de processus et de trajectoires militantes (Taylor & Horgan, 2006; Horgan, 2008). Comme le rappelle Xavier Crettiez (2011b: 49-50): « Le genre, le niveau d'instruction ou l'insertion économique peuvent avoir de l'importance pour comprendre les logiques de l'engagement [terroriste], mais ils ne peuvent être lus de façon universaliste tant ils prennent sens au sein de cultures locales qui leur donnent sens ». Parallèlement, la disqualification des approches psychologiques centrées autour de l'identification d'une « personnalité terroriste » (Horgan, 2003: 10-14) n'a fait qu'accentuer ce basculement vers une analyse processuelle des logiques d'engagement dans l'action terroriste. Alors que de multiples études indiquent clairement l'absence d'un profil ou d'un parcours-type d'engagement dans le terrorisme (Horgan, 2003, 2005, 2008), les chercheurs tentent aujourd'hui de cerner les facteurs contextuels, circonstanciels et relationnels qui entrent en ligne de compte dans les trajectoires individuelles vers la violence politique clandestine.
Cette analyse processuelle du phénomène renvoie à une perspective théorique plus micro- sociologique, centrée sur l'individu et dépassant à la fois les biais des approches structuralistes (Schmid, 2011: 248-255) et rationalistes (Crenshaw, 1998; Lake, 2002; Kydd & Walter, 2006; Abrahams, 2008) du terrorisme. En rupture avec la figure de l'homo strategicus, elle permet d'envisager l'engagement dans le militantisme radical comme le résultat d'un processus de socialisation à la fois graduel, multidimensionnel et non téléologique (Silke, 2003; Horgan, 2005; Pisoiu, 2011). Cette « radicalisation pas à pas » (Collovald & Gaïti, 2006: 32) s'explique dès lors davantage par les contextes sociaux, les réseaux personnels et les influences relationnelles que par des variables déterministes ou une intentionnalité pré-déterminée de la part des individus (Dalgaard-Nielsen, 2010: 810). Au regard de 172 profils de militants jihadistes étudiés, Marc Sageman (2004, 2008) affirme que les relations interpersonnelles constituent en réalité un facteur primordial de basculement dans le terrorisme. Dans 68 % des cas étudiés, le processus d'engagement terroriste est favorisé par l'entourage amical et dans 14 % par des liens familiaux préexistants (Sageman, 2004: 111-112). Un constat largement partagé par d'autres auteurs ayant décortiqué les parcours de militants jihadistes en Europe (Bakker, 2006) ou de combattants appartenant à des groupes armés clandestins en Turquie (Dorronsoro & Grojean 2004), en Inde (Gayer, 2009), au Pakistan (Blom, 2008) en Irlande du Nord (Horgan, 2013) ou encore au Pérou (Felices-Luna, 2008). La permissivité des milieux de socialisation primaire - principalement l'environnement familial - et secondaire - groupe d'amis, associations politiques ou religieuses, etc. - vis-à-vis de l'usage de la violence s'avère également pointée du doigt comme un facteur d'influence déterminant pour comprendre l'affiliation d'un individu à un mouvement clandestin armé (Lee, 1983 ; Della Porta, 1995a: 66 ; Post, Sprinzak & Denny, 2003: 177; Bosi, 2012: 176 ; Della Porta, 2013: 125-126).
Bien que ces perspectives processuelles jettent un éclairage plus raffiné sur les facteurs constitutifs d'un « savoir-faire » et d'un « savoir-être » terroriste, elles n'en demeurent pas moins piégées dans une difficulté récurrente à saisir les transitions biographiques et les mécanismes cognitifs qui sous-tendent les processus de radicalisation violente. Bien souvent, l'insistance est davantage mise sur des variables contextuelles d'ordre général - famille, amis, entourage professionnel, etc. - justifiant l'engagement, la poursuite ou la sortie de l'action terroriste. Les éléments contextuels objectifs - que sont la stabilité d'emploi, le cercle familial, le lien amoureux, etc. - s'avèrent trop souvent désincarnés sans que les processus cognitifs et infra-individuels à l'oeuvre soient clairement explicités. Comme le remarquent justement Alex S. Wilner et Claire-Jehanne Dubouloz (2011 : 149 ; traduction de l'auteur) : « Ce que ces études n'explorent pas c'est la transformation de la perspective de sens - la construction psycho-cognitive individuelle de nouvelles définitions du soi - qui est nécessairement associée au processus de radicalisation et aux changements de comportements ». C'est plus précisément cette transformation subjective des « perspectives de sens » et des « croyances » en arrière-plan de l'engagement terroriste qu'il nous apparaît important d'appréhender afin d'étendre notre compréhension des trajectoires terroristes. À notre sens, cette tâche ne peut néanmoins s'effectuer sans une sérieuse prise en compte de la subjectivité des acteurs engagés dans la protestation violente. Elle nécessite par conséquent d'entrer dans cette « boite noire » des processus cognitifs qui conduisent certains individus à embrasser une « pensée extrême » (Bronner, 2009) faisant de la violence armée non seulement un moyen politique, mais une fin légitime en soi. Cette perspective phénoménologique (Goffman, 1974) suppose une étude des phénomènes terroristes permettant d'éclairer cette « intentionnalité émergente » (Tanner, 2012; Verdeja, 2012) qui conduit un individu à s'engager graduellement dans les formes les plus radicalisées du militantisme politique. À ce titre, les approches biographiques s'avèrent extrêmement bien calibrées pour être appliquées à de tels phénomènes. De nombreuses études mobilisent ce type d'approches méthodologiques qui permettent de saisir au plus près des individus à la fois les séquences de vie objectives et les dimensions cognitives plus subjectives s'attachant aux parcours radicalisés de militantisme (Felices-Luna, 2008; Gayer, 2009; Fillieule, 2010). Cette compréhension processuelle et phénoménologique du terrorisme contraint du même coup les chercheurs à envisager les processus de radicalisation violente non plus comme des variables indépendantes, mais bien comme des variables dépendantes (Tanner, 2011: 270). Parallèlement, les émotions ne peuvent être occultées puisqu'elles apparaissent en grande partie constitutive de ces transformations subjectives des perspectives de sens et des croyances sous-jacentes aux trajectoires vers le militantisme radical (Taylor & Horgan, 2006: 588). Parce qu'elles sont au coeur de la cognition humaine, de la construction du sens et des croyances qui orientent les actions individuelles (Sauvayre, 2012: 16-17), les émotions doivent faire partie intégrante du cadre explicatif des phénomènes terroristes. De manière communément admise, les émotions constituent un élément indispensable à la cognition et au déploiement du raisonnement humain dans toute sa globalité (Elster, 1999). L'exclusion des affects dans la compréhension des phénomènes sociaux n'est donc pas justifiable ni philosophiquement, ni scientifiquement. Les émotions constituent en effet non seulement une condition de l'action humaine, mais plus encore l'un des éléments moteurs de nos interactions en groupe(s) et en société(s) (Damazio, 1994). À cet égard, il convient de constater que les études contemporaines sur le terrorisme et la violence politique ne réservent pourtant que de maigres efforts à une théorisation du rôle des émotions dans ces phénomènes, comme nous le verrons dans la section suivante.
Les émotions dans les études contemporaines sur le terrorisme et la violence politique clandestine
Une compréhension affinée des configurations cognitives et sociales complexes qui sous-tendent les processus d'engagement dans le terrorisme ne peut faire l'économie d'une prise en compte des dimensions émotionnelles qui traversent tout phénomène social. Si les perspectives théoriques processuelles et phénoménologiques évoquées ci-dessus soulignent l'importance de porter une attention particulière aux croyances et aux perspectives de sens qui s'expriment chez les individus engagés dans des formes radicalisées de militantisme, elles laissent néanmoins en suspens la question des ressentiments et des émotions enchevêtrées dans ces phénomènes (Wright-Neville & Smith, 2009: 88). De manière plus générale, les affects transparaissent comme un problème épineux pour les sciences sociales allant à l'encontre d'une conception classique de la rationalité supposée des actions individuelles (Boudon, 2012). Prenant racine dans une forme de dualisme intellectuel traversant la pensée occidentale qui tend trop systématiquement à séparer 'raison' et 'affect' (Sommier, 2010: 188), mais également dans une volonté affichée de rompre avec l'héritage d'un « psychologisme des foules », cette occultation des affects demeurera persistante tout au long du XXe siècle, à l'exception près du champ restreint de la sociologie des émotions (Kemper, 1978; Turner & Stets, 2006). En conséquence, il n'est pas étonnant de constater que les études sur le terrorisme et la violence politique clandestine ont pu connaître une forme de désaffection analogue pour les émotions, sans doute en partie explicable par une volonté de « dé-psychologiser » un champ d'études en plein développement et de fonder le terrorisme comme un objet d'étude scientifique à part entière.
Une revue non-exhaustive de la littérature scientifique contemporaine éclaire cependant le constat partagé par nombre de spécialistes du champ d'une nécessité urgente de reconsidérer les émotions comme une variable trop souvent marginalisée dans la compréhension des phénomènes étudiés. Ainsi pour Wright- Neville et Smith (2009: 88 ; traduction de l'auteur): « Au cours des dernières années, plusieurs chercheurs travaillant dans le champ de la science politique ont tenté de redynamiser l'étude des émotions, illustrant leur importance dans les défis politiques contemporains. Néanmoins, les études sur le terrorisme demeurent une exception notable à cette tendance, même s'il est communément admis que les émotions constituent une dynamique importante du comportement terroriste ». Plusieurs auteurs reconnaissent les émotions comme des éléments centraux aux processus de radicalisation violente (Taylor & Horgan, 2006: 589; McCauley & Moskalenko, 2008, 2011: 221-222), mais peu s'engagent en définitive dans une théorisation de leur(s) rôle(s). Si John Horgan (2008: 84) identifie par exemple les émotions comme faisant partie intégrante des facteurs dispositionnels sous-jacents à l'engagement radical, il ne précise toutefois pas le fonctionnement concret qu'il entrevoie pour ces mécanismes affectuels. D'autres auteurs s'attachent pour leur part à évoquer diverses émotions négatives comme autant de motifs d'engagement dans la violence politique clandestine sans pour autant être en mesure d'offrir une compréhension concrète de leur influence. À cet égard, l'humiliation et les affects qui s'y rattachent - désir de revanche, volonté de réparation, etc. - constituent des motifs très souvent mis en lumière dans la littérature en vue d'expliquer les phénomènes protestataires violents (Kristof, 2002; Stern, 2003: 32; Khosrokhavar, 2009: 199). La vengeance est également couramment citée par certains auteurs comme facteur influent en matière d'engagement dans la violence politique clandestine (Crenshaw, 1981: 394 ; Silke, 2003, 2008: 113-114; Speckhard & Ahkmedova, 2006). D'autres auteurs inspirés du courant de la "cultural criminology" font quant à eux des désirs existentiels et affectifs divers - excitation, gloire et quête de sens - les fondements d'un parcours vers le terrorisme (Cottee & Hayward, 2011). Antérieurement, Taylor et Quayle (1994) avaient déjà mis l'accent sur cette même dimension existentielle dans les parcours de terroristes étudiés (McBride, 2011), sans toutefois proposer des pistes avancées de théorisation. De son côté, Lindemann (2012: 209-224) s'inscrit quant à lui dans un questionnement plus macro du rôle des dimensions affectuelles dans les dynamiques terroristes. Dans son étude de cas sur les attentats de Londres en 2005, Lindemann fait du « déni de reconnaissance » et des émotions qui s'y rattachent l' un des fondements explicatifs du basculement de Mohammad Sidique Khan et ses complices dans un processus de radicalisation violente. Cette approche macro-théorique pose néanmoins une série de problèmes quant à une opérationnalisation concrète de l'influence des émotions identifiées au niveau des individus engagés dans une trajectoire radicale.
Cette problématique du « déni de reconnaissance » soulevée par Lindemann renvoie très largement à un autre concept plus connu dans la littérature : celui de « privation relative » - relative deprivation en anglais. Fortement mobilisée dans plusieurs modèles explicatifs du terrorisme (Borum,2003; Moghaddam, 2005), cette notion théorique de « privation relative » s'avère complexe et multidimensionnelle comme le démontre son utilisation abondante en sciences sociales (Walker & Smith, 2002). Elle renvoie en premier lieu à l'expérience éprouvée par un individu d'un sentiment de discrimination relative à ses propres conditions - matérielles et/ou sociales - d'existence, et ce comparativement à d'autres individus et/ou groupes dans un contexte ou une situation donnée (King & Taylor, 2011: 609). Cette expérience de discrimination est avant tout d'ordre subjective et émotionnelle. Elle résulte d'une comparaison opérée par l'individu lui-même et non d'une analyse objective de sa situation. Indépendamment du statut socio- économique de l'individu, c'est bien dans cette perception d'une discrimination relative à autrui et non pas une privation réelle qu'il faut chercher un motif d'indignation agissant dans certains cas comme une justification au passage à l'action violente. Malgré les nombreuses critiques adressées au concept de « privation relative », sa compréhension a été considérablement raffinée par la psychologie sociale au cours des dernières années, tout particulièrement en y intégrant la problématique des dimensions collectives et identitaires (Smith & Ortiz, 2002). King et Taylor (2011: 610) mentionnent d'ailleurs la très forte pertinence de cette notion de « privation relative » dans la compréhension des carrières militantes violentes soulignant au passage l'importance d'éclairer les logiques émotionnelles qui rentrent en ligne de compte dans la cristallisation d'un tel ressenti: « La privation relative est souvent intégrée dans les modèles théoriques du processus de radicalisation vers le terrorisme. Ce qui a cependant été négligé par ces modèles, c'est la distinction entre les dimensions cognitives et émotives de cette privation relative » (King, 2012: 155). Ce sont les émotions suscitées par la discrimination ressentie, et non seulement sa conscience qui peut potentiellement susciter l'engagement militant, que celui-ci s'avère de nature radicale ou non. À notre sens, King (2012) offre plusieurs pistes fructueuses de réflexion, autour des dimensions affectives liées à une perception de privation relative envisagée dans une dimension identitaire collective - en anglais group- based relative deprivation - qui mériteraient d'être reprises et plus amplement développées par les chercheurs. Les travaux de McCauley et Moskalenko (2008) s'inscrivent dans cette même veine en tentant d'identifier les divers mécanismes de radicalisation violente qui s'expriment tant à un niveau individuel que collectif. Si ces deux auteurs mentionnent de manière récurrente les émotions, ils refusent néanmoins de leur accorder une dimension ontologique dans l'explication des trajectoires vers le terrorisme (McCauley & Moskalenko, 2011).
Émotions et terrorisme : quelles pistes d'enrichissements pour comprendre la violence politique clandestine ?
Au regard des éléments présentés ci-dessus, il semble communément admis qu'une meilleure prise en considération des émotions s'avère indispensable pour mieux évaluer la nature des processus de radicalisation violente et des trajectoires d'engagement dans la violence politique clandestine. Dans le même temps, cette théorisation des dimensions affectuelles du terrorisme s'avère une entreprise complexe et pour l'heure trop peu engagée par les chercheurs (Wright-Neville & Smith, 2009: 89). D'une manière générale, les émotions sont appréhendées comme des variables flottantes opérant tantôt au niveau individuel tantôt au niveau collectif, sans jamais être matérialisées dans les modèles explicatifs prévalant au sein de la discipline. En l'absence d'une théorisation plus poussée des dimensions affectuelles du terrorisme, il nous apparaît difficile d'enrichir notre compréhension processuelle et phénoménologique de la violence politique clandestine. Il est néanmoins important de préciser qu'une approche émotionnelle du terrorisme ne constitue en rien un paradigme théorique inédit, encore moins une perspective concurrente visant à se substituer aux modèles explicatifs existants. Au contraire, elle s'insère dans une démarche de complexification des modèles théoriques permettant d'intégrer les émotions comme des variables complémentaires dans l'analyse des « carrières terroristes ». Plusieurs pistes d'enrichissement seront par conséquent évoquées dans les sections suivantes.
Vers une catégorisation des dimensions émotionnelles du terrorisme
À notre sens, il convient tout d'abord de distinguer le fait que les émotions ne procèdent pas toutes d'une même temporalité et ne jouent, par conséquent, pas nécessairement le même rôle vis-à-vis du phénomène terroriste. En s'inspirant de la littérature sur les mouvements sociaux, une première étape consiste à proposer une catégorisation temporelle des émotions (Aminzade & McAdam, 2002; Jasper, 1998). La première catégorie renvoie aux affects individuels, des logiques émotionnelles durables, méta-conscientes et profondes qui structurent le cadre général de la rationalité et de l'intentionnalité individuelle. Ces affects agissent comme autant d'éléments déterminant durablement les cadres interprétatifs des individus, ce que Traïni (2010: 338) entrevoie comme la formation d'un « tempérament » soit « un ensemble de sensibilités, ou si l'on préfère de prédispositions à privilégier certaines manières de sentir et de réagir ». Pour Traïni, ces sensibilités se distinguent des émotions dans la mesure où elles s'avèrent durables et le produit d'expériences répétitives de la part des individus, conduisant ceux-ci à incorporer un type singulier d'affects. La seconde catégorie est celle des émotions dites réactives renvoyant à des logiques émotionnelles temporaires dans le cadre de situations expérimentées par les individus. Ces émotions dites réactives peuvent avoir une influence dans les prises de décision et la rationalité individuelle. À titre d'exemple, l'excitation émotionnelle est bien connue pour entraver, ou plus simplement altérer, la prise de décision augmentant notamment la prise de risque, une piste qui pourrait ici s'avérer pertinente dans la compréhension d'un basculement soudain dans l'action radicale (Bouffard, 2002). Ces deux catégories d'émotions renvoient chacune à une autre forme de distinction parallèlement opérée par Taylor et Horgan (2006: 592) dans la compréhension du terrorisme, entre d'un côté l'engagement dans une intentionnalité de l'action terroriste et de l'autre, la réalisation d'une action terroriste concrète. En définitive, il s'agit de proposer une distinction analytique entre une intentionnalité sous-jacente à l'engagement dans la violence politique clandestine et le passage concret à l'action terroriste en tant que tel. Cette distinction est à mettre en relation avec la distinction opérée précédemment pour les types catégoriels d'émotions (Figure.1). À notre sens, cette démarcation analytique s'avère porteuse de pistes de recherche fécondes permettant de mieux désagréger les différentes dimensions émotionnelles du terrorisme.
Affects et croyances: la formation de l'intentionnalité de l'action terroriste
L'un des premiers avantages à réintégrer les émotions dans le champ des études sur la violence politique clandestine revient à pouvoir dépasser l'opposition stérile entre approches rationalistes et approches cognitivistes de l'intentionnalité de l'action terroriste. Comme le note Stephen Vertigans (2011: 21-22) : « Les approches émotionnelles et rationnelles sont intrinsèquement erronées quand elles s'avèrent examinées de manière indépendante. Pris séparément, ces deux approches partagent une incapacité à saisir la multi-dimensionnalité socialement construite du terrorisme et des processus qui le sous-tendent, échouant à comprendre pourquoi seul un nombre relativement limité de personnes d'un groupe apparemment générique deviennent terroristes ». Cette volonté d'intégrer les émotions dans l'étude de la violence politique clandestine ne doit cependant pas conduire à retomber dans une lecture de l'engagement terroriste tentée d'une forme de psychologisme. Faire des terroristes des individus mus par des émotions ne revient pas automatiquement à exclure toute forme de rationalité. Au contraire, elle doit conduire à envisager la rationalité - ou plutôt l'intentionnalité - de l'action terroriste dans une dimension plus holistique. En intégrant les affects comme faisant partie de la rationalité intrinsèque à toute action individuelle, cette perspective permet d'entrevoir sous une plus grande complexité cette « intentionnalité émergente » (Tanner, 2012; Verdeja, 2012) qui accompagne graduellement l'adoption de formes radicalisées du militantisme politique par un individu. Dans la mesure où les processus de radicalisation violente réfèrent à une transformation progressive du cadre interprétatif de la réalité au travers duquel l'individu oriente ses préférences, ses motivations et ses actions, il semble indispensable de comprendre comment les dimensions émotionnelles influencent à un niveau individuel les croyances, les interprétations et les processus de catégorisations cognitifs. Comme le note Petersen (2005: 18), les sensibilités doivent être envisagées comme des filtres cognitifs procédant d'une fonction sélective pour les individus : « Les émotions aident dans la sélection de volontés concurrentes ». Les affects procèdent d'une fonction de sélection et de sédimentation des croyances et des visions du monde (Frijda, Manstead & Bem, 2000). Cette perspective émotionnelle met en avant l'hypothèse selon laquelle les affects individuels joueraient un rôle dans la formation d'une intentionnalité de l'action terroriste au travers de processus émergents de requalification des croyances et des perspectives de sens (Wilner & Dubouloz, 2011: 419). Intégrer les sensibilités dans la compréhension des carrières militantes violentes n'équivaut pourtant pas à leur faire jouer un rôle mécanique qui reviendrait par exemple, à mettre en équation affects et engagement radical. Si cette équation capture sans doute la généralité des processus à l'oeuvre, les mécanismes de résonance cognitive et de cadrage émotionnel s'avèrent en réalité plus complexes et contrastés qu'ils n'y paraissent (Sauvayre, 2011). Il conviendrait ici d'entrevoir comment se cristallisent certaines sensibilités négatives - haine, vengeance, ressentiment, etc. - et les processus catégoriels qui les accompagnent - amis vs ennemis, justification morale vs refus absolu de la violence - dans la formation de l'intentionnalité de l'action terroriste. Un passage par la littérature des phénomènes génocidaires et des violences de masse pourrait s'avérer ici prolifique afin de prendre en considération les développements théoriques les plus récents lié s à l'analyse des sensibilités négatives, telles que la peur (Straus, 2006) ou le ressentiment (Petersen, 2005; Tanner, 2011), dans la formation d'une intentionnalité - individuelle ou collective - à l'action violente. Si le présent article ne nous permet pas de discuter en détail ces avenues de recherche, elles nous apparaissent comme extrêmement fécondes dans une compréhension processuelle et phénoménologique de l'engagement terroriste.
Emotions réactives et passage à l'action terroriste
Si les dispositions émotionnelles - ou affects - d'un individu s'avèrent structurées par son parcours personnel et ses interactions en société tout au long de la vie, ils ne sont pas nécessairement invariables et laissent la place à des dimensions émotionnelles réactives apparaissant le plus souvent comme le produit de situations critiques. Ainsi, la réflexion de Jasper (1997) autour de la notion de « choc moral » pourrait par exemple être utilisée dans le cadre des parcours de radicalisation afin de mieux conceptualiser les bifurcations biographiques critiques et le passage soudain à l'action terroriste. Isabelle Sommier (2010: 195) abonde en ce sens lorsqu'elle évoque le basculement dans l'action terroriste des groupes d'extrême gauche durant les années 1960 : « Dans le cas de l'extrême gauche des années 1968, on peut remarquer que c'est souvent un événement répressif ou violent d'une grande portée émotionnelle, au-delà du groupe latent, qui lance le processus de radicalisation qu'emprunte l'ensemble des groupes et les fait entrer dans un cycle provocation-répression-violence » Dans cette perspective, il s'agit au final d'identifier les processus de cadrage opérant entre des événements catalyseurs (Silke, 2008: 114) - que ceux-ci soient de nature publique ou privée - et les émotions soudainement expérimentées par les individus et qui agissent comme des mécanismes déclencheurs de la violence armée. À partir des discussions autour des processus de cadrage et de sensibilisation, les théoriciens des mouvements sociaux ont tenté de développer une palette de recherches autour d'émotions spécifiques - colère, indignation, honte, etc. - et de leur rôle dans les processus de mobilisation militante. Toutes les émotions ne s'avèrent en effet pas également mobilisables et il revient en définitive au chercheur d'éclairer la mise en adéquation contextuelle des émotions, des causes et des mobilisations (Sommier, 2010: 195).
Le partage des émotions : dimensions affectuelles collectives du terrorisme
Envisagées le plus souvent dans une perspective individuelle, les émotions ne s'avèrent jamais uniquement structurées au niveau des relations interpersonnelles, mais dépendent parallèlement des milieux et contextes culturels dans lesquels les individus s'insèrent. Notre vie émotionnelle et sa structuration autour de sensibilités sont le fruit d'un long processus interactionniste au contact d'autres individus, mais également au travers d' « institutions de sens » (Descombes, 1996) qui contribuent à modeler durablement nos affects. À ce titre, une des pistes de recherche futures les plus prometteuses pour le champ des études sur le terrorisme et la violence politique clandestine s'ancre autour de la compréhension de cette construction collective des affects. Il s'agit en définitive non seulement d'envisager l'impact cognitif des sensibilités au niveau infra-individuel, mais également - et de manière plus complexe - d'en percevoir les déploiements dans le monde social à un niveau plus collectif. Faire des émotions un objet seulement infra-individuel et non un objet socialement construit conduit à retomber dans une forme pauvre de psychologisme. À l'inverse, envisager la multidimensionnalité des émotions - au niveau micro, méso et macro - permet de prendre au sérieux la dimension sociale et collective des émotions. Pour Bernard Rimé (2005), les émotions participent en effet à la construction de communautés d'appartenance. Partager des émotions devient l'occasion de former une communauté d'appartenance avec ses valeurs et ses liens. Si dans un cadre quotidien, le partage social des émotions peut renvoyer à un échange émotionnel de souvenirs d'événements familiaux ou amicaux, cet échange trouve son équivalence dans les structures collectives du militantisme armé (Orsini, 2012). Finalement, le travail politique visant à susciter chez les individus des émotions réactives particulières en vue de les rallier à une cause spécifique constitue un autre champ d'investigation. Construits autour de « registres émotionnels4», les dispositifs de sensibilisation tels qu'évoqués par Traïni (2010) visent à susciter des réactions affectives et à former des sensibilités militantes, en vue d'orienter l'adhésion des individus à une vision du monde ou une cause particulière. C'est justement cette dimension d'interpellation émotionnelle qui nous semble critique d'aborder à la lumière des affects et des sensibilités des individus engagés dans des processus de radicalisation violente. On pourra ici citer l'exemple des discours et vidéos de propagande comme des dispositifs de sensibilisation produisant une interpellation émotionnelle particulière de la réalité contemporaine, et ce à travers une série d'arguments de cadrage et de paralogismes (Matsumoto, Hwang & Frank, 2012). Enquêter sur ces dispositifs pourrait permettre aux chercheurs de mieux appréhender les registres affectifs mobilisés par les organisations militantes et leur incidence sur les parcours d'engagement dans la violence politique clandestine.
Conclusion
En postulant que les émotions procèdent à la fois de ressorts personnels et collectifs, sociaux et individuels, nous invitons ici les chercheurs à adopter un regard décentré sur les phénomènes de radicalisation violente et d'engagement terroriste. En dépassant à la fois une lecture strictement individuelle des émotions qui tendrait à piéger l'analyse dans une dimension psychologisante des parcours d'engagement dans la violence politique clandestine et une lecture strictement sociologique mettant l'accent sur des variables structurelles générales aux dépens des logiques de préférences individuelles, il nous apparaît possible d'explorer des voies de recherche inédites. Qu'il s'agisse d'interroger le rôle d'émotions spécifiques dans les dynamiques de radicalisation violente et la formation des croyances qui soutiennent l'engagement prolongé dans un activisme terroriste, ou alternativement d'éclairer l'usage stratégique des émotions de la part d'entrepreneurs de causes, la réintroduction des dimensions émotionnelles dans l'investigation des phénomènes terroristes ouvre de nombreuses pistes de recherche fructueuses. Contrairement à une idée reçue, les émotions ne s'avèrent pas plus que d'autres phénomènes forcément résistantes à un effort de conceptualisation et d'investigation empirique. Il revient cependant aux chercheurs de trouver les outils adéquats pour explorer les dimensions affectuelles des phénomènes sociaux. La catégorisation de dimensions émotionnelles du terrorisme proposée ci-dessus en constitue un exemple. Si la réintégration des émotions dans l'étude des phénomènes terroristes contemporains constitue un défi majeur, elle n'est pas impossible. En prenant appui sur les travaux développés au cours des dernières décennies dans d'autres domaines des sciences sociales, il nous semble possible de dégager de nombreuses pistes de recherches permettant d'affiner notre regard sur les phénomènes terroristes et les logiques de radicalisation violente.
1 Le terme de carrière est mobilisé dans son acceptation sociologique. Le concept de carrière fût initialement introduit par Everett C. Hughes, sociologue de l'École de Chicago qui l'appliqua à de nombreux sujets de recherches aussi hétéroclites que les organisations r eligieuses, les associations philanthropiques, les partis politiques ou encore les institutions médicales. Repris par les tenants d'une approche interactionniste, il connaîtra un véritable succès dans le champ scientifique suite à l'ouvrage d'Howard S. Becker Outsiders: Studies in the Sociology of Deviance (1963). Sur l'intérêt du concept de carrière comme instrument d'objectivation sociologique des trajectoires individuelles et des parcours militants, consulter notamment : Della Porta, 1995a; Darmon, 2008; Felices-Luna, 2008; Fillieule, 2010, Tanner, 2011.
2 Nous reprenons ici la définition du terrorisme de Charles Tilly (2004 : 5): « le déploiement asymétrique de menaces et de la violence contre des ennemis, en utilisant des moyens qui ne relèvent pas des formes r outinisées de lutte politique existantes dans un régime ». Si d'autres auteurs utilisent les termes de violence politique clandestine (Della Porta, 2013) ou de violence révolutionnaire (Sommier, 2008), nous préférons l'utilisation du terme de terrorisme qui recouvre ces formes de violence politique extraordinaires perpétrées à fins politiques par des individus ou groupements d'individus clandestins.
3 Nous définissons la notion de radicalisation violente comme : « un processus individuel mais plus traditionnellement collectif de socialisation idéologique de jeunes individus (parfois récemment convertis) vers l'usage de tactiques violentes de conflictualité, parfois auto-destructrices, ayant pour objectif de nuire à des opposants politiques (comme dans le cas des attentats-suicides) » (Schmid, 2011: 217). À ce titre, la notion de radicalisation violente est avant tout envisagée comme un processus de socialisation - tant des appétences que des compétences individuelles - tourné vers l'action violente. Si l'objet du présent article n'est pas de discuter la pertinence théorique du concept de radicalisation violente, il convient néanmoins d'en souligner plusieurs problématiques conceptuelles et empiriques. Sur ce point, consulter plus spécifiq uement Sedgwick (2010).
4 Le terme de « registre émotionnel » est ici entendu comme un faisceau d'éléments linguistiques et symboliques orienté à l'expression d'une émotion particulière. Il revient dès lors au chercheur d'identifier les différents registres émotionnels auxquels font appel des dispositifs de sensibilisation spécifiques, tels que le répertoire émotionnel de l'attendrissement, celui de l'indignation, de la honte, de la tristesse ou encore celui de la colère.
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Benjamin Ducol
Université Laval, Département de science politique
À propos de l'auteur : Benjamin Ducol est un étudiant au doctorat à l'Université Laval. Il peut être contacté au [email protected]
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Copyright Canadian Graduate Journal of Sociology & Criminology Fall 2013
Abstract
Contemporary research on terrorism(s) and political violence(s) have largely put the emphasis on the figure of the "terrorist" as rational and strategic player, in a break with psychoanalytical approaches to terrorism that were dominant from the 1960-1970's. Given the limitations of rationalist approaches to radical commitment, and considering how reductionist is the understanding of individual participation to terrorism related activities through a rational calculation framework in terms of costs and incentives to action, it is important to reintegrate in the theoretical reflections on terrorist phenomena how emotions can play a role in leading potential terrorists down a violent path. This paper presents a critical assessment of current academic work surrounding the issue of violent radicalization and involvement in terrorism, and engages in a theoretical debate that highlights potential future research that could better integrate a prominent role for emotions in our understanding the process of terrorist radicalization and clandestine political violence. [PUBLICATION ABSTRACT]
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