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Günther ANDERS, L'obsolescence de l'homme. Sur l'âme à l'époque de la deuxième révolution industrielle (1956), Paris, Éditions de l'encyclopédie des nuisances et Éditions Ivrea, 2002, première édition Beck Verlage, Munich, 1956.
Ce livre est d'après son auteur un hybride de métaphysique et de journalisme utilisant la méthode de l'exagération pour souligner à quel point l'homme d'aujourd'hui ne peut plus se mesurer avec ses produits, plus parfaits que lui, ni endosser la responsabilité de ce qu'ils sont capables de faire, détruire la planète, ni penser autre chose que ce qui lui est ordonné par le monde des fantômes médiatiques. Anders appelle décalage prométhéen l'écart chaque jour grandissant qui sépare l'homme de ses produits, par leur performance, par leur puissance, et le transforme en un ensemble de fragments qui marchent à des rythmes différents, et lui ont fait perdre l'harmonie qui caractérisait l'honnête homme du XVIIIe siècle.
L'homme comme corps et comme esprit n'est pas adaptable, il est limité, il est désynchronisé par rapport au monde qu'il a cré. Et il a honte d'être aussi minable par rapport à la qualité de ces produits. L'homme a honte d'être issu de son passé, de ne pas être parfait, de ne pas être une machine, et cherche à le dissimuler en fabriquant toujours de nouvelles machines pour produire des résultats toujours plus perfectionnés et se faire honte plus encore. Cette focalisation sur la honte viendrait du livre de Martin Heidegger, Être et temps, « tentative faite par un moi qui a honte d'être un ça pour devenir lui-même ».
Mais on en serait à une nouvelle étape où il s'agirait de la honte de ne pas être normal, de ne pas atteindre la perfection désignée par les instruments produits par la société.
L'homme se force donc, dans des sessions diverses, de human engineering, à repousser ses limites, mais il n'arrive jamais à atteindre la perfection des instruments qui mesurent ses performances et qui l'évaluent.
Cette nouvelle subjectivité ne relève pas de l'hybridation mais de la résignation, non pas d'une combinaison de l'homme et de la machine, mais d'une mise de l'homme à la mesure de la machine, d'une auto-humiliation. Cette situation est permise par la nouvelle donne de la production fondée sur la reproduction, sur la copie, où rien...