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C'est un an après la parution de Manifeste Mystique1 de Dali qu'est publié le manifeste théorique de Michel Tapié de Céleyran, Un Art Autre où il s'agit de nouveaux dévidages du Réel2, soit en 1952. Michel Tapié, alors critique d'art, est aussi conseiller artistique du Studio Facchetti. Il s'agit d'une jeune galerie parisienne créée depuis 1951 rue de Lille (dirigée par le photographe Paul Facchetti) où Michel Tapié expose les artistes qu'il défend et qu'il baptise « informels », appellation dont il est lui-même l'inventeur et qu'il utilise pour la première fois dans son article « Véhémences Confrontées » paru au catalogue de l'exposition du même nom présentée à la galerie Nina Dausset au mois de mars 1951.
Alors que Michel Tapié fut éduqué une année' chez les Jésuites réfugiés en terres espagnoles4 - mystiques s'il en est -, et plus tard, initié aux préceptes de Sainte Thérèse d'Avila en tant que membre du Tiers Ordre des Carmes à partir de 1943, nous devons comprendre l'emploi du mot « Réel » situé à la fin du titre de l'ouvrage Un Art Autre, par le prisme de la rhétorique des initiés à l'oraison. Le « Réel » a alors trois sens : d'abord il est monde de l'esprit où l'on accède selon Lacan au moment de la mort et pour les mystiques, par l'expérience extatique, le second, celui que lui donnent les mathématiques modernes : « nombres réels » auxquels Tapié ne manque pas de se référer et enfin le monde, selon La Cinquième Leçon de psychanalyse de Freud, dans lequel, seul « l'homme énergique » arrive à transmuer ses fantaisies du désir. Ce monde est alors plus spécialement ouvert à l'artiste qui possède, selon Freud, le don artistique, « psychologiquement si mystérieux » qui transforme ses rêves en création esthétique. Ce sont le premier sens, mystique et le dernier sens freudien qui nous intéressent particulièrement dans cet article et qui mettent la lumière sur toute l'importance donnée au corps, aux gestes, à l'action que Michel Tapié relève toujours implicitement, tel un visionnaire aveugle, chez Georges Mathieu.
Au-delà de sa position héritée de la tradition de l'histoire de l'art intuitionniste et idéaliste liée à la philosophie allemande5, Michel Tapié renoue donc avec les fondements spirituels...