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La souffrance, le vieillissement et le mourir sont des expériences qui impliquent souvent la nécessité de faire appel à la sollicitude de l'autre, qui nous rappellent l'importance de la bienveillance d'autrui et qui viennent chercher en nous ce qu'il y a de profondément humain : la compassion, le souci du bien-être de l'autre. Or, nous sommes dans un contexte social où le mourir, la souffrance et le vieillissement sont souvent mal accueillis, tantôt déniés, tantôt passés sous silence ou, en ce qui concerne le mourir, parfois source d'une fascination tout aussi mortifère (Bourgeois-Guérin 2013; Charpentier et autres 2010; Baars et autres 2013; Des Aulniers 2009; Membrado 2013). Cela s'explique peut-être en partie par le fait que nous sommes dans un contexte où l'accueil de ce que l'on ne comprend pas ou mal, de la souffrance et de l'incertitude, de ce qui se révèle complexe et nuancé est très éloigné des idéaux véhiculés aujourd'hui. Et cette difficulté semble s'ancrer profondément dans une histoire où l'on a graduellement instauré un système de valorisation qui fait la promotion d'une tout autre relation au monde et à l'autre. Or, tout comme le souligne Lagrave, nous croyons que le fait de « prendre le contrepied des visions normatives dominantes de la vieillesse » peut contribuer à la « réenchanter » (Lagrave 2009 : 113). L'éthique féministe propose une autre vision des choses et pose un regard critique sur ces normes dominantes du vieillir. Elle suggère un autre rapport à soi, aux autres et au monde. Nous croyons que la réflexion qu'elle offre est particulièrement riche et pertinente.
La relation entre les genres et la morale admise dans l'univers social sont deux réalités interreliées qui se présentent de façon concomitante, à travers l'histoire. C'est que la morale s'est toujours intéressée au contrôle de la sexualité. Par rapport à la morale socialement véhiculée et admise, l'éthique intervient lorsque la réflexion se mobilise dans l'examen critique et rationnel de la morale. D'une certaine manière, l'éthique est un domaine de connaissances, tandis que la morale est un domaine d'activités. Bien entendu, les idées sont asexuées, tout comme le sont les qualités morales, qui ne dépendent d'aucune façon du genre. Cependant, une perspective féminine de la morale est-elle alors possible? Si oui, qu'en est-il? Si...