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L'année 2015 marque le centenaire du début de l'occupation américaine d'Haïti, événement qui dura de 1915 à 1934. Plusieurs activités académiques ont déjà eu lieu ou sont prévues pour nous permettre de nous souvenir de l'occupation et de ses conséquences, mais aussi pour nous aider à aller de l'avant. Depuis 2004, Haïti se trouve une fois de plus occupée. Comment comprendre l'intervention actuelle par rapport à celle du début du XXe siècle ? Par exemple : Comment les écrivains contemporains représentent-ils les soldats de la MINUSTAH dans leurs textes littéraires ? Sont-ils aussi impliqués dans la lutte pour le départ des occupants que leurs confrères l'étaient lors de la première occupation ? Quelle forme prend la résistance face à la MINUSTAH ? L'idée serait donc d'analyser l'occupation américaine d'Haïti pour comprendre comment elle a affecté l'évolution des deux nations en présence et de leurs peuples, pour apprécier la représentation qu'on en fait et pour en tirer des leçons si possible. Un tel exercice peut s'opérer de différentes façons. On peut considérer l'historiographie de cette occupation dans les deux principaux pays concernés, revoir ce qui est dit au niveau des manuels scolaires, par exemple. On peut aussi ériger des monuments, sacraliser des lieux de mémoire. On peut également choisir de revisiter les travaux des grandes figures de l'occupation : ceux qui l'ont implémenté ou y ont collaboré comme ceux qui ont résisté. C'est dans cet esprit que j'entreprends une relecture de Georges Sylvain dans les quelques pages qui suivent. Si Charlemagne Péralte est le nom le plus facilement identifié à la lutte armée contre l'occupation américaine d'Haïti, Georges Sylvain est la figure qui représente la résistance intellectuelle.
Cependant, Sylvain demeure une figure marginale pour la majorité des chercheurs et ses écrits sont peu exploités. Ceci s'explique par le fait que Sylvain est connu pour différents éléments de sa production qui ne sont presque jamais considérés comme faisant partie d'un ensemble. Ainsi, il devient difficile de camper le personnage dans toute sa complexité. Certains voient en Sylvain un pionnier de la littérature de langue créole à cause de la traduction et adaptation qu'il a faite des fables de La Fontaine en créole haïtien. D'autres le voient plutôt comme défenseur farouche de la langue et culture françaises...