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Pour un.e auteur.trice autochtone, le choix de la langue decriture nest pas anodin. Ce choix est « toujours socialement marqué et politiquement tendu » (Bidwell 136), car - est-il nécessaire de se le rappeler - au Canada, la grande majorite des descendants des Premieres Nations ne parlent pas leur langue ancestrale (Bidwell 169). Les politiques assimilationnistes, notamment la Loi sur les Indiens et la creation des pensionnats qui en découle, sont largement responsables de la faible maitrise des langues autochtones et de la disparition complete de certaines autres. Ainsi, écrire dans la langue du colonisateur est toujours un choix conscient, pesé et mesuré. Maria Campbell (Metis) explique qu'il lui a fallu apprendre a trouver son rythme, son style; qu'il lui a fallu apprendre a manipuler l'anglais en le mettant a sa main (Bidwell 10). Ce processus lui fut nécessaire, afin de raconter son histoire - celle de son peuple - dans la langue anglaise du colon, cette langue qui nétait pas la sienne, le michif. Seulement la, elle sest sentie libérée et capable d'utiliser - tel un outil de transmission, voire déducation - l'anglais. Des lors, en se réappropriant les langues jusqu'alors oppressantes, les écrivain.e.s autochtones ont été en mesure de commencer a se réapproprier la narration de leurs histoires en jouant avec les codes des langues colonisatrices, et en renversant ainsi le scheme de qui comprend ou ne comprend pas. De qui rit ou ne rit pas. De maniere similaire, dans son recueil de nouvelles Chroniques de Kitchike, Louis-Karl Picard-Sioui (membre du clan du Loup de la nation athinye'nonnyahak du peuple Wendat) se réapproprie la langue colonisatrice française en en faisait un usage humoristique. Cest d'ailleurs a ce « survival humour », pour reprendre lexpression de lecrivaine Chippewa Louise Erdrich (citée dans Bidwell 3), propre aux auteur.trice.s autochtones, qui s'incarne notamment dans le jeu sur la sémantique française chez PicardSioui, que je consacrerai mon attention dans la premiere partie de cet article. Ce faisant, je tâcherai d'illustrer que Picard-Sioui peint - dans une langue humoristique étudiée comme le « code-switching » (Bidwell 134-169) dans la theorie critique anglophone - les travestissements identitaires des communautés autochtones au Quebec en sen réappropriant la narration. Picard-Sioui l'illustre, entre autres, en jouant sur les vocables designant les habitants...